(BOMEDD n° 8/2006 du 30 avril 2006)


NOR : DEVO0650134C

Le ministre de l’écologie et du développement durable à Mesdames et Messieurs les préfets.

Références du ou des documents source : directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 du Parlement et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau ; loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 ; décret n° 2005-475 du 16 mai 2005.

PLAN DE DIFFUSION
Pour exécution Pour information
Destinataires Ex. Destinataires Ex.
Préfets coordonnateurs de bassin (métropole et DOM)   Préfets de région
DIREN
Offices de l’eau DOM
Ministère chargé de l’intérieur
 
Préfets de département   Ministère chargé de l’industrie
Ministère chargé de l’équipement
 
DIREN de bassin
(métropole et DOM)
  Ministère chargé de l’agriculture
Ministère chargé de la santé
Ministère de l’outre-mer
 
Directeurs des agences de l’eau   Ministère des affaires étrangères
D4E
DPPR
Direction de l’eau : DE/SDDCP, DE/SDMAGE, DE/SDDEAGF
DGAFAI/SDAJ
Conseil supérieur de la pêche
BRGM CEMAGREF
IFREMER INERIS
 

La circulaire n° 2004/10 du 22 avril 2004 précise le calendrier de mise à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) en application de directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau et transposée par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004.

Le SDAGE mis à jour arrêtera notamment les objectifs environnementaux des masses d’eau.

En application de la directive-cadre, un objectif adapté, le bon potentiel écologique, est prescrit pour 2015, sous réserve d’exemptions de report de délais ou d’objectifs moins stricts, pour des masses d’eau de surface (cours d’eau, canaux, lacs, estuaires et littoral) désignées comme masses d’eau fortement modifiées ou comme artificielles en application de l’article 11 du décret n° 2005-475 du 16 mai 2005.

La désignation de ces masses d’eau constitue donc l’une des premières étapes de cette mise à jour des SDAGE. Elle sera réexaminée lors de chaque mise à jour suivante du SDAGE.

La présente circulaire rappelle la méthode de désignation. Elle a été soumise à la mission interministérielle de l’eau lors de sa réunion du 13 décembre 2005.

Les états des lieux adoptés par les comités de bassin fin 2004 identifient la liste des masses d’eau susceptibles d’être désignées comme fortement modifiées ou comme artificielles, en application de la circulaire DCE n° 2003/04 pour ce qui concerne les eaux intérieures. L’un des critères principaux ayant conduit à l’établissement de cette liste est l’identification d’un risque de non-atteinte du bon état écologique en raison de modifications hydromorphologiques substantielles des caractéristiques de la masse d’eau.

Des modifications substantielles de l’hydromorphologie des masses d’eau, comme celles liées à la chenalisation de cours d’eau, au dragage de chenaux de navigation en estuaire, aux ouvrages de protection du trait de côte, aux lacs réservoirs, n’empêchent pas nécessairement la réalisation d’un objectif de bon état écologique. Une définition provisoire du bon état ayant depuis été précisée, ce risque de non-atteinte du bon état écologique doit être confirmé avant d’engager la procédure de désignation. Pour les masses d’eau où des incertitudes demeurent, les hypothèses ayant servi de base aux tests de désignation pourront être vérifiées début 2007 au vu de l’avancement des travaux d’inter-étalonnage et des éléments publiés par la Commission.

Cette vérification du risque de non-atteinte du bon état étant faite, il convient ensuite de respecter strictement la procédure et de motiver la désignation pour chaque masse d’eau concernée afin d’éviter des contentieux ultérieurs sur les objectifs environnementaux du SDAGE. Le public devra pouvoir accéder, à sa demande, aux documents de référence et aux études techniques réalisées dans le cadre de ces travaux.

Les objectifs assignés à une masse d’eau ne préjugent en rien des objectifs assignés aux masses d’eau contiguës. En effet, les caractéristiques décrivant le « bon état » tiennent compte de la typologie des masses d’eau, les références à partir desquelles se définissent le bon état ou le bon potentiel étant fonction de chaque type de masses d’eau.

Il est demandé de ne pas procéder au redécoupage de masses d’eau au cours de la procédure de désignation. Les masses d’eau identifiées comme susceptibles d’être désignées, et non retenues au terme du processus de désignation, pourront être regroupées avec des masses d’eau voisines, sous réserve du respect des typologies des masses d’eau.

Un guide technique disponible sur le site Internet du ministère présente la méthode de désignation et les principales données économiques nécessaires. Il a été établi sur la base des documents guides adoptés au plan européen et à l’issue de tests conduits par des agences de l’eau associant des services de l’Etat et des acteurs institutionnels concernés.

Le guide propose de retenir les évaluations disponibles des coûts environnementaux comme des indicateurs, des évaluations locales étant nécessaires si ces données n’apparaissent pas applicables aux sites considérés. Un guide pour la rédaction des cahiers des charges de ces études a été élaboré par la Direction des études économiques et de l’évaluation environnementale et est disponible sur le site Internet du ministère.

votre attention sur les points suivants :

  1. Les analyses techniques, environnementales et économiques à réaliser :
    Conformément à l’article 4.3 de la directive n° 2000/60/CE et à l’article 11 du décret n° 2005-475 du 16 mai 2005, la première étape de la désignation consiste à évaluer si les mesures pour atteindre le « bon état » ont une incidence négative significative sur les activités ou les intérêts identifiés par ces articles. Comme précisé dans le guide technique, l’impact de la réalisation du bon état écologique sur les activités à l’origine des modifications hydromorphologiques devra être évalué, même lorsque la désignation en masse d’eau fortement modifiée va de soi.
    La suite de la procédure de désignation consiste à identifier s’il existe d’autres moyens réalistes pour remédier à la perte d’activité, et si tel est le cas, à évaluer les bilans environnementaux de l’alternative puis, lorsque nécessaire, le coût de mise en œuvre de ces autres moyens au regard des avantages liés à la restauration du bon état écologique. Ces étapes sont présentées dans le guide technique (cf. diagramme p. 16 du guide).
    L’absence d’analyse environnementale des alternatives possibles et, lorsque nécessaire, d’analyse de leurs coûts de mise en œuvre pourrait être source de contentieux.
    Ce n’est qu’après désignation (ou absence de désignation), que la connaissance des coûts des travaux de réalisation du bon potentiel écologique (ou du bon état) est nécessaire pour justifier, le cas échéant, une exemption à la réalisation de l’objectif en 2015.
  2. La nécessaire implication des acteurs locaux :
    La désignation des masses d’eau fortement modifiées étant liée aux modifications hydromorphologiques de la masse d’eau réalisées pour des activités économiques ou des intérêts mentionnés à l’article 4.3 de la directive (point II de l’art. 11 du décret n° 2005-475 du 16 mai 2005), il convient de veiller à l’implication des acteurs locaux concernés.
    Je demande aux préfets coordonnateurs de bassin de se mettre en rapport avec les présidents de comités de bassin afin de préciser l’organisation des travaux en veillant à l’organisation de réunions techniques au plan local. Dans les départements d’outre-mer, l’office de l’eau sera associé aux travaux.
    Les secrétariats techniques de bassin veilleront à préparer les réunions locales avec l’appui des services départementaux de police de l’eau et des services de l’Etat concernés qui mettront à disposition les données disponibles sur les ouvrages et les actes administratifs correspondants. Les secrétariats techniques de bassin mettront à disposition des groupes de travail locaux les données disponibles ainsi que les hypothèses ayant servi de base à l’évaluation des impacts environnementaux.
  3. L’incidence sur les activités économiques liées aux ouvrages de stockage d’eau :
    La présence d’un ouvrage de stockage d’eau, notamment pour la production d’hydroélectricité, la navigation, l’alimentation en eau, l’irrigation,... n’implique pas une impossibilité systématique de réaliser un objectif de bon état pour la masse d’eau considérée dans son ensemble.
    Par ailleurs, en aval d’un barrage de production d’hydroélectricité, la pratique d’éclusées ne constitue pas, à elle seule, un motif de désignation en masse d’eau fortement modifiée. Si un report de délais ou un objectif dérogatoire apparaissent nécessaires dans de tels cas, ils seront respectivement motivés en application de l’article 15 et, en dernier ressort, de l’article 16 du décret n° 2005-475. Compte tenu de l’utilisation des mêmes données et des liens amont-aval, les études et les concertations liées à l’application respective de l’article 11 pour la retenue et des articles 15 ou 16 pour l’aval, seront alors conduites simultanément.
    Les directions régionales de l’industrie et de l’environnement concernées devront être associées par le secrétariat technique de bassin à la définition et au suivi des études spécifiques portant sur les ouvrages de production hydroélectrique de leur circonscription.
    Les données ainsi rassemblées contribueront à établir, en application de l’article 2-1 de la loi du 16 octobre 1919, la synthèse des conséquences des dispositions du SDAGE au regard des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz contribuant au renforcement de l’effet de serre et de développement de la production d’électricité d’origine renouvelable.
    L’article L. 212-1 (III) du code de l’environnement demande par ailleurs d’évaluer par zone géographique le potentiel de développement de l’hydroélectricité en application de l’article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. Réalisée par les directions régionales de l’industrie et de l’environnement concernées, l’évaluation de ce potentiel sera à présenter au comité de bassin début 2007 afin que le projet de SDAGE à soumettre à la consultation du public fin 2007 puisse la prendre en compte. Le projet de SDAGE sera ensuite transmis pour avis par le président du comité de bassin au Conseil supérieur de l’énergie et du gaz en application de l’article 7 (5e alinéa) du décret n° 2005-475 du 16 mai 2005.
  4. La prise en compte de la continuité écologique des cours d’eau :
    La continuité écologique des cours d’eau se définit par la libre circulation des espèces biologiques et par le bon déroulement du transport naturel des sédiments : ces deux éléments doivent être examinés à l’échelle de plusieurs masses d’eau le long du même cours d’eau (notion de continuum).
    A l’échelle de la rivière, il est indispensable d’assurer cette continuité écologique afin que le bon état ou le bon potentiel puissent être atteints (§ 1.2.1 et 1.2.5 de l’annexe V de la directive).
    La désignation d’une masse d’eau comme « fortement modifiée » ne dispense pas de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer cette continuité d’autant plus que, sur un cours d’eau, il peut y avoir une succession de masses d’eau de statut différent (masse d’eau « naturelle », masse d’eau « fortement modifiée »).
    En définissant les objectifs d’état des eaux, et leur échéance de réalisation, le SDAGE arrêtera par là même un objectif de restauration de la continuité écologique de la rivière permettant d’atteindre les valeurs pour les éléments de qualité biologique caractérisant le bon état.
    La réalisation d’objectifs de gestion des ressources piscicoles pourra nécessiter la restauration de grands migrateurs sur les axes hydrauliques concernés. Le SDAGE arrêtera en ce domaine les objectifs à atteindre à terme. Ces objectifs seront à réévaluer lors de chaque mise à jour ultérieure du SDAGE.
    Le premier programme de mesures identifiera ainsi les améliorations de la continuité écologique des cours d’eau pouvant être apportées d’ici à 2015, en tenant compte de la faisabilité technique, des coûts, des dommages et des bénéfices environnementaux.
  5. La définition de schémas d’aménagement et de gestion des eaux :
    Un objectif environnemental est à définir pour toutes les masses d’eau, afin de servir de référence à l’exercice de la police de l’environnement.
    Pour quelques masses d’eau soumises à la procédure de désignation comme « fortement modifiées », il est probable que, même si de premières améliorations sont possibles, des incertitudes demeureront sur l’objectif environnemental réalisable à terme.
    Dans de tels cas, et sur la base des critères énumérés à l’article 15 du décret n° 2005-475, le SDAGE pourra reporter l’échéance de réalisation de l’objectif, cet objectif étant alors obligatoirement réexaminé lors de la prochaine mise à jour du SDAGE prévue pour 2015. Le programme de mesures 2010-2015 identifiera les actions permettant de premières améliorations ainsi que les études et les concertations éventuellement nécessaires en préalable au réexamen de cet objectif.
    En application de l’alinéa X de l’article L. 212-1 du code de l’environnement, le SDAGE peut alors demander aux acteurs locaux d’élaborer ou de mettre à jour un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), et en fixer le délai afin de pouvoir le prendre en compte lors de la mise à jour suivante du SDAGE. Ces demandes éventuelles seront à identifier le plus tôt possible, en concertation avec les acteurs locaux, afin de pouvoir engager les études et démarches nécessaires au plan local sans attendre l’approbation du SDAGE.
  6. Cas des districts internationaux et des cours d’eau transfrontaliers :
    Si la désignation des masses d’eau fortement modifiées et la définition des objectifs environnementaux sont de la responsabilité de chaque Etat membre, une coordination est nécessaire pour les cours d’eau internationaux afin de définir en commun les objectifs pour les drains principaux du bassin international et assurer la cohérence des objectifs d’état et de continuité écologique pour l’ensemble des masses d’eau de part et d’autre de la frontière.
    Il appartiendra aux préfets coordonnateurs de bassin d’informer les autorités compétentes des pays concernés du déroulement des travaux et de demander, en tant que de besoin, l’inscription des points imposant une coordination à l’ordre du jour des réunions des commissions internationales ou des groupes de travail concernés.
    Je demande aux préfets coordonnateurs de bassin et aux préfets de département de veiller tout particulièrement à l’examen de l’impact des objectifs environnementaux qui seront ainsi définis sur les actes administratifs relatifs aux ouvrages et aménagements concernés.
    En effet, l’adoption du SDAGE et son approbation par l’autorité administrative auront pour effet de fonder juridiquement la mise en compatibilité obligatoire. Il convient donc de se mettre dès maintenant dans la logique de définition et de réalisation des objectifs environnementaux de la directive-cadre.
    La cohérence entre les objectifs environnementaux du SDAGE, les échéances souscrites et les dispositions réglementaires du programme de mesure relatives aux ouvrages existants constitueront des points clefs à examiner par les services concernés de l’Etat avant de soumettre à l’approbation du préfet coordonnateur de bassin le programme de mesures et, pour la France continentale et les départements d’outre-mer, le SDAGE mis à jour adopté par le comité de bassin.

Je demande à Monsieur le préfet coordonnateur de bassin de la Corse d’informer la collectivité territoriale de Corse de la présente circulaire et, au fur et à mesure de l’avancement des travaux, de porter à la connaissance du comité de bassin les actes administratifs relatifs aux activités à l’origine des modifications hydromorphologiques des masses d’eau susceptibles d’être désignées.

Vous voudrez bien me faire part des difficultés éventuelles d’application de la présente circulaire.

Le directeur de l’eau,
Pascal  Berteaud

Sommaire

A. Pourquoi définir des masses d’eau fortement modifiées ?
B. La transposition de la directive
C. Les documents d’orientation existants pour l’identification et la désignation des MEFM et MEA

1. Le document guide européen
2. Les produits de formation DCE : « West Project »
3. La circulaire DCE 2003/04 relative à l’identification prévisionnelle des MEFM et des MEA

D. La méthode de désignation d’une masse d’eau comme artificielle ou fortement modifiée

1. Compléter/affiner l’identification prévisionnelle
2. Réalisation de tests du processus de désignation

2.1. Présentation des tests
2.2. Les résultats des tests
2.3. Les réponses aux questions soulevées lors des tests

a) Impliquer les acteurs locaux
b) Veiller au pragmatisme et à la progressivité de l’analyse
c) Intégrer les approches techniques et économiques dès le début du processus pour mettre à disposition des acteurs locaux les données nécessaires
d) Objectif adapté en désignant des MEFM et des MEA et objectif moins strict (art. 4.5)
e) Quel objectif environnemental pour les cours d’eau à grands migrateurs en amont de masses d’eau désignées comme fortement modifiées ?
f) Le stockage d’eau pour la production hydroélectrique implique-t-il automatiquement le classement en MEFM ?

3. La méthode de désignation

3.1. Caractérisation des activités

a) Quelles sont les masses d’eau concernées ?
b) Quelle échelle d’analyse ?
c) Comment décrire les activités et les intérêts liés aux modifications hydromorphologiques de la masse d’eau ?

3.2. Identifier des mesures supplémentaires nécessaires pour atteindre le bon état de la masse d’eau

a) Comment définir l’objectif de bon état écologique à atteindre ?
Cas d’une masse d’eau prédésignée comme MEFM
Cas d’une masse d’eau prédésignée comme MEA
b) Quels sont les changements hydromorphologiques indispensables pour atteindre le bon état écologique ?

3.3. Identification simplifiée des impacts et des alternatives (« tamis A »)
Evaluer si ces mesures ont des effets négatifs significatifs sur l’activité à l’origine des modifications hydromorphologiques de la masse d’eau
3.4. Evaluation simplifiée du bilan environnemental et des coûts des alternatives possibles (« tamis B »)

a) Préciser si ces modifications hydromorphologiques nécessaires à la réalisation du bon état écologique ont des effets négatifs significatifs sur d’autres activités ou intérêts, y compris sur l’environnement au sens large
Quelles sont les données disponibles pour évaluer ces effets négatifs sur les activités ou sur l’environnement ?
b) Identifier et évaluer les solutions alternatives
Quelles autres solutions techniques permettent-elles d’assurer la même fonction économique ?
L’existence d’une concession d’ouvrages implique-t-elle automatiquement le classement en MEFM ?
Comment apprécier la faisabilité technique des autres solutions identifiées pour assurer la même fonction économique ?
Quelles données pour évaluer si ces alternatives constituent une meilleure option environnementale ?
c) Comment évaluer si ces alternatives sont (ne sont pas) d’un coût disproportionné ?
Quelles sont les données disponibles pour évaluer les bénéfices environnementaux liés à la réalisation du bon état ?

3.5. Réalisation, au plan local, d’une évaluation des coûts environnementaux et d’une étude approfondie des pertes d’activité et des alternatives (« tamis C »)

4. Les outils

E. Le calendrier de mise en œuvre
F. Annexes

I. Exemple de fiche de synthèse
II. Evaluation des bénéfices liés à la réalisation du bon état
II. Désignation au titre de l’hydroélectricité
III. Désignation au titre de la navigation
IV. Désignation au titre de la protection contre les inondations et le drainage des terres

A. Pourquoi définir des masses d’eau fortement modifiées ?

La directive-cadre européenne sur l’eau promeut une utilisation durable et équilibrée des eaux, inscrivant au plan européen le principe de gestion intégrée défini par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 comme alliant la protection des milieux aquatiques, éléments du patrimoine national, et le développement des activités économiques dans une logique de développement durable.

Pour concilier protection des milieux et activités humaines durables, la directive fixe des objectifs environnementaux à atteindre et ouvre la possibilité de retenir un objectif adapté, notamment le bon potentiel sur les masses d’eau où certaines activités humaines existantes précisées dans l’article 4.3 de la DCE (navigation, stockage d’eau pour l’approvisionnement en eau potable, pour la production d’électricité ou pour l’irrigation, protection contre les inondations, autres activités de développement humain durable tout aussi importantes) entraînent nécessairement des modifications hydromorphologiques préjudiciables à la réalisation du bon état écologique des eaux.

En Europe, de nombreux milieux aquatiques ont subi des aménagements majeurs pour permettre toute une gamme d’utilisations des eaux qui a évolué au cours du temps.

Avec la procédure de désignation des masses d’eau fortement modifiées et des masses d’eau artificielles, la directive demande notamment d’identifier les masses d’eau où la réalisation du bon état écologique est aujourd’hui impossible en raison de modifications physiques substantielles liées à certaines activités existantes mentionnées par la DCE. En demandant d’examiner les alternatives possibles pour maintenir les bénéfices rendus par les activités à l’origine des aménagements des milieux (cours d’eau, plans d’eau, eaux côtières), la directive invite à rappeler clairement les éléments de décision d’aménagement du territoire ayant conduit à développer ces activités. Elle vise ainsi à approfondir les éléments de choix et à renforcer la transparence sur les justifications et les conséquences des décisions prises en matière d’aménagement du territoire, en se plaçant dans une logique de développement durable.

Dans nombre de cas, les choix seront évidents : par exemple, le stockage de l’eau, la production hydroélectrique est essentielle pour assurer des besoins de pointe (on ne supprimera pas Serre-Ponçon, le port du Havre ne sera pas abandonné). Ces évidences soulignent que la démarche doit être réaliste et pragmatique : la décision de classement doit être prise dès que les acteurs intéressés conviennent que les éléments rassemblés sont suffisamment probants. L’existence des comités de bassin est ici un gage de transparence et d’efficacité dans la démarche. L’organisation de la concertation avec les acteurs de l’eau, tout au long de la démarche, représentera une approche importante à ne pas négliger, car à même de compléter les éléments d’évaluation rassemblés par les études techniques et économiques, qui, en l’état des connaissances actuelles, resteront probablement incomplètes.

Les motivations des désignations en masses d’eau fortement modifiées (ou en masses d’eau artificielles) seront à soumettre à l’avis du public. Le projet de SDAGE devra donc présenter clairement les motifs de la désignation ainsi que les objectifs retenus. La désignation en masse d’eau fortement modifiée ne signifie par pour autant le statu quo. Elle implique le respect du « bon potentiel » dont le niveau d’ambition est similaire à celui du « bon état » pour les autres masses d’eau. A noter que les exigences relatives à l’état chimique (substances prioritaires) sont identiques dans les deux cas. En outre, la désignation n’exclut pas d’avoir à réaliser des opérations de restauration hydromorphologiques destinées à accroître les potentialités écologiques des milieux, sans pour autant remettre en cause l’activité à l’origine de la désignation comme masse d’eau fortement modifiée.

A l’issue du processus de désignation, les masses d’eau désignées comme fortement modifiées seront soumises aux mêmes procédures que les autres masses d’eau en cas de difficultés de réalisation de l’objectif 2015 (justification d’un report de 6 ou 12 ans puis, à terme, objectif moins strict).

Il convient également de rappeler que la directive institue un processus de gestion de projet : mise à jour du plan de gestion tous les six ans, bilan à mi-parcours, identification des écarts aux objectifs, définition de mesures correctrices en cas d’écart à la feuille de route... Elle admet ainsi une démarche progressive. L’erreur d’appréciation est admissible à condition toutefois d’assurer la transparence, de corriger l’analyse dès que possible, de prendre les mesures correctrices possibles ou d’indiquer les faits pour lesquels elles ne peuvent pas être prises.

La directive demande de revoir la liste des masses d’eau fortement modifiées tous les six ans lors de chaque mise à jour du plan de gestion. La directive ne met pas de terme à ce processus de mise à jour qui devra se poursuivre au-delà de 2027, facilitant ainsi l’intégration des politiques sectorielles et de la politique de l’eau. On revient ici à l’objectif de vérification de la permanence des activités ou des intérêts ayant motivé la désignation. Cette obligation d’une révision périodique du classement impose une obligation périodique d’examen des alternatives possibles constituant une meilleure option environnementale pour réaliser les activités ou les intérêts en cause.

La désignation en masse d’eau fortement modifiée peut donc être remise en cause lors de chaque mise à jour du plan de gestion au vu d’un bilan économique et environnemental, les termes de ce bilan pouvant évoluer en raison du développement de nouvelles techniques ou des changements économiques.

La première désignation des masses d’eau fortement modifiées, à réaliser pour mi-2007, ne peut s’appuyer que sur une première approche de l’impact des diverses mesures nécessaires pour restaurer des conditions hydromorphologiques favorables au respect du bon état des eaux. En effet, cette première désignation doit être conduite alors que le niveau de connaissance de l’état des milieux est parfois incomplet, qu’une incertitude sur l’efficacité des mesures mises en oeuvre pour favoriser la biodiversité et les habitats écologiques subsiste, et que l’évaluation de l’état des eaux s’effectue sur la base d’une définition provisoire du bon état (et du bon potentiel), les valeurs définitives devant être déterminées au plan européen en 2007. Face à ces incertitudes techniques, il serait utile de mettre en oeuvre avec les IXe programmes d’intervention des agences de l’eau des sites « ateliers » permettant d’évaluer plus précisément la faisabilité et l’impact de mesures de restauration des conditions hydromorphologiques favorables au respect du bon état des eaux. L’évaluation à mi-parcours du programme de mesures sera ainsi facilitée.

Par ailleurs, le délai imparti pour la première désignation (et donc pour le choix du maintien ou non des modifications hydromorphologiques) peut apparaître très ambitieux, les débats sur les améliorations possibles étant parfois déjà engagés depuis plusieurs années au plan local.

Dans de tels cas, et sur la base des critères énumérés à l’article 15 du décret n° 2005-475, le SDAGE pourra reporter l’échéance de réalisation de l’objectif après 2015. Cet objectif sera réexaminé lors de la mise à jour suivante du SDAGE. Afin de préparer ce réexamen, le programme de mesures défini pour les années 2010 à 2015 identifiera les premières améliorations possibles ainsi que les études et les procédures de concertation éventuellement nécessaires. En application de la loi de transposition de la directive, le comité de bassin pourra demander, si nécessaire, la définition d’un SAGE. Les acteurs locaux pourront ainsi engager dès 2007-2008 une concertation approfondie, le programme de mesures précisant les moyens financiers pour l’expertise et l’animation locale. Des propositions seront alors à transmettre au comité de bassin avant la mise à jour suivante du SDAGE.

Là où nécessaire, la concertation au plan local pourra ainsi être renforcée et approfondie pour la définition des objectifs et des actions à engager, contribuant, par là même, à la complémentarité des travaux du comité de bassin et des commissions locales de l’eau.

B. La transposition de la directive

La directive-cadre a été transposée par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004.

Le point 4.3 de l’article 4 de la directive-cadre relatif aux objectifs environnementaux précise que les Etats membres peuvent désigner une masse d’eau de surface comme étant artificielle ou fortement modifiée lorsque :

  • les modifications à apporter aux caractéristiques hydromorphologiques de cette masse d’eau pour obtenir un bon état écologique auraient des incidences négatives importantes sur :
  • l’environnement au sens large ;
  • la navigation, y compris les installations portuaires, ou les loisirs ;
  • les activités aux fins desquelles l’eau est stockée, telles que l’approvisionnement en eau potable, la production d’électricité ou l’irrigation ;
  • la régularisation des débits, la protection contre les inondations et le drainage des sols ;
  • d’autres activités de développement humain durable tout aussi importantes ;
  • les objectifs bénéfiques poursuivis par les caractéristiques artificielles ou modifiées de la masse d’eau ne peuvent, pour des raisons de faisabilité technique ou de coûts disproportionnés, être atteints raisonnablement par d’autres moyens qui constituent une option environnementale sensiblement meilleure.

L’article 11 du décret n° 2005-475 du 16 mai 2005 pris en application de la loi du 21 avril 2004 reprend ces dispositions (cf. encart page suivante).

C. Les documents d’orientation existants pour l’identification et la désignation des mefm et mea

1. Le document guide européen (1)

(1) Ce document peut être téléchargé en version anglaise intégrale sur le site CIRCA - Communication & Information Resource Centre Administrator http://europa.eu.int/comm/environment/water/water-frame-work/guidance_d…. http://forum.europa.eu.int/Public/irc/env/wfd/library?l=/framework_directive&vm=detailed&sb=Title.

Les Etats membres de l’UE, la Norvège, les pays alors engagés dans le processus d’adhésion et la Commission européenne ont développé une stratégie commune pour soutenir et permettre une mise en œuvre cohérente et harmonieuse de la directive-cadre sur l’eau. Des documents guides, destinés aux experts engagés dans la mise en œuvre de la directive, ont été rédigés sur divers aspects techniques. Bien que non légalement opposables, ces documents d’orientation serviront de référence aux services de la Commission en cas de contentieux. L’un d’entre eux est consacré à l’identification et à la désignation des masses d’eau fortement modifiées et des masses d’eau artificielles. Il a été élaboré par un groupe de travail mis en place en avril 2000 (groupe HMWB 2.2). Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont assuré le secrétariat et la coordination de ce groupe de travail constitué de représentants de 12 Etats membres et de la Norvège, de plusieurs acteurs socioprofessionnels, de représentants d’associations de protection de l’environnement, et de pays alors engagés dans le processus d’adhésion à l’UE.

Définition et objectifs environnementaux des masses d’eau fortement modifiées et des masses d’eau artificielles

Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004 de transposition de la directive-cadre

Article L. 212-1 du code de l’environnement

(...)

« IV. Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux correspondent :

« 1° Pour les eaux de surface, à l’exception des masses d’eau artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon état écologique et chimique ;

« 2° Pour les masses d’eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon potentiel écologique et à un bon état chimique. »

(...)

Décret n° 2005-475 du 16 mai 2005 (art. 11)

Article 11

I. Pour l’application du 2° du IV de l’article L. 212-1 du code de l’environnement, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux indique l’emplacement des masses d’eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines et les motifs pour lesquels ces masses d’eau ont été ainsi désignées. Cette désignation fait l’objet d’un réexamen lors de chacune des mises à jour du schéma.

Le schéma directeur comporte également la liste des projets mentionnés au deuxième alinéa de l’article 7 et indique les raisons des modifications qu’ils apportent à la masse d’eau affectée.

II. Une masse d’eau de surface artificielle ou fortement modifiée relève du régime prévu au 2° du IV de l’article L. 212-1 lorsque sont réunies les conditions suivantes :

  1. Les mesures qui seraient nécessaires, en matière d’hydromorphologie, pour obtenir un bon état écologique conformément au 1o du IV du même article L. 212-1 auraient des incidences négatives importantes sur l’environnement ou sur la navigation, les installations portuaires, les loisirs aquatiques, sur le stockage d’eau nécessaire à l’approvisionnement en eau potable, à l’irrigation ou à la production d’électricité, sur la régulation des débits, la protection contre les inondations et le drainage des sols ou sur d’autres activités humaines aussi importantes pour le développement durable ;
  2. Les avantages associés à la création artificielle ou aux fortes modifications de la masse d’eau ne peuvent être obtenus, pour des motifs d’ordre technique ou en raison de coûts disproportionnés, par d’autres moyens permettant de parvenir à des résultats environnementaux sensiblement meilleurs.

III. L’état d’une masse d’eau artificielle ou fortement modifiée par les activités humaines est défini par la moins bonne des appréciations portées respectivement sur son potentiel écologique et sur son état chimique.

Le potentiel écologique d’une masse d’eau artificielle ou fortement modifiée comprend quatre classes : bon et plus, moyen, médiocre et mauvais, définies par référence aux niveaux de qualité de la catégorie de masse d’eau de surface naturelle la plus comparable.

En 2001-2002, lors de l’élaboration du guide européen, plusieurs tests ont été réalisés par les groupes « milieux fortement modifiés » (HMWB) et économie (WATECO) en vue de préciser les modalités d’identification des masses d’eau fortement modifiées :

  • la « boîte à outil » (2) annexée au guide européen présente ces études de cas. Trente-quatre études de cas (3) ont été menées dans différents Etats membres et en Norvège pour préciser les modalités de prédésignation des masses d’eau artificielles et fortement modifiées, demandée pour 2004. Elles portent principalement sur des cours d’eau, seulement quelques-unes ayant été effectuées dans le cas d’eaux côtières, d’estuaires et de lacs. Ces études ont permis de préciser l’identification des masses d’eau, d’examiner l’utilisation des méthodes d’évaluation des pressions, des changements morphologiques et de l’état écologique utilisés dans les pays concernés ;
  • des tests ont par ailleurs été conduits au cours des travaux du groupe européen économie « WATECO » (HMW Case Haringvliet & Hollandsch Diep ; RIZA - 2001) afin d’identifier les besoins de données et les méthodes d’évaluation des solutions alternatives.

(2) Disponible sur http://forum.europa.eu.int/Public/irc/env/wfd/library?l=/framework_directive/guidance_documents/modified_guidance&vm=detailed&sb=Title.
(3) Elefteria Kampa, Wenke Hansen, Ecologic Berlin - Heavy Modified Water Bodies, Synthesis of 34 Case Studies in Europe, 2004, XVIII, 322 p., International and European Environmental Policy Series, Springer, Heidelberg, Germany.

2. Les produits de formation DCE : « WEST project »

Réalisés par l’Office international de l’eau pour la DG Environnement, les documents WEST (4) présentent la démarche de désignation des MEFM en proposant deux étapes :

Etape 1 : les mesures nécessaires pour atteindre le bon état écologique ont-elles un impact significatif sur les activités ou intérêts visés à l’article 4.3 ? Le « significatif » devant être évalué d’un point de vue à la fois environnemental et économique ;

Etape 2 :

  1. Y a-t-il d’autres moyens techniquement faisables pour compenser les pertes d’activités ?
  2. Ces autres moyens constituent-ils des options environnementales significativement meilleures ? La dimension « environnement » devant être estimée d’un point de vue global ;
  3. Les coûts de ces moyens sont-ils disproportionnés ou non ?

Dans cette seconde étape, il convient de rechercher d’« autres moyens » d’obtenir les mêmes avantages. Il faut ensuite établir si ces « autres moyens » sont techniquement faisables, représentent une option environnementale préférable et n’impliquent pas des coûts disproportionnés. En cas de réponse négative à l’une de ces questions, une masse d’eau peut alors être considérée comme fortement modifiée. Le guide européen précise que si l’une de ces trois questions a une réponse négative, la masse d’eau peut alors être considérée comme fortement modifiée.

Il convient cependant de signaler qu’il sera nécessaire d’aller au bout de la démarche lorsque l’évaluation des bilans environnementaux ne donne pas de réponse suffisamment tranchée.

(4) Les documents de présentation sont accessibles sur le site (http ://www.oieau.fr/west).

3. La circulaire DCE 2003/04 (5) relative à l’identification prévisionnelle des MEFM et des MEA

(5) Document téléchargeable sur http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/eau/DCE-MEFMidentification_previsionnel….

Conformément à la DCE (art. 5, annexe II) et au document guide européen, il convenait de recenser pour fin 2004 les masses d’eau artificielles potentielles et les masses d’eau pouvant être désignées, par la suite, comme fortement modifiées.

Au niveau national, la circulaire n° 2003/04 du 29 juillet 2003 a donné des éléments de cadrage pour cette identification prévisionnelle des masses d’eau fortement modifiées pour les eaux continentales. Elle rappelle que doivent être écartées les masses d’eau qui, bien qu’ayant subi des modifications physiques, peuvent de manière évidente :

  • respecter les objectifs environnementaux de la DCE, dont le bon état ;
  • être restaurées sans remettre en cause une des activiés listées à l’article 4.3 de la DCE et sans avoir d’incidences négatives sur l’environnement.

Elle précise que les critères d’identification des MEFM comprennent notamment le caractère substantiel des modifications physiques affectant les masses d’eau, car telles que susceptibles d’empêcher l’atteinte du bon état. Elle précise comment peut être apprécié ce caractère « significatif » des modifications hydromorphologiques de la masse d’eau. Elle donne aussi une liste des altérations hydromorphologiques susceptibles de rendre impossible l’atteinte du bon état.

La figure 2 page ci-contre rappelle les modalités d’évaluation du caractère significatif des modifications hydromorphologiques dans le cas des cours d’eau.

L’identification prévisionnelle des masses d’eau fortement modifiées ou artificielles étant faite, il convient maintenant de confirmer si les masses d’eau sélectionnées doivent effectivement être considérées comme telles en application de l’article 11 du décret n° 2005-475 du 16 mai 2005 précisant les modalités d’application de l’article 4.3 de la directive-cadre.

D. La méthode de désignation d’une masse d’eau comme artificielle ou fortement modifiée

La désignation des MEFM et des MEA n’est pas un processus ponctuel et définitif. La directive permet de modifier les désignations lors de la mise à jour suivante du plan de gestion (SDAGE) afin de prendre en compte les changements des conditions environnementales, sociales et économiques au fil du temps.

La désignation des MEFM et MEA est optionnelle. Les Etats membres ne sont pas contraints de désigner des masses d’eau comme MEFM ou MEA (6) . Le fait de désigner une masse d’eau ne constitue pas une opportunité de se soustraire à tout objectif écologique et chimique, étant donné que, par construction, le « bon potentiel » est un objectif dont le niveau d’ambition est similaire à celui du « bon état ».

(6) Si des eaux modifiées ou artificielles ne sont pas désignées, l’article 4.5 peut autoriser, à terme, la définition d’objectifs adaptés, moins stricts que le bon état.

1. Compléter/affiner l’identification prévisionnelle

L’état des lieux 2004 a donné lieu à l’identification prévisionnelle des MEFM et des MEA. Les principales phases mises en œuvre ont été les suivantes :

  • vérification du respect ou non du « bon état » sur la base de la note de la direction de l’eau du 23 mars 2004 précisant la façon de déterminer le risque de ne pas respecter le bon état ;
  • identification de la raison du non-respect du bon état : si liée à des modifications hydromorphologiques substantielles, possibilité de pré-identifier en masse d’eau fortement modifiée. L’article 4.3 (a) énumère les types d’activités qui ont été considérées par le Conseil et par le Parlement comme un des critères à satisfaire pour la désignation d’une masse d’eau comme fortement modifiée ou comme artificielle. Si l’exercice de ces activités nécessite des modifications hydromorphologiques des masses d’eau sur une échelle telles que la restauration d’un « bon état écologique » ne peut être réalisée même à long terme, sans gêner significativement la poursuite des activités ou porter significativement atteinte aux intérêts à l’origine de ces modifications, il est alors dit que ces modifications hydromorphologiques sont substantielles et ont des « effets adverses substantiels » sur l’état écologique des masses d’eau ;
  • lorsque la masse d’eau a été créée par l’activité humaine et que le « bon état » n’est pas respecté pour les mêmes raisons : possibilité de pré-identifier en masse d’eau artificielle.

Conformément à la définition donnée par l’article 2 de la directive, les états des lieux établis fin 2004 pré-identifient les masses d’eau artificielles.

Si un bon état apparaît réalisable sans porter atteinte à l’activité ou aux intérêts à l’origine de la création de cette masse d’eau (le bon état étant évalué par référence aux masses d’eau présentant les caractéristiques les plus proches, cf. infra), une masse d’eau artificielle ne sera pas « désignée » en tant que telle au sens de l’article 4.3 de la directive, bien que répondant à la définition de l’article 2 (7) .

Si la réalisation du bon état de cette masse d’eau passe par des modifications hydromorphologiques ayant un impact significatif sur les activités ou les intérêts à l’origine de sa création, les tests présentés figure 4, page 23, seront à réaliser.

L’étude et la description détaillée des modifications hydromorphologiques et de leurs impacts sur l’état écologique faciliteront l’identification des mesures correctrices nécessaires pour respecter le bon état ou le bon potentiel.

Vérifier si les modifications hydromorphologiques sont substantielles :

Pour les cours d’eau, les points de repère donnés par la circulaire 2003/04 du 19 juillet 2003 sont à utiliser. Certaines masses d’eau peuvent avoir des linéaires importants (50-60 km) et comporter quelques sections artificialisées, des seuils et barrages. Ces sections, mineures à l’échelle de la masse d’eau, peuvent localement altérer la masse d’eau sans pour autant porter atteinte à son bon état général. Pratiquement, la circulaire du 29 juillet 2003 précise que la possibilité de désignation en MEFM ne doit être examinée qu’au-dessus de 30 % d’artificialisation du linéaire de la masse d’eau.

Dans l’impossibilité pratique de préciser l’ensemble des cas de figure, il conviendra de se reporter chaque fois que nécessaire aux orientations définies par le guide européen.

Il y est rappelé (p. 42 et 43 de la version F du guide européen) que, pour qu’une masse d’eau soit substantiellement modifiée dans son caractère, le changement hydromorphologique par rapport aux conditions naturelles doit être évident, permanent et visible :

  • « l’échelle de la modification doit être en accord avec celle des activités énumérées dans l’article 4.3 (a) : une rivière canalisée, un port, une rivière aménagée en vue de la protection contre les inondations, une rivière transformée en lac de barrage ;
  • le changement du caractère de la masse d’eau doit résulter d’utilisations existantes identifiées. Il doit être le fruit des utilisations énumérées à l’article 4.3, soit individuellement, soit en combinaison ;
  • une modification hydromorphologique “substantielle” doit concerner une étendue spatiale significative au regard de la taille de la masse d’eau. Elle doit impliquer un changement majeur par rapport aux caractéristiques hydromorphologiques que l’on attendrait en l’absence de cette modification : ce seront par exemple une rivière modifiée aux fins de navigation, un lac modifié pour le stockage de l’eau ou des eaux de transition subissant des modifications majeures pour la protection des côtes ;
  • un changement “substantiel” du caractère d’une masse d’eau doit être permanent, et non temporaire ou intermittent ;
  • de nombreuses altérations des caractéristiques hydrologiques des masses d’eau, par exemple des prélèvements et des rejets, ne sont pas accompagnés de changements morphologiques et peuvent donc souvent être réversibles ou temporaires. De telles altérations ne constituent pas des changements substantiels du caractère des masses d’eau concernées et une désignation en tant que MEFM n’est pas à envisager. »

(7) La référence à l’annexe II est une erreur du texte. La version précédente de la DCE prévoyait un test de désignation en annexe II. La référence n’a pas été remise à jour lorsque l’amendement du Parlement européen déplaça la désignation à l’article 4 (3).

2. Réalisation des tests du processus de désignation

Si le guide européen propose les principes et les orientations pour cette désignation, il laisse aux Etats membre le soin :

  • de rassembler les données, notamment économiques, nécessaires pour procéder à la désignation ;
  • et de préciser l’organisation et le déroulement des travaux.

Il convient en particulier, comme le souligne d’ailleurs le document européen, d’intégrer cette désignation dans le processus de définition du programme de mesure et du plan de gestion (8) .

Les tests réalisés au plan européen (cf. ci-après) ont permis de préciser le processus de désignation des MEFM et des MEA. Il apparaît cependant que la mise en oeuvre de ce processus risque de se heurter très rapidement à plusieurs difficultés :

  • pour la France, environ 1300 masses d’eau ont été inscrites dans la liste prévisionnelle des MEFM ou MEA. Vu ce nombre, il n’est pas possible de réaliser des études lourdes sur chaque masse d’eau et il convient de rechercher des économies de moyens, respectant les exigences de la directive et en accord avec les dispositions du guide européen ;
  • dans nombre de cas, la conclusion de la procédure de désignation sera évidente et logique pour l’ensemble des acteurs concernés. Il convient donc de trouver une méthode pragmatique, permettant de statuer rapidement sur les cas les plus évidents, sans toutefois être en contradiction avec les exigences de la directive.

Avant d’engager les travaux dans les bassins, il convient également d’identifier les sources de données mobilisables ainsi que les données économiques de référence caractérisant les activités et leurs coûts environnementaux.

Le respect de l’échéancier de mise à jour des SDAGE conduit à engager les études de désignation des MEFM et des MEA dès la fin 2005. Pour préciser l’organisation des travaux, les moyens à mettre en œuvre, pour identifier les difficultés et rassembler les données nécessaires, la Direction de l’eau a demandé au groupe « économie - DCE » de réaliser courant 2005 des tests préalables.

(8) La référence à l’annexe II est une erreur du texte. La version précédente de la DCE prévoyait un test de désignation en annexe II. La référence n’a pas été remise à jour lorsque l’amendement du Parlement européen déplaça la désignation à l’article 4 (3).
(8) Voir circulaire du 4 avril 2004 relative à la mise à jour des SDAGE, à la définition des programmes d’intervention des agences de l’eau et des programmes de mesures (http ://www.ecologie.gouv.fr/IMG/eau/Circulaire_SDAGE-PoM-9E_8e_prog.pdf).

2.1. Présentation des tests

Pour conduire ces tests, un projet de document guide (V1) a été établi avec l’appui du groupe « économie » et de représentants des agences RM&C et RM au groupe « eaux continentales » (Lyon, les 24 et 25 novembre 2004). Ce document guide a été construit sur la base du guide européen, la figure 3 page 16 présentant les différentes étapes de l’analyse.

Trois tests ont été engagés :

  • cas de la navigation (agences de l’eau AP et RM, VNF étant associé) ;
  • cas de l’hydroélectricité (agence de l’eau AG, avec appui de D. 4E, EDF étant associé) ;
  • cas des recalibrages lourds liés au drainage et à la protection contre les inondations (agence de l’eau LB, les acteurs institutionnels étant associés).

Ce projet de guide a été examiné successivement :

  • par le groupe planification - DCE lors de sa réunion des 11 et 12 janvier consacrée à l’examen du calendrier général proposé et du lien avec les SAGE ;
  • par le groupe économie lors de ses réunions du 31 janvier, du 20 mai (examen des premiers résultats des tests) et du 6 octobre 2005 ;
  • par le groupe « eaux de surface continentales » lors de ses réunions du 13 mai, du 27 octobre et du 17 novembre  ;
  • le groupe coordination DCE a pris connaissance des premiers résultats le 8 juin et a examiné le projet de guide le 25 octobre 2005 ;
  • le document guide a enfin été soumis à la mission interministérielle de l’eau le 13 décembre 2005.

2.2. Les résultats des tests

Les tests réalisés par les bassins Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne et Rhin-Meuse en vue de la préparation de ce guide ont mis en évidence les questions et les remarques suivantes :

  1. L’implication des acteurs locaux est indispensable pour rassembler, dans les meilleurs délais possibles et à des coûts acceptables, les connaissances des usages économiques ou environnementaux. Le processus de désignation doit clairement identifier cette implication locale.
  2. La mise en œuvre de l’ensemble des étapes de la désignation prévues par le guide européen peut conduire à des études inutiles, le résultat final tenant dans beaucoup de cas du simple bon sens. Il y a ici un risque de rejet de la méthode de travail, portant alors en germe des risques de contentieux pour mauvaise application de la directive.
  3. Les définitions du bon état écologique et du bon potentiel écologique, même provisoires, constituent des préalables indispensables à l’identification des mesures correctrices nécessaires pour réaliser les objectifs environnementaux. Au-delà de cette définition du bon état écologique, il convient de préciser les impacts prévisionnels des mesures correctrices envisageables sur l’état écologique des eaux.
  4. Les acteurs locaux souhaitent légitimement examiner en priorité les coûts et le financement du bon état ou du bon potentiel écologiques pour la masse d’eau susceptible d’être désignée, alors que la directive demande d’examiner au préalable s’il existe une alternative aux avantages retirés des modifications hydromorphologiques. L’explication des exigences méthodologiques de la directive, et le pourquoi, est indispensable avant d’engager la démarche. Des outils de présentation et de divulgation sont ici nécessaires.
  5. Si la désignation en MEFM doit être motivée, les acteurs locaux sont également demandeurs d’une justification de la non-désignation en MEFM. Ce travail d’explication sera à conduire lors de la concertation préalable avec les acteurs locaux, en réintégrant la désignation des MEFM dans l’ensemble des possibilités d’adaptation des objectifs (désignation des MEFM, report de délais, objectifs moins stricts).
  6. Le processus de désignation des MEFM et des MEA comporte une identification des solutions alternatives à l’activité à l’origine des modifications hydromorphologiques de cette masse d’eau. Cela ne doit pas être interprété comme la suppression inévitable de l’activité. L’accent doit être mis sur l’identification des adaptations possibles de l’activité, le cas échéant combinées à des mesures de restauration d’habitats. Le processus d’identification des MEA proposé par le document guide européen doit notamment être complété par l’identification préalable de ces dispositions.
  7. La directive permet des objectifs moins stricts pour des masses d’eau « touchées par l’activité humaine » (art. 4.5), les critères de justification étant fort proches de ceux du classement en MEFM (absence d’autres moyens pour assurer cette activité constituant une option environnementale meilleure et dont le coût n’est pas disproportionné). Il convient de préciser dans quels cas l’une ou l’autre approche doivent être utilisées.

2.3. Les réponses aux questions soulevées lors des tests

Au vu des résultats des tests, le processus de désignation des MEFM et des MEA proposé dans la première version du guide a été revu et précisé afin de répondre aux points suivants :

a) Impliquer les acteurs locaux

La conduite du processus de désignation doit impliquer les acteurs locaux dès le début, afin de bien identifier les activités et les valeurs environnementales liées aux modifications hydromorphologiques de la masse d’eau. Cette implication locale ne pourra que favoriser l’identification des données et l’appropriation des méthodes et des résultats.

Cette nécessaire implication locale est soulignée par le guide européen. En l’absence de données locales, de nombreuses désignations ne pourront se fonder que sur une approche qualitative. Pour garantir la transparence de l’approche et améliorer les prises de décision, le guide européen préconise de mettre en œuvre des mécanismes formels de consultation à des fins décisionnelles, conformément à l’article 14 de la directive :

  • « Cercles de consultation, pour une approche participative afin de faciliter l’identification des impacts sur les utilisations de l’eau ou sur l’environnement et leur caractère “significatif” ou non. Ce type d’approche doit permettre de prendre en compte les questions sociales et les sensibilités culturelles et locales et de favoriser l’engagement des acteurs locaux dans la gestion des bassins hydrographiques et les procédures de participation publique ;
  • comités représentatifs impliquant la participation des autorités responsables de la gestion de l’eau ;
  • panels d’experts pour l’évaluation technique des options par une équipe multidisciplinaire de spécialistes. La sélection de ce “groupe d’experts” doit être justifiée et transparente. Le groupe doit inclure des experts représentant les parties intéressées. »

b) Veiller au pragmatisme et à la progressivité de l’analyse

Lors des tests, il a été souligné que la désignation en MEFM allait parfois de soi, en l’absence d’alternative crédible.

Le respect de la méthodologie de la directive n’empêche ni le pragmatisme ni le réalisme.

Si le processus général de désignation doit répondre au schéma de la figure 3, page 16, il apparaît possible d’opter pour un approfondissement plus ou moins important de chaque étape de la démarche selon l’évidence des réponses et la complexité des cas :

  • dans les cas les plus simples (ex. : abandon ou changement majeur d’une activité), une simple analyse qualitative peut suffire (ex. : absence de protection de la population contre les crues si on supprime des digues). C’est le premier « tamis » destiné à identifier les cas les plus évidents ;
  • si des alternatives crédibles existent pour satisfaire les exigences de l’article 4.3, les évaluations demandées (faisabilité technique, bilan environnemental, coûts) pourront alors s’appuyer sur des données guides arrêtées au plan national. C’est le second « tamis » ;
  • ce n’est que dans les cas les plus complexes que des études détaillées seront à conduire au plan local afin d’identifier précisément les enjeux locaux (troisième tamis).

Après la désignation de la masse d’eau, il convient d’examiner :

  1. Si l’échéance 2015 pour l’objectif de bon potentiel doit être reportée pour des motifs techniques, de coûts disproportionnés ou liés aux conditions naturelles ;
  2. Et, ensuite, si les objectifs n’apparaissent pas réalisables en 2027 (deux reports), de définir l’objectif à retenir à terme (objectif moins strict que le bon potentiel).

La démarche d’adaptation des objectifs au vu des contraintes techniques, économiques ou liées aux milieux, est identique pour les masses d’eau « naturelles », fortement modifiées et artificielles.

c) Intégrer les approches techniques, environnementales et économiques dès le début du processus pour mettre à disposition des acteurs locaux les données nécessaires

La désignation impose de mobiliser diverses expertises : connaissance des milieux, évaluation des impacts des mesures correctrices envisageables, caractérisation économique des activités, évaluation des coûts environnementaux. Expertises techniques et économiques seront à mobiliser dès l’engagement de la procédure.

Le processus de désignation des MEFM implique donc un travail pluridisciplinaire faisant appel à des connaissances en hydromorphologie, en génie biologique et en économie. Un appui des spécialistes « milieux » des agences, du CEMAGREF, du CSP, des DIREN et des MISE sera notamment nécessaire pour répertorier des exemples de travaux ayant permis d’améliorer et de préserver la diversité des habitats, d’assurer la continuité écologique, indépendamment d’un retour du milieu à ses caractéristiques hydromorphologiques d’origine.

Le déficit actuel en matière d’évaluation de l’efficacité des mesures correctrices sur l’état écologique sera à combler progressivement par le recueil et la diffusion des expériences acquises.

Cette mobilisation des expertises techniques et économiques sera également nécessaire dès l’engagement de la définition des programmes de mesures. Il convient d’ailleurs de souligner que, même si l’échelle d’analyse peut être différente (cf. ci-après), l’identification des mesures correctrices nécessaires pour atteindre le bon état, de leurs coûts et de leurs impacts, constitue le premier acte dans les deux processus. On ne peut donc pas séparer les démarches de désignation des MEFM de la définition des programmes de mesures (se reporter à la circulaire du 4 avril 2004).

d) Objectif adapté en désignant des MEFM et des MEA (art. 4.3) ou objectif moins strict (art. 4.5) ?

La procédure de désignation en MEFM (article 11 du décret n° 2005-475) sera engagée lorsque les modifications hydromorphologiques apparaissent devoir constituer le point de blocage pour la réalisation du bon état écologique.

Les articles L. 212-1-VI du code de l’environnement et 16 du décret n° 2005-475 (art. 4.5 de la DCE) précisent les conditions dans lesquelles peuvent être définis des objectifs moins stricts que le bon état ou le bon potentiel. L’article 4.5 de la DCE définit un processus de dérogations applicable à toutes les eaux, y compris celles touchées par des altérations hydromorphologiques (9).

Il pourra ainsi être fait appel à cette procédure, par exemple, en cas d’éclusées ou de variations de débits dans les tronçons court-circuités des cours d’eau altérant l’état écologique du milieu, lorsque l’objectif de bon état n’apparaît pas pouvoir être réalisé même après un ou deux reports de six ans (en application de l’article 15 du décret n° 2005-475) et sous réserve qu’il n’y ait pas d’alternative aux activités à l’origine de ces pressions présentant un meilleur bilan environnemental et pouvant être mises en œuvre sans coûts disproportionnés.

(9) Cf. guide européen (p. 22 version F).

e) Comment prendre en compte la continuité écologique pour les cours d’eau ?

La continuité des cours d’eau se définit par la libre circulation des espèces biologiques et par le bon déroulement du transport naturel des sédiments : ces deux éléments doivent être examinés à l’échelle de plusieurs masses d’eau du bassin versant (notion de continuum). Elle concerne toutes les masses d’eau « cours d’eau », qu’elles soient « naturelles » ou « fortement modifiées », y compris si un lac de retenue vient s’intercaler.

A l’échelle de la rivière, il est indispensable d’assurer cette continuité afin que le bon état ou le bon potentiel puissent être atteints (§ 1.2.1 et 1.2.5 de l’annexe V de la directive).

Une masse d’eau qui n’atteint pas le bon état (ou le bon potentiel pour les masses d’eau fortement modifiées) n’exclut pas que les masses d’eau contiguës soient en bon état, voire en très bon état, puisqu’il faut aussi tenir compte de la typologie des masses d’eau. En effet, les références à partir desquelles se définit le bon état ou le bon potentiel sont adaptées à chaque type de masses d’eau : ceci signifie que ce ne sont pas forcément les mêmes espèces qui sont concernées pour atteindre le bon état ou le bon potentiel. Le référentiel d’évaluation des éléments de qualité biologique est d’abord défini sur la base des hydroécorégions et de la typologie des masses d’eau.

En définissant les objectifs d’état des eaux, et leur échéance de réalisation, le SDAGE arrêtera par là même un objectif de restauration de la continuité de la rivière permettant d’atteindre les valeurs pour les éléments de qualité biologique caractérisant le bon état.

La désignation d’une masse d’eau comme « fortement modifiée » ne dispense pas de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer cette continuité d’autant plus que, sur un cours d’eau, il peut y avoir une succession de masses d’eau de statut différent (masse d’eau « naturelle », masse d’eau « fortement modifiée »).

Seules les masses d’eau elles-mêmes substantiellement modifiées dans leur caractère (suite à des altérations physiques) peuvent être identifiées comme MEFM.

La question de l’objectif écologique des cours d’eau à grands migrateurs pour les sections en amont d’obstacles majeurs est donc posée.

Pour ces cours d’eau où la continuité écologique est altérée, le SDAGE arrêtera un objectif de restauration à terme de cette continuité. Cet objectif de continuité écologique sera à réévaluer lors de chaque mise à jour ultérieure du SDAGE.

Le premier programme de mesures identifiera ainsi les améliorations de la continuité écologique des cours d’eau pouvant être apportées d’ici à 2015, en tenant compte de la faisabilité technique, des coûts, des dommages et des bénéfices environnementaux.

f) Le stockage d’eau pour la production hydroélectrique implique-t-il automatiquement le classement en MEFM ?

En premier lieu, il convient de rappeler que l’existence d’ouvrages et/ou de modifications hydromorphologiques n’impliquent pas obligatoirement que l’objectif de bon état ne peut pas être réalisé. Les orientations suivantes ne s’appliquent donc qu’aux masses d’eau risquant de ne pas atteindre le bon état en raison de modifications hydromorphologiques substantielles liées à des concessions d’utilisation.

Il pourrait être soutenu que l’existence d’une concession est liée au fait que cette activité de production ne peut être assurée par d’autres moyens ayant de meilleurs effets environnementaux ou susceptibles d’être mis en œuvre pour un coût non disproportionné, ce qui correspond aux critères de définition des MEFM ou d’application de l’article 4.5.

Au regard du droit européen, l’existence d’une concession ne saurait dispenser de motiver l’objectif environnemental retenu pour la masse d’eau concernée et sa date de réalisation.

L’analyse des alternatives possibles et de ses coûts de mise en œuvre sera à réaliser en application de la méthodologie présentée dans ce document :

  • en l’absence d’alternative présentant un meilleur bilan environnemental et réalisable à un coût non disproportionné, la masse d’eau est alors à désigner comme MEFM. Les évaluations respectives des coûts des mesures et des bénéfices environnementaux permettront alors d’examiner la faisabilité du bon potentiel pour 2015, d’un report de délai, voire d’un objectif moins strict ;
  • en cas d’alternative présentant un meilleur bilan environnemental et réalisable à un coût non disproportionné, la masse d’eau n’est pas à désigner en MEFM. Dans ce cas, l’objectif est le bon état. L’échéance de réalisation est alors déterminée en tenant compte du caractère disproportionné ou non des coûts de réalisation du bon état, ces coûts intégrant l’ensemble des dépenses.

3. La méthode de désignation

La figure 4, page 22, présente les étapes du processus de désignation.

Les différentes étapes de ce processus sont présentées ci-après, les points abordés ayant été définis au vu des questions posées lors des tests ou à leur issue.

3.1. Caractérisation des activités

Quelles sont les masses d’eau concernées ?

L’état des lieux adopté par le comité de bassin identifie la liste des masses d’eau susceptibles d’être désignées comme fortement modifiées ou comme artificielles. L’un des critères principaux ayant conduit à l’établissement de cette liste est l’identification d’un risque de non-atteinte du bon état écologique en raison de modifications hydromorphologiques substantielles des caractéristiques de la masse d’eau.

Ces premiers travaux ont été réalisés courant 2004. Depuis, une définition provisoire du « bon état » a été précisée : le risque de non-atteinte du bon état écologique doit donc être confirmé avant d’engager la procédure de désignation. En cas de doute sur l’importance de l’écart à l’objectif de bon état écologique, un renforcement de la surveillance peut être inscrit dans le programme de mesures. La réalisation du bilan à mi-parcours du programme de mesures permettra alors d’avoir une vue plus précise de la situation.

Au cours du processus de désignation, il est possible que l’identification des mesures de restauration montre que l’on peut atteindre le bon état sans remettre en cause les activités et sans impact sur l’environnement au sens large. Il est donc logique que des MEFM « pré-identifiées » ne soient donc pas désignées en fin du processus. Dans ce cas, la masse d’eau doit atteindre le bon état en 2015 (sauf justification d’un report de délai). Sous réserve du respect des règles de délimitation des masses d’eau, elle pourra alors être regroupée avec une masse d’eau contiguë.

Dans un nombre limité de cas, il n’est pas exclu que des masses d’eau non répertoriées dans la liste prévisionnelle puissent intégrer le processus si la réalisation du bon état apparaît devoir passer par des modifications hydromorphologiques substantielles remettant en cause des activités ou des intérêts répertoriés à l’article 4.3 de la directive.

Quelle échelle d’analyse ?

L’article 4.3 de la directive vise « cette masse d’eau » et spécifie que les raisons de la désignation doivent être explicitement mentionnées dans le plan de gestion. La procédure de désignation des masses d’eau fortement modifiées doit être appliquée masse d’eau par masse d’eau. Toutefois, il sera nécessaire de conduire cette analyse :

  • soit sur plusieurs masses d’eau quand les utilisations ou intérêts visés à l’article 4.3 concernent plusieurs masses d’eau contiguës ;
  • soit à l’ensemble d’un sous-bassin : lorsque la viabilité économique des activités implique une coordination des activités répertoriées (cas de la navigation ou de la production hydroélectrique).

Le document guide européen (p. 36) admet cette analyse groupée, dans la mesure où il n’y a pas de différences dans les caractéristiques des masses d’eau et dans les usages concernés. L’exemple de cours d’eau navigués est cité.

Il convient de bien dissocier les échelles d’analyse respectives de la désignation des MEFM-MEA et de la définition des mesures.

Pour les MEFM et MEA, la justification des objectifs adaptés est à indiquer pour chaque masse d’eau désignée dans le tableau récapitulatif des objectifs par masse d’eau.

Par contre, cette présentation par masse d’eau n’est pas exigée pour les programmes de mesures, les mesures clefs étant alors à identifier pour chaque unité géographique pertinente, définie au vu des enjeux et des problèmes principaux identifiés à l’issue de l’état des lieux.

Comment décrire les activités et les intérêts liés aux modifications hydromorphologiques de la masse d’eau ?

La figure 5, page 25, présente des exemples de données rassemblées lors des tests de mise au point du guide. Il convient de rassembler les données économiques caractérisant l’activité à l’origine de la création ou de la modification de la masse d’eau, dans le respect des dispositions relatives à l’accès à l’information dans le domaine de l’environnement (art. 124-1 du code de l’environnement) et de la confidentialité - en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques - de données économiques ou financières sur les activités du domaine concurrentiel dont la communication pourrait porter atteinte au producteur de données. Comme pour l’état des lieux, il conviendra d’utiliser les données publiques, l’objectif étant de publier les indicateurs les plus pertinents sur l’importance des activités économiques liées à l’eau.

Au fil du temps, d’autres activités et d’autres intérêts ont pu se développer en commensalisme avec l’activité principale à l’origine des modifications hydromorphologiques de la masse d’eau. C’est par exemple le cas d’une base de loisirs ou d’une zone de nourrissage d’oiseaux migrateurs sur un lac de retenue. Il s’agit ici d’identifier les activités et les intérêts en cause.

3.2. Identifier des mesures supplémentaires nécessairespour atteindre le bon état de la masse d’eau

Cas d’une masse d’eau identifiée comme susceptible d’être désignée MEFM.

La désignation d’une masse d’eau fortement modifiée porte sur l’ensemble de la masse d’eau et non pas sur la seule section concernée par les modifications hydromorphologiques.

Pour une partie de la masse d’eau, ou pour sa totalité, les caractéristiques de la masse d’eau ont été substantiellement changées à la suite de modifications hydromorphologiques.

Nonobstant ces changements, il s’agit de savoir si le bon état peut être restauré pour la masse d’eau considérée dans son ensemble sans porter atteinte aux activités à l’origine de ces modifications hydromorphologiques.

L’objectif de bon état à retenir pour définir les mesures nécessaires de restauration de l’hydromorphologie est le bon état du type de masse d’eau naturelle avant implantation de l’activité et réalisation des modifications hydromorphologiques nécessaires à cette activité.

Ce sera, par exemple, celui du cours d’eau initial pour un lac de barrage ou pour une rivière aménagée.

Après désignation en MEFM, l’objectif de bon potentiel à réaliser sera défini par référence au bon état de la masse d’eau présentant les caractéristiques les plus proches (lac du type « naturel » correspondant pour une retenue de barrage, cours d’eau du type « naturel » correspondant pour un cours d’eau aménagé pour la navigation...).

Cas d’une masse d’eau prédésignée comme MEA.

En l’absence préalable de masse d’eau, l’objectif de bon état écologique à retenir pour cette première étape est celui du type de masse d’eau naturelle dont les caractéristiques et la typologie sont les plus proches.

Ce sera par exemple un lac naturel pour un lac de barrage, une rivière de plaine pour un canal de navigation...

Quels sont les changements hydromorphologiques indispensables pour atteindre le bon état écologique ?

Il s’agit d’identifier les mesures minimales nécessaires (dont des modifications hydromorphologiques) pour atteindre le bon état.

Remarque : cette identification des mesures minimales nécessaires est également la première étape de définition du programme de mesures. On ne peut donc pas séparer les études liées à l’élaboration du programme de mesures de celles liées à la désignation des MEFM-MEA.

La restauration du milieu d’origine et l’abandon des activités à l’origine des modifications hydromorphologiques ne constituent pas la seule voie possible pour atteindre le bon état écologique. Une graduation de solutions est possible dans la plupart des cas.

Des améliorations hydromorphologiques locales, ne remettant pas en cause les activités à l’origine de ces modifications, pourront parfois suffire pour atteindre le bon état.

A l’échelle de la masse d’eau, la reconstitution de zones humides connexes et la mise en place de dispositifs de franchissement pourront permettre d’atteindre le bon état sans travaux lourds de restauration de l’hydromorphologie et donc sans impact significatif sur les activités. Si tel est le cas, le processus de classement sera alors arrêté.

S’il apparaît que la restauration du bon état passe obligatoirement par des modifications hydromorphologiques risquant de porter significativement atteinte aux activités économiques ou aux intérêts mentionnés à l’article 4.3, le processus de désignation en MEFM-MEA doit être poursuivi.

3.3. Evaluation qualitative : identification simplifiée des impacts et des alternatives (tamis A)

Evaluer si les modifications hydromorphologiques nécessaires à la réalisation du bon état écologique ont des effets négatifs significatifs sur l’activité à l’origine des modifications de la masse d’eau.

Conformément aux enseignements des tests préalables, cette étape a pour objectif de s’assurer si la désignation en MEFM ou en MEA n’est pas du ressort du simple bon sens, sans engager des études approfondies. Cette évaluation qualitative n’exclut pas l’obligation de motiver la désignation et de mettre à disposition du public les données sur les activités et les impacts justifiant la décision prise.

Le guide européen propose de réaliser cette évaluation qualitative lorsque les impacts sont à l’évidence extrêmement forts ou extrêmement faibles et lorsque tous les acteurs sont d’accord pour dire s’ils sont significatifs ou non.

Un effet négatif doit être considéré comme significatif lorsqu’il compromet à long terme la viabilité de l’usage. L’évaluation doit donc être menée à une échelle pertinente qui peut être celle de la masse d’eau, du groupe de masses d’eau, de la région, du district hydrographique ou de l’Etat membre... selon la situation et le type d’usage. Cela suppose donc de bien identifier à quelle(s) échelle(s) se manifestent les effets négatifs. Généralement, l’évaluation commencera par l’analyse des effets locaux (échelle de la masse d’eau).

A ce stade, il s’agit de rassembler les indicateurs disponibles pour évaluer l’impact mais sans nécessairement calculer des valeurs monétaires.

On se limite donc à une évaluation qualitative de l’impact sur l’activité des modifications hydromorphologiques de la masse d’eau nécessaires à l’atteinte du bon état. On évaluera ainsi la diminution de la protection contre les crues (population des secteurs concernés), l’importance de perte d’activité (productions agricoles, tonnages transités, production d’hydroélectricité,...). S’il apparaît que les éléments fournis sont suffisamment probants et que les intérêts et activités responsables des modifications hydromorphologiques doivent être maintenus, l’évaluation environnementale et économique des alternatives possibles (décrite au point 3.4 ci-après) ne sera pas nécessaire, un simple renvoi aux données guides caractérisant les alternatives possibles étant à faire. Dans tous les cas, les motifs de la désignation devront cependant être mentionnés, même s’ils sont évidents.

Il ne sera pas nécessaire de caractériser les autres activités ou intérêts concernés, si la désignation apparaît devoir être faite sur la seule base des activités ou intérêts à l’origine des modifications hydromorphologiques.

Il est rappelé qu’après désignation, les mesures éventuellement nécessaires pour réaliser le bon potentiel écologique seront à identifier.

3.4. Evaluation simplifiée du bilan environnemental et des coûts des alternatives possibles (« tamis B »)

Cette étape n’est à engager que si l’évaluation qualitative réalisée lors de l’étape précédente n’est pas suffisamment probante et/ou si la désignation en MEFM/MEA ne fait pas l’objet d’un consensus entre les divers acteurs de l’eau.

Il convient alors :

  • d’identifier les autres activités ou intérêts (y compris intérêts environnementaux) qui seraient impactés par le classement en masse d’eau naturelle et la réalisation de l’objectif de bon état ;
  • d’identifier les pertes d’activités (et/ou de bénéfices) impliquées par les mesures de restauration de l’hydromorphologie nécessaires pour la réalisation du bon état et de réaliser une première évaluation de ces mesures ;
  • d’identifier les bénéfices environnementaux attendus du fait de la réalisation du bon état ;
  • d’identifier les alternatives possibles à l’activité en cause et de procéder à une évaluation de ses coûts environnementaux ;
  • d’identifier les coûts de mise en œuvre de l’alternative, afin de vérifier qu’ils ne sont pas disproportionnés au regard des bénéfices environnementaux liés à la réalisation du bon état pour la masse d’eau concernée.

Les points à traiter :

a) Préciser si ces modifications hydromorphologiques nécessaires à la réalisation du bon état écologique ont des effets négatifs significatifs sur d’autres activités ou intérêts, y compris sur l’environnement au sens large

Les activités citées à l’article 4.3 de la directive sont : la protection contre les inondations, la régularisation des débits et le drainage des sols ; la navigation, les zones portuaires ; les loisirs ; les activités aux fins desquelles l’eau est stockée, telles que l’approvisionnement en eau potable, la production d’électricité ou l’irrigation ; les activités de développement humain durable.

Au fil du temps, d’autres activités et d’autres intérêts ont pu se développer à côté de l’activité principale à l’origine des modifications hydromorphologiques de la masse d’eau. C’est par exemple le cas des loisirs sur un barrage hydroélectrique.

L’environnement au sens large doit être compris comme incluant les espaces naturels et l’environnement humain (archéologie, patrimoine, paysages, effets de serre,...). Cela signifie :

  • que l’on ne se limite pas aux effets sur les milieux aquatiques ;
  • que ces effets indirects sur l’environnement sont à prendre en compte à l’échelle locale d’une part mais à une échelle plus large si nécessaire.

Cette évaluation revient en particulier à s’assurer de la cohérence des mesures avec d’autres directives communautaires(ex. : directives oiseaux, habitats, énergies renouvelables).

En ce qui concerne les énergies renouvelables et l’effet de serre, les impacts seront évalués lors de l’examen des solutions alternatives (cas des MEFM-MEA liées à la navigation ou à l’hydroélectricité).

Les approches environnementales et paysagères seront à réaliser en veillant à l’identification des territoires pertinents et en se rappelant que les paysages de rivières sont mouvants du fait de la dynamique fluviale.

Il conviendra en particulier d’identifier les zones spéciales de conservation (ZSC) et les zones de protection spéciales (ZPS) figurant dans le réseau Natura 2000 et impactées par le rétablissement du bon état. Le choix retenu (mesures pour rétablir le bon état ou maintien des habitats et espèces des sites « Natura 2000 ») sera celui qui présente le meilleur parti économique et environnemental. Si les mesures proposées ne sont pas compatibles avec le maintien de ces sites, il conviendra d’examiner s’il existe d’autres moyens pour assurer ce même service environnemental afin de compenser les dommages induits. En cas de choix du rétablissement du bon état, il conviendra de vérifier les obligations d’information de la Commission européenne et les mesures nécessaires en application de la législation protégeant ces sites.

Quelles sont les données disponibles pour évaluer ces effets négatifs sur les activités ou sur l’environnement ?

Les sources de données économiques disponibles sur les activités ont été identifiées lors de l’état des lieux. Ces sources de données seront utilisées pour une première évaluation économique des impacts.

A défaut de données, et s’il n’apparaît pas nécessaire d’engager une étude approfondie des avantages et des dommages, on pourra se limiter à une évaluation qualitative fondée sur l’importance de la zone géographique concernée, le nombre d’usagers, etc.

b) Identifier et évaluer les solutions alternatives

Il convient d’identifier les solutions alternatives pour assurer les mêmes fonctions économiques, puis, si elles existent, évaluer si elles sont techniquement faisables, puis si tel est le cas, si elles constituent une meilleure option environnementale réalisable à un coût non disproportionné. Une réponse négative à l’une de ces questions implique la désignation en MEFM (cf. figure 3, page 16).

Quelles autres solutions techniques permettent d’assurer la même fonction économique ?

Il est rappelé que ces autres solutions techniques correspondent au remplacement, à service rendu identique, des parts d’activités existantes actuellement qui ne pourraient pas être maintenues compte tenu des modifications hydromorphologiques nécessaires à la réalisation du bon état (exemple : diminution de la production hydroélectrique à remplacer, selon les caractéristiques de la production actuelle - base, semi-base, pointe -, par des éoliennes, ou par un autre barrage existant ou nouveau, ou par une turbine gaz, les coûts de substitution intégrant les efforts d’économie d’énergie).

Comment apprécier la faisabilité technique des autres solutions identifiées pour assurer la même fonction économique ?

La faisabilité technique telle que définie par la directive n’inclut pas l’examen des aspects techniques et pratiques de mise en œuvre des autres solutions. Il ne sera pas nécessaire de poursuivre la démarche en évaluant les incidences environnementales d’alternatives qui, manifestement, ne peuvent pas techniquement être mises en œuvre.

La directive demande d’examiner les alternatives possibles aux activités sans préciser l’horizon temporel pour la définition de ces alternatives. La désignation des MEFM devant être revue lors de chaque plan de gestion, il apparaît logique de considérer que ces alternatives devraient pouvoir être mises en place en 2015, terme du premier plan de gestion.

Quelles sont les données disponibles pour évaluer si ces alternatives constituent une meilleure option environnementale ?

Il faut s’assurer ici qu’un problème environnemental n’est pas remplacé par un autre. Il convient donc de considérer l’environnement au sens large (eau, terre et atmosphère). A cette étape, cette analyse sera réalisée sur la base d’évaluations des coûts environnementaux reconnues par les secteurs professionnels concernés.

Les annexes à ce guide présentent les valeurs des coûts environnementaux des diverses activités.

c) Comment évaluer si ces alternatives sont (ne sont pas) d’un coût disproportionné ?

La directive précise que la solution alternative peut être écartée pour des raisons de coût disproportionné. Il s’agit donc de vérifier si la solution alternative peut être mise en œuvre à un coût « raisonnable » pour la société au regard des coûts directs et indirects de la situation actuelle.

Par analogie avec l’application du concept de coûts disproportionnés utilisé pour l’examen des reports de réalisation en 2021 ou 2027, l’analyse du caractère disproportionné du coût de l’alternative implique une analyse coûts/avantages comparant :

  1. Les coûts de la solution alternative à service rendu identique par rapport à la situation actuelle (même production électrique, même tonnage transporté,...) ;
  2. Les dommages environnementaux et les bénéfices marchands et non marchands en situation actuelle et pour l’alternative.

Il convient donc d’évaluer le « coût complet » de l’alternative, les bénéfices retirés de la réalisation du bon état étant actualisés sur la durée de vie de l’équipement à construire.

Quelles sont les données disponibles pour évaluer les bénéfices environnementaux liés à la réalisation du bon état ?

L’annexe II présente l’évaluation des bénéfices liés à l’atteinte du bon état et les données disponibles. Dans ces bénéfices environnementaux doit être prise en compte la diminution éventuelle des dépenses compensatoires actuellement à la charge des usagers de l’eau du fait de la détérioration de l’état des eaux (coût de la ressource).

Les documents guides européens ne définissent pas le seuil au-dessus duquel le coût de l’alternative est jugé « disproportionné ». La décision sera prise localement, au cas par cas, par le comité de bassin, au vu des données rassemblées. Le motif du classement sera à mentionner dans le projet de SDAGE, les études et données utilisées devant être accessibles par le public.

3.5. Evaluation locale des coûts environnementaux et étude approfondie des pertes d’activité et des alternatives (« tamis C »)

Si les éléments rassemblés lors de l’étape précédente ne sont pas apparus suffisamment probants, il convient de compléter, par des études locales, la connaissance des activités, des coûts et des bénéfices environnementaux liés à la réalisation du bon état.

Les enjeux justifient ici de connaître plus finement tous les coûts économiques liés à l’ensemble des activités et des intérêts répertoriés.

Pour conduire ces études, des guides et cahiers des charges types élaborés par la direction des études économiques et de l’évaluation environnementale du MEDD sont mis à disposition (site économie sur eaufrance).

Si, au terme de cette troisième étape, on a pu démontrer qu’une alternative est possible techniquement :

  • qu’elle constitue une option environnementale meilleure ;
  • qu’elle est réalisable à un coût non disproportionné,

alors la masse d’eau n’a pas à être désignée comme MEFM.

Elle retombe alors dans le régime général. Elle pourra faire l’objet de reports de délai ou, à terme, d’un objectif moins strict en application des articles 4.4 et 4.5 de la directive. L’objectif de bon état qui s’applique est celui du type de masse d’eau avant sa modification hydromorphologique.

4. Les outils

La procédure de désignation fait appel à diverses données économiques :

  • des données sur les activités (chiffre d’affaires, emploi,...), dont les sources ont été identifiées lors de la réalisation de l’état des lieux en application de l’article 5 ;
  • des données d’évaluation des coûts, coûts d’investissement, de fonctionnement,... et des coûts pour l’environnement.

L’annexe I donne un exemple de fiche de présentation, récapitulant les différentes étapes de la démarche et les données concernées. De telles fiches sont à établir pour début 2006, afin de servir de base technique à la concertation locale. Elles seront établies, soit pour chaque masse d’eau candidate à la désignation, soit par groupe de masses d’eau riveraines, ou par unité hydrographique homogène si la viabilité des activités économiques ne peut être assurée que par une cohérence de la désignation des MEFM ou MEA à l’échelle concernée.

L’annexe II fournit des valeurs de coûts environnementaux. Les sources de données correspondantes, les synthèses disponibles, ainsi que les cahiers des charges types pour l’évaluation des bénéfices environnementaux sont disponibles sur le site eaufrance (rubrique économie) (10).

(10) Voir circulaire du 4 avril 2004 relative à la mise à jour des SDAGE, à la définition des programmes d’intervention des agences de l’eau et des programmes de mesures (http ://www.ecologie.gouv.fr/IMG/eau/Circulaire_SDAGE-PoM-9E_8e_prog.pdf).
(10) Ouverture prévue mars 2006.

E.  -  Le calendrier de mise en œuvre

Rappel : décembre 2004-septembre 2005 : réalisation des tests de la méthodologie.

En parallèle, identification des actions de restauration de biotopes déjà réalisées ayant fait l’objet d’une évaluation avant-après du point de vue écologique (groupe eaux continentales de surface).

Février-septembre 2005 :

Identification des valeurs « guide » pour les coûts de production et pour les coûts environnementaux des activités et de leurs alternatives.

Octobre 2005-janvier 2006 :

Compléter l’identification des activités liées aux modifications hydromorphologiques ayant justifié la désignation prévisionnelle des MEFM et MEA.

A l’aide des fiches d’analyse, réaliser rapidement un premier passage en revue des masses d’eau « candidates » à la désignation, sur la base des éléments déjà répertoriés dans l’état des lieux. Cette revue doit permettre d’identifier :

  • les masses d’eau pour lesquelles la désignation en MEFM ou en MEA est évidente ;
  • les données complémentaires qu’il faudra rassembler pour motiver ce premier choix (exemple : population des zones protégées contre les crues).

Ce travail permettra également d’identifier les mesures minimales qui pourraient permettre d’atteindre le bon état.

Octobre 2005-mars 2006 :

Identification et évaluation des mesures minimales nécessaires pour atteindre le bon état pour les masses d’eau pré-identifiées en MEFM et non désignées comme telles à l’issue du premier passage en revue.

Répertorier les alternatives possibles pour assurer les activités ou les intérêts en cause (sur la base des valeurs guides définies au plan national et bassin).

Janvier 2006-mai 2006 : concertation locale.

Présentation des travaux aux acteurs locaux :

  • validation d’une première liste de propositions ;
  • définition d’une seconde liste de masses d’eau nécessitant un examen plus approfondi.

Pour les masses d’eau inscrites sur la seconde liste, identification avec les acteurs locaux des scénarios alternatifs à étudier pour 2015.

Juin-juillet 2006 :

Examen des travaux par le comité de bassin ; lien avec la définition du IXe programme (volet milieux aquatiques, études des SAGE prioritaires).

Dès que possible - fin 2006 : études plus approfondies de la seconde liste.

Pour chacune des masses d’eau inscrites sur la seconde liste :

  • étude de scénarios de classement en MEFM ou de restauration du bon état ;
  • proposition d’objectifs et de stratégies : classement MEFM ou non ; définition d’un report d’objectif ; identification des études à inscrire au programme de mesures pour préciser l’objectif à terme ; demande d’un SAGE...

Ce travail doit contribuer à l’identification des priorités d’action du futur programme d’intervention de l’agence dans les domaines de restauration des milieux naturels et de la politique territoriale (définition de SAGE).

Début 2007 : présentation des travaux aux acteurs locaux ; validation d’une deuxième liste de propositions de classement.

Printemps 2007 : mise en forme et synthèse des travaux.

Et, si nécessaire, concertations locales pour intégrer les orientations définies par le comité de bassin.

Juin-juillet 2007 : validation de la liste de MEFM par le comité de bassin ; proposition de définition de SAGE prioritaires.

Septembre 2007 : adoption du projet de SDAGE à soumettre à la consultation du public.

Annexe I

Annexe II : Evaluation des bénéfices liés à l’atteinte du bon état

Dans le cadre de la DCE, toute dérogation d’une masse d’eau (ME) à l’objectif de bon état (BE) sera à motiver. Aujourd’hui 2 300 masses d’eaux sur les 4 500 recensées ont été identifiées comme risquant de ne pas atteindre le bon état ou susceptibles d’être désignées comme « fortement modifiées ». Les analyses coûts-avantages qui montreraient des coûts de mesures de restauration du milieu disproportionnés par rapport aux bénéfices attendus du bon état sont un des critères possibles pour motiver l’adaptation de l’objectif environnemental.

Cette annexe présente une stratégie pour mettre en œuvre ces analyses coûts-avantages. Après avoir rapidement proposé une approche progressive, afin de traiter qualitativement les cas les plus simples, la note ne traite plus ensuite que des valeurs guides à mobiliser pour quantifier les bénéfices environnementaux à l’échelle d’une masse d’eau. Les valeurs « guides » proposées pour les bénéfices non marchands sont issues des travaux de l’INRA de 2002 sur les études disponibles en France et assorties de fourchettes de valeurs disponibles, le cas échéant, autour des valeurs guides.

Il est possible de dégager les points suivants pour les actions qui restent à entreprendre :

  • l’évaluation des bénéfices environnementaux oblige à bien décrire les gains apportés par le passage au bon état, pour le patrimoine écologique ou pour les usages, pour le court terme ou pour le long terme. Cette traduction n’est en général pas faite d’emblée. Or, elle devra l’être non seulement pour la valorisation économique, mais aussi pour pouvoir engager les acteurs locaux dans un processus de discussion sur le choix des objectifs environnementaux ;
  • si des données unitaires de valorisation existent et ont pu être stabilisées (critère de fiabilité, de représentativité,...), la connaissance des nombres d’usagers ou de non-usagers auxquels elles s’appliquent demeure une difficulté, qu’il convient de traiter avec les agences de l’eau en fonction des données disponibles localement ;
  • toute valorisation des améliorations du patrimoine en lui-même, en dehors de tout usage sont probablement un enjeu majeur en terme de poids économique. Ce sont aussi les plus fragiles méthodologiquement. Elles devraient être incluses, mais chiffrées séparément pour être discutées.

Vu le nombre de masses d’eau pour lesquelles ces analyses coûts-avantages seront à réaliser afin de préciser la pertinence d’objectifs adaptés, des méthodes très rustiques doivent être mises au point pour conduire l’évaluation coûts-avantages de la restauration des masses d’eau.

Cette note fournit des éléments simples d’utilisation pour valoriser les bénéfices de l’atteinte du bon état (BE). Elle présente :

  • une proposition d’approche progressive pour la mise en oeuvre des analyses coûts-avantages.
    Après cette présentation, la note ne traite plus ensuite que des valeurs guides à mobiliser pour l’évaluation des bénéfices ;
  • un rappel structurant sur le périmètre des bénéfices à rechercher ;
  • une proposition de méthode pour l’évaluation des bénéfices marchands ;
  • une proposition de méthode pour l’évaluation des bénéfices non marchands assortie d’un tableau de données de base servant au chiffrage ;
  • enfin, quelques recommandations sur le cas de la valorisation d’espèces migratrices illustrées par le cas du saumon.

I. L'analyse coûts-avantages dans la DCE : une mise en oeuvre par une approche progressive de l'analyse

Au vu des travaux tests des bassins menés pour l’analyse des masses d’eau fortement modifiées (MEFM), il apparaît évident qu’une démarche progressive d’analyse est à mettre en place pour réaliser les analyses coûts-avantages des masses d’eau. En effet, les cas les plus évidents de coûts disproportionnés doivent être traités par des méthodes plus simples que le recours à des valeurs guides. Il faut conduire une analyse coûts-avantages de manière qualitative pour tous les cas évident ou simples. Enfin, pour les cas indéterminés, des études locales devront être conduites.

La mise au point de la phase simplifiée n’est pas abordée dans cette note, qui traite de la phase « valeurs guides ». Les consignes de mise en œuvre de la phase simplifiée pourront être trouvées directement auprès de groupes tests, selon la thématique du test (navigation, hydroélectricité,...). La phase d’étude locale pourra, quant à elle, utilement s’appuyer sur les documents « guides de bonnes pratiques pour la mise en œuvre des études d’évaluation des biens environnementaux ». Ces documents sont disponibles sur le serveur eau/économie de la direction de l’eau.

La succession d’étapes dans l’analyse coûts-avantages est envisagée de la manière suivante :

  •   une phase simplifiée : analyse des cas évidents de confirmation de l’aspect coûts disproportionnés par le recours à des indicateurs techniques, mais non monétaires (ex. : mesures nombreuses et coûteuses et enjeu écologique faible : alors coût disproportionné) ;
  • une phase avec recours à des valeurs guides : étude plus détaillée à partir des indicateurs économiques disponibles ;
  • une phase approfondie : réalisation d’études économiques plus approfondies avec recours à des évaluations spécifiques locales.

Schématiquement, ces trois phases s’enchaînent de la façon suivante :

Dans ce schéma, en terme de finesse d’analyse, la phase « valeurs guides » se situe comme une approche intermédiaire entre l’approche qualitative la plus grossière et l’approche par une étude in situ. Aussi, lors de l’analyse coûts-avantages par les valeurs guides fournies dans cette note, une analyse de sensibilité des valeurs obtenues reste bienvenue. Elle s’appliquera tant aux valeurs unitaires qu’à l’assiette à laquelle ces valeurs unitaires sont appliquées. Les chiffrages doivent être davantage analysés comme des curseurs d’alerte que comme des valeurs intangibles.

Enfin, si certains bénéfices ou coûts sont jugés malgré tout non monétarisables et susceptibles d’influencer le résultat du calcul des coûts disproportionnés, il conviendra de recourir à une étude locale, si l’on veut répondre à l’analyse des coûts disproportionnés.

II. Considérations générales sur la prise en compte des augmentations de bénéfices pour l'analyse des coûts disproportionnés dans le cadre de la DCE

La DCE demande de réaliser une analyse coûts-avantages pour statuer sur les coûts disproportionnés, d’un scénario de passage d’une masse d’eau au bon état. Dans ce cadre, il est rappelé que c’est bien l’augmentation de bénéfice générée par le passage au bon état de la masse d’eau qui est à rechercher et non le bénéfice total d’une masse d’eau en bon état (comparativement à un scénario où le bon état n’existerait pas).

2.1. Notions à prendre en compte pour rechercher les augmentations de bénéfices liés au passage au bon état d’une masse d’eau

La DCE demande de chiffrer les bénéfices environnementaux. Ceux-ci sont de deux types :

  • marchands (coûts évités, par exemple moindres coûts de fonctionnement des usines de potabilisation,...)
  • non marchands, ceux-ci pouvant être subdivisés entre ceux qui concernent :
  • les usagers (augmentation de bien-être issue de la pratique d’une activité liée à l’eau,...)
  • et ceux relatifs aux non-usagers, c’est-à-dire liés à une amélioration de l’environnement en dehors de tout usage (bénéfice d’une amélioration du patrimoine naturel en lui-même,...).

En outre, la DCE demande de chiffrer les bénéfices résultant de variations d’état : passage de la situation de l’état actuel à la situation d’un état amélioré (bon état, voire bon potentiel,...). A priori, cette variation environnementale peut induire deux types d’effets bénéfiques :

  • un effet « qualité » : on entend par là que les individus déjà usagers d’une masse d’eau profitent de l’amélioration de sa qualité (par exemple, on pourra localement pêcher du poisson sauvage au lieu d’espèces de pisciculture,...) ;
  • un effet « quantité » : on entend par là qu’il peut aussi y avoir augmentation du nombre d’usagers de la masse d’eau, du fait de son amélioration (par exemple, on peut désormais pêcher un poisson migrateur absent jusqu’alors).

2.2. Pour les demandes de la directive, quels types de bénéfices prendre en compte ?

Le croisement des notions présentées ci-dessus permet de dresser le tableau à 6 entrées de la page suivante.

Concernant les hypothèses simplificatrices proposées dans ce tableau, on constatera que :

  • l’estimation des bénéfices marchands issus d’un effet «  qualité » n’induit qu’un seul type de bénéfice : celui lié à la diminution des coûts de traitement d’eau potable. L’amélioration de l’état d’une masse d’eau n’induit pas de variation de bénéfices pour les autres activités ;
  • les bénéfices marchands intégrés aux prix immobiliers (méthode des prix hédonistes) en liaison avec une amélioration de l’état des eaux ne sont volontairement pas pris en compte ici. Ceci s’explique par la difficulté d’accéder aux données nécessaires au calcul de ce bénéfice (nombre de biens concernés et valeur des biens). Dans le cas de la variation de l’état d’une masse d’eau, l’hypothèse d’un enjeu faible associé à ces bénéfices devrait être théoriquement vérifiée.

Tableau 1 : Types de bénéfices à rechercher dans le cadre des travaux DCE

TYPES DE BÉNÉFICES EFFET QUALITÉ EFFET QUANTITÉ
Marchands Impact AEP (diminution des coûts de traitement pour AEP, industries...).

Sinon négligé pour les valeurs guides de la DCE

Rien à compter dans l’analyse coûts-avantages (voir § III)
Non marchands pour les usagers Augmentation des bénéfices pour les usagers actuels

Nombre actuel d’usagers

Bénéfices totaux pour les nouveaux usagers

Augmentation du nombre d’usagers

Non marchands pour les non-usagers Bénéfices d’une amélioration du patrimoine en dehors de tout usage (augmentation de la valeur patrimoniale pour les habitants du bassin ou territoire)

Nombre de résidents dans un périmètre à déterminer (BV local à régional)

 

Les bénéfices des non-usagers (bénéfices patrimoniaux) sont difficiles à estimer du fait :

  • de la signification intrinsèque de la valeur : celle-ci est-elle vraiment celle que les personnes non utilisatrices du site accordent à une amélioration du patrimoine aquatique sur une masse d’eau bien précise ?
  • du nombre de ménages à prendre en compte pour la valorisation : les études font apparaître plusieurs zones d’influence en fonction du caractère commun ou exceptionnel du patrimoine naturel revalorisé : la sphère d’intérêt peut être celle des communes limitrophes, du bassin versant ou elle peut être régionale pour les enjeux les plus emblématiques (retour d’espèces migratrices tel le saumon,...).

En conséquence, il est préconisé de chiffrer distinctement les valeurs patrimoniales (non-usages) des autres, pour les discuter séparément.

III. L'augmentation des bénéfices marchands issue du passage au BE des masses d'eau

Cette augmentation de bénéfices peut être :

  • une diminution des coûts de traitement d’eau potable ;
  • tout bénéfice économique net pour la société, s’il ne relève pas d’un mécanisme de simple transfert financier à l’échelle locale ou nationale. Dans ce cas, il est rappelé que ce n’est pas la connaissance de l’augmentation des chiffres d’affaires des activités qui est recherchée ici, mais de l’augmentation des bénéfices des activités issue du passage au bon état.

Le cas des chiffres d’affaires des activités locales liés à l’état des eaux

Il est naturel de prendre en considération l’activité économique induite ou disparue du fait d’une variation environnementale locale comme un considérant économique local du projet.

Par contre, inclure les impacts économiques en termes de chiffres d’affaires créés ou disparus dans l’évaluation coûts-avantages est généralement exclu, car relève, la plupart du temps, de simples mécanismes de transferts.

Dans le cadre d’une analyse coûts-avantages où une activité récréative se développerait du fait du passage au BE (nouveau type de pêche...), le bénéfice pertinent est celui que retirent les pratiquants potentiels de la pratique de leur activité, ce surplus non marchand pour les usagers devant être estimé par une méthode de monétarisation adaptée (évaluation contingente ou méthode des coûts de transport essentiellement).

Ajouter à ce surplus le chiffre d’affaires des activités induites n’a pas de sens économiquement, puisque ce chiffre d’affaires correspond à un transfert entre agents économiques. Ce chiffre d’affaires n’est qu’une contrepartie à une dépense des pratiquants récréatifs et il faut prendre en compte le fait que le montant de cette dépense, dans le scénario « de référence » (maintien de la masse d’eau dans son état initial) serait allé grossir le chiffre d’affaires d’autres activités économiques (par exemple, d’autres activités de loisirs). Ainsi, l’augmentation du chiffre d’affaires économique issu de l’amélioration de la masse d’eau ne peut être vu comme un bénéfice net du projet pour la collectivité.

Néanmoins, une autre possibilité est que, dans le scénario de référence (maintien de la masse d’eau dans son état initial), le pratiquant récréatif, privé de son activité, choisisse d’épargner plutôt que de se livrer à une autre activité de loisirs ou plus généralement de consommer n’importe quoi d’autre. Mais, dans le cadre micro-économique qui sous-tend l’analyse coûts-avantages, cela ne change rien au niveau global, puisque l’épargne se traduit simplement par de la consommation future.

Il n’en demeure pas moins que, selon les économistes, ne pas développer l’activité récréative peut avoir une incidence économique :

  • soit si l’on considère que l’épargne qui est créée à la place de cette activité est à un niveau trop élevé freinant l’activité ;
  • soit si l’on se place à un niveau local et que les activités substituées dans le scénario de référence à l’activité récréative associée au BE peuvent avoir lieu ailleurs.

Mais, on se place alors dans un cadre d’analyse macro-économique. En tout état de cause, le cadre d’analyse n’est plus celui de l’analyse coûts-avantages.

On retiendra que l’évaluation des effets induits sur l’activité doit donc être proposée, dans le débat local, comme un élément complémentaire à l’analyse coûts-avantages, mais non comme l’une de ses composantes. En effet, il s’agit la plupart du temps de simples arbitrages des acteurs entre plusieurs activités, sans bénéfice net pour la société, mais qui correspondent à de simples transferts.

Lorsque les éléments sur l’activité économique induite sont proposés, il convient de signaler que la valeur ajoutée est un indicateur de bénéfice de l’activité plus pertinent que le chiffre d’affaires (VA en général de l’ordre de 40 % du chiffre d’affaires), en particulier si l’on s’intéresse à l’emploi induit.

IV. L'augmentation des bénéfices non marchands issue du passage au bon état des masses d'eau

Un tableau (tableau 2) a été élaboré pour la valorisation des bénéfices environnementaux non marchands.

4.1. Préconisations générales

Compte tenu de l’état des connaissances sur les bénéfices non marchands, il est rappelé certaines précautions d’usage générales pour la valorisation de ces bénéfices par des valeurs guides :

  • le tableau a d’abord une vocation de « check-list » visant à aider à vérifier que l’ensemble des bénéfices environnementaux figure bien dans les discussions entre acteurs sur l’évaluation des coûts disproportionnés du passage de la masse d’eau au bon état ;
  • l’évaluation des bénéfices environnementaux oblige à bien décrire les gains apportés par le bon état, pour le patrimoine ou pour les usages, pour le court terme ou pour le long terme. Cette traduction n’est pas toujours évidente, elle n’est en général pas faite d’emblée. En tout cas, elle s’impose non seulement pour la valorisation économique, mais aussi dans le but de pouvoir donner aux acteurs du bassin des éléments concrets permettant d’engager entre eux une discussion. On ne peut pas imaginer que celle-ci se fasse correctement sur la seule base des paramètres techniques du bon état ;
  • la règle générale qui s’applique est d’éviter les doubles comptes, notamment entre les usagers et les non-usagers. Il est rappelé que, de manière générale, il est admis que la valeur patrimoniale est déjà partiellement incluse dans la valorisation que fait un usager quant à l’amélioration du site par la mesure de restauration. Aussi, les usagers ne seront pas comptés aussi parmi les personnes ayant une valorisation spécifique du patrimoine (non-usage). Pour valoriser le passage au bon état, il est proposé de ne pas directement sommer, mais d’afficher séparément l’augmentation des bénéfices non marchands des usages d’une part et celui procuré par l’amélioration du patrimoine en dehors de tout usage, d’autre part.

4.2. Valeurs unitaires des bénéfices

Le tableau de valeurs unitaires (tableau 2) a été élaboré à partir de la revue de littérature produite en France par l’INRA sur les études de valorisation des bénéfices environnementaux non marchands. A ce stade, seuls les documents les plus utiles pour le cas des bénéfices induits par les MEFM liées à l’hydroélectricité ont été sélectionnés.

Le tableau cite les écarts entre les valeurs disponibles pour valoriser une même modification du milieu, mais en retient une seule comme valeur guide (en gras), les autres permettant d’initier une discussion sur la sensibilité.

Par sécurité, c’est la valeur minimale qui a été retenue. Les évaluations environnementales sont donc proposées a minima.

4.3. Comment déterminer les assiettes d’application des valeurs unitaires ?

Si des données unitaires de valorisation existent et ont pu être stabilisées (critère de fiabilité de représentativité...), la connaissance des nombres d’usagers ou de non-usagers auxquels elles s’appliquent demeure une difficulté qu’il convient de discuter avec les agences de l’eau en fonction des données disponibles localement. A ce stade, le tableau renvoie essentiellement aux données locales, considérées comme les meilleures données possibles. Elles comprennent les dires d’experts, les enquêtes locales de fréquentation des sites, les transferts d’enquêtes faites sur des sites similaires du point de vue environnemental et de leur fréquentation.

A l’autre extrémité, le tableau 2 cite des ratios d’usagers (pourcentage de pêcheurs parmi la population...) obtenus sur les études primaires de monétarisation. L’extension de ces ratios aux sites à analyser est évidemment très critiquable.

Entre ces deux scénarios, la réutilisation des méthodes britanniques contenues dans le guide « Benefit Assessment Guidance » de l’Environment Agency (2003) est à tester en France, car elle permettrait, si elle était possible, de trouver un moyen terme entre la précision et le coût des études locales d’une part et le transfert de ratios de fréquentation issus de sites primaires d’autre part. Cette validation n’ayant pas encore été faite, la présente note ne prend pas position sur l’utilisation de la méthode britannique.

V. Quelques recommandations sur le cas particulier du saumon

Il convient avant tout de préciser si, en application de la définition du bon état des eaux et des objectifs de gestion piscicole de la rivière concernée, la circulation des poissons grands migrateurs tel le saumon est un objectif de continuité écologique pour la masse d’eau en cours d’étude dans le processus MEFM. La présente note économique ne prend pas position sur ce point. Dans l’affirmative, il est probable que les acteurs iront au moins jusqu’au stade de l’analyse coûts-avantages par des valeurs guides. La littérature ayant également analysé cet enjeu par plusieurs études, le paragraphe qui suit met en lumière, pour cet enjeu spécifique, les éléments les plus à jour et les plus concrets en matière d’évaluation des bénéfices.

5.1. Plage de validité des valeurs

L’étude portant sur la valorisation de la pêche aux poissons migrateurs sur la Sée et Sélune met en évidence que permettre les migrations du saumon dans un contexte où cette situation est très rare en France procure un bénéfice important (surplus) de 42 Euro (1991)/jour de pêche/an. Dans le même temps, elle met en évidence une valorisation faible d’un scénario d’extension du parcours de pêche de la part des pêcheurs qui se rendent déjà sur le site : 16 Euro (1991)/pêcheur/an.

Ces deux valeurs sont très différentes. Ceci n’est pas étonnant dans la mesure où elles ne valorisent pas le même changement environnemental. De plus, cet écart vérifie la décroissance de l’utilité marginale d’un bien (la satisfaction du bien environnemental dépend du niveau auquel ce bien est déjà présent et décroît d’autant plus que le bien est déjà présent en quantité abondante). Toutefois, dans les situations observées en pratique, où la présence du saumon est avérée, mais peut se situer à un niveau très faible, la question de la valeur à utiliser se pose. On ne peut plus faire l’approximation que la valeur unitaire reste constante sur toute la plage d’évolution de la qualité du bien.

Compte tenu des données disponibles et des enjeux, cette question ne sera détaillée et traitée que dans le cas de la valorisation de la réhabilitation du saumon sur une ME (voir encadré).

Dans les autres cas, les valeurs unitaires des bénéfices seront estimées constantes pour les plages d’utilisation de cette note.

5.2. Estimation des individus concernés par l’amélioration, le cas des poissons migrateurs

L’étude est celle de Julien Salanié, Philippe Le Goffe et Yves Sury (2004) sur l’évaluation des bénéfices procurés par le démantèlement de barrages hydroélectriques mérite d’être citée en référence, car elle propose une approche qui pourrait être reprise, sauf si une autre estimation jugée plus fiable est disponible.

L’étude propose un modèle de prévision de l’augmentation du nombre de visites à attendre sur la Sélune dans le cas où les concessions de deux barrages ne seraient pas renouvelées. Actuellement, la pêche au saumon est d’ores et déjà pratiquée sur cette rivière en aval des ouvrages hydroélectriques existants, près de 8 000 journées de pêche au saumon y ont déjà lieu annuellement conduisant à 110-140 captures annuelles sur un parcours de 13 kilomètres. Le modèle a été établi à partir de 28 rivières à saumon localisées en Bretagne et dans le département de la Manche. Il part du principe, que, hors barrage, cette rivière pourrait exprimer les potentialités dont elle dispose pour le saumon et avoir un nombre de visites en augmentation, tout en tenant compte de ses caractéristiques propres par rapport à celles des autres rivières à saumon de la région. Le nombre de visites a été agrégé à partir des données obtenues par enquête téléphonique auprès de 827 pêcheurs de saumon pour la saison 2002. Il part du principe démontré par la théorie économique, mais aussi logique et vérifié empiriquement, que le nombre de visites dépend du nombre de poissons qu’il est possible de capturer (mesuré dans le modèle par le TAC : total autorisé de captures), de la longueur du parcours de pêche et du débit. Pour ce dernier paramètre, l’hypothèse que ce coefficient ne puisse être différent de zéro ne peut être statistiquement écartée. Par sécurité, il convient donc, de préférence, d’utiliser le modèle pour valoriser des variations de la fréquentation d’un site dans des scénarios où le débit de la rivière n’est pas modifié. On a alors un modèle qui s’écrit :

Nbre visites =  1* nbre captures +  2* longueur parcours

PARAMÈTRE MODÈLE
Nombre captures ( 1) 34,21 (1,63)
Longueur parcours en kilomètres ( 2) 123,09 (59,65)
R. 2 ajusté 0,91

Dans cette approche, le TAC si le barrage était démantelé a été estimé par le CSP. Il augmenterait de 400 unités (estimation basée sur le potentiel de la Sélune en unités de production [UP], en lien avec les surfaces de frayères) et le linéaire du parcours de pêche s’agrandirait de 25 kilomètres sur les 68 kilomètres que compte le cours d’eau.

Ainsi, l’application du modèle pour une augmentation de 400 captures et la création d’un parcours de 25 kilomètres produit 16 763 visites supplémentaires par an (intervalle de confiance à 90 % : [14 750-18 800]). En reprenant une valorisation des bénéfices (surplus) de la pêche au saumon issu de nombreuses études, dont des études étrangères, les auteurs utilisent deux approches de valorisation :

  • une à 25 Euro (2002) par journée de pêche au saumon. Ils en déduisent un bénéfice non marchand issu de l’amélioration de l’activité pêche au saumon suite à un scénario de non-renouvellement des concessions des 2 barrages de la Sélune de 400 000 Euro (2002) par an environ ;
  • une à 50 Euro (2002) par journée de pêche au saumon. Ils en déduisent un bénéfice non marchand issu de l’amélioration de l’activité pêche au saumon suite à un scénario de non-renouvellement des concessions des 2 barrages de la Sélune de 800 000 Euro (2002) par an environ.

Interrogés en septembre 2005, les auteurs, après avoir conduit des études locales en France valident la valeur haute de leur estimation (50 Euro [2002] par journée de pêche au saumon). Du coup, cette valeur est proche de celle proposée en 1991 par F. Bonnieux et al.

Compte tenu de l’enjeu que peut avoir l’estimation des bénéfices non marchands de la réintroduction de poissons migrateurs lors d’un préchiffrage même grossier des bénéfices, il est proposé la démarche pragmatique suivante pour obtenir une valeur type :

L’étude sur la Sélune a mis en évidence :

  • surplus moyen sur [0 - 32 000 visites] = 42-61 Euro (1991) par jour et par pêcheur ;
  • CAP moyen sur [32 000 - 35 427 visites] = 16 Euro (1991) par pêcheur favorable/an ou 7 Euro (1991) par pêcheur du site/an.

Approche proposée sur un site quelconque :

  • connaître le nombre actuel de visites (données existantes ou dires d’experts) ;
  • utiliser le modèle de Surry pour le nombre de visites supplémentaires ;
  • en déduire le nombre total de visites Vt ;
  • valoriser les augmentations de visites tant que Vt < [0-32 000 visites] à 42 Euro (1991) par jour et par pêcheur ;
  • valoriser à 7 Euro (1991) par pêcheur et par an, les visites au-delà de cette plage.

Une alternative envisageable pourrait être de fixer à dire d’experts (CSP,...) les bornes du passage à 42 Euro (1991) par visite à 7 (1991) par pêcheur et par an pour savoir où est pour le site envisagé la limite entre un fort bénéfice du saumon (offre très rationnée) et un bénéfice faible (offre abondante).

Annexe I : Annexe calculatoire

A1.1.Tableau de conversion inter-annuel des valeurs

ANNÉES IPC
1990 100
1991 103,2
1992 105,7
1993 107,9
1994 109,7
1995 111,6
1996 113,8
1997 115,2
1998 116,0
1999 117,4
2000 119,2
2001 120,8
2002 123,3
2003 125,3
2004 127,8

A1.2. Facteur de conversion entre population majeure et population totale

Certaines études sources s’appuient sur des valeurs établies relativement à un nombre de personnes majeures présentes sur le bassin, d’autres sur le nombre d’habitants du bassin. Le tableau pour faciliter l’accès aux données ne reprend que le nombre d’habitants. Le facteur de conversion issu du recensement 1999 est de 78 %. Il varie de 75 à 79 % entre les régions. L’hypothèse est faite d’un taux de conversion constant pour toutes les études.

Annexe III : Désignation de MEFM au titre de l’hydroélectricité

TEST MÉTHODOLOGIQUE MEFM « HYDROÉLECTRICITÉ »

I. Synthèse du test réalisé sur l’usage hydroélectricité dans le bassin Adour-Garonne (11)

(11) Contact pour plus d’information : Stéphane Robichon, AEAG.

Le bassin Adour-Garonne étant fortement concerné par l’hydroélectricité (cet usage est en effet à l’origine de plus de la moitié des masses d’eau pré-désignées fortement modifiées), le MEDD a confié à l’agence de l’eau Adour-Garonne le test de confirmation des MEFM pour l’usage hydroélectricité.

Ce test a été réalisé par un groupe de travail réunissant les services de l’agence, la direction des études économiques du MEDD, la mission technique commune AEAG-EDF, le CSP, la DIREN de Midi-Pyrénées et la DRIRE. Ce test a porté sur la première version du projet de guide établie en novembre 2004.

1. Présentation de la méthodologie retenue

Le travail réalisé par le groupe a consisté à étudier comment on pouvait appliquer le guide européen sur la désignation des MEFM aux masses d’eau impactées par l’hydroélectricité. Afin d’évoluer dans un climat de travail constructif, il est apparu nécessaire aux membres du groupe de s’orienter vers une application pragmatique du guide européen, c’est-à-dire une démarche dont le degré de complexité des données est adaptée au degré de complexité des cas étudiés.

Ce choix a considérablement assaini les discussions en :

  • ne donnant plus l’impression que tout était remis en question ;
  • ne cherchant plus à engager systématiquement une collecte lourde de données.

La méthodologie proposée par le guide européen demande en particulier d’apporter des réponses à 3 questions clefs ; les mesures à envisager pour atteindre le bon état :

  • ont-elles des impacts négatifs ou un coût significatif pour les usagers ?
  • ont-elles des effets négatifs sur l’environnement au sens large ?
  • se traduisent-elles par des bénéfices pour la société dans son ensemble qui justifient les coûts de ces mesures ?

Le principe de la méthode retenue par le groupe est de répondre à ces questions en passant chaque masse d’eau à travers trois niveaux d’analyse :

  • une phase simplifiée : analyse des cas évidents de confirmation des MEFM avec recours à des indicateurs techniques mais non monétaires ;
  • une phase avec recours à des valeurs guides : étude plus détaillée à partir d’indicateurs économiques disponibles ;
  • une phase approfondie : réalisation d’études économiques plus approfondies avec recours à des évaluations spécifiques. Cette phase est hors champ du guide de test des MEFM.

2. Application de cette méthodologie au cas de l’hydroélectricité dans le bassin Adour-Garonne

A ce stade, il s’agit de se livrer à une description claire de la masse d’eau en faisant apparaître des information sur :

2.1. De quoi a-t-on besoin et à partir de quelle source travailler pour traiter la phase simplifiée

  • l’impact de la mesure sur l’usage hydroélectricité est estimé en croisant la nature de l’ouvrage (lac, éclusée, fil de l’eau) avec le type de mesures nécessaires à l’atteinte du bon état (effacement, relèvement du débit réservé) ;
  • une typologie des ouvrages hydroélectrique a été réalisée : elle prend en compte le productible et puissance de l’usine et la capacité de l’usine à produire de l’énergie de pointe ;
  • pour chaque type de pression, un catalogue de mesures types a été réalisé ;
  • le bénéfice environnemental d’une masse d’eau en bon état est estimé en prenant en compte le potentiel écologique de la masse d’eau que le groupe propose d’évaluer en s’appuyant sur les zonages du SDAGE de Natura 2000 et les zonages réglementaires. La prise en compte de ces zonages ayant un lien avec la problématique des milieux aquatiques permet d’intégrer dans ce bilan une première évaluation de la valeur des milieux pour lesquels le BEE doit être recherché ;
  • une liste de zones a été sélectionnée pour prendre en compte le potentiel écologique ;
  • l’impact des mesures sur les autres usages associés à la masse d’eau est évalué en croisant le poids actuel de l’usage avec une estimation qualitative sur l’évolution de cet usage liée à la mesure.

Le plus important à ce stade étant d’apporter un minimum de transparence sur les choix effectués, sans nécessairement chiffrer l’impact précis des mesures.

Illustration :

Ainsi pour la masse d’eau 147 du bassin Adour-Garonne (centrale de La Raviège), il a été mis en évidence que l’impact des mesures à prévoir pour atteindre le bon état serait fort pour l’usage hydroélectricité (baisse de la production d’énergie de pointe pour le report intersaisonnier), puisque ces mesures se traduisent par un relèvement du débit réservé.

Par ailleurs la masse d’eau étudiée n’était concernée par aucun zonage réglementaire, et aucun zonage SDAGE.

L’estimation de l’impact des mesures sur les autres usages reste à consolider.

La situation étant suffisamment claire dès ce niveau d’analyse simplifiée, le groupe a proposé de classer cette masse en MEFM.

Par contre pour la masse d’eau 83 (centrale de Hautefage), la situation est moins tranchée, puisqu’on se retrouve en présence d’une masse d’eau sur laquelle l’usage hydroélectrique est fortement impacté par les mesures (modifications de la modulation de l’énergie et baisse de la production de l’énergie de pointe) tout en étant située sur une zone remarquable du SDAGE. Le groupe a donc proposé de passer cette masse d’eau à travers « un deuxième tamis » : l’analyse à partir des valeurs guides. (Joindre le tableau de ces exemples en annexe.)

2.2. De quoi a-t-on besoin et à partir de quelles sources travailler pour traiter la phase valeurs guides ?

L’impact des mesures sur l’usage hydroélectricité est estimé en prenant en compte les coûts liés aux pertes ou aux déplacements d’énergie et de puissance provoqués par les mesures et aux coûts des aménagements qu’induisent les mesures (ex. : coûts des ouvrages de franchissement, ou coût d’effacement de l’ouvrage).

La valeur économique des pertes ou déplacements d’énergie et de puissance associés aux mesures est calculée en s’appuyant sur la méthode tarifaire utilisée habituellement par EDF. Celle-ci produit des coûts annuels liés à la substitution de l’hydroélectricité par le mix des moyens de production d’électricité français. Les pertes ou déplacements d’énergie reflètent les pertes en fonctionnement et les pertes de puissance reflètent les pertes de capacité de production. Ces dernières nécessitent un redimensionnement du parc de production d’électricité pour conserver globalement la même puissance disponible. Le coût de la puissance renvoie à des coûts d’investissement.

Pour utiliser cette méthode, il faut être en mesure de calculer les pertes d’énergie et de puissance selon différents postes horo-saisonniers, ce qui se fait habituellement à l’aide du modèle PARSIFAL. Compte tenu des données que ce type de modèle mobilise, il ne faut pas s’attendre à pouvoir l’utiliser pour chaque masse d’eau, et il est donc nécessaire d’envisager des modes d’estimation simplifiée des pertes énergétiques et de puissance.

Dans le cas général, il conviendra de préciser ce que la mesure de restauration proposée induit en termes de volumes d’eau turbinables perdus selon différents postes horo-saisonniers. A partir de là, quelques caractéristiques standards de l’ouvrage hydroélectrique sur la ME et la méthode tarifaire permettront de valoriser le coût total de la perte de production et de la limitation de puissance du fait de la mesure de restauration proposée (MW et GWh).

Dans le cas où l’ouvrage est totalement effacé, une estimation simplifiée, dérivée de la méthode précédente est proposée sur la base de la production annuelle perdue (GWh) et de coefficient de valorisation dépendants des types d’ouvrages. Dans ce cas, il conviendra de compter en outre les coûts de démantèlement de l’ouvrage et les coûts échoués associés à la perte de l’ouvrage, sur la base de la production annuelle perdue, dans le cas où le contrat d’exploitation ne soit pas à son terme.

Les coûts des ouvrages de franchissement sont obtenus à partir d’une synthèse des dossiers aidés par l’agence et des informations disponibles dans d’autres agences ; les coûts d’effacement des ouvrages sont estimés à partir des rares expériences connues.

L’impact des mesures sur l’environnement au sens large est estimé en prenant en compte les émissions supplémentaires de CO2 associées à un transfert de la production d’énergie de l’hydroélectricité vers un mix énergétique (parc français).

Le coût de ces émissions supplémentaires est estimé à partir de valeurs de référence utilisées en France (rapport Boiteux, cohérent avec approche de la DIDEME) et d’une quantité moyenne d’émission du parc thermique à flamme français. La valorisation peut dès lors se faire sur la base de la production hydroélectrique perdue (GWh) du fait de la mesure de restauration sur les périodes où il doit lui être substitué une production thermique à flamme.

Les bénéfices environnementaux d’une atteinte du bon état sont estimés en évaluant l’augmentation des activités récréatives et en intégrant la valeur patrimoniale liée au bon état (cf. le document D 4E au point 2 ci-après).

Ces estimations s’appuient sur des transferts de valeurs en provenance des rares études existantes.

Illustration :

Ainsi pour la masse d’eau 83, l’atteinte du bon état suppose : une augmentation du débit de base à 8 m3/s, ainsi qu’une augmentation du débit réservé de 1,5 à 2 m3/s ; en extrapolant au cas de cette masse d’eau les données du défi éclusées sur la Dordogne, on parvient à une estimation de la perte de production d’énergie de l’ordre de 1 000 kEuro /an (énergie et puissance).

Par ailleurs, le déplacement d’énergie (transformation d’une production de pointe en une production de base), estimée sur ce site en première approche à environ 23 000 MWh, doit être compensée par une autre source de production qui sera un mix d’équipements thermiques à flamme au moins en hiver et sur l’ensemble des heures pleines de l’année.

Le coût moyen des émissions de CO2 supplémentaires liées à ces sources de production est de 16,2 Euro/MWh, ce qui représente un coût environnemental de plus de 372 kEuro/an (16,2* 23 000 MWh/an) ; il sera évidemment plus important pour les conditions du BEE.

L’estimation des bénéfices associés à l’atteinte du bon état est pour l’heure limitée aux effets induits sur les usages récréatifs. Dans le cas de la masse d’eau 83, on cherche à évaluer l’augmentation des populations piscicoles associée au bon état, et à chiffrer la valeur de cette augmentation en termes de bénéfice net pour les pêcheurs.

Une estimation du nombre actuel de visites et de l’augmentation des populations piscicoles liées au bon état est en cours de réalisation par le CSP ; elle servira de base au calcul du gain de satisfaction des pêcheurs.

S’il s’avère que les coûts calculés plus haut sont disproportionnés par rapport aux bénéfices obtenus à partir de ces sources disponibles, et que ces mesures ont un impact négatif important sur d’autres usages on classera la masse d’eau en MEFM.

Sinon, selon le degré d’acceptabilité de ces chiffrages par les acteurs concernés, la masse d’eau sera considérée comme normale ou elle fera l’objet d’une étude spécifique (passage au niveau de la phase approfondie).

3. Les résultats obtenus

3.1. Les produits fournis

Les travaux conduits dans le cadre de ce groupe de travail ont permis :

  • d’obtenir un catalogue de mesures types à envisager pour résoudre les pressions hydromorphologiques liées à l’hydroélectricité ;
  • de se doter d’une grille d’analyse simplifiée (mais qui reste dans l’esprit du guide européen) mettant en regard l’impact des mesures sur les usages et le potentiel écologique des masses d’eau concernées ;
  • clarifier avec EDF la base d’information minimum à partir de laquelle on peut travailler :
  • la définition d’une typologie d’ouvrages avec la fourniture de données sur le productible et la puissance par ouvrage qui sont les variables clefs qui permettent d’appréhender les pertes d’énergie provoquées par les mesures ;
  • le recours à la grille tarifaire des postes horo-saisonniers d’EDF ;
  • de valider que, à défaut d’autres propositions à ce stade, la méthode tarifaire couramment utilisée par EDF pouvait être utilisée pour valoriser les pertes d’énergie et de puissance liées aux mesures ;
  • de faire une première évaluation des coûts environnementaux en estimant le coût des émissions supplémentaires de CO2 consécutives à un remplacement de l’énergie hydroélectrique par une production à partir du mix énergétique français ; les coûts utilisés provenant de sources nationales ;
  • d’amorcer un chiffrage des bénéfices environnementaux liés aux mesures en s’appuyant sur les bénéfices liés aux usages et sur les valeurs patrimoniales des milieux aquatiques disponibles à partir des retours d’expériences connus.

3.2.  Les aménagements à apporter au projet initial de guide technique

Après avoir cherché à conduire une application du guide européen trop rigide mais peu constructive, les travaux du groupe ont révélé la nécessité d’aborder cette confirmation des MEFM en appliquant une démarche progressive. La démarche retenue a consisté à dégager du guide européen les questions clefs qui étaient posées et à y apporter des réponses adaptées à la complexité des cas, de façon à ne pas passer trop de temps sur des cas évidents.

Le guide européen propose d’abord de tester l’impact d’une mesure « douce » (autre que l’effacement du barrage) qui permet d’atteindre le BEE (ex. : modulation des éclusées). Si l’activité est touchée de façon significative, le guide propose alors de tester une solution alternative consistant à remplacer 100 % de la production hydroélectrique par un autre moyen.

D’une part pour l’usage hydroélectricité, ce passage par une mesure « douce » ne permet pas toujours d’atteindre le bon état, et il faut souvent directement envisager la suppression de l’ouvrage, en particulier pour les lacs.

D’autre part, on pourrait considérer que le recours aux autres moyens est à étudier sans pour autant que l’activité disparaisse complètement de la masse d’eau. En effet, si une mesure de restauration empêche une partie de l’activité de se réaliser, la question se pose logiquement de savoir comment va se réaliser cette partie de l’activité (exemple des éclusées diminuées). Il faut donc alors avoir recours à un autre moyen de production pour cette partie d’activité. Il serait donc logique de prendre en compte dans l’analyse coûts-bénéfices l’intervention d’autres moyens de production, pas nécessairement en remplacement total de l’activité exercée sur la masse d’eau, mais juste pour la part de l’activité qui est empêchée du fait de la mesure prise pour atteindre le BEE.

C’est pourquoi le groupe propose de ne pas systématiquement changer de mesure en cours d’analyse.

Le guide européen propose de ne prendre en compte le coût de mise en oeuvre des mesures que lors de la construction du programme de mesures, et de ne pas les intégrer dans les étapes 4.3 (a) et 4.3 (b) des MEFM.

A l’expérience, cette démarche paraît trop théorique, et il semble plus réaliste de prendre en compte l’estimation du coût de mise en œuvre des mesures au moment de la désignation des MEFM ; c’est en particulier le cas pour tout ce qui concerne les mesures d’effacement d’ouvrages, mais aussi pour toute mesure dont le coût de mise en œuvre est élevé.

3.3. Comment ont été traitées les notions clefs ?

Les étapes 4.3 (a) et 4.3 (b) du guide européen MEFM font appel à 3 notions clefs :

  • la notion de coût significatif pour l’usager ;
  • la notion d’impact sur l’environnement au sens large ;
  • la notion de coût disproportionné.

Comme évoqué précédemment, la notion de coût significatif pour l’usager a nécessité d’estimer le coût des pertes de production d’électricité liées aux mesures ; il s’est avéré difficile de fixer un seuil de coût supportable par l’usager, car l’enjeu concerne également la modulation de l’énergie. Il serait intéressant de disposer de différents modes de présentation du coût disproportionné (du point de vue de l’environnement, du point de vue de la capacité contributive, du point de vue des financeurs...)

Les impacts sur l’environnement au sens large ont à ce stade été pris en compte en estimant le coût des émissions de gaz à effet de serre qui résulteraient d’un recours à d’autres moyens de production de l’électricité. Ces estimations ont pu être réalisées en considérant que les moyens de substitution assurant la production hydroélectrique étaient formés par un ensemble de moyens de production répartis dans les différentes tranches horaires d’utilisation de l’énergie.

Les coûts de ces émissions de CO2 ont pu être valorisés à partir des données du rapport Boiteux, elles-mêmes cohérentes avec celles de la DIDEME.

Enfin, la notion de coût disproportionné a été traitée aux différentes étapes du guide.

Au niveau de la phase d’analyse simplifiée, la notion de bénéfice environnemental a été traitée en prenant en compte les enjeux écologiques associés à la masse d’eau ; l’idée étant de s’appuyer sur tous les zonages réglementaires qui permettent d’argumenter un intérêt écologique avéré.

Au niveau de la phase d’analyse plus approfondie, des valeurs guides des bénéfices ont été proposées. Cette notion reste délicate à traiter parce qu’il s’avère encore difficile de quantifier les bénéfices associés à un bon état (les valeurs disponibles n’étant pas toujours transposables aux cas étudiés).

Compte tenu de ces difficultés, il pourra être compliqué de conclure sur cette confirmation des MEFM, il faudra alors envisager des études locales plus précises.

4. Les principales difficultés à contourner

La première difficulté est liée à l’évaluation des bénéfices environnementaux (cf. paragraphe précédent) ; celle-ci renvoie notamment à la question des données disponibles localement pour connaître le nombre d’usagers récréatifs d’un site ou évaluer le périmètre sur lequel l’amélioration du site peut générer un intérêt du seul point de vue patrimonial. Il est important de boucler l’évaluation des bénéfices environnementaux avec les données locales disponibles.

La difficulté de mesurer l’efficacité des mesures pour atteindre le bon état. En fait face à une pression donnée, on sait identifier le type de mesures nécessaires, mais il est beaucoup plus délicat de dimensionner ces mesures, car leur efficacité environnementale est rarement bien connue.

Il n’est pas toujours évident d’identifier l’échelle de travail la plus pertinente. Conformément au guide européen, les travaux du groupe ont été réalisés masse d’eau par masse d’eau ; mais une mesure sur une masse d’eau peut avoir un impact sur des usages d’autres masses d’eau.

A part pour un nombre limité de mesures (ex. : aménagements des berges, suppression des retenues), il sera nécessaire de s’appuyer sur la méthode tarifaire et sur un travail conjoint avec EDF pour évaluer les pertes énergétiques. Ces évaluations supposent d’avoir accès à des informations précises sur les postes horosaisonniers impactés par les mesures ; ces informations ne seront pas toujours disponibles car elles font appel à des calculs trop lourds pour être menés en routine et à des données qui peuvent être stratégiques pour le gestionnaire de l’ouvrage. La poursuite de ce travail nécessitera une collaboration étroite avec les représentants d’EDF qui pourra se concrétiser par la création d’ateliers de travail par bassin associant EDF et les autres parties prenantes.

L’évaluation des bénéfices environnementaux oblige à bien décrire les gains apportés par le bon état, pour le patrimoine ou pour les usages, pour le court terme ou pour le long terme. Cette traduction n’est pas toujours évidente, elle n’est en général pas faite d’emblée. En tout cas, elle s’impose non seulement pour la valorisation économique, mais aussi dans le but de pouvoir donner aux acteurs du bassin des éléments concrets permettant d’engager entre eux une discussion. On ne peut pas imaginer que celle-ci se fasse correctement sur la seule base des paramètres techniques du bon état.

Comme dit précédemment, il semble également utile de creuser la notion de coûts disproportionnés en prenant notamment en compte les modalités de financement des mesures pour se prononcer sur le caractère fortement modifié ou non des masses d’eau. En effet si on n’intègre pas les possibilités de financement public des mesures, on peut très bien se retrouver avec un coût significatif pour l’usage, et se priver de marges de progrès qu’aurait permises la prise en compte de ses financements publics.

Ces difficultés supposent d’accepter de travailler à partir de résultats grossiers et nécessitent de définir des programmes d’études et la mise au point d’indicateurs de programme susceptibles de combler nos lacunes.

II. Définition des coûts externes des moyens de production énergétiques

 (Note MEDD/D 4 E réf. : B3-05-083pd).

Résumé :

Dans le cadre de la mise au point de la méthode d’identification définitive des masses d’eau fortement modifiées (MEFM), une analyse coûts-bénéfices tenant compte des coûts externes associés aux moyens de production d’énergie est à conduire.

La note fait état des connaissances sur ces externalités, à partir d’un document produit par la DIDEME et de travaux de recherche du programme européen ExternE. Afin de conduire rapidement et simplement une première analyse coûts-bénéfices sur les MEFM, la note détermine, parmi les valeurs proposées, celles dont la prise en compte représente l’enjeu le plus important. Les études au cas par cas des MEFM pourront tester des approches plus fines que celle de cette note.

L’exercice est délicat, car seule la valeur des externalités du CO2 commence à être largement reconnue. Il est ainsi proposé de retenir comme valeur des externalités associées à ce polluant : 27 Euro/t CO2.

Les imprécisions associées aux polluants SO2 et NOx, de même que celles associées à la filière nucléaire sont par contre beaucoup plus fortes. La note a donc conduit une simulation des impacts de ces polluants selon les valeurs les plus plausibles.

Sur ces bases, les coûts externes représentent de 6 % à 84 % des coûts de production selon les filières thermiques à flamme. Le CO2 est responsable de 70 à 92 % des dommages environnementaux pour la plupart des filières, sauf la turbine à fioul où il est responsable d’environ 50 % des coûts de dommages, mais ce moyen de production ne fonctionne qu’à l’hyperpointe et les coûts externes totaux ne représentent que 6 à 18 % du coût total de ce moyen de production.

Dans le cas de la filière nucléaire, on peut estimer le coût des dommages externes à 0,4 % du coût de production.

Ainsi, dans le cas d’une première approche simplifiée des coûts environnementaux pour le test d’ensemble des MEFM, de la précision attendue des estimations et du souci de produire autant que faire se peut des valeurs partagées par les acteurs, il semble possible de se satisfaire de ne tenir compte que des externalités liées au CO2.

1. Les filières thermiques à flamme

1.1. Les fondements des différentes valeurs proposées par la DIDEME

La direction de la demande et des marchés énergétiques (DIDEME) entreprend tous les 3 à 5 ans l’étude des coûts de production de l’électricité. Les précédentes études visaient à adapter les tarifs d’achat aux producteurs indépendants et de vente de l’électricité par EDF, monopole. La mise à jour de ce document en 2003 s’est faite dans un contexte différent : celui d’une concurrence accrue entre producteurs en France.

Enfin, la DIDEME a souhaité disposer d’éléments pour évoquer la place souhaitable de l’ensemble des filières de production électriques, dans le cadre du débat national sur les énergies. Le document a donc deux objectifs :

  • valider les hypothèses de coûts retenues pour l’élaboration des tarifs de l’électricité (dans ce cadre les externalités ne sont pas prises en compte) ;
  • éclairer les décisions d’investissement qui seront prises pour la programmation pluriannuelle des investissements de production (PPI). C’est cette approche qui a conduit la DIDEME à intégrer pour la première fois dans son document des valeurs d’externalités. Elles lui permettront d’éclairer ses propositions dans le cadre de la PPI, du point de vue du décideur public.

Les coûts externes environnementaux établis par la DGEMP-DIDEME rappelés ici concernent les filières de production d’électricité suivantes :

  • une centrale cycle combiné au gaz (CCG) ;
  • une centrale à charbon pulvérisé (CP) ;
  • une turbine à combustion au gaz (TAC) ;
  • une turbine à combustion au fioul (TAC) ;
  • une centrale nucléaire à eau pressurisée.

Les coûts externes par MWh, selon la DIDEME, sont présentés comme égaux à : SOMME (quantité de polluant par MWh × coût des dommages/tonne de polluant) sur les polluants.

Trois polluants sont envisagés pour refléter les émissions des centrales électriques (lors de l’étape « production » du kWh) : NOx, le SO2 et le CO2. Les dommages dus aux poussières ne sont pas repris, car, compte tenu des systèmes de dépollutions des fumées en France, cette pollution est maintenant jugée négligeable par rapport aux autres externalités de la production thermique classique.

1.1.1. Les quantités de polluants émises

La DIDEME propose deux horizons d’évaluation : 2007 et 2015, ayant comme implication sur le calcul des externalités de modifier les hypothèses de quantités de polluants émis. Comme indiqué dans la note précédente, l’horizon d’atteinte du bon état des eaux étant 2015, il semble cohérent pour l’exercice MEFM de retenir les résultats des estimations basés sur des émissions de polluants qui sont celles attendues des moyens de production plus modernes de l’horizon 2015. Les valeurs monétaires sont exprimées en euros de l’année 2001 (Euro 2001), sauf indication contraire.

1.1.2. Les coûts unitaires des dommages des polluants

La DIDEME retient pour chaque polluant trois hypothèses de coût : basse, médiane et haute. Ces coûts correspondent :

  • soit à une estimation explicite de la valeur des dommages causés par le polluant. Il s’agit alors de construire des modèles de diffusion des polluants, de leur impact sur la population ou le milieu et des dépenses qui en découlent : restauration du milieu, dépenses de soins, années de vie perdues... Ces modèles permettent de tracer la courbe du coût des dommages en fonction du taux de polluant. De telles estimations explicites s’inspirent alors directement des résultats de l’étude européenne ExternE et de sa déclinaison dans chaque pays ;
  • soit à une estimation implicite :
  • du côté de l’offre de dépollution : c’est une approche par les coûts d’évitement, qui mobilise les coûts marginaux des réductions d’émissions nécessaires au respect des directives européennes (grandes installations de combustion, plafonds nationaux d’émission) ou du protocole de Kyoto ;
  • par le prix de permis d’émissions négociables sur des marchés existants ou simulés. Les valeurs calculées précédemment peuvent alors être comparées aux valeurs révélées sur des marchés.

En ce qui concerne les valeurs explicites de dommages, les résultats d’ExternE sont :

  • pour les NOx, une valeur moyenne retenue pour la France de l’ordre de 17 400 Euro 2001/tonne (16 100 Ecu 1995/tonne y compris les dommages via l’ozone) ;
  • pour le SO2, une valeur moyenne retenue pour la France de l’ordre de 9 600 Euro 2001/tonne (8 900 Ecu 1995/tonne) ;
  • pour le CO2, une fourchette de 19 à 50 Euro 2001/tonne (18 à 46 Ecu 1995/tonne).

En matière de valeur de la tonne de polluant évitée (coût de réduction des émissions), la DIDEME estime :

  • pour les NOx, un minimum de 800 à 1 000 Euro 2001/tonne et une valeur pouvant atteindre 2 000 Euro 2001/tonne ;
  • pour le SO2, un minimum de 300 à 500 Euro 2001/tonne et une valeur pouvant atteindre 2 000 Euro 2001/tonne ;
  • pour le CO2, une fourchette de 40 à 60 Euro 2001/tonne (coût de capture et stockage selon une étude de l’AIE).

Enfin, dans un système de marché de permis d’émissions négociables, la DIDEME indique des prix allant de quelques euros à 20 Euro 2001/tonne CO2.

Au total, sur ces bases, les hypothèses basse, médiane et haute retenues par la DIDEME sont :

  • pour les NOx : 1 000, 2 000 et 15 000 Euro 2001/tonne ;
  • pour le SO2 : 500, 2 000 et 10 000 Euro 2001/tonne ;
  • pour le CO2 : 4, 20 et 50 Euro 2001/tonne.

La base Externe :

La valeur des dommages supposés être causés par un polluant s’inspire directement des résultats d’ExternE qui, via la démarche dite du « cheminement d’impact » (12), a retenu une telle logique d’estimation. Il faut noter que les valeurs estimées par ExternE datent désormais (publiées en 1995 et 1998). Selon les experts de ces projets, les résultats partiels issus du projet européen NewExt (New Elements for the Assessment of External Costs from Energy Technologies, 1998-2002) mené dans la continuité d’ExternE apparaissent en baisse par rapport à ceux d’ExternE. Compte tenu de leur immaturité et des incertitudes fortes qui les affectent, ces valeurs sont par ailleurs en cours de révision dans un nouveau grand projet intégré européen (6e PCRD) NEEDS (New Energy Externalities Developments for Sustainability) qui a débuté en 2004.

(12) Etude successive des émissions, de leur dispersion et de leurs transformations chimiques, des augmentations de concentration en polluants qui en résultent, des impacts de ces concentrations et de leur valorisation.

1.2. Quelles valeurs choisir pour les analyses coûts-bénéfices des MEFM ?

Le document DIDEME s’en est tenu à une fourchette de valeur et n’a pas opéré de sélection. En la matière, compte tenu de l’incertitude qui règne sur ces valeurs, on ne peut que rappeler, en priorité, la recommandation générale qui est de réaliser des analyses de sensibilité des résultats sur la base d’une fourchette de valeurs. Cette recommandation devrait être reprise pour les études au cas par cas qui découleront du test MEFM. Par contre, afin de conduire rapidement une première analyse coûts-bénéfices sur des centaines de MEFM, il est préférable de simplifier en ne retenant qu’une valeur type de dommage par polluant, si possible.

La conduite d’une analyse coûts-bénéfices pour le choix de projet consiste à intégrer tous les coûts et bénéfices du point de vue de la société. Il convient donc de retenir les estimations se rapportant à des coûts de dommages marginaux, c’est-à-dire aux valeurs explicites de la DIDEME ou d’ExternE. En effet, seule l’étude ExternE en Europe fournit des valeurs utilisables en ce domaine.

Lorsque certaines de ces valeurs semblent trop incertaines, la note propose toutefois de recourir à une référence internationale, qui reflète la valeur moyenne d’évaluation des coûts marginaux des dommages dans d’autres pays européens.

1.2.1. Le CO2

L’étude ExternE propose d’estimer les dommages issus de l’effet de serre selon une fourchette de valeurs variant de 20 à 50 Euro 2001/tonne CO2. La première valeur DIDEME de 4 Euro 2001/tonne CO2, non seulement ne résulte pas d’une démarche d’estimation des dommages, mais, selon les dires mêmes de la DIDEME, constitue une valeur visiblement trop faible.

En France, le rapport Boiteux (13) estime qu’une valeur raisonnable de dommages issus des émissions de carbone est 27 Euro/tonne de CO2. Compte tenu que cette valeur tutélaire est largement utilisée par les pouvoirs publics lors des évaluations de dommages, qu’elle est incluse dans la fourchette des valeurs de dommages de la DIDEME (20 à 50 Euro/tonne de CO2), il est proposé de retenir la valeur de 27 Euro 2001/tonne de CO2 parmi les valeurs DIDEME.

(13) Rapport du groupe de travail présidé par Marcel Boiteux : « Transports : choix des investissements et coût des nuisances ».

1.2.2. Le SO2

L’étude ExternE estime que les dommages causés par l’émission d’une tonne marginale de SO2 en France sont de l’ordre de 8 100 Euro 2001/tonne à 16 500 Euro 2001/tonne.

La DIDEME retient, comme valeur de monétarisation des dommages, la valeur de 10 000 Euro 2001/tonne SO2. La plupart des autres pays européens ayant des estimations de dommages également variables, mais généralement plus basses, une valeur alternative internationale, de l’ordre de 5 000 Euro 2001/tonne SO2 devrait être introduite, pour comparer.

1.2.3. Le NOx

La DIDEME conduit pour les NOx le même raisonnement que pour les SOx. Les valeurs proposées par ExternE sont de 11 600 Euro 2001/tonne à 19 500 Euro 2001/tonne. La DIDEME retient, comme valeur de monétarisation des dommages, la valeur de 15 000 Euro 2001/tonne NOx. La plupart des autres pays européens ayant des estimations de dommages également variables, mais généralement plus basses, une valeur alternative, de l’ordre de 5 000 Euro 2001/tonne SO2 devrait être introduite pour comparer.

1.3. Résultats pour les filières thermiques à flamme

Finalement, parmi les valeurs DIDEME, celles qui sont les plus adaptées au texte des MEFM sont :

  • pour le CO2 : 27 Euro/tonne ;
  • pour les NOx : 15 000 Euro 2001/tonne, à comparer avec une valeur alternative internationale, de l’ordre de 5 000 Euro 2001/tonne NOx ;
  • pour le SO2: 10 000 Euro 2001/tonne, à comparer avec une valeur alternative internationale, de l’ordre de 5 000 Euro 2001/tonne SO2.

Comme le montre le tableau joint en annexe à la note, pour tous les moyens de production, aujourd’hui comme dans les conditions techniques 2015, les externalités dues au CO2 restent supérieures à celles des autres polluants. Pour toutes les filières, à l’exception de la TAC fioul, les externalités du CO2, sont mêmes majoritaires dans le montant total des dommages (70 à 80 %). Dans le cas de la TAC fioul, ce dernier moyen de combustion est utilisé pour les moments d’hyperpointe et donc pendant des durées courtes sur l’année (une centaine d’heures sur 3 600 heures).

Les valeurs retenues conduiraient aux coûts d’externalités suivants :

  • centrale cycle combiné au gaz (CCG) : 10 à 12 Euro 2001/MWh (dont 80 à 92 % dû au CO2), soit environ 28 à 34 % des coûts de production ;
  • centrale à charbon pulvérisé (CP) : 22 à 27 Euro 2001/MWh (dont 74 à 88 % dû au CO2), soit environ 69 à 84 % des coûts de production ;
  • turbine à combustion au gaz (TAC) : 17 à 22 Euro 2001/MWh (dont 70 à 87 % dû au CO2), soit environ 11 à 15 % des coûts de production ;
  • turbine à combustion au fioul (TAC) : 34 à 52 Euro 2001/MWh (dont 43 à 65 % dû au CO2), soit environ 6 à 18 % des coûts de production (qui varient eux-mêmes de 285 à 575 Euro/MWh).

2. La filière nucléaire

La DIDEME s’appuie directement dans le cas du nucléaire sur des valeurs estimées dans le cadre d’ExternE, en ce qui concerne les effets sanitaires et le coût d’un accident nucléaire, en y ajoutant une rubrique intitulée « coûts de recherche et de développement ». A la différence des autres moyens de production, le rapport DIDEME ne fait état d’aucune donnée comparative (taxe, coûts d’évitement, valeur implicite accordée par l’Etat) dans ce domaine et il n’existe pas de valeurs tutélaires comparatives arrêtées en la matière par le Gouvernement. Cela témoigne de l’aspect novateur et donc non stabilisé de ces valeurs pour une utilisation par les politiques publiques.

2.1. Coût externe en fonctionnement normal

La DIDEME retient une fourchette de coût de 0,1 à 2,5 Euro 2001/MWh, correspondant aux résultats de l’implémentation française d’ExternE en ce qui concerne les effets sanitaires :

  • la valeur de 2,5 Euro/MWh est établie sans actualisation ;
  • la valeur de 0,1 Euro/MWh est établie avec un taux d’actualisation de 3 %.

Par homogénéité avec les approches précédentes, le plus logique de retenir le taux d’actualisation de 3 % et donc à la valeur d’ExternE de 0,1 Euro/MWh.

2.2.  Coût d’un accident nucléaire

La DIDEME retient une fourchette de coût de 0,01 à 0,46 Euro/MWh, avec une valeur médiane de 0,05 Euro/MWh.

Ces valeurs sont obtenues en intégrant de l’aversion au risque à partir des valeurs estimées dans le cadre ou en complément d’ExternE.

Compte tenu que ces informations ne sont pas encore largement partagées, il est proposé par sécurité de prendre la valeur médiane des fourchettes proposées par ExternE allant de 0,000 5 à 0,023 Euro/MWh (correspondant à différents scénarios d’accident grave). Elles correspondent aux valeurs calculées dans l’application à la France de la méthodologie générale d’ExternE. Il est donc proposé de retenir la valeur de 0,01 Euro/MWh.

2.3. Coûts de recherche et développement

La DIDEME retient une fourchette de coût de 0,75 à 1,4 Euro 2001/MWh. La DIDEME, reconnaissant que « les coûts de R & D existent également pour les autres filières », justifie notamment le choix de compter cette externalité non spécifiquement environnementale par le fait que « nul autre secteur en France ne fait l’objet d’un effort aussi important ».

Dans notre optique d’utilisation pour les MEFM, seules les valeurs marginales d’externalités sont à retenir (accroissement probablement marginal du parc nucléaire du fait des éventuelles modifications du parc hydroélectrique). Or, les dépenses de recherche ne peuvent être considérées dans une approche marginale, mais reflètent plutôt des coûts moyens. Il est proposé de ne pas en tenir compte pour notre exercice.

2.4. Résultats pour la filière nucléaire

Les valeurs pour cette filière semblent les moins stabilisées parmi celles présentées. Il n’existe aucune valeur tutélaire des pouvoirs publics.

Il est proposé de retenir une valeur de 0,11 Euro/kWh.

Sur la base des coûts de production fournis par la DIDEME, cette valeur représente environ 0,4 % des coûts de production par le nucléaire.

3. Suites à donner

La note précédente mentionnait la possibilité d’utiliser la méthode tarifaire d’EDF pour procéder aux valorisations des pertes économiques pour l’activité hydroélectricité. En effet, cette méthode est celle actuellement utilisée par les agences de l’eau devant rémunérer les pertes de productibles négociées avec EDF pour la réhabilitation de l’environnement. Le propos n’est pas ici de valider ou d’invalider la méthode, mais de faire le constat, qu’à cette date, les informations disponibles au MEDD ne permettent pas d’aboutir à une méthode alternative partagée par les acteurs. Par ailleurs, les valeurs guides de coûts de production des différents moyens énergétiques fournis par la DIDEME demandent, pour être utilisés, de disposer de données actuellement non publiques sur chaque ouvrage du parc hydroélectrique : nombre d’heures de production en pointe, base, semi-base...

A ce jour, la méthode tarifaire n’inclut pas les coûts environnementaux. Les travaux ci-dessus sont un premier pas pour les y incorporer.

Hypothèses et résultats DIDEME (2015) et autres

III. Exemple de fiche de présentation des données

Annexe IV : Désignation de MEFM au titre de la navigation (14)

Dans le cadre d’une démarche nationale pilotée par la direction de l’eau du ministère de l’écologie et du développement durable, les bassins Artois-Picardie et Rhin-Meuse ont été désignés pilote pour travailler de manière conjointe à la désignation des masses d’eau artificielles et fortement modifiées relevant de l’usage de la navigation.

L’objectif de ce test a été d’identifier, à partir d’une première version d’un projet de guide technique, les aménagements envisageables afin d’atteindre le bon état ainsi que les sources de données disponibles sur les solutions alternatives et leurs coûts environnementaux.

Au niveau du bassin Artois-Picardie, un groupe de travail a été constitué pour la mise en oeuvre de ce travail : il est constitué des Voies navigables de France, des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques (Nord et Pas-de-Calais), la DIREN et l’agence de l’eau Artois-Picardie. A l’issue de ce groupe de travail, deux masses d’eau ont été choisies :

  • le canal du Nord ;
  • les Wateringues, Aa.

Au niveau du bassin Rhin-Meuse, deux masses d’eau ont également été choisies suite à une réflexion commune entre le CSP, la DIREN de bassin, les services de la navigation et l’agence de l’eau Rhin-Meuse :

  • Meuse 5 ;
  • Moselle 6.

(14) Contacts pour plus d’information : Sophie Nicolaï, AERM ; Arnaud Courtecuisse, AEAP.

1. Les sites pilotes

1.1. Les sites pilotes du bassin Artois-Picardie

Le groupe de travail a tout d’abord procédé à l’évaluation des usages en cours pour les différentes masses d’eau pré-désignées. Chaque usage a été qualifié par une note de 0 à 2 (0 : pas d’usage ; 1 : usage existant ; 2 : usage existant et significatif). Le tableau 3 ci-après est le résultat de ce travail.

Tableau 3 : Liste des usages des masses d’eau prédésignées dans le bassin Artois-Picardie

Type de réseau Masses d’eau Transport de marchandises Transfert d’eau Canal permettant un écrêtement des crues Drainage (agriculture) Electricité Tourisme loisir Navigation plaisance Pêche
1 M Aa canalisé, canal de Neufossé 2 2 2 Pm 0 2 2 2
2 M Canal d’Aire 2 2 2 Pm 0 1 2 2
3 R Canal d’Hazebrouck 0 0 1 Pm 0 0 0 0
4 M Canal de Saint-Quentin, Escaut canalisé 2 0 2 Pm 0 2 2 2
5 M Canal du Nord 2 2 0 Pm 0 2 2 2
6 R Canal maritime 0 0 1 Pm 0 2 2 2
7 M Deûle, canal de Lens 2 2 2 Pm 0 1 1 1
8 M Escaut canalisé 2 1 2 Pm 0 2 2 2
9 R Espierre, canal de Roubaix 0 0 0 Pm 0 2 2 1
10 M Lys canalisée, Clarence canal Iawe aval 2 0 2 Pm 0 2 2 1
11 M Lys canalisée, Deûle, canal de Roubaix 2 0 2 Pm 0 2 2 1
12 M Lys canalisée, Vieille Lys, r. de Busne 0 0 2 Pm 0 2 2 1
13 R Sambre canalisée 1 0 1 Pm 1 2 2 2
14 R Scarpe amont 1 0 1 Pm 0 2 2 2
15 R Scarpe aval 0 0 1 Pm 0 2 2 2
16 R Somme canalisée amont 2 0 1 Pm 0 2 2 2
17 R Wateringues, Aa 2 2 1 2 0 2 2 2

Le groupe de travail a sélectionné pour les études pilotes les masses d’eau, le canal du Nord et les Wateringues. Ce choix s’est notamment basé sur la volonté d’avoir une masse d’eau en réseau de navigation « majeur » et une en réseau « régional ». Le secteur des Wateringues présentant par ailleurs une particularité intéressante à analyser. La carte ci-après localise les deux sites retenus.

La masse d’eau « canal du Nord » se caractérise par un linéaire de 41 kilomètres, c’est un canal entièrement artificiel qui relie la Scarpe canalisée à la Somme canalisée. La limite nord de cette masse est la confluence avec la Scarpe, la limite sud est située au niveau de la commune d’Havrincourt (limite du SAGE de la Sensée).

La masse d’eau « Wateringues, Aa » se caractérise par un linéaire de 688 kilomètres et est composée :

  • d’une partie fortement modifiée : l’Aa canalisé en aval de la confluence avec le canal de la haute Colme et le canal de Guines à Calais ;
  • d’une partie artificielle comprenant le réseau de canaux et wateringues allant du canal de Calais à l’ouest au canal de la haute et basse Colme, et à la frontière belge à l’est.

La zone des Wateringues recèle en fait un réseau très dense de petits canaux façonnés par l’homme afin de drainer des terres marécageuses et de les orienter vers un usage de production agricole. Les eaux drainées étant évacuées vers la mer.

1.2. Les sites pilotes du bassin Rhin-Meuse

La volonté de l’AERM était de sélectionner deux masses d’eau de gabarit différent et dont les usages seraient différents, mais également deux masses d’eau navigables représentatives du bassin Rhin-Meuse. Le choix s’est ainsi porté sur les masses d’eau :

  • Meuse 5 qui est une masse d’eau de petit gabarit utilisée pour le transport de marchandises et le tourisme de plaisance ;
  • Moselle 6, masse d’eau de grand gabarit, sur laquelle transitent un très grand nombre de bateaux de marchandises mais également de plaisance. Cette masse d’eau est également utilisée par une centrale nucléaire et deux centrales thermiques pour leur activité. La carte suivante localise les deux sites pilotes du bassin Rhin-Meuse.

Test MEFM AERM - masses d’eau pilotes

La masse d’eau « Meuse 5 » est une masse d’eau provisoirement classée en MEFM. Sa longueur est de 83 kilomètres qui sont constitués d’une succession de tronçons canalisés et de tronçons court-circuités.

La masse d’eau « Moselle 6 » est elle aussi provisoirement classée en MEFM. Elle se caractérise par une longueur de 173 kilomètres, incluant de nombreuses dérivations artificielles.

2. Les différentes approches et les tests réalisés dans les bassins Artois-Picardie et Rhin-Meuse

2.1. Existe-t-il des mesures de restauration permettant d’atteindre le Bon Etat Ecologique sans remettre significativement en cause les usages existants ?

a) L’approche par type d’aménagement

La première approche a consisté à prendre comme point de départ le type d’aménagement effectué sur la masse d’eau en question afin de la rendre navigable. A partir de ces aménagements, des experts de l’agence ont dégagé des mesures de restauration imputables à ces aménagements et ce afin d’améliorer l’état de la masse d’eau. Le tableau 4 ci-après présente les aménagements en question et les mesures en découlant.

Tableau 4 : Approche par type d’aménagement

TYPE D’AMÉNAGEMENT TYPE DE MESURE
  Construction de passes à poissons, amélioration du fonctionnement des passes existantes
Barrages et retenues  
  Modification du régime des éclusées
Entretien et maintenance des chenaux Amélioration de la qualité des dragages
  Reconnexion des anciens méandres avec le chenal principal
Canalisation  
  Création ou re-création des bras et zones humides
  Plantation
  Diversification, retalutage
Maintien des berges et opérations de gestion pour les besoins de la navigation Diversification, mise en place d’épis
  Protection des berges

Reprise de végétation existante

b)  L’approche par type d’altération

Depuis, une nouvelle approche a été développée par des experts de la DIREN, du CSP et de l’AERM. Celle-ci consiste à prendre comme point de départ, non plus les aménagements effectués sur les masses d’eau, mais plutôt les altérations subies par celles-ci. Ainsi, une nouvelle liste de mesures de restauration a pu être développée, comme présentée dans le tableau page suivante.

Tableau 5 : Approche par type d’altération

ALTÉRATION LIÉE AUX MODIFICATIONS hydromorphologiques liées à la navigation MESURE(S) POTENTIELLE(S)
  Augmentation débit biologique estival par arrêt hydroélectricité en été.
I1 Réchauffement de l’eau en amont des barrages. Prise d’eau de fond si barrage sup. à 7 mètres.

Ombrage. Restauration ripisylve surtout en partie artificielle.

I2 Refroidissement de l’eau (vannes de fond en aval des retenues). Prise d’eau de surface.
I7 Déficit en oxygène. Modification du rythme de stockage déstockage de l’eau, éventuellement arrêt de l’hydroélectricité.
I9 Eutrophisation. Modification du rythme de stockage déstockage de l’eau, éventuellement arrêt de l’hydroélectricité.
I4 Diminution de la transparence.  
I12 Accentuation de l’étiage (prélèvement en basses eaux, capacité tampon réduite) dans les parties court-circuitées en aval des barrages. Augmentation du débit biologique (réservé) dans les parties court-circuitées.
I15 Diminution des débordements (fréquence, durée) par augmentation de la section mouillée et lors de la gestion des barrages à aiguilles, I49 Déconnexion des zones inondables (la construction de digues n’est pas nécessairement liée à la navigation). Amélioration de la gestion des barrages à aiguilles en crue.

Création de zones de ralentissement dynamique (digues transversales en lit majeur) diminution de la section mouillée en crue.

Restauration des zones aval (en lit majeur) des affluents et remise en connexions.

voir également I48 et I49.

I20 Batillage sur berges verticales (mise à nue des berges, absence de macrophytes, de caches et de supports de ponte) parties naviguées. Protection et diversification des berges.

Pose d’un rideau de palplanche ou d’un remblais brise-vague (CF Moselle entre Metz et Thionville : Malroy ou Niffer Mulhouse).

I21 Marnage sur parties aval court-circuitées. Modification du rythme de stockage déstockage de l’eau en amont du barrage. Gestion de l’hydroélectricité.
I22 Uniformisation du profil en travers (largeur, profondeur) et I36 Uniformisation des berges (hauteur, pente), I37 Réduction du linéaire de berge, I38 Réduction des caches et abris de berge (blocs, sous-berges, souches, embacles...), I40 Artificialisation des berges. I41 Réduction de la végétation de bordure (hélophytes), partie naviguée. Protection et diversification des berges par retalutage (différents degrés).

Remplacement des palplanches, pierrés (etc.) par des protections de berges végétales.

Protection et diversification des berges par des brise-vagues.

Epis.

I22 Uniformisation du profil en travers (largeur, profondeur) portions courts-circuitées. Augmentation du débit biologique (réservé) dans les parties court-circuitées. Augmentation de la section mouillée et de la capacité d’accueil.

Epis.

I23 Enfoncement du lit (par déficit du transport solide ou surcreusement, conséquence : diminution des inondations et baisse des nappes d’accompagnement, déconnexion des annexes). Déversement de granulat.

Création de seuils de fond de stabilisation.

Recréation de méandres selon une approche énergétique.

I25. Réduction de la sinuosité, de la longueur (= uniformisation profil en long). Recréation de méandres selon une approche énergétique.
I28 Réduction de la granulométrie grossière (blocs, pierres) dont : I26 Colmatage du substrat (cours d’eau salmonicoles et intermédiaires). Voir I22.
I42 Réduction/altération de la ripisylve (végétation arborée), chemin de halage. Plantations, réaménagement du chemin de halage.
I46 Obstacle à la montaison. Passe à poissons.
I47 Obstacle à la dévalaison. Glissière de dévalaison.

Grilles fines aux usines hydroélectriques.

  Connexion (passages busés ou ponts).
I48a Déconnexion des annexes (bras morts et affluents). Approfondissement de l’annexe en cas de milieu « perché ».
  Connexion en amont et en aval.
148b Déconnexion d’anciens méandres.  
  Approfondissement de l’annexe en cas de milieu « perché ».

Une fois cette liste dressée, elle a été communiquée aux services de la navigation concernés. Ces derniers n’ont pour le moment pas émis d’objections majeures par rapport à celle-ci, mais il est possible que quelques remarques et/ou compléments puissent tout de même être formulés.

Nous avons ensuite cherché pour ces quatre masses d’eau pilotes à identifier les données nécessaires pour évaluer les coûts des mesures de restauration (bien que cette analyse ne soit pas demandée à cette étape).

Application aux cas d’étude AEAP

Les mesures de restauration applicables aux sites pilotes de l’AEAP, ainsi que leurs coûts, sont présentés dans le tableau 6 page suivante.

Ce tableau reste à compléter sur de nombreux points et notamment la quantification des mesures qui seraient à mettre en œuvre.

Ces premiers résultats permettent de tirer les enseignements suivants :

  • certaines mesures à envisager restent très théoriques et il est délicat de les imaginer à l’échelle d’une masse d’eau complète à l’horizon 2015 (ex. : pose de passes à poissons sur l’ensemble du canal, création de méandres,....) ;
  • les premiers coûts identifiés sont loin d’être négligeables ;
  • la mise en place de ces mesures, même en les développant à grande échelle, ne peuvent permettre d’envisager le classement des masses d’eau pilotes en masses d’eau naturelles.

Tableau 6 : caractérisation des usages des sites pilotes AEAP et identification des mesures de restauration ainsi que leur coût.

Application aux cas d’étude AERM :

Les mesures de restauration applicables aux sites pilotes de l’AERM, et leurs coûts, sont présentés dans le tableau 7.

Les mesures de restauration proposées pour la Meuse 5 devraient lui permettre d’atteindre le bon état écologique. En effet, seule l’absence de l’anguille est imputable aux aménagements de la Meuse dans ce secteur. La restauration de bonnes conditions de circulation pour cette espèce est donc suffisante. A noter toutefois que d’autres altérations par des substances polluantes existent et empêchent actuellement l’obtention du bon état. Ces altérations sortent du cadre de la désignation en masse d’eau fortement modifiée.

En revanche, les mesures proposées pour Moselle 6 ne permettront pas de restaurer un bon état écologique sur la masse d’eau Moselle 6 mais contribueront à atteindre un bon potentiel écologique (qui reste à déterminer).

Conclusions de l’étape de définition des mesures de restauration :

Le risque de non-atteinte du bon état écologique étant confirmé, il convient donc pour les masses d’eau Canal du Nord, Wateringues et Moselle 6 de passer à l’étape suivante qui consiste à examiner les solutions alternatives aux activités à l’origine des modifications hydromorphologiques, c’est-à-dire identifier comment les usages en cours sur les masses d’eau pilotes pourraient être satisfaits par une autre manière qui soit techniquement faisable, présentant un meilleur bilan environnemental et réalisable à un coût non disproportionné.

2.2. Existe-t-il des solutions alternatives techniquement faisables, représentant une meilleure option environnementale et un coût non disproportionné ?

Pour le site pilote « Moselle 6 » du bassin Rhin-Meuse :

En l’absence de solutions permettant d’atteindre le bon état ne portant pas de préjudice majeur à la navigation, l’alternative consisterait à transporter les marchandises par un autre moyen de transport.

Indépendamment du fait que la désignation en MEFM et la définition d’un objectif adapté peuvent constituer une évidence au vu des impacts sociaux, économiques et environnementaux d’une telle disposition, l’étude a été poursuivie afin d’identifier les sources de données disponibles et les questions relatives à ces données.

Trois étapes ont donc été vérifiées afin de tester la méthodologie jusqu’à son terme : la faisabilité technique, le bilan environnemental et le coût de mise en œuvre.

Les solutions alternatives au transport de marchandises par voie fluviale pour la masse d’eau Moselle 6 sont le transport par voie routière et par voie ferrée (173 kilomètres).

La MEFM Moselle 6 suit un des axes routiers les plus fréquentés du bassin en terme de trafic routier (autoroute A 31). Supprimer le trafic fluvial sur la MEFM Moselle 6 reviendrait à rajouter sur la route 1 000 poids lourds par jour. Cette solution est techniquement possible mais il ne s’agit pas d’une meilleure solution environnementale. L’option de mettre sur rail les marchandises transportées par voie fluviale consisterait à mettre en service onze trains complets supplémentaires par jour. La faisabilité technique dépend notamment de la capacité d’absorbtion de ce trafic ferroviaire supplémentaire.

Il convient de dresser à présent le bilan environnemental. Comme le montre le tableau suivant, la solution alternative du train ne génère pas un coût supplémentaire pour l’environnement (les coûts externes de transport figurent en annexe) mais un gain externe de nuisance à condition que d’autres aménagements ne soient pas nécessaires pour que la circulation puisse se faire sereinement. Ce bilan environnemental est surtout impacté par les sources d’énergie utilisées sur l’effet de serre, le fer étant alimenté en énergie électrique et donc principalement d’origine nucléaire.

Tableau 8 : Les coûts externes du transport de marchandises sur la masse d’eau Moselle 6

MOSELLE 6 TRAFIC DE MARCHANDISES

(sur la base des données 2004)

Tonnes transportées 11,5 millions de tonnes  
Tonnes par kilomètre 680 millions de tonnes/Km  
Equivalence en PL/jour 1 000  
Equivalence en train/jour 11 trains, soit 1 400 tonnes par jour  
Coûts externes de nuisance en euros (route à la place de la voie navigable 87,8 - 22,4 Euro pour 1 000 TKm)/an. Par an 44 472 KEuro
Sur la période 2004-2015 (11 années) 489 192 KEuro
Gains externes de nuisance en euros (fer à la place de la voie navigable 17,9 - 22,4 Euro pour 1 000 TKm)/an. Par an 3 060 Keuro
Sur la période 2004-2015 (11 années) 33 660 KEuro

Afin de préciser le coût disproportionné ou non de l’alternative, il convient à présent d’étudier les coûts estimés de l’alternative au regard des bénéfices environnementaux de la restauration du bon état. Comme le montre le tableau 9 nous n’avons pas chiffré à ce stade de l’analyse les coûts induits et les bénéfices environnementaux générés par la réalisation du bon état.

Tableau 9 : Analyse coûts-bénéfices de la masse d’eau Moselle 6

SOLUTION alternative FAISABILITÉ technique MEILLEURE OPTION environnementale ? COÛT ESTIMATIF BÉNÉFICE ATTENDU
Transfert des marchandises sur voie routière + 1000 PL/jour ? NON Coût environnemental supérieur + Coût perte tourisme fluvial + Coût décanalisation Retour du bon état de la masse d’eau
Transfert des marchandises sur voie ferroviaire + 11 trains complets (1 400 tonnes)/jour ? ? Coût perte tourisme fluvial + Coût décanalisation Retour du bon état de la masse d’eau + 3 MEuro de gain environnemental fer/eau

Pour les sites pilotes du bassin Artois-Picardie.

Sur le plan économique et environnemental, on peut essayer d’évaluer le coût externe des transports liés à un transfert vers la route de ce qui est transporté aujourd’hui par la voie d’eau. Ce calcul a été réalisé à partir des données de l’étude INFRAS/IWW.

Tableau 10 : Evaluation des coûts externes sur la base d’un transfert de la voie d’eau vers la route

CANAL DU NORD TRAFIC DE MARCHANDISES

(sur la base des données 2004)

Tonnes transportées 3,8 millions de tonnes  
Tonnes par kilomètre 157 millions de tonnes/kilomètre  
Equivalence en PL/jour 378  
Equivalence en train/jour. Coûts externes de nuisance en euros (route à la place de la voie navigable 87,8 - 22,4 Euro pour 1 000 TKm)/an Par an 10 283 KEuro
Sur la période 2004-2015

(11 années)

113 117 KEuro
WATERINGUES TRAFIC DE MARCHANDISES

(sur la base des données 2004)

Tonnes transportées 1,3 million de tonnes  
Tonnes par kilomètre 271 millions de tonnes/kilomètre  
Equivalence en PL/jour 654  
Equivalence en train/jour. Coûts externes de nuisance en euros (route à la place de la voie navigable 87,8 - 22,4 Euro pour 1 000 TKm)/an Par an 17 772 KEuro
Sur la période 2004-2015

(11 années)

195 492 KEuro

Il est à noter par ailleurs que ce calcul ne tient pas compte de la possibilité réelle de faire ce transfert sans procéder à des extensions du réseau routier existant.

Il n’en demeure pas moins que les coûts ici exprimés sont pour le moins conséquents.

Par ailleurs, il convient d’ajouter que, pour ce qui concerne la zone des Wateringues, la disparition des canaux, mis en place pour drainer des terrains marécageux, mettrait de fait en situation d’inondation de nombreuses zones habitées.

En ce qui concerne les bénéfices associés à ces mesures, seuls l’accroissement de certaines espèces (brochets notamment) et leur valorisation (étude extraite du PDPG du Nord) ont pu être identifiés :

MESURES

Descriptif

COÛTS IMPACT BÉNÉFICES
Réhabilitation de frayères 5 Euro/m2 (coût d’aménagement hors indemnisation) 5 brochets pour 100 m2 63,60 Euro/brochet*
Source : PDPG du Nord.

2.3. Les mesures de restauration permettant d’atteindre le bon potentiel écologique

Si les solutions alternatives ne sont pas faisables techniquement et/ou ne représentent pas une meilleure option environnementale et/ou ont un coût disproportionné, il faudra passer à l’étape consistant à déterminer les mesures de restauration permettant d’atteindre non plus le Bon Etat écologique mais le Bon Potentiel écologique.

Pour cela, il convient d’utiliser les mesures de restauration présentées dans la première partie du test.

3. Prochaines étapes

Ces tests ont permis d’identifier les sources de données mobilisables et illustrer la méthode de calcul du bilan environnemental.

Les premières évaluations des bilans environnementaux présentées ci-dessus seront à compléter afin de comparer les émissions de CO2 de la solution de substitution après déduction des émissions de CO2 de la navigation actuelle, au gain pour l’environnement lié à la réalisation du bon état de la masse d’eau.

Il conviendra également de finaliser la liste des mesures de restauration mais aussi de compléter le tableau des coûts avec l’appui des services navigation du Nord-Est et de Strasbourg, les CSP et les DIREN.

Une fois toutes les mesures de restauration possibles identifiées, il faudra vérifier qu’elles ne sont toujours pas suffisantes pour atteindre le BEE pour les cas considérés (une pour Rhin-Meuse et deux pour Artois-Picardie).

Si tel est toujours le cas, il conviendra alors de motiver la désignation en MEFM sur la base de l’absence de solution alternative, présentant un meilleur bilan environnemental et réalisable à un coût non disproportionné. Les données rassemblées au cours de ce test seront utilisées.

Les masses d’eau étant désignées en MEFM, il conviendra d’identifier les mesures de restauration du bon potentiel écologique afin d’examiner leur faisabilité technique, de tenir compte des délais de réaction des milieux et de vérifier si elles ne sont pas d’un coût disproportionné au regard des avantages retirés. Ces éléments permettront de motiver, là où nécessaire, des reports de délais de réalisation du bon potentiel.

Dans ce but, des coûts de restauration restent à préciser et à harmoniser au mieux les coûts déterminés par l’AERM et l’AEAP, en dégageant par exemple des fonctions de coût pouvant s’appliquer nationalement.

Sources :

  • Les Coûts externes des transports (2004), INFRAS/IWW ;
  • ExternE - Externalities of Energy, www.externe.info ;
  • Transport fluvial et fluvio-maritime, perspectives de développement du transport de marchandises à 20 ans (2000), VNF - Services des études économiques.

Annexe I : L’étude INFRAS/IWW

L’entreprise suisse INFRAS et l’université de Karlsruhe IWW ont publié en 2004 une étude intitulée « Les Coûts externes des transports ». S’appuyant sur les études les plus récentes au niveau européen et sur les méthodes d’évaluation les plus avancées, cette étude vise à évaluer des coûts externes de nuisance des transports en fonction du nombre d’accidents, du bruit, de la pollution atmosphérique, des risques de changement climatique, des coûts pour la nature et le paysage, des coûts additionnels en site urbain et du processus amont/aval.

Ces coûts sont évalués pour le transport routier, ferroviaire, fluvial et aérien.

Leurs conclusions sont présentées dans le tableau suivant :

MOYENS DE TRANSPORTS ROUTE FER VOIE D’EAU AÉRIEN
Coûts externes de nuisance en euros pour 1 000 Tkm 87,8 17,9 22,4 271,3

Annexe IV :  Désignation de MEFM au titre de la protection contre les inondations et le drainage des terres

LA DÉSIGNATION DES MASSES D’EAU FORTEMENT MODIFIÉES (MEFM). TEST SUR LE CRITÈRE « RECTIFICATIONS - RECALIBRAGES DE GRANDE AMPLEUR ». LE CAS DE COURS D’EAU DU VAL D’ALLIER

Contact pour plus d’informations : Hervé Gilliard, AELB.

Synthèse

Introduction

Objet

Le test mené dans le bassin Loire-Bretagne a porté sur des cours d’eau du val d’Allier prédésignés masse d’eau fortement modifiée sur la base du critère rectifications - recalibrages de grande ampleur. Il s’agit de modifications jugées significatives.

Pour mener à bien ce test, un groupe de suivi, composé des services du conseil général du Puy-de-Dôme, du conseil supérieur de la pêche Auvergne-Limousin, de la délégation Allier-Loire amont de l’agence de l’eau Loire-Bretagne et de la direction régionale de l’environnement Auvergne, a été constitué. Le pilotage a été assuré par la direction de l’évaluation et de la prospective de l’agence de l’eau Loire-Bretagne. Les réunions se sont déroulées à Clermont-Ferrand. Des visites de terrain ont été effectuées afin de mieux cerner les enjeux concernés. Le test s’est déroulé sur quatre mois, de début mars à fin juin 2005.

L’objectif du test était de réunir un maximum d’éléments utiles au déroulement de la démarche de désignation pour ce type de MEFM. Les investigations techniques ont donc été menées aussi loin que possible. Elles ont porté spécifiquement sur le diagnostic approfondi (aménagements initiaux, contexte socio-économique, état actuel du milieu), sur les mesures de restauration de la morphologie (impacts et coûts) et, de façon succincte et qualitative, sur les bénéfices associés aux mesures. Au-delà du test, il s’agissait également de recueillir des données techniques et financières en matière d’opérations de renaturation de cours d’eau.

Le critère de « rectifications - recalibrages de grande ampleur » dans le bassin Loire-Bretagne : le cas des MEFM de Limagne

Initialement, six masses d’eau prédésignées sur le critère unique de « rectifications - recalibrages de grande ampleur » ont été proposées pour le test, deux étant finalement retenues : le Bedat, 60 % de son linéaire étant concerné par le critère ; le Litroux, 80 % de son linéaire étant concerné par le critère.

En sus des cours d’eau dont les caractéristiques physiques ont été modifiées, le territoire de la plaine de Limagne est parcouru par un linéaire important de voies d’eau artificielles (fossés et canaux de drainage). Pour mieux se rendre compte de l’ampleur des aménagements réalisés, le rapport entre le linéaire des voies d’eau « artificielles » et des cours d’eau « naturels » a été effectué pour la partie des bassins versants du Bedat et du Litroux concernés par les travaux (cette limite correspond approximativement à celle des masses d’eau fortement modifiées) :

BASSIN VERSANT KM DE COURS D’EAU NATURELS KM DE VOIES D’EAU ARTIFICIELLES RAPPORT (ART./NAT.)
Bedat 93 118 1,27
Litroux 45 39 0,87

Pour le Bedat, le ratio « linéaire de voies d’eau artificielles »/« linéaire de cours d’eau naturels » est de 1,27, pour le Litroux, il est de 0,87.

Ces proportions, très significatives, fournissent une illustration tangible du qualificatif « de grande ampleur ».

CARACTÉRISATION DÉTAILLÉE : UN PRÉALABLE NÉCESSAIRE

Facteurs à l’origine des aménagements de grande ampleur

Le recalibrage et la rectification de cours d’eau ont été mis en oeuvre à grande échelle dans le val d’Allier autour de Clermont-Ferrand afin de lutter contre les inondations subites potentielles (canaux enterrés, cunettes couvertes, abaissement des niveaux d’eau) et de satisfaire les besoins de l’époque notamment en matière de développement cultural (chenalisation, approfondissement, suppression des méandres...).

Les travaux, qui se sont déroulés sur environ 20 ans, ont porté sur 250 kilomètres de cours d’eau, et représentent, en euros 2004, près de 80 millions d’euros. Les travaux sur le Bedat, rivière à problématique urbaine et agricole, correspond à 10 % du total, les travaux sur le Litroux, à problématique essentiellement agricole, à 4 % du total.

Caractérisation socio-économique des activités

La prépondérance de l’agriculture sur le territoire

La Limagne est en France une des zones de production privilégiée en semence de maïs (environ 5 000 hectares dans le département du Puy-de-Dôme, pour environ 50 000 hectares en France).

Le tableau suivant présente les estimations de la valeur des productions au prix de base pour le blé et le maïs dans les cantons traversés par le Bedat et le Litroux.

  VALEUR de la production du blé en millions d’euros (% du département) VALEUR DE LA PRODUCTION DU MAÏS en millions d’euros (% du département)
Bedat - 7 (14) - 8,4 (30)
Litroux - 4,8 (10) - 3,7 (13)

La protection des populations contre les inondations

Les plans de prévention des risques naturels prévisibles d’inondation (PPRNPI) de l’agglomération clermontoise concernent 11 communes, soit une population de 210 000 habitants. La proportion de superficie de la communauté d’agglomération concernée par les aléas est estimée à environ 10 %.

La capacité utile des bassins d’orage du Bedat (réalisés et prévus) est de l’ordre de 450 000 mètres cubes.

Précision sur les altérations des masses d’eau

La caractérisation détaillée de l’état hydromorphologique actuel du Bedat et du Litroux a été effectuée pour l’essentiel sur la base du réseau d’évaluation des habitats (REH) mis en place par le Conseil supérieur de la pêche. Ce réseau permet de dresser un état des lieux du niveau d’altération des habitats. Cette expertise standardisée est réalisée à l’échelle du tronçon. Elle permet d’identifier les couples « pression/perturbation » les plus significatifs et d’évaluer les altérations associées.

L’évaluation est réalisée à partir des paramètres d’altération de l’habitat en prenant en compte leur force (degré d’altération) et l’étendue de leur influence sur le tronçon (linéaire affecté). Pour chacun des compartiments (débit, ligne d’eau, berges et ripisylve...), le niveau d’altération retenu est donné par l’expertise globale des altérations de l’habitat.

C’est sur la base de ces éléments d’évaluation qu’ont été définies les mesures de renaturation pour contribuer à l’atteinte du bon état.

LES MESURES POUR TENDRE VERS LE BON ÉTAT

Plusieurs précisions sont nécessaires :

  • les principales mesures visant la restauration des compartiments de la morphologie ont été privilégiées, le critère morphologique étant considéré comme le facteur déclassant principal ;
  • les mesures éventuelles à mettre en œuvre sur les annexes hydrauliques et les affluents n’ont pas été définies ;
  • compte tenu des objectifs du test et des délais impartis, il n’a pas été possible d’apporter un dimensionnement technique fin (en termes d’emprise, de localisation des interventions, en termes d’efficacité de l’action, etc.) ;
  • en l’absence de définition précise du bon état, la classe « bon » du REH a été choisie comme objectif de référence pour définir les mesures.

Les mesures et leurs impacts sur les activités

Schématiquement, les mesures envisagées pour contribuer à l’atteinte du bon état consiste à recréer des méandres sur une portion donnée des cours d’eau, à stabiliser et végétaliser les berges et le lit, à mettre en place des épis, à créer des bandes enherbées et à faire des opérations de talutage. Ces différentes mesures ont été dimensionnées à partir d’objectifs de renaturation quantifiés. Le tableau suivant présente les coûts des mesures, estimés à partir d’une batterie de coûts moyens recensés à l’occasion du test, et les impacts de ces mesures sur les activités et services associés aux modifications hydromorphologiques (activité agricole et problème d’évacuation des crues).

Les mesures et leurs impacts Un coût moyen de restauration de la morphologie (hors fonctionnement et hors travaux sur les affluents) estimé entre 6,5 et 13 millions d’euros sur le Litroux, et entre 6 et 13 millions d’euros sur le Bedat.

Des pertes de terres agricoles liées aux mesures estimées à 50 hectares sur le Litroux (exploitation de 60 hectares de taille moyenne) ; à 46 hectares sur le Bedat (exploitation de 50 hectares de taille moyenne).

Pas d’effet sur les systèmes de drainage compte tenu des hypothèses de dimensionnement retenues.

Problème éventuel lié au ralentissement de l’évacuation des crues (effet d’amplification dans les zones urbaines sur le Bedat), aux inondations dans la partie agricole et aux impacts sur les infrastructures (Bedat et Litroux).

Une qualification succincte des bénéfices

Cet aspect n’a pas fait l’objet d’un traitement approfondi dans le cadre du test. Les bénéfices potentiels ont été qualifiés a minima. Les mesures de restauration de l’hydromorphologie visant l’atteinte du bon état sur le Litroux et le Bedat se traduisent par des effets bénéfiques sur le milieu aquatique et l’environnement humain immédiat (valeur paysagère, effet sur la pratique de pêche, etc.). On peut également mentionner la contribution positive que pourrait avoir le rétablissement de certaines zones inondables de crue sur les zones situées en aval des deux cours d’eau.

SYNTHÈSE DES CRITÈRES D’APPRÉCIATION

Les chiffres clés rassemblés dans le tableau de synthèse portent sur les opérations de recalibrage et de rectification effectuées sur le Bedat et le Litroux, sur la situation socio-économique actuelle, sur les mesures envisagées pour restaurer la morphologie et contribuer à l’atteinte du bon état, et sur les impacts. Pour mémoire, les éléments relatifs aux bénéfices des mesures, bien que très succincts, ont été rappelés.

Les ordres de grandeur et les ratios proposés constituent des critères d’appréciation pour décider in fine du caractère fortement modifié des masses d’eau concernées par le critère de « rectifications - recalibrages de grande ampleur ».

Les travaux d’aménagement en Limagne 250 kilomètres de cours d’eau rectifiés en Limagne entre 1960 et le début des années 1980.

80 millions d’euros de travaux d’aménagement, 10 % concernant le Bedat et 4 % concernant le Litroux.

4 000 hectares drainés entre 1960 et 1980, soit plus de 6 millions d’euros de travaux : mise en place parfois exclusive en maïs.

Un linéaire important :

  • concerné par le critère « rectifications - recalibrages de grande ampleur » : 60 % pour le Bedat et 80 % pour le Litroux ;
  • de voies d’eau artificielles : environ 50 % pour la partie Est du bassin, versant du Bedat et pour le Litroux en aval de Ravel.

Situation socio- économique actuelle Les cantons du Bedat : 30 % de la production du maïs du Puy-de-Dôme (13 % pour les cantons du Litroux).

Taille moyenne d’une exploitation agricole : 60 hectares sur le Litroux et 50 hectares sur le Bedat.

Une zone de production privilégiée de maïs semence (présence du groupe Limagrain, leader européen de semence de maïs ; France : leader européen) : près de 5 000 hectares dans le Puy-de-Dôme pour une surface de production française de 50 000 hectares.

210 000 habitants concernés par le PPRNPI ; 10 % de la superficie de l’agglomération seraient concernés par les zones d’aléa.

Environ 14 millions d’euros de travaux (faits ou prévus) pour l’installation de bassins d’orage sur le Bedat.

Les mesures et leurs impacts

Un coût moyen de restauration de la morphologie (hors fonctionnement et hors travaux sur les affluents) estimé entre 6,5 et 13 millions d’euros sur le Litroux, entre 6 et 13 millions d’euros sur le Bedat.

Des pertes de terres agricoles liées aux mesures estimées à 50 hectares sur le Litroux ; à 46 hectares sur le Bedat.

Pas d’effet sur les systèmes de drainage compte tenu des hypothèses de dimensionnement retenues.

Problème éventuel lié au ralentissement de l’évacuation des crues (effet d’amplification dans les zones urbaines sur le Bedat), aux inondations dans la partie agricole et aux impacts sur les infrastructures (Bedat et Litroux).

Les bénéfices Une amélioration de la qualité des habitats et de la valeur attachée à un site (valeur paysagère ou encore valeur lié à la satisfaction d’un usage de loisir).

Contribution à l’atténuation des crues en zone aval du fait du rétablissement de certains champs d’expansion.

En guise de conclusion, quelques éléments d’appréciation peuvent être apportés :

  • le contexte du test est spécifique, dans la mesure où les opérations de recalibrage et de rectification ont été effectuées à grande échelle : le pourcentage du linéaire concerné par ces travaux est très important ; le linéaire de voies d’eau artificielles créé sur le bassin versant des cours d’eau rectifiés est très significatif ;
  • les mesures de renaturation remettent en cause les usages de façon partielle. Afin de voir si l’impact de ces mesures est localement significatif, il serait notamment utile :
  • sur le plan agricole, d’examiner la localisation des pertes de terres agricoles le long du linéaire concerné ;
  • pour des masses d’eau comme le Bedat, de considérer le maintien d’une capacité d’écoulement des crues comme incontournable ;

A titre de comparaison, et afin d’apprécier l’ampleur financière des opérations de renaturation, les coûts estimés de ces opérations peuvent être rapprochés des coûts de travaux de rectification et de recalibrage initiaux : ils sont globalement équivalents pour le Bedat, deux à trois fois plus élevés pour le Litroux.

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