(JO du 10 novembre 1998)


Le Premier ministre

à

Mesdames et Messieurs les ministres

Les normes communautaires interviennent dans des domaines plus divers que par le passé. Leur intégration dans le droit interne réclame, plus souvent qu'autrefois, la collaboration de plusieurs départements ministériels. Enfin, les développements qu'a récemment connus la construction européenne, et, en particulier, l'effort entrepris pour construire le cadre nécessaire à la mise en place du Marché unique, se sont traduits par l'édiction d'un nombre important de directives.

Le travail de transposition présente, de ce fait, une difficulté accrue. Il importe, cependant, de le mener à bien dans les délais requis. Il y va, tant du respect de nos engagements communautaires, auquel il convient de veiller d'autant plus qu'au second semestre de l'an 2000 la France prendra la présidence de l'Union européenne, que d'un impératif de sécurité juridique. Des contentieux récents ont en effet montré qu'un défaut de transposition peut être cause d'une grave incertitude sur la norme applicable et compromettre la validité des décisions prises par l'Etat voire, dans certains cas, par les collectivités locales.

Ainsi apparaît-il nécessaire de définir une méthode de travail commune à tous les ministères, qui permette d'assurer une coordination et un suivi efficaces du travail de transcription des directives en droit interne.

Tel est l'objet de la présente circulaire, qui se substitue à celle du 25 janvier 1990.

1. Négociation des directives

Chaque ministère assume, dans son domaine propre, la responsabilité de la transposition du droit communautaire en droit interne. Cette responsabilité doit s'exercer en amont de l'adoption des directives par le Conseil. Il est essentiel, en effet, de prendre en considération, dès le stade de l'élaboration et de la négociation des projets de directive, les effets sur le droit interne des dispositions envisagées et les contraintes ou difficultés qui pourront en résulter.

1.1. Règles générales

Je rappelle, en premier lieu, que l'activité normative de la Communauté doit être gouvernée par les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il convient donc d'examiner chaque proposition de directive à la lumière de ces principes, qui conduisent à écarter du champ des directives les questions qui peuvent être réglées au niveau national par chaque Etat membre.

Il est souhaitable, en deuxième lieu, que les fonctionnaires chargés de suivre la préparation d'un projet de directive soient ceux à qui il reviendra d'assurer la transposition en droit interne de la directive adoptée. Si l'organisation de votre administration conduit à une séparation de ces tâches, je vous recommande de réfléchir à une réforme sur ce point ou, à tout le moins, de veiller à une étroite collaboration entre le service chargé de négocier et le service qui a pour mission d'élaborer et d'appliquer la réglementation interne dans le domaine intéressé.

Enfin, il va de soi que la qualité de la rédaction du droit communautaire doit faire l'objet d'une très grande attention. Il est nécessaire en particulier de s'assurer, dès le début de la négociation, que les formulations ou définitions envisagées ne risquent pas de soulever des difficultés d'interprétation ou de créer des incohérences au regard des dispositions existantes en droit interne.

1.2. Etude d'impact juridique

Le secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) demandera à chacun des ministères intéressés de fournir, dans le délai d'un mois à partir de la communication de la proposition de directive, la liste des textes de droit interne dont l'élaboration ou la notification seront nécessaires en cas d'adoption de la directive. Cette étude impact juridique comprendra également un avis sur le principe du texte, un tableau comparatif des dispositions communautaires et nationales ainsi que, si les informations nécessaires sont disponibles, une note de droit comparé. Elle s'efforcera également d'identifier les difficultés que pourrait soulever la transposition en droit interne des dispositions de cette proposition de directive. S'il apparaît, en l'état du projet, que l'insertion dans le droit interne du texte communautaire est susceptible de soulever des problèmes juridiques délicats, le Conseil d'Etat pourra être utilement saisi, dès ce stade, d'une demande d'avis.

L'étude d'impact devra être adaptée au vu des évolutions qu'est susceptible de connaître la proposition de directive. Elle permettra d'éclairer la négociation elle-même et facilitera, ultérieurement, la transposition en droit interne.

2. Transposition des directives

2.1. Principes

Il convient d'assurer la mise en oeuvre d'un ensemble de principes, nécessaires pour garantir la qualité de l'adaptation du droit interne, dans le respect des délais imposés.

La transposition, préparée, ainsi qu'il a été dit, dès le stade de la négociation, doit être entreprise aussitôt que la directive a été adoptée. Un effort de programmation est, à cet égard, indispensable, tant pour permettre au ministère qui a principalement la charge de la transposition d'organiser efficacement son travail que pour assurer la bonne insertion des résultats de ce travail dans les procédures interministérielles. Il convient, enfin, d'être à même d'identifier en temps utile et de lever rapidement les difficultés de nature juridique et administrative traditionnellement rencontrées dans cet exercice. Elles sont principalement dues à des interrogations sur le choix du niveau de texte adéquat dans la hiérarchie des normes internes ainsi qu'à des hésitations ou des désaccords sur le rôle qui incombe à chaque ministère.

Je vous rappelle, à cet égard, la nécessité de prendre en compte la position adoptée par le Conseil d'Etat, lorsque la directive est au nombre de celles dont il a été saisi dans le cadre de la procédure instituée par la circulaire du 21 avril 1993 relative à l'application de l'article 88-4 de la Constitution.

Les règles qui suivent, au respect desquelles je vous demande de veiller strictement, ont été conçues pour répondre à cet ensemble de préoccupations. Leur mise en oeuvre sera plus facile et leur efficacité accrue si l'organisation de votre administration centrale permet d'identifier une structure spécialement chargée de veiller à la coordination des travaux de transposition pour l'ensemble des matières concernant le ministère. Ce rôle peut, le cas échéant, être confié à la direction en charge des affaires juridiques ou des questions internationales. Il doit vous permettre d'avoir une vue d'ensemble de ces travaux, sans pour autant priver les directions et services matériellement compétents de la responsabilité qui leur incombe dans l'adaptation du droit correspondant à leur secteur d'attributions.

2.2. Echéancier de transposition

Dès que la directive aura été notifiée à la France, son texte sera transmis au ministère désigné en qualité de chef de file, aux autres ministères intéressés et au secrétariat général du Gouvernement (SGG). Dans le délai de trois mois, au plus tard, suivant cette transmission, qui incombera au SGCI, chacun des ministères participant à la transposition adressera à ce même secrétariat général un échéancier d'adoption des textes, d'un avant-projet de rédaction et d'un tableau de concordance permettant d'identifier clairement les dispositions transposées. Une synthèse de ces éléments sera régulièrement effectuée par le SGCI et communiquée au SGG.

On s'attachera à déterminer avec réalisme les délais requis pour l'élaboration des textes. Toutes mesures devront, en particulier, être prises afin de concilier les procédures de consultation applicables à certains textes, par exemple la consultation d'instances représentant les professions, avec le respect des délais de transposition.

C'est à ce stade qu'il convient également d'identifier les difficultés liées à l'interprétation du texte communautaire. En cas de difficulté sérieuse, on en saisira sans attendre le SGCI et, le cas échéant, la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères.

2.3. Réunion de transposition

Après réception des documents susmentionnés et, en tout état de cause, à l'issue du délai de trois mois prévu pour leur transmission, le SGCI réunira le ministère chef de file et les ministères intéressés afin d'arrêter l'échéancier, avant transmission à la Commission, et d'examiner les modalités de sa mise en oeuvre.

Cette réunion permettra, d'autre part, d'identifier les difficultés de nature juridique que pourrait soulever l'insertion dans le droit interne des nouvelles dispositions. Le SGCI saisira, le cas échéant le secrétariat général du Gouvernement de ces difficultés. Il l'informera également de l'existence d'éventuels désaccords entre les ministères, afin que ceux-ci puissent, en tant que de besoin, être rapidement soumis à mon arbitrage.

Enfin, dans le cas particulier où la directive comporte des dispositions prévoyant que certaines des questions relevant de son champ d'application feront l'objet d'un nouvel examen à une échéance prédéterminée (clause dite de rendez-vous ), le SGCI veillera à ce que toutes mesures soient prises pour que le délai ainsi accordé soit employé à préparer la position de la France dans les discussions à venir.

2.4. Suivi de la transposition

Il incombera au SGCI de renseigner au fur et à mesure, en lien avec les ministères intéressés, le tableau de transposition de chaque directive. Une synthèse de ces tableaux par ministère sera transmise semestriellement au secrétariat général du Gouvernement. Celui-ci la portera à la connaissance des membres de mon cabinet pour les matières relevant de leur secteur ainsi que du directeur du cabinet des ministres et secrétaires d'Etat concernés.

En outre, le SGCI provoquera, trois mois avant l'expiration du délai de transposition, une réunion avec les ministères intéressés, si des mesures restent à prendre. Les désaccords qui n'auraient pu être levés antérieurement et qui subsisteraient au terme de cette réunion seront soumis sans délai à mon arbitrage.

3. Prévention du contentieux communautaire

Vous vous attacherez à prendre toutes dispositions susceptibles de prévenir le développement du contentieux.

Vous veillerez, en particulier, à ce que les mises en demeure ou avis motivés émanant de la Commission reçoivent une réponse dans le délai requis.

La pratique des réunions dites dans le langage communautaire réunions paquets, qui permettent de procéder à un examen périodique, avec la Commission, de l'ensemble des affaires susceptibles de prendre un caractère contentieux, mérite d'être développée. Vous prendrez toutes dispositions pour que votre département ministériel soit efficacement représenté à ces réunions.

 

 

 

 

 

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