(JO n° 162 du 2 juillet 2020)
NOR : TRER2014997D
Publics concernés : exploitants d'installations nucléaires de base.
Objet : codification et actualisation du décret n° 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice : le décret codifie le décret n° 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires. Il élève à 120 % le seuil au-delà duquel des retraits des actifs de couverture sont possibles et supprime l'obligation de dotation aux actifs de couverture dans certains cas d'évolution des provisions lorsque le taux de couverture est compris entre 100 % et 110 %. Il complète les exigences concernant l'organisation de l'évaluation des provisions. Il étend le champ de l'évaluation des risques financiers, intégrant le réexamen des risques relatifs au passif et la réalisation de tests de résistance sur un horizon d'au moins dix ans, et ajuste en conséquence sa périodicité de référence qui devient triennale au lieu d'annuelle. Il précise le processus mis en œuvre en cas de sous-couverture. Enfin, il complète les exigences de communication d'informations au public et à l'autorité administrative et introduit une approche proportionnée aux enjeux.
Références : le code de l'environnement, modifié par le décret, peut être consulté, dans sa version issue de cette modification, sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).
Vus
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de la transition écologique et solidaire,
Vu le code des assurances, notamment le titre III de son livre III ;
Vu le code de commerce, notamment le titre II de son livre Ier et le titre III de son livre II ;
Vu le code de la défense, notamment son article R.* 1333-40 ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 111-40 et suivants ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code monétaire et financier, notamment le titre Ier de son livre II,
Décrète :
Article 1er du décret du 1er juillet 2020
Le chapitre IV du titre IX du livre V du code de l'environnement (partie réglementaire) est remplacé par les dispositions suivantes :
« Chapitre IV
Dispositions à caractère financier relatives aux installations nucléaires de base
« Section 1
Obligation de constitution d'actifs
« Art. D. 594-1. Pour l'application de la présente section, on entend par :
« 1° “ Exploitant ” : exploitant d'une installation nucléaire de base ou d'une installation individuelle présentant les caractéristiques techniques visées au deuxième alinéa du I de l'article R. * 1333-40 du code de la défense et incluse dans le périmètre d'une installation nucléaire de base secrète, à l'exception de l'Etat ;
« 2° “ Charges nucléaires ” : les charges mentionnées à l'article L. 594-1 ;
« 3° “ Risques quantifiables ” : les risques dont la probabilité d'occurrence et la gravité des conséquences peuvent être estimées de manière suffisamment fiable en regard de l'objectif visé. La gravité des conséquences peut être estimée en se référant à des valeurs moyennes et, si nécessaire, à des distributions statistiques suffisamment représentatives en regard des enjeux afférents ;
« 4° “ Charges nucléaires liées au cycle d'exploitation ” : les charges nucléaires afférentes aux provisions liées au cycle d'exploitation ;
« 5° “ Combustible usé engagé ” : tout combustible nucléaire en cours d'utilisation dans le cœur d'un réacteur ;
« 6° “ Installation industrielle construite ou en construction ” : une installation ayant fait l'objet d'un décret d'autorisation de création ou bénéficiant d'un statut équivalent et dont le fonctionnement n'est pas arrêté définitivement ;
« 7° “ Combustible usé recyclable dans les installations industrielles construites ou en construction ” : combustible usé pouvant être retraité dans une installation industrielle construite ou en construction et autorisée à cette fin et dont il est prévu que le plutonium issu de ces opérations de retraitement soit recyclé dans des installations industrielles construites ou en construction, disposant des autorisations nécessaires à cet effet. Pour ces différentes installations, l'exploitant tient compte dans ses prévisions de leur durée de vie résiduelle envisagée ;
« 8° “ Actifs de couverture ” : les actifs mentionnés à l'article L. 594-2 ;
« 9° “ Base de dispersion ” : le montant des provisions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 594-2, à l'exclusion de celles liées au cycle d'exploitation ;
« 10° “ Taux de couverture ” : le rapport entre la valeur de réalisation des actifs de couverture et la base de dispersion ;
« 11° “ Externalisation ” : accord, quelle que soit sa forme, conclu entre une personne physique ou morale et un prestataire de services, soumis ou non à un contrôle, en vertu duquel ce prestataire de services exécute, soit directement, soit en recourant lui-même à l'externalisation, une procédure, un service ou une activité, qui serait autrement exécuté par la personne elle-même ;
« 12° “ Autorité compétente en matière de sûreté nucléaire ” : pour les installations nucléaires de base, l'Autorité de sûreté nucléaire ou, pour les installations individuelles incluses dans le périmètre d'une installation nucléaire de base secrète mentionnées au 1° ci-dessus, le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense ;
« 13° “ Organe de surveillance ” : le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes.
« Art. D. 594-2. Le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé de l'énergie constituent l'autorité administrative mentionnée aux articles L. 594-2, L. 594-4, L. 594-5, L. 594-9 et L. 542-12-2 et à la présente section.
« Art. D. 594-3. I. Pour l'application des dispositions de l'article L. 594-1, l'exploitant évalue les charges nucléaires, qu'elles soient fixes ou variables, et ce y compris si elles sont prises en charge partiellement ou totalement par un tiers. Ces charges sont réparties selon les cinq rubriques suivantes :
« 1° Les charges de démantèlement des installations nucléaires de base, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
« 2° Les charges de gestion des combustibles usés, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
« 3° Les charges de reprise et de conditionnement des déchets anciens, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
« 4° Les charges de gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;
« 5° Les charges de surveillance après fermeture des stockages.
« Les charges de transport hors site des combustibles usés et des déchets radioactifs sont réparties au sein des rubriques respectivement mentionnées au 2° et au 4°.
« Les charges nucléaires font l'objet d'une décomposition en opérations définies conformément à une nomenclature fixée par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
« II. L'évaluation mentionnée au I est réalisée et documentée selon une démarche adaptée à la nature, à l'ampleur, à la complexité, à la diversité et à la temporalité des opérations en cours de réalisation ou envisagées. Elle s'appuie sur des données à jour et référencées et des méthodes explicitées et validées, tient compte des spécificités de chaque installation et de chaque catégorie de combustibles usés et de déchets radioactifs, prend en compte le retour d'expérience et intègre :
« 1° L'identification :
« - des contraintes, notamment économiques et calendaires, qui limitent les options disponibles pour conduire les opérations ;
« - de critères de décision utilisés notamment pour le classement des options ;
« - des différentes options raisonnablement envisageables pour conduire les opérations ;
« 2° L'analyse des options mentionnées au 1° en tenant compte des contraintes et critères de décision mentionnés au 1° et, parmi ces options, le choix prudent d'une stratégie de référence, comportant en tant que de besoin des mesures d'atténuation des risques afférents, et la détermination d'un échéancier prévisionnel des charges nucléaires associées à cette stratégie ; l'analyse des options comporte des éléments relatifs à l'acceptabilité des conditions économiques associées aux différentes options en regard des exigences fixées à l'article L. 593-25, en particulier en ce qui concerne les groupes d'opérations pour lesquels la priorité est explicitement donnée aux délais de réalisation des opérations ;
« 3° L'identification, l'analyse et l'évaluation des risques relatifs à des événements ou conditions susceptibles d'affecter le montant ou l'échéancier des charges nucléaires et l'ajustement de l'estimation réalisée en application du 2° au titre, d'une part, des risques quantifiables identifiés et, d'autre part, des autres risques et incertitudes.
« Pour les opérations en cours de réalisation, l'exploitant assure également un suivi des coûts estimés pour achèvement et à terminaison en s'appuyant sur des données à jour et référencées et des méthodes explicitées.
« III. L'exploitant collecte, analyse et exploite les informations susceptibles de lui permettre d'améliorer la démarche mentionnée au II, qu'il s'agisse informations issues de l'expérience relative aux installations de l'exploitant, ou à d'autres installations, similaires ou non, en France ou à l'étranger.
« IV. Les charges nucléaires liées au cycle d'exploitation correspondent aux charges mentionnées au 2° du I, pour ce qui concerne les combustibles usés produits par l'exploitant ainsi que ses combustibles usés engagés, à condition qu'ils soient des combustibles usés recyclables dans des installations industrielles construites ou en construction.
« Art. D. 594-4. L'exploitant constitue les provisions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 594-2 dans le respect des normes comptables applicables.
« Le taux d'actualisation utilisé pour le calcul du montant de ces provisions ne peut excéder le taux de rendement prévisionnel des actifs de couverture, prudemment estimé en tenant compte de l'horizon des décaissements.
« Ce taux d'actualisation ne peut en outre excéder un plafond fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
« L'exploitant s'appuie, pour la détermination du taux d'actualisation mentionné au deuxième alinéa et pour l'évaluation du taux de rendement mentionné à ce même alinéa, sur des données à jour et référencées et des méthodes explicitées et validées.
« Art. D. 594-5. Nonobstant les dispositions de l'article L. 594-3, l'exploitant peut retirer des actifs de couverture à d'autres fins que le financement de dépenses relatives aux charges nucléaires non liées au cycle d'exploitation à condition que, à l'issue de ce retrait, le taux de couverture soit supérieur ou égal à 120 %.
« L'exploitant informe l'autorité administrative préalablement à tout retrait réalisé dans les conditions prévues à l'alinéa précédent.
« Art. D. 594-6. I. Sont admissibles à titre d'actifs de couverture les actifs mentionnés à l'article R. 332-2 du code des assurances ; les dispositions communes prévues par cet article leur sont applicables, sous réserve des dispositions de l'article D. 594-18.
« II. Les actifs de couverture peuvent également comprendre, après autorisation par l'autorité administrative, les actifs suivants :
« 1° Engagements pris par les Etats dans le cadre d'un traité ou d'un accord international auquel la France ou l'Union européenne est partie ;
« 2° Créances sur les Etats membres de l'Union européenne, les collectivités publiques territoriales de ces Etats et les établissements publics de ces Etats ;
« 3° Créances sur les personnes morales détenant directement ou indirectement plus de 90 % du capital et des droits de vote de l'exploitant, ou dont plus de 90 % du capital et des droits de vote sont détenus directement ou indirectement par l'exploitant, garanties par un nantissement de valeurs au profit exclusif de l'exploitant répondant aux conditions fixées par le premier alinéa de l'article R. 332-17 du code des assurances, et dont la valeur de réalisation totale est au moins égale au montant de la créance. Ne peuvent être mises en nantissement que les valeurs qui, agrégées avec l'ensemble des actifs de couverture, respectent les dispositions du présent article ainsi que des articles D. 594-7 et D. 594-9. Pour l'application des dispositions du IV du présent article et de l'article D. 594-11, les valeurs reçues en nantissement sont assimilées à des valeurs détenues par l'exploitant ;
« 4° Autres créances sur les sociétés ayant leur siège social sur le territoire de l'un des Etats membres de l'Union européenne et dont les titres sont négociés sur un marché reconnu au sens de l'article R. 332-2 du code des assurances et sur les sociétés dont l'un de ces Etats ou l'un de ses établissements publics détient directement ou indirectement plus de la moitié du capital ;
« 5° Engagements pris par des tiers ayant la qualité d'exploitant nucléaire, à condition que ces engagements portent sur des charges nucléaires non liées au cycle d'exploitation pour lesdits tiers.
« III. Les actifs de couverture peuvent comprendre 50,1 % au plus des actions de la société régie par les articles L. 111-40 à L. 111-46 du code de l'énergie, ou 50,1 % au plus des actions d'une société ayant pour objet exclusif la détention directe d'actions de la société régie par les articles L. 111-40 à L. 111-46 du code de l'énergie, sous les réserves et conditions suivantes :
« 1° Ces actions sont admises sous réserve :
« - de ne pas nuire aux besoins de liquidité pour la couverture des provisions mentionnées à l'article D. 594-4 ;
« - que l'exploitant détienne, parmi les actifs de couverture, des titres négociés sur un marché reconnu au sens de l'article R. 332-2 du code des assurances pour une valeur de réalisation totale au moins égale au montant des provisions correspondant aux charges nucléaires non liées au cycle d'exploitation dont l'exploitant prévoit qu'elles seront décaissées sous quinze ans à compter de la clôture de l'exercice en cours ;
« - le cas échéant, que la dette nette de la société ayant pour objet exclusif la détention directe d'actions de la société régie par les articles L. 111-40 à L. 111-46 du code de l'énergie ne dépasse pas trois milliards d'euros ;
« 2° Les actifs mentionnés au premier alinéa du III sont suivis et évalués de façon distincte des autres actifs de couverture.
« Les informations suivantes sont annexées aux rapports et notes mentionnés à l'article L. 594-4 :
« - les comptes sociaux et consolidés, les rapports des commissaires aux comptes relatifs à ceux-ci, ainsi que les rapports de gestion des sociétés mentionnées au premier alinéa du III ;
« - une note précisant la méthode d'évaluation permettant d'obtenir la valeur de réalisation des titres de ces sociétés et justifiant du respect des conditions imposées au 1°.
« L'autorité administrative peut préciser à l'exploitant le contenu et les modalités de présentation des informations mentionnées aux trois précédents alinéas.
« IV. Sont exclues des actifs de couverture les valeurs émises par l'exploitant et les actifs immobiliers détenus directement ou indirectement par l'exploitant, afférents à des immeubles affectés à son usage ou à celui d'une entreprise appartenant au même groupe que lui, sauf s'il s'agit d'immeubles à usage tertiaire non situés sur le site d'une installation à usage industriel.
« Sauf dérogation accordée au cas par cas par l'autorité administrative, sont également exclues des actifs de couverture les valeurs émises par une entreprise appartenant au même groupe que l'exploitant, à l'exception des parts et actions d'organismes de placement collectif et des parts et actions de sociétés ayant pour seul objet la détention directe ou indirecte d'un actif immobilier ou d'un ensemble d'actifs immobiliers localisés sur un même site.
« V. L'exploitant peut utiliser des instruments financiers à terme au sens de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier dans les conditions fixées par les articles R. 332-45 à R. 332-49, R. 332-51 à R. 332-58, R. 336-3 et R. 336-4 du code des assurances, sous réserve des dispositions de l'article D. 594-18.
« VI. Les instruments financiers font l'objet soit d'une inscription en compte, ou d'un dépôt, auprès d'un intermédiaire habilité établi en France, soit d'une inscription nominative dans les comptes de l'organisme émetteur, à condition que celui-ci soit situé en France.
« Les actes de propriété des actifs immobiliers, les actes et les titres consacrant les prêts ou créances sont conservés sur le territoire français.
« Les comptes de dépôt sont ouverts auprès d'un ou plusieurs établissements de crédit agréés établis en France.
« VII. Sont considérées comme appartenant au même groupe, au sens du présent article, les entités consolidées par intégration globale, hormis celles dont le seul objet est la détention, directe ou indirecte, de valeurs émises par des entités qui ne sont pas elles-mêmes consolidées par intégration globale.
« Art. D. 594-7. I. Les actifs de couverture font l'objet d'une diversification appropriée de façon à éviter une dépendance excessive vis-à-vis d'un même actif, d'un même organisme, d'un même groupe de sociétés au sens de l'article R. 332-13 du code des assurances, d'un même secteur économique ou d'une même zone géographique et à éviter un cumul excessif de risques dans l'ensemble des actifs de couverture. A ce titre, l'exploitant respecte notamment les dispositions du II à V du présent article.
« L'exploitant formalise une allocation stratégique des actifs de couverture et des limites de tolérance aux risques d'investissement, de liquidité et de concentration, et ce en veillant à assurer le respect des dispositions de l'alinéa précédent.
« II. La valeur de réalisation de l'ensemble des actifs libellés en devises autres que l'euro n'excède pas 20 % de la valeur de réalisation de l'ensemble des actifs de couverture.
« III. Sauf dérogation accordée au cas par cas par l'autorité administrative, rapportée à la différence entre la valeur de réalisation des actifs de couverture et la valeur de réalisation des actifs mentionnés au 5° du II de l'article D. 594-6 :
« 1° La valeur de réalisation de chacune des catégories d'actifs énumérées à l'article R. 332-3 du code des assurances n'excède pas les limites définies au même article ;
« 2° La valeur de réalisation des actifs mentionnés au 4° du II de l'article D. 594-6 n'excède pas 10 % ;
« 3° La valeur de réalisation des actifs mentionnés au I de l'article D. 594-6 n'excède pas les limites définies à l'article R. 332-3-1 du code des assurances.
« IV. Les dépôts effectués auprès des établissements de crédit d'un même groupe au sens de l'article D. 594-6 n'excèdent pas 10 % de la différence entre la valeur de réalisation des actifs de couverture et la valeur de réalisation des actifs mentionnés au 5° du II de l'article D. 594-6.
« V. Les actifs mentionnés au III de l'article D. 594-6 ne sont pas soumis aux limites définies au III du présent article. Leur valeur de réalisation n'excède pas 15 % de la différence entre la valeur de réalisation des actifs de couverture et la valeur de réalisation des actifs mentionnés au 5° du II de l'article D. 594-6.
« Art. D. 594-8. I. L'exploitant formalise et applique une politique en matière de sécurisation du financement des charges nucléaires. Cette politique fixe les principes applicables en matière d'évaluation des provisions mentionnées à l'article D. 594-4 et de gestion des actifs de couverture, notamment en ce qui concerne le niveau d'indépendance visé pour les contrôles mis en place dans ces domaines, et comporte l'engagement de satisfaire aux exigences applicables en matière de sécurisation du financement des charges nucléaires et d'améliorer en permanence le dispositif afférant.
« L'exploitant adapte la politique mentionnée à l'alinéa précédent compte tenu de tout changement important affectant le dispositif de sécurisation du financement des charges nucléaires et la réexamine au moins tous les trois ans. En cas de modification de cette politique, l'exploitant en informe dans les meilleurs délais l'autorité administrative.
« II. L'exploitant établit et met en œuvre des dispositions appropriées lui permettant :
« - pour l'ensemble des méthodes mentionnées aux articles D. 594-3 et D. 594-4 et de celles appliquées pour l'évaluation de la valeur de réalisation des actifs de couverture, pour la gestion des actifs de couverture et pour l'évaluation prévue à l'article D. 594-10, de démontrer leur applicabilité et leur pertinence et d'apprécier la suffisance, la qualité et la tenue à jour des données utilisées dans leur cadre ;
« - de documenter et de tracer les activités nécessaires à la sécurisation du financement des charges nucléaires, notamment celles relatives aux méthodes mentionnées à l'alinéa précédent ;
« - d'identifier, d'analyser, d'évaluer, de traiter, de suivre, de revoir et de communiquer les risques relatifs à la sécurisation du financement des charges nucléaires, aux niveaux individuel et agrégé, et leurs interdépendances, et ce de manière intégrée à la structure organisationnelle et aux processus de prise de décision de l'exploitant ;
« - de surveiller et d'analyser les variations de coûts, de délais et de périmètres par rapport à la stratégie de référence mentionnée à l'article D. 594-3 ;
« - de détecter, de déclarer et d'analyser les événements qui sont de nature à modifier le contenu du rapport mentionné à l'article L. 594-4 ;
« - de recueillir et d'exploiter le retour d'expérience.
« III. L'exploitant met en place :
« 1° Un système de contrôle interne visant à assurer le respect des exigences des lois et règlements et des décisions de l'autorité administrative, la conformité à la politique mentionnée au I, la disponibilité des informations financières et comptables et leur fiabilité ;
« 2° Une fonction de contrôle de l'évaluation des charges nucléaires, qui est placée sous l'autorité du directeur général, du directoire ou de toute personne exerçant des fonctions de direction équivalentes au sein de l'exploitant ou d'une personne le contrôlant au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, ou le cas échéant sous l'autorité d'une direction qui est directement rattachée à une telle personne et qui n'a pas de responsabilité opérationnelle en matière d'évaluation des charges nucléaires. Cette fonction peut être instituée dans le cadre du système mentionné au 1°. Elle émet un avis sur l'évaluation des charges nucléaires et leur échéancier prévisionnel, ainsi que sur la cohérence des méthodes et données mentionnées à l'article D. 594-3. Elle émet également un avis sur la politique mentionnée au I. Elle effectue des actions adaptées de vérification par sondage des dispositions prises en application des articles D. 594-3 et D. 594-4 et du I et du II du présent article en ce qui concerne l'évaluation des charges nucléaires. Elle contribue à l'établissement des méthodes et principes de modélisation des risques et incertitudes mentionnés au 3° du II de l'article D. 594-3 et de l'évaluation interne des risques mentionnée à l'article D. 594-10. Les avis émis par cette fonction sont adressés à son autorité de rattachement et aux directions exerçant une responsabilité opérationnelle en matière d'évaluation des charges nucléaires.
« IV. L'exploitant fournit, en annexe aux rapports et notes mentionnés à l'article L. 594-4, un rapport sur les éléments mentionnés au I, au II et au III.
« V. Les dispositions du présent article sont appliquées de manière proportionnée au montant de la base de dispersion et à la taille de l'exploitant.
« Art. D. 594-9. En cas d'externalisation de la fonction mentionnée au 2° du III de l'article D. 594-8, d'activités de gestion d'actifs de couverture ou d'activités concourant directement à l'évaluation des provisions mentionnées à l'article D. 594-4 ou à l'évaluation interne des risques mentionnée à l'article D. 594-10, l'exploitant s'assure que cette externalisation n'est pas susceptible de compromettre la qualité des éléments mentionnés à l'article D. 594-8, d'accroître indûment le risque opérationnel ou de compromettre la capacité de l'autorité administrative à vérifier le respect des dispositions applicables en matière de sécurisation du financement des charges nucléaires. Il établit et met en œuvre des dispositions de sélection des prestataires de services et de surveillance des activités externalisées.
« De plus, la valeur de réalisation de l'ensemble des actifs de couverture gérés par un même prestataire de services d'investissement n'excède pas un plafond fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
« Art. D. 594-10. L'exploitant réalise et documente une évaluation interne des risques au moins tous les trois ans et lors de tout changement significatif du profil des risques relatifs à la sécurisation du financement des charges nucléaires, et ce de manière proportionnée au montant de la base de dispersion et à la taille de l'exploitant. Elle comporte une appréciation des risques nouveaux ou en émergence, une revue des risques identifiés et de leurs moyens de maîtrise ainsi qu'un test de résistance consistant en une projection des provisions et des actifs mentionnés à l'article L. 594-2 au moins sur les dix années suivantes. La projection est réalisée selon un scénario de référence, des scénarios dégradés représentant des conditions détériorées de marché et des scénarios dégradés portant sur le montant ou l'échéancier des charges nucléaires.
« Au titre de la revue des risques identifiés prévue au premier alinéa, en ce qui concerne les risques relatifs à des événements ou conditions susceptibles d'affecter le montant ou l'échéancier des charges nucléaires correspondant à un groupe d'opérations donné, l'exploitant peut s'appuyer sur la réalisation d'une revue dédiée à ces risques durant les trois précédentes années à condition qu'il n'y ait pas eu de changement significatif de ces risques depuis ladite revue dédiée. Dans ce cas, l'exploitant réalise néanmoins une revue des risques identifiés associés aux interdépendances avec ce groupe d'opérations.
« A l'issue de l'évaluation interne des risques, l'exploitant analyse ses résultats, détermine et programme les actions appropriées pour améliorer la maîtrise des risques et les met en œuvre.
« Art. D. 594-11. I. L'exploitant tient à jour un inventaire des actifs de couverture qui assure la traçabilité de chaque mouvement d'actif et est aisément consultable par l'autorité administrative.
« II. L'exploitant transmet à l'autorité une synthèse de cet inventaire selon la périodicité suivante :
« - une fois tous les douze mois si la base de dispersion est inférieure à 100 millions d'euros ou si les actifs de couverture comprennent principalement des actifs mentionnés au 1° ou au 2° du II de l'article D. 594-6 ;
« - une fois tous les trois mois dans les autres cas.
« En cas de recours à des instruments financiers à terme, cette transmission comprend également une synthèse du relevé mentionné à l'article R. 336-4 du code des assurances ainsi qu'une indication du nombre d'opérations à terme effectuées durant la période considérée et du montant notionnel cumulé correspondant, en les distinguant par catégorie d'instruments financiers à terme.
« L'autorité précise à l'exploitant la forme et le contenu de cette transmission.
« Art. D. 594-12. I. Pour l'établissement des documents comptables mentionnés à la section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier du code de commerce et aux articles L. 232-1 et L. 233-16 du même code, l'exploitant se conforme aux dispositions suivantes :
« a) L'annexe présente les provisions mentionnées à l'article D. 594-4, réparties selon les rubriques mentionnées à l'article D. 594-3, en distinguant celles liées ou non au cycle d'exploitation ;
« b) L'annexe présente le montant des charges nucléaires réparties selon les rubriques mentionnées à l'article D. 594-3, en distinguant celles liées ou non au cycle d'exploitation et celles dont l'exploitant prévoit qu'elles seront ou non décaissées sous dix ans ;
« c) L'annexe présente les principales méthodes retenues pour l'évaluation des charges nucléaires, une appréciation des incertitudes relatives au montant et à l'échéancier des charges nucléaires et les principales hypothèses retenues relatives aux événements futurs pris en compte ;
« d) L'annexe présente la méthode de détermination du taux d'actualisation mentionnée à l'article D. 594-4, le taux d'actualisation retenu et la sensibilité des provisions mentionnées à cet article au taux d'actualisation ;
« e) L'annexe ou le rapport de gestion expose l'objet des actifs de couverture, leur composition, en distinguant leur valeur comptable et leur valeur de réalisation, le taux de couverture ainsi qu'une appréciation du respect des dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article D. 594-4 ;
« f) Le rapport de gestion comporte une présentation de la performance des actifs de couverture et des principaux risques et incertitudes relatifs à la sécurisation du financement des charges nucléaires ;
« g) Le rapport de gestion comporte une présentation des dérogations en cours de validité accordées par l'autorité administrative en application des articles D. 594-6 et D. 594-7, des prescriptions édictées par l'autorité dont le respect a donné lieu à des dispositions prises par l'exploitant durant l'exercice considéré ou nécessite la mise en œuvre de dispositions par l'exploitant après la clôture de l'exercice considéré ainsi qu'une synthèse des dispositions mises en œuvre pour se conformer à ces prescriptions.
« II. Les entreprises chargées d'établir des comptes consolidés se conforment aux dispositions prévues au I.
« Art. D. 594-13. Le rapport mentionné à l'article L. 594-4 comporte les éléments permettant d'apprécier la situation de l'exploitant au regard des dispositions prévues aux articles L. 594-1 à L. 594-13 et à la présente section. L'exploitant communique les rapports et notes mentionnés à l'article L. 594-4 à ses commissaires aux comptes. En outre, il transmet à l'autorité un exemplaire de ces documents duquel les informations susceptibles de porter atteinte aux intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4 sont occultées, y compris en ce qui concerne les informations annexées à ces documents en application du III de l'article D. 594-6, du IV de l'article D. 594-8 et du I de l'article D. 594-15.
« Le contenu du rapport mentionné à l'alinéa précédent et du rapport mentionné au IV de l'article D. 594-8 est fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
« L'autorité administrative transmet les rapports et notes mentionnés au premier alinéa à l'autorité compétente en matière de sûreté nucléaire pour examen de la cohérence de la stratégie de démantèlement et de gestion des combustibles usés et déchets radioactifs présentée par l'exploitant au regard de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L'autorité compétente en matière de sûreté nucléaire remet son avis à l'autorité administrative dans un délai de six mois.
« Art. D. 594-14. Les modalités de délivrance et de mise en œuvre des accords prévus au sixième alinéa de l'article L. 594-4 et les conditions de réalisation des expertises mentionnées au septième alinéa de l'article L. 594-4 peuvent être précisées par arrêté des ministres de l'économie et de l'énergie.
« Art. D. 594-15. I. Si le taux de couverture est strictement inférieur à 100 % à la date de clôture d'une année donnée, l'exploitant transmet dans l'année faisant suite à cette clôture, en annexe au rapport ou à la note mentionnés à l'article L. 594-4, un plan de redressement, assorti d'un calendrier, en vue d'un retour à un taux de couverture supérieur ou égal à 100 % dans les meilleurs délais. Ce plan comporte notamment des informations sur les capacités financières de l'exploitant sur la période considérée, les dotations planifiées aux actifs de couverture sur cette période, l'évolution envisagée du taux de couverture sur cette période et les principales hypothèses et incertitudes associées. Il comporte également toute information utile permettant à l'autorité administrative d'apprécier les perspectives au-delà de cette période.
« Au plus tard un an après la date mentionnée à l'alinéa précédent, l'autorité met en œuvre les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 594-5 en tenant compte du plan mentionné au premier alinéa, de la situation des marchés financiers et des risques relatifs à la sécurisation du financement des charges nucléaires. En tout état de cause, les mesures prescrites comprennent une exigence d'atteinte par l'exploitant d'un taux de couverture supérieur ou égal à 100 % dans un délai qui ne peut excéder cinq ans après la date mentionnée à l'alinéa précédent.
« Les dispositions du deuxième alinéa ne sont pas mises en œuvre si le retour à un taux de couverture supérieur ou égal à 100 % est déjà encadré par des prescriptions de l'autorité à la date mentionnée au premier alinéa ou si l'exploitant informe l'autorité de la résorption de la situation de sous-couverture.
« II. Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 594-5 ne peuvent excéder un an, sauf pour les mesures prescrites dans les conditions prévues au I.
« Art. D. 594-16. I. Les dispositions du présent article s'appliquent aux exploitants disposant d'un organe de surveillance.
« II. La politique mentionnée au I de l'article D. 594-8 fixe les critères et les modalités d'information de l'organe de surveillance de l'exploitant en ce qui concerne le dispositif de sécurisation du financement des charges nucléaires. Cette politique et le rapport mentionné au IV de l'article D. 594-8 sont soumis à l'approbation préalable de l'organe de surveillance de l'exploitant. En outre, l'exploitant communique à son organe de surveillance les rapports et notes mentionnés à l'article L. 594-4, une synthèse des avis mentionnés au 2° du III de l'article D. 594-8 ainsi que le plan mentionné au I de l'article D. 594-15.
« III. Si la base de dispersion excède un milliard d'euros, un comité ou une commission, constitué par l'organe de surveillance de l'exploitant ou d'une personne le contrôlant au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, assure le suivi des questions relatives à la sécurisation du financement des charges mentionnées à l'article L. 594-1. La composition de ce comité ou de cette commission est fixée par l'organe de surveillance. Elle ne peut comprendre que des membres de l'organe de surveillance de l'exploitant ou d'une personne le contrôlant au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.
« Sans préjudice des compétences de l'organe de surveillance de l'exploitant, ce comité est notamment chargé des missions suivantes :
« 1° Il examine les rapports et notes mentionnés à l'article L. 594-4 et, le cas échéant, formule des recommandations relatives à leur processus d'élaboration pour garantir l'exactitude des informations que comportent ces documents ;
« 2° Il suit l'efficacité des éléments mentionnés au III de l'article D. 594-8 et le cas échéant de l'audit interne, en ce qui concerne la sécurisation du financement des charges nucléaires, sans qu'il soit porté atteinte à son indépendance ;
« 3° Il examine et rend un avis à l'organe de surveillance de l'exploitant sur la politique mentionnée au I de l'article D. 594-8 et le rapport mentionné au IV de ce même article ;
« 4° Il examine les éléments mentionnés à l'article D. 594-10 et les plans mentionnés au I de l'article D. 594-15 et suit la mise en œuvre des actions en découlant ;
« 5° Il rend compte régulièrement à l'organe de surveillance de l'exploitant de l'exercice de ses missions.
« Ce comité peut formuler des recommandations en matière de réalisation d'audits et de revues indépendantes, internes ou externes, et, si cela est nécessaire, recourir à des experts extérieurs.
« Art. D. 594-17. Les dispositions des articles D. 594-8 à D. 594-10 et D. 594-12 ne sont pas applicables si la base de dispersion est inférieure à 25 millions d'euros.
« Art. D. 594-18. Pour l'application des articles D. 594-6, D. 594-7 et D. 594-11, les dispositions des articles R. 332-2, R. 332-3, R. 332-3-1, R. 332-13, R. 332-14, R. 332-14-1, R. 332-14-2, R. 332-15, R. 332-16, R. 332-45 à R. 332-49, R. 332-51 à R. 332-58, R. 336-3 et R. 336-4 du code des assurances sont applicables sous réserve des adaptations suivantes :
« a) Les mots : “ entreprise d'assurance ” et “ entreprise ” sont remplacés par le mot : “ exploitant ” ;
« b) Les mots : “ Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ” sont remplacées par les mots : “ autorité administrative ” ;
« c) Les mots : “ base de dispersion ” et “ base de dispersion définie au premier alinéa de l'article R. 332-3 ” sont remplacés par les mots : “ différence entre la valeur de réalisation des actifs de couverture et la valeur de réalisation des actifs mentionnés au 5° du II de l'article D. 594-6 du code de l'environnement ” ;
« d) Les mots : “ limites internes mentionnées à l'article R. 336-2 ” sont remplacés par les mots : “ limites de tolérance mentionnées au I de l'article D. 594-7 du code de l'environnement ” ;
« e) A l'article R. 332-2 :
« - les mots : “ les actifs représentatifs des provisions techniques ” sont remplacés par les mots : “ les actifs de couverture ” ;
« - les mots : “ en garantie d'un engagement particulier ” sont remplacés par les mots : “ en garantie d'un engagement autre que les charges nucléaires ” ;
« - les mots : “ admissibles en représentation des autres engagements ” sont remplacés par les mots : “ admissibles à titre d'actifs de couverture ” ;
« f) A l'article R. 332-14 :
« - les mots : “ admissibles en représentation des engagements réglementés ” sont remplacés par les mots : “ admissibles à titre d'actifs de couverture ” ;
« - les mots : “ des autres Etats parties de l'accord sur l'Espace économique européen, pour autant que ces règles soient conformes à ” sont remplacés par les mots : “ des autres Etats parties de l'accord sur l'Espace économique européen ou des Etats membres de l'Organisation de coopération et de développement économique, pour autant que ces règles soient équivalentes à celles fixées par ”. »
Article 2 du décret du 1er juillet 2020
Le décret n° 2007-243 du 23 février 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires est abrogé.
Article 3 du décret du 1er juillet 2020
Les exploitants réalisent au plus tard le 31 décembre 2021 leur première évaluation interne des risques mentionnée à l'article D. 594-10 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant du présent décret.
Article 4 du décret du 1er juillet 2020
Les dispositions de l'article D. 594-8 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant du présent décret s'appliquent à compter du 31 décembre 2021.
Article 5 du décret du 1er juillet 2020
La ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 1er juillet 2020.
Edouard Philippe
Par le Premier ministre :
La ministre de la transition écologique et solidaire,
Elisabeth Borne
Le ministre de l'économie et des finances,
Bruno Le Maire