(JO n° 54 du 5 mars 2011)


NOR : CRER1106454V

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Olivier CHALLAN BELVAL, Frédéric
GONAND et Jean-Christophe LE DUIGOU, commissaires.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a été saisie, le 1er mars 2011, par la ministre chargée de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et par le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, d’un projet d’arrêté fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000.

Face au développement incontrôlé de la filière photovoltaïque en 2010, l’obligation d’achat pour les installations de plus de 3 kWc a été suspendue pour trois mois par un décret du 9 décembre 2010 (1).

Depuis cette date, le Gouvernement a mené une concertation avec les acteurs de la filière pour redéfinir son cadre de régulation.

Le projet d’arrêté définit de nouveaux tarifs d’achat pour l’électricité produite par les installations photovoltaïques, qui sont inférieurs à ceux en vigueur depuis le 1er septembre 2010. Il prévoit une dégressivité trimestrielle des tarifs en fonction des volumes de demandes de raccordement observées, ce qui permet d’offrir à la filière une prévisibilité nécessaire.

La Commission de régulation de l’énergie rappelle qu’elle avait attiré dès 2006 l’attention des pouvoirs publics sur le niveau élevé des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque et sur le caractère excessif des rentabilités qu’ils induisaient.

Elle estime que :
- désormais, les tarifs proposés sont conformes aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 février 2000, qui prévoient que les niveaux des tarifs ne doivent pas induire de rentabilités excessives ;
- malgré ce retour à un dispositif plus équilibré, les charges de service public liées à l’ensemble de la filière photovoltaïque à l’horizon 2020 seront probablement supérieures à 2Md€ par an, soit environ 0,1 % du PIB.

(1) Décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil.

1. Description du projet d’arrêté

Le tableau suivant présente les différents tarifs d’achat proposés dans le projet d’arrêté pour le premier trimestre qui suivra son entrée en vigueur.

Au-delà du premier trimestre suivant l’entrée en vigueur du dispositif, une révision des tarifs est prévue suivant une périodicité trimestrielle. Elle tiendra compte, notamment, de la puissance cumulée des installations pouvant bénéficier de l’obligation d’achat et qui ont fait l’objet de demandes de raccordement au trimestre précédent.

Pour les installations intégrées aux toitures de bâtiments d’habitation, le tarif applicable au trimestre N est inchangé si la puissance cumulée des installations ayant fait l’objet de demandes de raccordement au trimestre N – 1 est inférieure à 5 MW. Au-delà, le tarif diminue par paliers successifs selon la puissance cumulée des demandes de raccordement. Une baisse maximale de 9,5 % du tarif est prévue si le cumul des demandes dépasse 65 MW. Le système de dégressivité trimestrielle est identique pour les installations respectant les critères d’intégration simplifiée au bâti et pour les installations intégrées au bâti non situées sur un bâtiment d’habitation. Les facteurs de dégressivité appliqués aux tarifs chaque trimestre se cumulent au cours du temps.

Enfin, le projet d’arrêté prévoit que, pour tout projet de plus de 9 kWc, le producteur fournit une attestation d’un ou plusieurs organismes bancaires certifiant qu’il dispose des fonds propres nécessaires au financement de l’installation ou qu’il peut bénéficier d’un financement bancaire le lui permettant.

2. Analyse des tarifs proposés

La CRE a vérifié que les tarifs d’achat proposés « prennent en compte les coûts d’investissement et d’exploitation évités [...], auxquels peut s’ajouter une prime prenant en compte la contribution [...] des filières à la réalisation des objectifs [...] définis au deuxième alinéa de l’article 1er de la loi [du 10 février 2000, définissant les objectifs de la politique énergétique] » (article 10 de la loi du 10 février 2000).

L’analyse de rentabilité des tarifs proposés compare le taux de rentabilité interne du capital investi après impôts (TRI projet) avec le coût moyen pondéré du capital, qui est estimé à 5,1 % sur la base du coût du capital moyen d’un échantillon d’entreprises du secteur des énergies renouvelables.
Le tableau ci-dessous présente, par segment d’installation, les rentabilités économiques associées aux tarifs proposés. Des hypothèses hautes et basses de coût d’investissement, respectivement égales à 90 % et 110 % de la valeur moyenne attribuée à chaque segment, ont été retenues.
Les valeurs minimales et maximales de rentabilité indiquées traduisent les valeurs obtenues respectivement pour des projets situés dans le nord de la France au coût d’investissement par kilowatt installé le plus élevé et pour les projets situés au sud de la France au coût d’investissement par kilowatt installé le plus faible.

Dans les conditions les plus favorables (coût d’investissement maîtrisé, moitié sud de la France), les tarifs proposés induisent des rentabilités comparables ou supérieures au coût moyen pondéré du capital de référence pour les installations de moins de 36 kWc en intégration au bâti (excepté pour les installations de plus de 9 kWc sur le segment « autres bâtiments ») et de moins de 100 kWc en intégration au bâti simplifiée.

Les rentabilités sont également supérieures à la référence pour les petites installations destinées aux particuliers. La suppression du crédit d’impôt sur les revenus dont ces derniers bénéficient, égal à 22 % du prix des équipements (2), induirait un niveau maximal de rentabilité de l’ordre de 8 % au lieu de 11 %.

La Commission de régulation de l’énergie estime donc que les tarifs proposés sont conformes aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 février 2000, qui prévoient que les niveaux des tarifs « ne peu[ven]t conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d’achat excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d’écouler l’intégralité de leur production à un tarif déterminé ».

(2) Proposée dans le rapport publié en 2010 par la mission relative à la régulation et au développement de la filière photovoltaïque en France.

3. Mise en oeuvre du nouveau dispositif

Le projet d’arrêté prévoit que les gestionnaires de réseau communiquent après chaque trimestre à la CRE la puissance cumulée des installations photovoltaïques ayant fait l’objet d’une demande complète de raccordement et destinées à bénéficier de l’obligation d’achat. Ils disposent d’un délai de quinze jours après la fin du trimestre concerné pour communiquer ces éléments à la CRE. Dans un délai maximal de sept jours, la CRE doit formuler un avis sur les coefficients de dégressivité trimestrielle que les ministres envisagent d’arrêter.

La règle de calcul des coefficients de dégressivité est définie dans le projet d’arrêté examiné. L’arrêté qui sera pris par les ministres pour fixer leur valeur ne pourra être établi qu’à partir des éléments transmis par la CRE. Aussi, l’avis de la Commission sur le projet de cet arrêté est sans objet.

En conséquence, il est proposé de modifier l’article 5 du projet d’arrêté comme suit : « La Commission de régulation de l’énergie transmet aux ministres en charge de l’énergie et de l’économie, dans un délai de sept jours à compter de la réception des bilans mentionnés à l’article 4, les valeurs des coefficients Sn et Vn résultant de l’application de l’annexe 1 du présent arrêté, l’indice N représentant le trimestre sur lequel portent les bilans, ainsi que les données permettant de déterminer ces valeurs. Les ministres arrêtent la valeur des coefficients précités. »

Par ailleurs, dans un souci de simplifier la gestion de ce nouveau dispositif, il est proposé de faire débuter le second trimestre considéré dans les formules de dégressivité (N = 2) le 1er juillet 2011 au lieu de trois mois à compter de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté. Ainsi, les trimestres sur lesquels seront calculés les coefficients seront des trimestres civils à compter de cette date. A cet effet, la première phrase de l’article 4 pourrait être modifiée comme suit : « Pour l’application du présent arrêté, la notion de trimestre correspond à un trimestre civil, sauf le trimestre défini par N = 1 à l’annexe 1, qui débute à la date d’entrée en vigueur du présent arrêté et prend fin au 30 juin 2011 ».

Enfin, le projet d’arrêté ne prévoit pas le cas où certains gestionnaires de réseau public d’électricité ne communiqueraient pas les données relatives aux demandes de raccordement dans les délais impartis.

Au vu de la forte sensibilité des tarifs d’achat aux volumes de demandes de raccordement, il est nécessaire de fixer de manière explicite dans l’arrêté tarifaire le mode de calcul des coefficients de dégressivité trimestrielle dans le cas où les déclarations de certains gestionnaires de réseau viendraient à manquer. A cet effet, la CRE propose que le calcul soit basé sur les déclarations reçues.

En effet, estimer la part manquante, par exemple sur la base des données fournies le ou les trimestres précédents, serait une source de contentieux.

4. Charges de service public induites par la filière photovoltaïque

Les charges de service public induites par les tarifs proposés dépendent fortement du scénario d’évolution des puissances installées. La CRE retient une hypothèse d’évolution de 100 MW par an aussi bien pour les installations bénéficiant de la prime d’intégration au bâti situées sur des bâtiments d’habitation que pour les autres installations sur toitures. Cette hypothèse est fondée sur une baisse des tarifs d’achat, hors indexation, d’environ 10 % chaque année, ce qui est cohérent avec la baisse attendue à court et moyen terme des coûts de production de l’électricité d’origine photovoltaïque. Pour un tel scénario, les charges de service public correspondant aux nouvelles installations visées par le projet d’arrêté seraient comprises entre 390 et 420 M€ par an à l’horizon 2020.

Les charges de service public liées aux installations bénéficiant de l’obligation d’achat au titre des précédents arrêtés tarifaires dépendent étroitement du taux de réalisation des projets qui n’ont pas encore été mis en service. En supposant qu’entre 50 et 65 % des projets en attente de raccordement en décembre 2010, et qui n’ont pas été suspendus par le décret du 9 décembre 2010 précité, se réaliseront (3), les charges de service public pour ce segment seraient comprises entre 1,4 et 2 Md€ par an à l’horizon 2020.

(3) A fin décembre 2010, les puissances cumulées des projets photovoltaïques en attente de raccordement au réseau public et qui respectaient les dispositions de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat (acceptation de la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010) sont estimées à 2 057 MW sur le réseau géré par ERDF, 373 MW sur le réseau géré par EDF SEI et 714 MW sur le réseau de transport géré par RTE. La puissance des installations en attente de raccordement sur le réseau des entreprises locales de distribution est estimée à 10 % de celle en file d’attente ERDF.

5. Obligation d’achat en Corse et en outre-mer

Dans ses avis du 3 décembre 2009 et du 31 août 2010 sur des projets d’arrêté fixant les conditions d’achat de l’électricité d’origine photovoltaïque, la CRE a rappelé que, dans les principales collectivités régionales d’outre-mer et en Corse, la capacité de production en attente de raccordement au réseau excède la demande locale en électricité. La limite technique d’acceptabilité des énergies intermittentes relative à la stabilité des réseaux, rappelée par l’arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d’électricité en basse tension ou en moyenne tension d’une installation de production d’énergie électrique, sera à court terme dépassée.

La CRE a été saisie le 3 novembre 2010 d’un projet d’arrêté complétant l’arrêté du 23 avril 2008. Ce projet modifie les critères de déconnexion en abaissant le seuil de puissance au-delà duquel l’installation peut être déconnectée de 100 kVA à 3 kVA. La CRE a rendu un avis favorable au projet d’arrêté le 18 novembre 2010.

Pour limiter les risques liés au développement du photovoltaïque à court terme sur le bon fonctionnement des systèmes électriques insulaires, la CRE insiste sur la nécessité de publier cet arrêté au Journal officiel.

6. Bénéfice de l’obligation d’achat

Le projet d’arrêté laisse la possibilité à une installation ayant déjà fonctionné, mais n’ayant jamais bénéficié de l’obligation d’achat, de bénéficier d’un contrat d’achat dans les conditions tarifaires du premier trimestre affectées d’un coefficient Y tenant compte de l’antériorité de la mise en service.

Pour éviter tout effet d’aubaine, les conditions tarifaires appliquées doivent être celles du trimestre au cours duquel la demande de contrat d’achat est formulée. La CRE recommande donc que la dernière phrase de l’article 8 soit rédigée comme suit : « Pour ces installations, la valeur de l’indice N est celle du trimestre au cours duquel a été effectuée la demande de contrat d’achat. »

Fait à Paris, le 3 mars 2011.

Pour la Commission de régulation de l’énergie :
Le président,
P. De Ladoucett

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