Le ministre de l'Environnement, le Ministre de l'Industrie, des Postes et Télécommunications
à MM. les préfets coordinateurs de bassin, Mmes et MM. les préfets, M. le préfet de police.
A l'occasion d'une communication présentée par le ministre de l'Environnement au Conseil des ministres du 13 juillet 1993, le Gouvernement a décidé l'arrêt des extractions de granulats dans le lit mineur des cours d'eau. Il a prévu en outre que les schémas établis au titre de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 et au titre de la loi relative aux installations classées du 19 juillet 1976 définiraient des limitations aux extractions dans le lit majeur.
La présente circulaire précise les conditions de mise en oeuvre de cette orientation politique et de coordination entre ces différents schémas pour ce qui concerne les extractions de granulats.
La loi sur l'eau du 3 janvier 1992 crée deux instruments de planification, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE).
Le SDAGE, élaboré dans un délai de cinq ans à partir de la publication de la loi, fixe pour chaque bassin ou groupement de bassins les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau .
Cette gestion équilibrée vise notamment la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et zones humides, la protection contre la pollution et la restauration de la qualité des eaux, la protection de la ressource en eau, notamment celle en eau potable. Elle doit également satisfaire à leur libre écoulement.
S'inscrivant dans le cadre du SDAGE, le SAGE fixe dans un groupement de sous-bassins ou un sous-bassin les objectifs généraux de protection quantitative et qualitative des ressources en eaux superficielle et souterraine et des écosystèmes aquatiques et zones humides. Ces objectifs sont compatibles avec les orientations du SDAGE.
Les décisions administratives prises dans le domaine de l'eau (et notamment les autorisations d'exploiter les carrières en nappe alluviale) doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions du SDAGE et du SAGE.
La loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement a été modifiée par la loi du 4 janvier 1993 relative aux carrières. Un nouvel article 16-3 prévoit qu'un schéma départemental des carrières est élaboré dans chaque département.
Ce schéma doit prendre en compte l'intérêt économique national, les ressources et les besoins en matériaux du département et des départements voisins, la protection des paysages, des sites et des milieux naturels sensibles, la nécessité d'une gestion équilibrée de l'espace, tout en favorisant une utilisation économe des matières premières .
Il est utile de rappeler que toutes les activités de carrières sont désormais soumises au régime de l'autorisation dans le cadre de la législation des installations classées et que les arrêtés d'autorisation doivent respecter les prescriptions de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 pris en application de l'article 7 de la loi du 19 juillet 1976. Par ailleurs, les autorisations d'exploiter les carrières délivrées au titre de cette loi devront être compatibles avec ce schéma. L'élaboration des schémas départementaux de carrières bénéficiera en outre, pour les aspects ne concernant pas spécifiquement le domaine de l'eau, de recommandations contenues dans la circulaire du ministre de l'Industrie et du ministre de l'Environnement du 11 janvier 1995.
C'est donc sans préjudice des prescriptions de l'arrêté ministériel mentionné ci-dessus que les orientations définies par la présente circulaire sont à privilégier dans les trois catégories de schémas.
Les SDAGE et les schémas départementaux de carrières sont en cours d'élaboration. Les SDAGE, préparés par les comités de bassin, doivent être publiés avant le 4 janvier 1997 et précéderont les SAGE.
Il importe que ces trois catégories de documents soient cohérentes entre elles pour le domaine commun qui les concerne, c'est-à-dire les extractions de granulats ayant un impact notable sur les intérêts visés par la loi sur l'eau, principalement les extractions en nappe alluviale.
En conséquence, il convient dès maintenant de préciser les différentes orientations que les SDAGE, les SAGE et les schémas départementaux de carrières devront privilégier dans le domaine des extractions de granulats en nappe alluviale.
Ces orientations visent d'une part, l'arrêt définitif des extractions en lit mineur des cours d'eau, d'autre part, la limitation des extractions en lit majeur.
Pour ce qui concerne la limitation des extractions en lit majeur et dans le cas où l'élaboration du SDAGE précède celles des SAGE et des schémas départementaux de carrières, les SDAGE devront énoncer les orientations telles que mentionnées ci-dessous au 2).
Dans un second temps, les SAGE et/ou les schémas départementaux de carrières devront reprendre et préciser ces orientations, définir des objectifs et détailler les secteurs correspondant aux orientations du SDAGE.
Le SDAGE prendra en compte les intérêts énumérés à l'article 16-3 de la loi du 19 juillet 1976 et les recommandations de la circulaire du 11 janvier 1995 relative aux schémas départementaux de carrières notamment l'intérêt économique national, les ressources et les besoins en matériaux, et la protection de l'environnement.
1. Arrêt des extractions en lit mineur
Conformément à l'arrêté du 22 septembre 1994, il ne doit plus être délivré d'autorisation permettant d'extraire des granulats en lit mineur des cours d'eau et dans les plans d'eau traversés par des cours d'eau. Les SDAGE, les SAGE et les schémas départementaux de carrières doivent poser ce principe quelle que soit la taille des cours d'eau et des plans d'eau.
Les opérations qui ont pour vocation première l'aménagement ou l'entretien des cours d'eau et des plans d'eau sont néanmoins possibles mais nécessitent une autorisation au titre de la législation des installations classées dès lors qu'elles remplissent les conditions de la rubrique 2510 de la nomenclature des installations classées.
2. Les conditions de limitation des extractions en lit majeur
Les extractions en lit majeur (le lit majeur correspond à la zone inondable) peuvent avoir un impact sur les intérêts visés par la loi n° 92-3 du 3 janvier sur l'eau :
- par la consommation d'espace correspondant à des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides qui se traduit par un impact sur le paysage, la faune et la flore;
- par la découverte de la nappe qui peut la rendre vulnérable. Cette nappe peut constituer un gisement d'eau potable ;
- par le rejet de certains effluents résultant de l'activité de traitement des granulats;
- par leur impact sur le régime des eaux superficielles et souterraines.
Cet impact dépend de la qualité et de la sensibilité de certains sites et de conditions d'exploitations ou d'aménagement.
Les orientations à privilégier dans les SDAGE, et à préciser dans les SAGE et dans les schémas départementaux de carrières en matière d'extraction de granulats alluvionnaires en lit majeur sont les suivantes. Il convient notamment :
- que les zones des vallées ayant subi une très forte exploitation dont les séquelles se traduisent par une multiplication incohérente de plans d'eau ne soient plus exploitées par des carrières nouvelles, sauf si un réaménagement le justifie. Une restauration de ces zones doit également être envisagée;
- que les zones ou l'implantation des carrières aurait des conséquences négatives sur l'écoulement des crues soient définies, c'est notamment le cas des zones de grand écoulement des plans de prévention des risques d'inondation ou périmètres de risques institués par l'article R. 111.3 du code de l'urbanisme). Par ailleurs, les extractions doivent être suffisament éloignées du lit majeur ne doit pas impliquer de mesures hydrauliques compensatrices (il s'agit de tout type de protection des berges et d'endiguement) sauf nécessité dûment justifiée;
- que les exploitations de carrières dans le lit majeur n'aboutissent pas à la multiplication incohérente de plans d'eau susceptibles de dégrader le paysage en fin d'exploitation. L'étude d'impact doit démontrer que le réaménagement n'aboutit pas à un tel résultat; elle prend en compte les plans d'eau : le site réaménagé ne doit pas être compatible avec le caractère inondable de la zone où il est implanté;
- que les zones des vallées qui sont des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides visés par la loi du 3 janvier sur l'eau, qui possèdent un caractère environnemental remarquable (paysage, faune et flore) et qui ne bénéficient aujourd'hui d'aucune protection juridique, soit définies. Si l'exploitation de carrières doit y être interdite, il convient d'en assurer la protection par la mise en place d'un instrument jurtidique (procédures d'arrêté de biotope, de réserve naturelle, de site classé, etc.) qui permettra également de protéger ces zones à l'égard d'autres activités préjudiciables;
- que les zones qui correspondent à une ressource en eau potable exploitable dans l'avenir soient définies afin que les exploitations des granulats y soient limitées ou éventuellement interdites en fonction de leur compatibilité avec la ressource en eau potable.
Les SDAGE ont donc en l'espèce pour but d'assurer la cohérence spaciale et temporelle des différentes activités et préoccupations des acteurs de bassin. Ils pourront définir différents secteurs géographiques, en fonction des enjeux des extractions de granulats sur le milieu aquatique et des enjeux économiques que cette activité comporte, par exemple selon la typologie suivante :
- secteurs à enjeux très faibles sur le milieu aquatique, ou aucune disposition particulière ne sera nécessaire;
- secteurs à enjeux très importants, où de très grandes précautions pouvant aller jusqu'à l'interdiction, devront être prises (préservation des ressources d'eau potable, risque de réduction de la protection des nappes, préservation de zones humides et de leurs fonctions, risques de divagation, et de capture de cours d'eau, limitation de la multiplication incohérente des plans d'eau, protection des paysages);
- secteurs à analyser plus finement dans le cadre des SAGE et des schémas départementaux de carrières, pour aboutir à un zonage détaillé et à des prescriptions de nature à assurer la compatibilité des différents intérêts, y compris à long terme (tels que ceux cités ci-dessus, ainsi que la nécessité de disposer d'une ressource en granulats de qualité).
Cette sectorisation est très préférable à la fixation de façon uniforme d'objectifs chiffrés de réduction. Dans tous les cas les ressources de matériaux de substitution devront être prises en compte.
Des schémas de carrières au niveau départemental ou régional ont pu être élaborés au cours des années passées. Ces documents peuvent présenter un intérêt pour l'élaboration des SDAGE et des SAGE dans la mesure où ils ont pris en compte les intérêts qui sont aujourd'hui ceux de la loi sur l'eau.
Vous veillerez à ce que les représentants de la profession des extracteurs de granulats (et notamment les représentants régionaux de l'Union nationale des industries de carrières et de matériaux de construction) et des associations de protection de l'environnement soient consultées et associées à l'élaboration des SDAGE et des SAGE.
Des concertations doivent être menées avec les professionnels sur la base de propositions concrètes afin que les extractions en nappe alluviale soient réduites ou même interdites si cela s'avère nécessaire.
Par ailleurs, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, services qui assurent l'inspection des carrières au titre de la législation des installations classées et la police des carrières au titre du Code minier sont impliquées au premier chef dans l'élaboration des schémas départementaux de carrières. Leur participation à la conception des SDAGE et des SAGE est indispensable.
Quant aux schémas départementaux de carrières, ils seront préparés par les commissions départementales des carrières où sont présents les administrations compétentes dans les domaines de l'eau et des carrières et les professionnels concernés.
Vous voudrez bien nous tenir informés des éventuelles difficultés de mise en oeuvre de cette circulaire sous le timbre de la direction de l'eau et de la direction de la prévention des pollutions et des risques et de la direction générale de l'énergie et des matières premières.