(JO du 10 avril 1994)


Texte complétée par :

Circulaire n° 94-69 du 16 août 1994 (BO min. Equip. n° 94/26)

Le 13 juillet 1993, à l'occasion de la communication sur l'eau du ministre de l'environnement élaborée en concertation avec le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, le Gouvernement a arrêté une politique en matière de gestion des zones inondables.

Cette politique répond aux objectifs suivants :

  • interdire les implantations humaines dans les zones les plus dangereuses où, quels que soient les aménagements, la sécurité des personnes ne peut être garantie intégralement et les limiter dans les autres zones inondables ;
  • préserver les capacités d'écoulement et d'expansion des crues pour ne pas aggraver les risques pour les zones situées en amont et en aval ;
  • sauvegarder l'équilibre des milieux dépendant des petites crues et la qualité des paysages souvent remarquables du fait de la proximité de l'eau et du caractère encore naturel des vallées concernées.

La présente circulaire est destinée à vous préciser certains aspects de cette politique, et notamment ceux relatifs à la prévention des inondations. Elle indique les moyens de la mettre en oeuvre dans le cadre de vos prérogatives en matière de risques majeurs et d'urbanisme.

Les principes à mettre en œuvre

Le premier principe vous conduira, à l'intérieur des zones inondables soumises aux aléas les plus forts, à veiller à ce que soit interdite toute construction nouvelle et à saisir toutes les opportunités pour réduire le nombre des constructions exposées. Dans les autres zones inondables où les aléas sont moins importants, vous veillerez à ce que les dispositions nécessaires soient prises pour réduire la vulnérabilité des constructions qui pourront éventuellement être autorisées. Vous inciterez les autorités locales et les particuliers à prendre des mesures adaptées pour les habitations existantes.

Le second principe qui doit guider votre action est la volonté de contrôler strictement l'extension de l'urbanisation dans les zones d'expansion des crues, c'est-à-dire les secteurs non urbanisés ou peu urbanisés et peu aménagés où la crue peut stocker un volume d'eau important. Elles jouent en effet un rôle déterminant en réduisant momentanément le débit à l'aval, mais en allongeant la durée de l'écoulement. La crue peut ainsi dissiper son énergie au prix de risques limités pour les vies humaines et les biens. Ces zones d'expansion de crues jouent également le plus souvent un rôle important dans la structuration du paysage et l'équilibre des écosystèmes.

Il convient donc de veiller fermement à ce que les constructions qui pourront éventuellement être autorisées soient compatibles avec les impératifs de la protection des personnes, de l'écoulement des eaux, et avec les autres réglementations existantes en matière d'occupation et d'utilisation du sol (notamment celles concernant la protection des paysages et la sauvegarde des milieux naturels).

Le troisième principe est d'éviter tout endiguement ou remblaiement nouveau qui ne serait pas justifié par la protection de lieux fortement urbanisés. En effet, ces aménagements sont susceptibles d'aggraver les risques en amont et en aval.

La cartographie des zones inondables

La mise en œuvre de ces principes implique tout d'abord une bonne connaissance du risque d'inondation. La priorité de votre action sera donc d'établir une cartographie des zones inondables qui pourra prendre la forme d'un atlas.

Doivent être identifiés et délimités, d'une part, les couloirs d'écoulement des eaux où devront être prohibés toutes les activités et aménagements susceptibles d'aggraver les conditions d'écoulement et, d'autre part, les zones d'expansion des crues.

Le ministère de l'environnement conduit un programme de détermination des zones soumises à des risques naturels majeurs et en particulier au risque d'inondation. Ces actions ont permis d'élaborer des méthodologies. Si vous n'avez pas encore conduit ces études dans votre département, nous vous demandons de les engager rapidement.

Dans les zones de plaines, la méthodologie mise en œuvre pour établir l'atlas des zones inondables de la vallée de la Loire en aval de son confluent avec l'Allier pourra être utilement transportée à d'autres cours d'eau.

Elle aboutit, dans ce cas particulier, à distinguer quatre niveaux d'aléas en fonction de la gravité des inondations à craindre en prenant comme critères la hauteur de submersion et la vitesse du courant pour la plus forte crue connue et, dans le cas où celle-ci serait plus faible qu'une crue de fréquence centennale, à prendre en compte cette dernière.

Vous trouverez en annexe, à titre d'exemple, l'atlas des zones inondables du Val de Tours.

Les zones soumises à des crues torrentielles ou au ruissellement pluvial urbain constituent un cas particulier ; un programme spécifique est en cours sur vingt-quatre départements du Sud-Est, afin de réaliser un diagnostic rapide des secteurs soumis à ces deux types de phénomènes.

L'objectif est de recenser, pour des petits bassins versants de quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres carrés, toutes les informations historiques et hydrologiques utiles, afin d'établir des fiches techniques par commune, indiquant les caractéristiques hydrauliques des cours d'eau et des ouvrages, l'hydrologie du bassin concerné et l'emprise des lits majeurs, et de déterminer les zones à risque, les constructions et équipements publics sensibles, les campings... ainsi que les mesures de prévention à mettre en place.

Les premiers résultats de ce programme seront disponibles au printemps de 1994. Des instructions particulières ont été adressées aux préfets concernés. Un guide méthodologique sera prochainement envoyé aux préfets des autres départements touchés par ce type d'aléa, afin d'engager de telles études.

Par ailleurs, par circulaire en date du 13 décembre 1993, signée sous le double timbre de la direction de la prévention des pollutions et des risques et de la direction de la sécurité civile, il vous a été demandé de créer des cellules départementales d'analyse des risques et d'information préventive. En vue de garantir une entière coordination entre l'évaluation du risque Inondation, que prescrit la présente circulaire, et l'appréciation générale des risques, que vont entreprendre les cellules départementales citées, vous reprendrez, telle quelle, l'évaluation particulière du risque Inondation dans l'appréciation générale des risques.

Les champs d'inondation à préserver

Il est aussi nécessaire, pour assurer la conservation des champs d'inondation qui ne sont pas actuellement urbanisés, de procéder à un relevé de leurs limites.

Sauf si un plan d'exposition aux risques est approuvé, ou publié, ou seulement prescrit mais si son élaboration est suffisamment avancée pour pouvoir aboutir rapidement à une publication, vous ferez procéder par un service de l'État au constat sur le terrain des parties des champs d'inondation non urbanisés.

Les opérations de construction et les aménagements autorisés seront pris en compte, cependant vous examinerez s'il est possible d'infléchir les opérations et aménagements non achevés pour tenter de réduire leur vulnérabilité, dans l'intérêt même des bénéficiaires de ces opérations, et vous veillerez à ce qu'ils soient exactement informés du niveau du risque.

L'existence de constructions dispersées n'implique pas l'exclusion de la zone du champ d'inondation à préserver. Il vous appartiendra d'apprécier les situations locales pour tracer la limite du champ d'inondation où l'extension de l'urbanisation devra être interdite. Lorsque les inondations éventuelles sont caractérisées par une montée lente des eaux et un faible risque pour les personnes, les espaces libres inondables à l'intérieur des périmètres urbains devraient être prioritairement, chaque fois que cela est possible, réservés pour constituer des espaces naturels, aménagés ou non, pour la ville : parcs urbains, jardins, squares, terrains de jeux, de sports... L'utilité sociale de tels espaces en milieu urbain n'est pas contestable.

Les modalités de mise en œuvre

La cartographie des zones inondables et le constat de l'occupation des sols vous serviront de base pour établir les règles générales de la gestion de ces espaces les plus adaptées pour l'application des principes énoncés ci-dessus. Vous porterez cette cartographie et ces règles à la connaissance des collectivités locales dès qu'elles seront établies et vous donnerez une large publicité à cette information aussitôt après.

Vous veillerez également à les transmettre au préfet coordonnateur de bassin qui, en liaison avec le président du comité de bassin, les versera au volet Inondation du projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) en cours d'élaboration. Dans le même esprit, vous les porterez à la connaissance des présidents des commissions locales de l'eau, lorsqu'elles existent.

Il vous appartiendra ensuite de faire usage des outils juridiques à votre disposition pour que les règles que vous aurez déterminées soient effectivement mises en œuvre.

La circulaire n° 88-67 relative à la prise en compte des risques naturels dans le droit des sols, que nous vous avons adressée le 20 juin 1988, décrit les conditions de mise en œuvre et l'articulation de ces différents outils :

  • les plans d'exposition aux risques (PER) ;
  • les plans des surfaces submersibles (PSS) ;
  • l'application de la procédure définie à l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme ;
  • la procédure des projets d'intérêt général (PIG) qui permet d'inclure les dispositions souhaitées dans les schémas directeurs (SD), les plans d'occupation des sols (POS) ou les plans d'aménagement de zone (PAZ) élaborés sous la responsabilité des collectivités locales.

Si un PER Inondation est déjà en vigueur, vous aurez à vérifier que les documents d'urbanisme SD et POS respectent les dispositions du PER, et s'il existait des divergences importantes, à informer les autorités compétentes de la nécessité de remanier leur document d'urbanisme ; en tant que de besoin vous pourrez faire dans ce cas application des dispositions relatives au PIG.

Nous attirons votre attention sur le fait qu'en l'état actuel du droit, la différenciation de la constructibilité selon que le terrain est situé à l'intérieur d'un espace urbanisé ou à l'extérieur de celui-ci n'est possible qu'en adaptant le zonage d'un POS ; c'est pourquoi nous vous demandons de vous engager dans cette voie, même s'il existe un PSS en vigueur sur le même territoire.

Vous constituerez un projet de protection qui comportera l'atlas des zones inondables, une notice dans laquelle figureront les objectifs de la politique de l'État et les principes à mettre en œuvre qui sont exposés dans la présente circulaire ainsi que les prescriptions générales qui conditionnent leur application et la carte des champs d'inondation à préserver. Ce projet sera mis à la disposition du public et vous formaliserez par une décision cette publicité. Vous prendrez ensuite un arrêté le qualifiant de projet d'intérêt général de protection (PIG) et le porterez à la connaissance des collectivités concernées dans le cadre des procédures des SD, des POS et des PAZ. Vous vous assurerez ensuite de sa prise en compte dans ces documents d'urbanisme.

Nous vous rappelons que, hors le cas prévu à l'article L. 123-7-1, deuxième alinéa, du code de l'urbanisme, que vous serez amené à mettre en œuvre en cas de nécessité, l'État est associé à la procédure d'élaboration des POS et que les périmètres à définir pour les zones urbanisables doivent être arrêtés en concertation entre les collectivités locales responsables et les services de l'État.

Compte tenu de l'urgence qui s'attache à ces procédures concourant à la sécurité de la population et à la limitation du risque de dommages aux biens, il convient que les services de l'État engagent rapidement les études nécessaires à la définition du projet de protection pour être en mesure de présenter dans les meilleurs délais les propositions de l'État aux collectivités locales dès le début de la procédure.

En attendant la mise en œuvre de ces différents outils juridiques, vous vous appuierez dans toute la mesure du possible sur les PSS en vigueur et sur les dispositions du règlement national d'urbanisme. Vous pourrez en particulier faire application de l'article R. 111-2. Si les atlas et les règles de gestion que vous aurez arrêtées ne sont pas directement opposables aux tiers, elles peuvent vous permettre de motiver et de justifier vos décisions.

Enfin, vous ferez usage du contrôle de légalité à l'égard des documents d'urbanisme ou à l'égard d'autorisations de construire ou d'occuper le sol dont il vous apparaîtrait qu'ils ne respectent pas les principes énoncés ici, alors que vous auriez fait usage des différentes voies de droit susmentionnées, ou si vous estimez qu'il aurait dû être fait application de l'article R. 111-2.

Nous vous demandons de nous rendre régulièrement compte de l'application de la présente instruction sous les timbres de la direction générale des collectivités locales, de la direction centrale de la sécurité civile, de la direction de l'architecture et de l'urbanisme, de la direction de la prévention des pollutions et des risques et de la direction de l'eau.

Annexe : Inondations de plaine

Prescriptions générales visant à interdire l'extension de l'urbanisation dans les zones inondables et à limiter la vulnérabilité des constructions nouvelles autorisées

Les prescriptions ci-après constituent un exemple qui devra être adapté aux diverses situations locales et à l'outil juridique utilisé.

Elles supposent l'établissement préalable d'une cartographie du risque d'inondation pouvant prendre la forme d'un atlas des zones inondables et une délimitation des champs d'inondation non urbanisés à préserver.

Ces prescriptions pourraient être reprises dans un projet d'intérêt général, dans des règlements de plans d'occupation des sols, ou dans des arrêtés pris en application de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, ou des plans d'exposition aux risques d'inondation.

Aucune construction nouvelle, ni extension de l'emprise au sol des constructions existantes ne sera autorisée dans les zones où l'aléa est le plus fort, seuls seront admis les travaux et ouvrages destinés à réduire les risques.

Dans les champs d'inondation à préserver en dehors des parties actuellement urbanisées, seules pourront être autorisées, à condition de ne pas aggraver les risques ni d'en provoquer de nouveaux :

  • l'adaptation, la réfection et l'extension mesurée des constructions existantes ;
  • les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles, sous réserve qu'elles ne fassent pas l'objet d'une occupation humaine permanente dans les zones où l'aléa rendrait cette situation dangereuse.

Pour toutes les constructions et ouvrages qui seront autorisés, les constructeurs devront prendre toutes les mesures nécessaires pour que les constructions et ouvrages résistent aux forces exercées par les écoulements de la crue de référence telle qu'elle est définie dans l'atlas des zones inondables.

Les sous-sols sont interdits dans toute la zone inondable.

L'emprise au sol des constructions ne dépassera pas le quart de la surface des terrains (1).

Le premier niveau de plancher de toutes les constructions sera au minimum à 1 mètre au-dessus de la cote moyenne du terrain naturel environnant (2).

Le premier niveau habitable des immeubles à usage d'habitation collective sera placé au moins au niveau de la crue de référence.

Les constructions à usage d'habitation isolées, ou groupées, comporteront un second niveau habitable au premier étage.

Les clôtures formant obstacle à l'écoulement des eaux sont interdites (3).

 

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(1) Proportion à déterminer en fonction de chaque situation locale.
(2) De 0,70 mètres à 1 mètre à déterminer en fonction de chaque situation locale.
(3) Définition à préciser en fonction de chaque situation locale.

 

 

 

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