La Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable

à

Mesdames et Messieurs les Préfets

La loi 2003-699 du 30 juillet 2003, pour sa partie relative à la prévention des risques technologiques modifiant le code de l’environnement (titre Premier et une partie du titre III de mesures diverses) comporte :

- une majorité de dispositions qui doivent être précisées par décret ;

- un certain nombre de dispositions d’application immédiate, notamment les articles 1, 3, 4, ainsi que l’article 84, qui constitue un cas particulier ne concernant à ce jour que le site d’injection profonde de Lacq.

Je souhaite donc appeler votre attention sur les principaux points qui me paraissent nécessiter dès à présent une vigilance particulière de votre part. Il convient en particulier de prévenir tout contentieux consécutif à des autorisations ou décisions relatives à des installations classées qui seraient susceptibles d’être délivrées en méconnaissance de ces nouvelles dispositions.

Définitions

La présente circulaire distingue les notions d’aléa et d’exposition au risque. Par abus de langage les termes exposition au risque, risque et aléa sont parfois confondus. Il convient de clarifier ces notions communes aux risques technologiques et naturels.

- L’aléa est la probabilité qu’un phénomène accidentel produise en un point donné des effets d’une gravité potentielle donnée, au cours d’une période déterminée. L’aléa est donc l’expression , pour un type d’accident donné, du couple probabilité d’occurrence / gravité potentielle des effets. Il est spatialisé et peut être cartographié. Par exemple, l’aléa explosion produisant une surpression de 140 mbars à 100 mètres est 1 pour 10 000 ans.

- La vulnérabilité d’une zone ou d’un point donné est l’appréciation de la sensibilité des cibles présentes dans la zone à un type d’effet donné (surpression de x mbars, gaz toxique à la concentration y pendant un temps t…). Par exemple, on distinguera des zones d’habitat, de zones de terres agricoles, les premières étant plus sensibles que les secondes à un aléa d’explosion en raison de la présence de constructions et de personnes.

- L’exposition au risque d’une zone donnée résulte de la combinaison de l’aléa dans cette zone avec la vulnérabilité de la zone.

Enquête publique

Article 1 :

Le quatrième alinéa de l’article L. 123-9 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque l’enquête publique porte sur une demande d’autorisation concernant une installation figurant sur la liste prévue au IV de l’article L. 515-8, cette réunion est obligatoire à la demande du maire de la commune sur le territoire de laquelle sera sise l’installation ou du président d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme ou de développement économique dont le périmètre comprend le territoire de la commune sur lequel sera sise l’installation. »

Ces dispositions sont applicables pour toute enquête publique ouverte à partir du 01 août 2003 dès lors que l’établissement comporte au moins une installation soumise à autorisation avec servitudes au sens de la nomenclature des installations classées définie par l’article 3 du décret du 20 mai 1953 modifié et l’annotation figurant en bas de page de cet article, ou que l’ensemble des installations de cet établissement satisfait à la condition dite « de cumul » définie à l’article 3 du décret n° 99-1220 du 28 décembre 1999 modifiant la nomenclature.

Vous noterez que dans le cadre de la procédure préexistante, le commissaire enquêteur pouvait d’ores et déjà organiser une réunion publique pour toute installation classée.

Servitudes d’utilité publiques indemnisées par l’exploitant

Article 3 :

« Les dispositions ci-dessus [du I de l’article L.515-8] sont également applicables à raison des risques supplémentaires créés par une installation nouvelle sur un site existant ou par la modification d’une installation existante, nécessitant la délivrance d’une nouvelle autorisation. »

L’article 3 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages étend la possibilité d’institution de servitudes publiques indemnisées prévue au I de l’article L.515-8 du code de l’environnement aux installations dont l’implantation ou la modification engendre des risques supplémentaires.

Les dispositions du I de l’article L.515-8 sont applicables dès lors que l’établissement comporte au moins une installation soumise à autorisation avec servitudes au sens de la nomenclature des installations classées définie par le décret du 20 mai 1953 modifié, ou que l’ensemble des installations de cet établissement satisfait à la condition dite « de cumul » définie à l’article 3 du décret n° 99-1220 du 28 décembre 1999 modifiant la nomenclature.

Pour toute nouvelle installation ou toute modification d’installation existante qui nécessite la délivrance d’une nouvelle autorisation dans un établissement AS en application de l’article 20 du décret n° 1133 du 21 septembre 1977 modifié, vous veillerez à ce que l’étude de danger fournie avec le dossier identifie clairement les risques [stricto sensu, l’alea] supplémentaires engendrés par la nouvelle installation ou la modification faisant l'objet de l'instruction. Est considéré comme supplémentaire tout risque de nature nouvelle ou accroissement d’un risque existant. Le risque [stricto sensu, l’alea] doit être apprécié en tenant compte des mesures propres à réduire la probabilité ou la gravité des accidents potentiels.

Si ces risques nouveaux emportent création, à l’extérieur de l’établissement, de contraintes relatives à l’usage de terrains, bâtis ou non bâtis, et que ces contraintes sont soit nouvelles, soit plus restrictives que les contraintes antérieurement répertoriées dans des documents opposables aux propriétaires des terrains concernés, le différentiel de contrainte doit faire l’objet de servitudes d’utilité publiques indemnisables par l’exploitant, comme stipulé par l’article L.515-8. Vous noterez que les demandes d’indemnisation éventuelles doivent se fonder sur l’existence d’un préjudice direct matériel et certain pour être recevables. Ces servitudes sont instituées sans préjudice d’une éventuelle subordination de la délivrance de l’autorisation à l’éloignement de certains ouvrages et constructions, en application de l’article L.512-1.

En revanche, les contraintes et servitudes de toutes natures, opposables aux propriétaires des terrains et existant à la date de dépôt du dossier de demande d’autorisation ne sauraient être requalifiées en servitudes indemnisables en application de l’article L.515-8 : elles relèvent du Plan de Prévention des Risques Technologiques.

En cas de doute sur l’opportunité de faire usage de ces dispositions sur une installation particulière ou sur l’appréciation des risques supplémentaires, je vous invite à me faire part, sous le timbre de la DPPR, de votre analyse. Je vous adresserai les instructions appropriées, le cas échéant après consultation du Conseil Supérieur des Installations Classées.

Etude de dangers

Article 4 :

« Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l’installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l’article L. 511-1 en cas d’accident, que la cause soit interne ou externe à l’installation.

« Cette étude donne lieu à une analyse de risques qui prend en compte la probabilité d’occurrence, la cinétique et la gravité des accidents potentiels selon une méthodologie qu’elle explicite.»

« Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents. »

Cet article introduit dans l’article L.511-2 du code de l’environnement des notions existant dans la réglementation actuelle, à savoir les principes et attendus de l’étude de danger d’une installation classée soumise à autorisation.

Dans la réglementation existante, les études de danger des installations classées soumises à autorisation sont définies comme une pièce du dossier, dont le contenu est précisé au 5° de l’article 3 du décret n°1133 du 21 septembre 1977 modifié :

- l’objet d’une étude de dangers est d’une part de caractériser, analyser les risques engendrés par l’installation, que leurs causes soient intrinsèques aux produits utilisés, liées aux procédés mis en œuvre ou dues à d’autres causes  d’origine interne ou externe à l’installation, d’autre part de justifier les mesures de réduction du risque à la source.

- principe de proportionnalité : « le contenu des études de dangers doit être en relation avec l’importance des dangers présentés par les installations et de leurs conséquences en cas de sinistre[…] »:

La principale nouveauté réside dans l’obligation d’explicitation de la méthodologie d’analyse de risque utilisée pour réaliser l’étude de dangers, méthodologie qui doit prendre en compte, dans l’appréciation de l’aléa, la probabilité et la cinétique des accidents potentiels, en plus de la gravité des effets potentiels.

Pour les établissements dits « AS », c’est à dire comportant au moins une installation soumise à autorisation avec servitudes au sens de la nomenclature des installations classées ou satisfaisant à la condition dite « de cumul » définie à l’article 3 du décret n° 99-1220 du 28 décembre 1999 modifiant la nomenclature, la loi n’introduit pas d’élément nouveau par rapport aux dispositions et obligations décrites dans l’arrêté ministériel du 10 mai 2000 et sa circulaire d’application datée du même jour. Vous voudrez bien vous assurer que les études de dangers qui vous sont adressées justifient la robustesse et la pérennité des mesures de prévention et de protection mises en place, en s’appuyant sur des éléments d’analyse de risque et d’accidentologie. Ces mesures, techniques ou organisationnelles, doivent concourir à la sûreté de fonctionnement des installations, y compris en phase transitoire ou en marche dégradée. L’étude de danger doit donc justifier leur fiabilité, leur niveau de redondance nécessaire et suffisant, et leur indépendance. Par cohérence avec l’arrêté et la circulaire ministériels du 10 mai 2000 précités, ces mesures peuvent être identifiées comme « éléments importants pour la sécurité ». Vous veillerez également à ce que des éléments concrets relatifs à la cinétique des accidents potentiels figurent dans l’étude. Sans préjudice de la fréquence quinquennale minimale de mise à jour des études de danger et dans le cas où le contenu de l’étude de danger comporterait des lacunes significatives, vous ferez usage de l’article 18 du décret n° 1133 du 21 septembre 1977 pour obtenir les compléments nécessaires, sans vous attacher à la forme des études de danger, dont l’évolution pour tenir compte de la loi du 30 juillet 2003 sera nécessairement progressive.

Je vous invite à faire application du guide « principes généraux des études de dangers- version 1 » élaboré par des représentants des principaux exploitants d’installations SEVESO à hauts risques, des représentants de l’administration et des organismes experts en risques industriels, disponible sur le site Internet du ministère et diffusé le 25 juin 2003 aux fédérations professionnelles et aux DRIRE par la Direction de la Prévention des Pollutions et des Risques, en appelant votre attention sur la nécessaire progressivité de sa traduction concrète dans les études de danger.

Pour les autres installations soumises à autorisation, les études de dangers doivent obéir aux mêmes règles générales, en adaptant la profondeur d’analyse à la nature des installations et à la sensibilité de leur environnement, selon le principe de proportionnalité défini au quatrième alinéa du 5° de l’article 3 du décret n°1133 du 21 septembre 1977 modifié. Vous jugerez de l’opportunité de demander aux exploitants de ces installations de compléter leurs études de dangers si les éléments de justification des mesures de prévention des risques dont vous disposez vous paraissent insuffisants.

Dans tous les cas, l’étude de dangers peut utilement s’appuyer sur des éléments de comparaison avec l’état de l’art en matière de conception et d’exploitation d’installations semblables au niveau européen ou mondial.

Vous voudrez bien me rendre compte, sous le timbre du Directeur de la Prévention des Pollutions et des Risques, des éventuelles difficultés rencontrées dans l’application des présentes instructions.

Pour la Ministre de l’Ecologie et du Développement Durable,
Le Directeur de la Prévention des Pollutions et des Risques,
Délégué aux Risques Majeurs
Thierry TROUVÉ

 

 

 

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