Texte abrogé par la Circulaire du 8 février 2007 relative aux sites et sols pollués - Modalités de gestion et de réaménagement des sites pollués

Le ministre de l'Environnement

à Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les préfets de département

La prévention des risques industriels et de la pollution des eaux ainsi que la réduction des rejets atmosphériques font l'objet depuis de nombreuses années d'actions cohérentes et concertées. Celles-ci ont déjà conduit dans le domaine industriel à des résultats notables. L'impact des activités humaines sur l'environnement se réduit ainsi. Mais les traces des pollutions passées en sont malheureusement d'autant plus perceptibles. L'histoire nous a en effet légué des pollutions historiques, constituées d'anciens dépôts de déchets, de sols et d'eaux souterraines pollués dont la mémoire collective a parfois déjà oublié l'existence et la localisation précise.

Les cas de pollution les plus flagrants ont fait l'objet par le passé d'actions de résorption efficaces mais ponctuelles. Vos services établissent périodiquement l'inventaire des cas connus et la circulaire du 9 janvier 1989 détaille, pour le cas où aucun responsable solvable n'est identifié, les modalités d'exécution d'office de travaux par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Des mesures de prévention dans l'aménagement et l'exploitation des installations potentiellement à l'origine de telles pollutions ont parallèlement été mises en oeuvre depuis de nombreuses années. Les stockages de substances dangereuses sont par exemple systématiquement réalisés sur des aires de rétention et les cuves souterraines comportent couramment des enveloppes dédoublées. Les conditions d'élimination des déchets se sont aussi considérablement améliorées depuis vingt ans.

La loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets et aux installations classées pour la protection de l'environnement et l'arrêté ministériel du 1er mars relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux rejets de toute nature des installations classées soumises à autorisation ont récemment encore renforcé ces mesures préventives.

Il faut cependant définir aujourd'hui une véritable politique de traitement des sites et sols pollués. L'existence de ces sites doit être admise et nous devons apprendre à les traiter dans la transparence et avec sérénité. À l'époque où seuls les cas les plus graves attiraient notre attention, l'appellation de "points noirs" était peut-être fondée. Aujourd'hui, devant les quelques milliers de sites potentiellement pollués et présentant des risques très variables que compte sans doute notre pays, il convient d'en parler ouvertement mais sans catastrophisme.

I. Les principes d'une politique réaliste de traitement des sites et sols pollués

Une politique efficace mais raisonnée de traitement des sites et sols pollués doit s'appuyer tout à la fois sur une recherche systématique et organisée des sites potentiellement concernés et permettre la définition concertée de priorités. Le traitement de chaque site doit dépendre de son impact effectif sur l'environnement et de l'usage auquel il est destiné. Il faut donc commencer par évaluer précisément les conséquences actuelles et potentielles des pollutions constatées. C'est l'appréciation de l'impact sur l'environnement et la santé humaine qui doit ensuite conduire au choix de techniques de traitement et d'objectifs de dépollution adaptés au devenir du site.

Cette démarche générale doit concerner de très nombreux sites : des secteurs industriels entiers ont pu être à l'origine de pollutions plus ou moins étendues des sols. Les dépôts anciens d'hydrocarbures ou de produits chimiques ont en général conduit à des pollutions des sols. Même les stations-service, voire les cuves de fioul domestique si communes, peuvent avoir conduit à une légère et très locale contamination des sols par les hydrocarbures. Les décharges municipales de nos villes n'ont sans doute pas non plus toujours été aménagées et exploitées sans incidences pour l'environnement.

Vous comprenez donc qu'il s'agit d'une action de longue haleine, à l'échelle d'un siècle et demi d'histoire industrielle dans notre pays. La mise en oeuvre de cette politique ne pourra être que progressive et fonction des moyens publics et privés qu'il sera possible de mobiliser. Il convient cependant de s'y consacrer dès maintenant avec un souci naturel d'identifier des priorités.

II. Les moyens et les outils nécessaires à la mise en oeuvre de cette politique

J'entends alors progressivement mettre en place les éléments administratifs et techniques qui vous seront à cet effet nécessaires.

1. La recherche des sites et sols pollués

L'identification des sites pollués repose, d'une part, sur les constats de l'inspection des installations classées ou sur des campagnes de détection (étude des sols) sur les sites actuellement en activité et, d'autre part, sur la collecte de nombreuses informations relatives aux activités industrielles passées d'une région (archives, témoignages, etc.).

Mes services préparent une grille d'orientation des recherches précisant les activités ayant potentiellement pu conduire à une pollution des sols ainsi qu'un guide simplifié de réalisation d'études de sols. A l'image des études-déchets, ces études porteront pour les secteurs les plus concernés sur une appréciation des caractéristiques des sols et sous-sols des principaux sites.

Parallèlement, des inventaires dits historiques , fondés sur l'examen d'archives tant privées que publiques et le recueil de témoignages pourront contribuer à localiser les sites potentiellement pollués par des activités aujourd'hui arrêtées.

2. L'évaluation des risques et de la vulnérabilité de chaque site

a) Evaluation initiale simplifiée et hiérarchisation

En complément à la définition d'un guide méthodologique d'étude des sols, je compte pouvoir bientôt vous diffuser une grille simplifiée d'évaluation et de hiérarchisation des sites permettant d'apprécier rapidement l'urgence d'investigations complémentaires. Cette grille d'évaluation simplifiée comprendra des informations de référence permettant d'apprécier pour certaines substances des teneurs jugées anormalement élevées dans les sols. Ces seuils porteront notamment sur les principaux polluants rencontrés et sur les niveaux de contamination qui rendent des investigations complémentaires souhaitables.

Les démarches de recherche de site et d'évaluation devront être étroitement liées. L'identification d'un site potentiellement pollué devra s'accompagner le plus rapidement possible de l'évaluation simplifiée des risques qu'il engendre. Cette première évaluation devra permettre d'apprécier l'opportunité et l'urgence d'investigations complémentaires préalables à un traitement. Les risques présentés par le site seront à cet effet comparés à une échelle de gravité qui facilitera au niveau national l'établissement de priorités d'intervention. Cette démarche opérationnelle aboutira à une hiérarchisation de la pollution des sites.

Un site sera considéré comme pollué lorsque cette première évaluation simplifiée des risques conduira à prescrire une étude plus approfondie.

b) Etudes d'impact et objectif de réhabilitation

Des études d'impact approfondies devront être réalisées sur les sites identifiés comme pollués afin de définir les travaux à mener ainsi que les objectifs de contamination résiduelle à retenir en fonction de l'usage ultérieur du site. Dans certains cas, les interventions ainsi définies pourront rendre le site de nouveau propre à tout usage. Dans d'autres cas, les travaux permettront simplement de limiter à son plus faible niveau techniquement réalisable et économiquement acceptable l'impact créé par le site sur son environnement. Il conviendra alors de veiller durablement à son affectation.

Un guide méthodologique à venir définira les grandes lignes de ces études approfondies et illustrera leur utilité pour fixer des seuils de décontamination à travers quelques scénarios types. Parallèlement, des travaux complémentaires seront engagés afin d'étudier l'opportunité d'un inventaire géochimique national sur la teneur habituelle des sols et des roches naturelles en substances minérales. En liaison avec l'évolution de la réglementation de l'urbanisme, je proposerai enfin à mes collègues chargés de la Santé, de l'Equipement et de l'Agriculture, d'envisager la détermination de seuils d'usage banalisé qui fixeraient au cas par cas et pour des scénarios de référence des objectifs de dépollution en fonction de l'usage ultérieur souhaité.

Tous ces outils administratifs et techniques devront être disponibles dans leur version initiale avant la fin 1994 afin de lancer dès que possible la réalisation d'études historiques régionales et d'études des sols dans les secteurs d'activités a priori potentiellement à l'origine de telles pollutions des sols. Je compte pour ce faire organiser une large concertation nationale avec l'ensemble des acteurs concernés et créer un groupe de travail national sur ce sujet. Cette structure légère et ouverte participera à la définition technique de tous les éléments de cette nouvelle politique.

3. La création de structures adaptées d'information et de concertation

La définition à l'échelle nationale de méthodologies et d'outils d'appréciation de référence est indispensable. La notion même de site pollué est cependant aujourd'hui encore tellement subjective et peu admise qu'il convient de l'expliciter localement et de faciliter tous les échanges d'information sur ce sujet sensible. C'est pourquoi, il est nécessaire d'instituer sur ce sujet un échange de vues et une concertation à l'échelle régionale.

Cette réflexion pourrait être menée au niveau régional en liaison avec l'élaboration du plan régional d'élimination des déchets industriels spéciaux. La complexité du travail à mener dans ce dernier cadre, notamment pour ouvrir un nouveau centre de stockage de déchets industriels ultimes devrait cependant conduire à privilégier la création d'une commission distincte pour les sites et sols industriels pollués. Certains secrétariats permanents pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI) pourraient alors s'avérer des structures d'accueil appropriées.

Aussi je demande aux préfets de région de bien vouloir consulter dès aujourd'hui leurs collègues de département et l'ensemble des partenaires concernés sur la structure qui leur semble la plus appropriée pour traiter de ces questions. L'interlocuteur naturel de l'Etat dans ce domaine doit être la région et je demande ainsi aux préfets de région de consulter de manière privilégiée les présidents des conseils régionaux sur les modalités de création d'une structure de concertation et d'information régionale sur les sites et sols pollués. Il appartient aux préfets de région de coordonner les actions de l'Etat dans ce domaine.

Ces structures permettront d'engager dès à présent les consultations préalables au lancement d'études historiques régionales. Celles-ci doivent en effet reposer sur des actions concertées des industriels et de leurs fédérations professionnelles, des élus, de l'administration et des associations. La réalisation d'une telle étude pourra donc utilement regrouper l'ensemble des partenaires locaux concernés autour de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement et de la délégation régionale de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Cette même structure sera enfin particulièrement appropriée pour consigner les informations issues de l'ensemble des sources de renseignement disponibles (inspection des installations classées, industriels, témoignages, etc.).

Je demande aux préfets de région de m'informer avant le 1er mars 1994 des dispositions qu'ils auront retenues pour instituer cette nécessaire concertation à l'échelle régionale sur le traitement des sites et des sols pollués. Il conviendra notamment d'étudier le plus rapidement possible, et dans le cadre d'action collective, la réalisation d'études historiques régionales sur les sites potentiellement pollués par les activités aujourd'hui disparues.

4. Le fichier national des sites et sols industriels pollués

Le recensement des sites potentiellement pollués devra rester du ressort de l'inspection des installations classées à l'échelon local. Il me semble cependant indispensable de disposer d'un véritable inventaire national des sites effectivement pollués, où des actions de dépollution doivent être entreprises, éventuellement avec le concours de la puissance publique si aucun responsable solvable ne peut être identifié. L'existence de certains sites devra par ailleurs être conservée en mémoire, notamment si leur état conduit à une restriction de l'usage ultérieur du sol et du sous-sol.

La direction de la prévention des pollutions et des risques constituera donc un fichier national des sites et sols pollués dont un inventaire actualisé sera périodiquement publié. Après un recensement initial des sites connus, toute nouvelle découverte d'un site effectivement pollué, c'est-à-dire dont l'évaluation simplifiée des risques conduira à prescrire une étude plus approfondie, donnera lieu à une inscription sur ce fichier. Lorsque les actions de dépollutions pratiquées permettront un usage banalisé du site, il sera rayé de l'inventaire national.

III. Qualification initiale de l'inventaire des sites connus

Dans la phase initiale de préparation des éléments techniques et administratifs de cette nouvelle politique, il ne sera pas immédiatement possible de réaliser une évaluation simplifiée et une hiérarchisation des sites connus ou qui seront découverts prochainement. La mise au point d'une méthodologie nationale harmonisée d'évaluation simplifiée des risques et de hiérarchisation des sites ne pourra en effet pas aboutir avant mi-1994. Il convient en effet de tester la pertinence d'une telle méthode avant de la généraliser.

Il est cependant dès à présent souhaitable de rassembler les informations objectives disponibles sur chaque site déjà connu. Je vous adresserai donc très prochainement un formulaire de recensement des sites pollués connus et de qualification des informations disponibles sur chacun d'entre eux. Il sera accompagné d'un mode d'emploi destiné à harmoniser le recueil des informations aujourd'hui disponibles sur ces sites. Il conviendra d'étudier avec soin les sites recensés par le passé et qui ont déjà pu faire l'objet de traitement plus ou moins poussés. J'attacherai en effet une importance toute particulière à ce que l'existence de ces sites et les restrictions d'usage qui en découlent éventuellement ne soient pas progressivement oubliées.

Le fichier national à venir sera donc initialement renseigné par ce recueil de données sur les sites déjà connus et complété ultérieurement. Le regroupement en une même base de données des informations objectives précises sur les sites connus et des résultats des campagnes expérimentales de hiérarchisation permettra en effet d'affiner la méthode utilisée et d'établir une échelle de gravité de la pollution des sites. Les sites découverts ensuite, à l'issue de recherches historiques ou de la réalisation d'études des sols, seront enregistrés au fichier national avec une classification immédiate sur l'échelle de gravité des sites pollués.

Vous le comprenez : l'objectif est ambitieux et la tâche importante. La pollution des sols et des eaux souterraines peut conduire à des risques réels pour la santé humaine. C'est aujourd'hui bien souvent la pollution d'une nappe exploitée voire d'un captage qui conduit à la découverte d'un site pollué. Les risques et les coûts de telles découvertes tardives sont considérables : nouvelle source d'alimentation en eau potable, dérivation de cours d'eau, gel de milliers d'hectares, etc. L'identification et le traitement des cas les plus menaçants constitueront ainsi de véritables actions de prévention.

Je ne doute pas des efforts que vos services et votre inspection des installations classées entreprendront dans le cadre de la mise en place progressive de cette nouvelle politique de réhabilitation des sites et sols pollués que je souhaite initier.

Je vous demande dans un premier temps de bien vouloir informer le conseil départemental d'hygiène de votre département de ces orientations générales et d'entreprendre sans tarder les consultations nécessaires à la constitution de la structure d'information et de concertation sur les sites et sols pollués adaptée au contexte local de votre région. Comme je vous l'ai précisé plus haut je vous demanderai ensuite de consigner les informations disponibles sur les sites actuellement connus. Chaque étape de la mise en place de cette nouvelle politique fera enfin l'objet d'instructions spécifiques détaillées. Vous voudrez bien me tenir précisément informé des conditions de leur mise en oeuvre et des difficultés éventuelles que vous pourriez rencontrer dans leur application.

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