A Mesdames et Messieurs
Les directeurs régionaux de l’industrie, de la recherche et de l’environnement
En 2005, le trioxyde de chrome a été reclassé de toxique à très toxique par la 29ème ATP (Adaptation aux Progrès Techniques) annexée à la directive 67/548CE. Dès que sa concentration dans l’eau dépasse 7%, la préparation est considérée comme très toxique. Le reclassement de cette substance peut entraîner de très fortes conséquences pour le secteur du traitement de surfaces où des bains contenant du trioxyde de chrome sont fréquemment utilisés. La principale d’entre elles est la possibilité, en fonction de la composition des bains susceptibles d’être présents dans l’installation, d’une soumission aux dispositions de l’arrêté du 10 mai 2000 modifié (relatif à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d'installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation) au-delà d’une quantité de 5 tonnes de substances ou produits très toxiques (bains ou stocks) susceptible d’être présente dans l’installation.
Rappels réglementaires
Il convient de rappeler les points suivants :
- conformément à l’article 15 de l’arrêté ministériel du 9 novembre 2004 définissant les critères de la classification, l’emballage et l’étiquetage des préparations dangereuses, le classement d’une préparation doit être réalisé soit par la méthode conventionnelle soit par la méthode des tests toxicologiques. En aucun cas une combinaison de ces deux méthodes n’est possible ;
- cependant afin de limiter le nombre de tests sur les animaux, dans le cas de préparations composées strictement des même constituants, une certaine plage de variation de concentration par composant peut être tolérée sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle caractérisation expérimentale lorsqu’un bain de composition proche a déjà fait l’objet d’une telle caractérisation.
Tests sur les bains contenant du trioxyde de chrome menés par la profession
La profession, représentée par l’union des industries de traitements de surfaces (UITS), a fait réaliser par l’INERIS des études de toxicité afin de caractériser la toxicité par inhalation de certaines préparations utilisées. Les tests toxicologiques réalisés selon la méthode d’essai de la directive OCDE n°403 « toxicité aiguë par inhalation » concluent à l’absence d’effet néfaste des vapeurs générées à partir des bains d’anhydride chromique, fournis par la profession, sur les rats mâles et femelles exposés par inhalation oro-nasale. La concentration maximale obtenue de chrome dans les vapeurs parmi tous les bains testés est de 481 μg / m3. Les résultats de ces tests, fournis en annexe, peuvent être utilisés par les exploitants pour éviter de tester leurs propres bains si les bains qu’ils utilisent sont de composition et de condition d’utilisation, en particulier de température, identiques avec une marge de tolérance de plus ou moins 5%. Cette tolérance est applicable sur la concentration des composants et sur la température des bains.
En conséquence, si un exploitant ne peut démontrer par la méthode conventionnelle que ses bains ne sont pas très toxiques, il doit pouvoir présenter à l’inspection des résultats de tests toxicologiques, soit réalisés sur ses propres bains s’ils sont spécifiques, soit en s’appuyant sur les conclusions des rapports d’études de l’INERIS si la composition de ses bains est la même que celle des bains testés, à la tolérance de 5 % évoquée ci-dessus près.
La non-linéarité des concentrations de chrome dans les vapeurs en fonction des concentrations en trioxyde chrome et acide sulfurique ne permet pas d’extrapoler les résultats obtenus pour différentes concentrations dans les bains. Tous les bains s’écartant en concentration de plus des 5 % cités ci-dessus devront donc faire l’objet d’une nouvelle caractérisation expérimentale si l’utilisation de la méthode conventionnelle ne paraît pas appropriée à l’exploitant. La mesure de la concentration en chrome dans les vapeurs de ses bains peut suffire si le résultat est inférieur aux 481 μg / m3 correspondant à la concentration maximale ayant fait l’objet des tests toxicologiques. En conséquence, il est admis que la mesure par un exploitant d’une concentration en chrome dans les vapeurs des bains qu’il utilise inférieure à 481 μg / m3 peut être acceptée pour démontrer que ces bains ne sont pas à classer « très toxiques » par inhalation sans qu’il n’ait besoin de recourir à l’expérimentation animale.
Conclusions sur les préparations mises en œuvre dans les traitements de surface :
- en ce qui concerne les bains contenant du trioxyde de chrome pur dans l’eau, la classification de l’ECB (European Chemicals Bureau) s’imposant aux États Membres, un classement en très toxique (T+) est obligatoire dès que la concentration dépasse les 7%,
- pour les préparations contenant du trioxyde de chrome et de l’acide sulfurique dans l’eau, si les bains s’écartent de moins de 5% des bains cités en annexe, les exploitants pourront demander un déclassement de leurs bains pour les propriétés de toxicité par inhalation. Dans le cas contraire, ils devront appliquer la méthode conventionnelle (et donc conserver un classement très toxique (T+) dès que la concentration de trioxyde de chrome dépasse 7%), ou procéder à une caractérisation expérimentale de leur bain, à leur frais. Dans l’attente de résultats de cette caractérisation, vous devrez retenir un classement en très toxique de la préparation.
Les tests ne concernant que la phrase de risque R26, très toxique par inhalation, les règles de dilution habituelles s’appliquent pour les autres toxicités.
Je vous informe qu’une démarche similaire est engagée par la profession pour le classement des bains cyanurés.
Je vous saurais gré de me faire connaître les éventuelles difficultés que vous pourriez rencontrer dans l'application des présentes dispositions.
Le directeur de la prévention des pollutions et des risques,
Délégué aux risques majeurs
Laurent MICHEL
Annexe I
Étude n°1 :Tests de toxicité sur des bains contenant du trioxyde de chrome
Composition
|
CrO3 (g/l)
|
62
|
222
|
396
|
450
|
515
|
565
|
650
|
H2SO4 (g/l)
|
0,08
|
2,6
|
0,09
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Température
|
45 °C
|
45 °C
|
45 °C
|
30 °C
|
30 °C
|
30 °C
|
30 °C
|
Concentration en chrome dans les vapeurs
(μg / m3 )
|
100
|
181
|
216
|
392
|
429
|
481
|
54
|
Les essais sur animaux n’ont montré aucune mortalité. La CL 50 est donc supérieure à 481 μg / m3 de chrome dans les vapeurs.
Étude n° 2 : Mesure de concentrations en chrome et sulfate dans les vapeurs en fonction de la composition des bains et de la température
|
|
Température = 40 °C
|
Température = 50 °C
|
Température = 65°C
|
Composition
des bains (g/l)
|
concentration
dans les vapeurs
(μg / m3 )
|
concentration
dans les vapeurs
(μg / m3 )
|
concentration
dans les vapeurs
(μg / m3 )
|
CrO3
|
H2SO4
|
en chrome
|
en sulfate
|
en chrome
|
en sulfate
|
en chrome
|
en sulfate
|
100
|
0
|
25,5
|
0
|
24,1
|
0
|
45,2
|
0
|
200
|
0
|
29
|
0
|
37,3
|
0
|
107,3
|
0
|
300
|
0
|
33,5
|
0
|
96,8
|
0
|
94,4
|
0
|
400
|
0
|
102,4
|
0
|
167,2
|
0
|
99,7
|
0
|
100
|
3,5
|
103,3
|
0,88
|
123,6
|
0,75
|
112,8
|
0,56
|
200
|
3,5
|
133,5
|
0,74
|
155,1
|
0,7
|
241,8
|
0,57
|
300
|
3,5
|
237,1
|
0,71
|
185,2
|
0,55
|
254,9
|
1,57
|
400
|
3,5
|
173,6
|
0,58
|
196,8
|
0,68
|
171,5
|
0,56
|
100
|
100
|
100,1
|
2,82
|
159,7
|
3,71
|
56,9
|
3,42
|
200
|
200
|
85,1
|
4,07
|
156,7
|
4,78
|
170,2
|
4,75
|
300
|
300
|
139,6
|
5,29
|
222
|
6,36
|
198,3
|
12,84
|
400
|
400
|
227,4
|
8,27
|
210,4
|
41,36
|
résultat invalidé
|
résultat invalidé
|
0
|
100
|
0
|
2,89
|
0
|
4,34
|
0
|
3,37
|
0
|
300
|
0
|
6,31
|
0
|
8,5
|
0
|
5,99
|