(BOMEDD n° 05/5 du 15 mars 2005)
NOR : DEVO0540028C
Pièces jointes :
Copie de larrêt de la Cour ;
Projet de décret relatif notamment aux missions du préfet coordonnateur de bassin (extrait).
Le ministre de lécologie et du développement durable à Messieurs les préfets coordonnateurs des bassins Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Réunion, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée, Seine-Normandie.
La France a été condamnée le 23 septembre dernier par la Cour de justice des Communautés européennes pour insuffisance de délimitation des zones sensibles.
Cet arrêt rend donc nécessaire une révision de la délimitation des zones sensibles à leutrophisation, ainsi que des objectifs à prendre en compte pour le traitement plus poussé des eaux usées.
Concernant ce deuxième point, la prise en compte dans larrêt de leutrophisation des eaux marines - pour laquelle le facteur limitant est lazote - pour les bassins Artois - Picardie, Loire-Bretagne et Seine-Normandie, mais qui concerne également indirectement le bassin Rhin-Meuse, conduit à prévoir le traitement plus poussé de lazote pour les stations dépuration de plus de 10 000 équivalents-habitants rejetant directement leurs eaux dans les eaux marines (classées zones sensibles car menacées par leutrophisation) et dans les cours deau des bassins versants débouchant sur ces eaux marines.
Dans ce dernier cas (rejet dans les cours deau des bassins versants), le traitement de lazote sajoute au traitement du phosphore, facteur limitant de leutrophisation des eaux douces. Lajout du traitement de lazote est à prévoir également dans le bassin Rhône-Méditerranée pour les stations dépuration de plus de 10 000 équivalents-habitants dont les rejets seffectuent dans les étangs littoraux classés en zone sensible à leutrophisation (étang de Berre, étang de Thau), ainsi que dans les cours deau débouchant dans ces étangs.
Cette révision des objectifs de traitement doit par ailleurs être loccasion dhomogénéiser ces derniers sur lensemble des bassins en examinant lopportunité de maintenir sur deux des onze bassins français des objectifs de traitement microbiologique rendus nécessaires par les directives n° 76/160/CEE du 8/12/1975 et n° 79/923/CEE du 31/12/1979 sur les eaux de baignade et les eaux conchylicoles. La délimitation de zones sensibles « eaux de baignades » et « eaux conchylicoles » au titre de la directive sur les eaux résiduaires urbaines conduit en effet à une plus grande complexité de lapplication des textes dans ces seuls bassins, alors même que lapplication directe des directives concernées serait suffisante pour maintenir les objectifs visés.
En ce qui concerne lextension des zones sensibles à leutrophisation, larrêt rendu le 23 septembre 2004 conduit à examiner, bassin par bassin, les modifications suivantes pour la désignation des zones sensibles.
Pour le bassin Artois-Picardie :
Linterprétation stricte de larrêt conduirait à limiter lextension des zones sensibles à leutrophisation à lensemble des eaux littorales françaises et des sous-bassins intérieurs sy rejetant. Cependant, la mer du Nord étant considérée comme eutrophe dans les accords internationaux la concernant, la désignation en zone sensible des autres sous-bassins versants du bassin Artois - Picardie se rejetant en mer du Nord évitera tout risque de nouveau contentieux.
La concertation portera donc dans ce bassin sur la désignation de la totalité de ce dernier en zone sensible à leutrophisation, avec des objectifs de traitement portant sur lazote pour la totalité des stations dépuration de plus 10 000 EH, et le phosphore pour celles qui rejettent en eau douce, avec la suppression corrélative, dans un souci de clarification, des zones sensibles délimitées au titre dautres objectifs (microbiologie).
Pour le bassin Seine-Normandie :
La concertation sera également à engager sur la même base que pour le bassin Artois-Picardie : désignation de la totalité du bassin en zone sensible à leutrophisation et mêmes objectifs de traitement plus poussé quexposés ci-dessus.
Pour le bassin Loire-Bretagne :
Lextension résultant strictement de larrêt concerne une partie des eaux littorales bretonnes, dans la mesure où seule une partie de ces eaux a été examinée par la Cour. Cela étant, les motifs du jugement peuvent sappliquer également à dautres eaux littorales bretonnes. Compte tenu de ce contexte, et dans un souci de simplicité et de clarté de laction publique, la concertation pourrait porter sur le classement en zone sensible de lensemble des eaux littorales et continentales bretonnes, avec un objectif de traitement de lazote pour lensemble des stations dépuration de plus de 10 000 EH rejetant dans les eaux littorales et les cours deau des sous-bassins qui se rejettent dans ces eaux littorales.
Pour le bassin Rhône-Méditerranée :
Une modification du zonage allant au-delà des zones examinées dans larrêt napparaît pas nécessaire. Cette extension devra être accompagnée de la clarification des objectifs de traitement pour les eaux se rejetant dans les étangs littoraux et les cours deau des sous-bassins débouchant dans ces étangs (traitement plus poussé de lazote).
Pour le bassin Rhin-Meuse :
La seule modification à envisager paraît être la clarification des objectifs de traitement, lensemble du bassin étant déjà en zone sensible, avec la précision que le traitement plus poussé doit comprendre aussi bien lazote que le phosphore, pour lensemble des stations de plus de 10 000 EH.
Pour lîle de la Réunion :
Pour la Réunion, où la désignation effectuée na pas été faite pour un des motifs prévus dans la directive de 1991, lopportunité du maintien de cette désignation est à examiner, lobjectif de préservation des lagons littoraux pouvant être atteint par dautres outils juridiques.
Les modalités de désignation des zones sensibles étant en cours de modification dans le cadre de la révision du décret du 27 février 1987 relatif à la coordination interministérielle et à lorganisation de ladministration dans le domaine de leau, pour laquelle le projet de décret destiné à modifier le décret actuel a fait lobjet dun avis favorable de la mission interministérielle de leau (réunion du 14/04/2004), du comité national de leau (réunion du 13/05/2004) et dun accord interministériel (réunion interministérielle au cabinet du Premier ministre du 15/09/2004), je vous demande de préparer cette révision en tenant compte de ce projet de décret (extrait ci-joint).
Je vous demande donc de solliciter le président du comité de bassin pour inscrire à lordre du jour de la prochaine réunion de ce comité les modalités de la concertation sur cette révision avec les représentants de communes et autres collectivités et les autres personnes intéressées en suggérant que ceux-ci soient retenus parmi les membres du comité du bassin.
Lexécution du jugement de la Cour impose en effet une réponse rapide de la France. Lobjectif est de pouvoir lancer les consultations prévues dans le projet de décret dès sa publication qui pourrait intervenir au début du premier trimestre 2005, de façon à recueillir lavis des comités de bassin avant lété 2005 et à procéder à lapprobation à votre niveau de la révision des zones sensibles dans votre bassin au tout début de lété 2005.
La réponse de la France à la Commission relativement à la mise en uvre de larrêt du 23/09/2004, quil est prévu de lui adresser au début de lannée 2005, devrait reprendre les indications et le calendrier évoqués ci-dessus.
En ce qui concerne le délai de mise en uvre des traitements plus poussés à prévoir dans les stations dépuration rejetant dans les zones nouvellement désignées comme sensible, la France proposera à la Commission de retenir le délai de 7 ans prévu par la directive pour les cas de révision « normale » des zones sensibles. Par mesure de prudence le point de départ de ce délai à prendre en compte pourrait être le 23 septembre 2004 plutôt que la date de signature de larrêté dapprobation de la révision des zones sensibles.
Jadresse copie de ce courrier à Monsieur le directeur de lagence de leau de votre bassin, qui est invité à participer à la réunion visée ci-dessous.
Afin dharmoniser la présentation des dossiers correspondants aux comités du bassin de fin dannée 2004, de façon à éviter toute difficulté ultérieure liée à des différences dapproche entre bassins, jai prévu une réunion de travail pour laquelle je vous demande de désigner un représentant et à laquelle seront également invités les directeurs de lagence de leau.
Cette réunion de travail, que je présiderai, sera consacrée également à la mise au point des mesures à mettre en uvre pour accélérer la mise en conformité des stations dépuration avec les exigences de la directive de 1991, pour les trois échéances fixées par cette dernière. La teneur de ces mesures devra être présentée à la Commission début 2005 pour montrer que la France entend respecter la décision de la Cour pour ce qui concerne la résorption du retard des stations mentionnées dans larrêt.
Ces mesures comprendront :
- une simplification des textes réglementant les stations dépuration urbaines de façon à alléger substantiellement la tâche des services en charge de la police de leau en matière dinstruction préalable des procédures, et à les rendre disponibles pour les activités de contrôle ;
- une organisation de lanimation de ces services pour améliorer lefficacité de leurs interventions et les remontées des informations demandées par la Commission dont linsuffisance fait lobjet dun second contentieux ;
- une amélioration du caractère incitatif les interventions des agences de leau et de leur coordination avec les interventions des services en charge de la police de leau.
Cette réunion de travail se tiendra dans le courant de la deuxième quinzaine de novembre, et le plus tôt possible. La date définitive de cette réunion, son ordre du jour et des documents préparatoires vous seront adressés prochainement.
Pour le ministre et par délégation :
Le directeur de leau,
P. Berteaud
Arrêt de la Cour en date du 23 septembre 2004
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Arrêt de la Cour (deuxième chambre) 23 septembre 2004 (1)
« Manquement dÉtat. - Directive 91/271/CEE. - Traitement des eaux urbaines résiduaires. - Article 5, paragraphes 1 et 2, et annexe II. - Défaut didentification des zones sensibles. - Notion d« eutrophisation ». - Défaut de mise en oeuvre dun traitement plus rigoureux des rejets dans des zones sensibles »
Dans laffaire C-280/02, ayant pour objet un recours en manquement au titre de larticle 226 CE, introduit le 30 juillet 2002 ;
Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. M. Nolin, puis par M.-G. Valero Jordana et Mme F. Simonetti, en qualité dagents, ayant élu domicile à Luxembourg, partie requérante ;
République française, représentée par MM. G. de Bergues, D. Petrausch et E. Puisais, en qualité dagents, ayant élu domicile à Luxembourg, partie défenderesse ;
La Cour (deuxième chambre), composée de M.C.W.A. Timmermans, président de chambre ; MM. J.-P. Puissochet et R. Schintgen, Mmes F. Macken (rapporteur) et N. Colneric, juges ; avocat général : M.L.A. Geelhoed ; greffier : M.R. Grass ;
Vu la procédure écrite, considérant les observations présentées par les parties, ayant entendu lavocat général en ses conclusions à laudience du 25 mars 2004, rend le présent.
Arrête :
1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ayant omis :
- didentifier certaines zones comme zones sensibles au titre de leutrophisation pour ce qui concerne les bassins Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Artois-Picardie et Rhône-Méditerranée-Corse ;
- de soumettre à un traitement plus rigoureux les rejets deaux urbaines résiduaires des agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de plus de 10 000 dans des zones sensibles ou qui auraient dû être identifiées comme sensibles.
La République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de larticle 5, paragraphes 1 et 2, et de lannexe II de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L. 135, p. 40).
Le cadre juridique
2. Aux termes de son article 1er, la directive 91/271 concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels, et a pour objet de protéger lenvironnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires précitées.
3. Larticle 2 de la directive 91/271 dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
- Eaux urbaines résiduaires : les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement ;
- Eaux ménagères usées : les eaux usées provenant des établissements et services résidentiels et produites essentiellement par le métabolisme humain et les activités ménagères ;
- Eaux industrielles usées : toutes les eaux usées provenant de locaux utilisés à des fins commerciales ou industrielles, autres que les eaux ménagères usées et les eaux de ruissellement ;
- Agglomération : une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour quil soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station dépuration ou un point de rejet final ;
- Système de collecte : un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires ;
- Un équivalent habitant (EH) : la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique doxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes doxygène par jour ;
- Traitement secondaire : le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de lannexe I ;
- Eutrophisation : lenrichissement de leau en éléments nutritifs, notamment des composés de lazote et/ou du phosphore, provoquant un développement accéléré des algues et des végétaux despèces supérieures qui entraîne une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau et une dégradation de la qualité de leau en question ;
4. Larticle 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 91/271 prévoit que, « pour les rejets deaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des zones sensibles, telles que définies à larticle 5, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31 décembre 1998 pour les agglomérations dont lEH est supérieur à 10 000 ».
5. Aux termes de larticle 4, paragraphe 1, de la directive 91/271, « les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant dêtre rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent [...] ».
6. Larticle 5, paragraphes 1, 2, 3 et 5, de la directive 91/271 dispose :
- « Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à lannexe II.
- Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent lobjet, avant dêtre rejetées dans des zones sensibles, dun traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à larticle 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant dagglomérations ayant un EH de plus de 10 000.
- Les rejets provenant des stations dépuration des eaux urbaines résiduaires visées au paragraphe 2 répondent aux prescriptions pertinentes de lannexe I point B. [...].
- Pour les rejets des stations dépuration deaux urbaines qui sont situées dans les bassins versants pertinents des zones sensibles et qui contribuent à la pollution de ces zones, les paragraphes 2, 3 et 4 sont applicables.
7. Lannexe II de la directive 91/271, intitulée « Critères didentification des zones sensibles et moins sensibles », prévoit à son point A, intitulé « Zones sensibles » : Une masse deau doit être identifiée comme zone sensible si elle appartient à lun des groupes ci-après :
- ) Lacs naturels deau douce, autres masses deau douce, estuaires et eaux côtières, dont il est établi quils sont eutrophes ou pourraient devenir eutrophes à brève échéance si des mesures de protection ne sont pas prises.
Il pourrait être tenu compte des aspects ci-après lors de lexamen des éléments nutritifs à réduire par un traitement complémentaire :
- Lacs et cours deau débouchant dans des lacs/bassins de retenue/baies fermées où il est établi que léchange deau est faible, ce qui peut engendrer un phénomène daccumulation. Il convient de prévoir une élimination du phosphore dans ces zones, à moins quil ne puisse être démontré que cette élimination sera sans effet sur le niveau deutrophisation. Il peut également être envisagé déliminer lazote en cas de rejets provenant de grandes agglomérations ;
- estuaires, baies et autres eaux côtières où il est établi que léchange deau est faible, ou qui reçoivent de grandes quantités déléments nutritifs. Les rejets provenant des petites agglomérations sont généralement de peu dimportance dans ces zones, mais, en ce qui concerne les grandes agglomérations, lélimination du phosphore et/ou de lazote doit être prévue, à moins quil ne soit démontré que cette élimination sera sans effet sur le niveau deutrophisation.
8. Lannexe I, B, point 3, de la directive 91/271 prévoit que « les rejets des stations dépuration des eaux urbaines résiduaires dans des zones sensibles sujettes à eutrophisation, telles quidentifiées à lannexe II point A lettre a), répondent en outre aux prescriptions figurant au tableau 2 de la présente annexe ». Ledit tableau fixe notamment des taux maximaux de concentration et/ou des pourcentages minimaux de réduction du phosphore total et de lazote total dans lesdits rejets.
La procédure précontentieuse
9. À la suite de nombreux échanges de lettres avec les autorités françaises au sujet de la transposition de la directive 91/271 en droit français, la Commission, considérant que cette transposition nétait pas complète, a, le 22 octobre 1999, adressé au gouvernement français une lettre de mise en demeure lui reprochant, notamment, lidentification incomplète des zones sensibles, faute davoir identifié toutes les masses deau eutrophisées dans les bassins Seine-Normandie, Artois-Picardie, Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse, ainsi que labsence de traitement plus rigoureux des eaux urbaines résiduaires rejetées dans les zones sensibles déjà identifiées et dans celles qui auraient dû être identifiées comme telles.
10. Jugeant les explications des autorités françaises insatisfaisantes, la Commission a, le 10 avril 2001, adressé à la République française un avis motivé.
11. Nayant pas été convaincue par la réponse des autorités françaises, elle a décidé dintroduire le présent recours.
Sur le recours
Sur le premier grief, tiré de lidentification incomplète des zones sensible, sur la notion deutrophisation
12. La Commission et le gouvernement français ne saccordant pas sur la portée de la définition figurant à larticle 2, point 11, de la directive 91/271, il convient, au préalable, de préciser la notion deutrophisation au sens de cette directive.
13. Ainsi quil résulte de son article 1er, second alinéa, la directive 91/271 a pour objet de protéger lenvironnement contre une détérioration due aux rejets des eaux urbaines résiduaires.
14. Ladite directive a été adoptée sur le fondement de larticle 130 S du traité CE (devenu, après modification, article 175 CE), lequel est destiné à réaliser les objectifs de larticle 130 R du traité CE (devenu, après modification, article 174 CE). Aux termes de ce dernier article, la politique de la Communauté dans le domaine de lenvironnement contribue notamment à la préservation, la protection et lamélioration de la qualité de lenvironnement et à la protection de la santé des personnes.
15. Une telle politique vise ainsi à prévenir, atténuer ou éliminer les conséquences négatives des activités humaines sur la faune et la flore, le sol, leau, lair et le climat, le paysage et les sites présentant un intérêt particulier, ainsi que sur la santé et la qualité de vie des personnes. Elle a notamment été mise en uvre, dans leurs domaines respectifs, par la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L. 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L. 78 p. 32), la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant lévaluation des incidences de certains projets publics et privés sur lenvironnement (JO L. 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L. 73, p. 5), et la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (JO L. 375, p. 1).
16. Dès lors, lobjectif poursuivi par la directive 91/271 va au-delà de la seule protection des écosystèmes aquatiques et tend à préserver lhomme, la faune, la flore, le sol, leau, lair et les paysages de toute incidence négative notable du développement accéléré dalgues et de végétaux despèces supérieures consécutif aux rejets deaux résiduaires urbaines.
17. Cest à la lumière de cet objectif quil convient dinterpréter la notion deutrophisation figurant à larticle 2, point 11, de la directive 91/271.
18. Aux termes de cette disposition, leutrophisation est caractérisée par la réunion de quatre critères :
- lenrichissement de leau en éléments nutritifs, notamment des composés de lazote et du phosphore ;
- le développement accéléré des algues et des végétaux despèces supérieures ;
- une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau ;
- une dégradation de la qualité de leau en question.
19. De surcroît, pour quil y ait eutrophisation, au sens de la directive 91/271, il doit y avoir une relation de cause à effet, dune part, entre lenrichissement en nutriments et le développement accéléré des algues et des végétaux despèces supérieures et, dautre part, entre ce développement accéléré et une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau et une dégradation de la qualité de leau.
20. Sagissant du troisième critère, le gouvernement français soutient que la seule prolifération dune espèce végétale ne suffit pas à établir lexistence dune perturbation indésirable, tant que léquilibre des autres organismes présents dans leau nest pas bouleversé.
21. À cet égard, ainsi quil ressort notamment du rapport de lInstitut français de recherche pour lexploitation de la mer (ci-après l« IFREMER ») de janvier 2001, intitulé « Leutrophisation des eaux marines et saumâtres en Europe, en particulier en France » (ci-après le « rapport IFREMER de 2001 »), et du rapport de lEnvironmental Resources Management (ci-après l« ERM ») davril 2000, intitulé « Criteria used for the definition of eutrophication in fresh and marine/coastal waters », produits par la Commission, léquilibre dun écosystème aquatique est le fruit dinteractions complexes entre les différentes espèces représentées ainsi quavec le milieu. Aussi, toute prolifération dune espèce particulière dalgues ou dautres végétaux constitue, en tant que telle, une perturbation de léquilibre de lécosystème aquatique et, partant, de celui des organismes présents dans leau, quand bien même les autres espèces resteraient stables. Au demeurant, compte tenu de la compétition entre les espèces végétales pour lacquisition des sels nutritifs et de lénergie lumineuse, la prolifération dune ou de plusieurs espèces, en monopolisant les ressources nécessaires à la croissance des autres algues et végétaux aquatiques, implique le plus souvent, sinon toujours, la diminution des autres espèces.
22. Le troisième critère exige cependant quune telle perturbation de léquilibre des organismes présents dans leau soit « indésirable ». Dans la mesure où, ainsi quil résulte du point 16 du présent arrêt, lobjectif poursuivi par la directive 91/271 va au-delà de la seule protection des écosystèmes aquatiques, ce caractère indésirable doit également être considéré comme établi en cas dincidences négatives notables non seulement sur la faune ou la flore, mais également sur lhomme, le sol, leau, lair ou les paysages.
23. Seront ainsi constitutifs dune perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau, notamment, des changements despèces avec perte de biodiversité de lécosystème, des nuisances dues à la prolifération de macroalgues opportunistes et des poussées intenses de phytoplancton toxique ou nuisible.
24. Quant au quatrième critère, contrairement à lanalyse du gouvernement français, il vise non seulement les dégradations de la qualité de leau ayant des effets néfastes sur les écosystèmes, mais également la dégradation de la couleur, de laspect, du goût ou de lodeur de leau ou tous autres changements qui empêchent ou limitent les usages de leau tels que le tourisme, la pêche et la pisciculture, la collecte de coquillages et la conchyliculture, le captage deau potable ou le refroidissement des installations industrielles.
25. Compte tenu de lobjectif du législateur communautaire, qui est de protéger lenvironnement contre une détérioration due au rejet des eaux urbaines résiduaires, lobligation qui pèse sur les États membres en vertu de larticle 5, paragraphe 1, de la directive 91/271 leur impose uniquement didentifier les zones pour lesquelles un tel rejet contribue de manière significative à leutrophisation ou au risque deutrophisation [voir, par analogie, sagissant de la directive 91/676, arrêt du 29 avril 1999, Standley e.a., C-293/97, Rec. p. I-2603, point 35].
Sur la portée du premier grief
26. Il convient de vérifier, pour chacune des zones visées par la Commission dans son recours, si elle aurait dû être désignée comme zone sensible à leutrophisation.
27. Conformément à lannexe II, A, sous a), de la directive 91/271, doivent être identifiés comme zones sensibles à leutrophisation les lacs naturels deau douce, les autres masses deau douce, les estuaires et les eaux côtières « dont il est établi quils sont eutrophes ou pourraient devenir eutrophes à brève échéance si des mesures de protection ne sont pas prises ».
28. Le gouvernement français soutient que la lettre de mise en demeure ne portait que sur les cas deutrophisation avérée et que, si, dans lavis motivé et dans la requête, la Commission a mentionné la prise en compte du risque deutrophisation, elle nen a tiré aucune conséquence pour des zones particulières. Dès lors, en concluant, dans sa réplique, que, si leutrophisation des zones visées nest pas établie, ces zones sont, à tout le moins, touchées par un risque deutrophisation, la Commission irait au-delà des moyens quelle a développés tant lors de la phase précontentieuse que dans sa requête.
29. A cet égard, selon une jurisprudence constante, la lettre de mise en demeure adressée par la Commission à lEtat membre puis lavis motivé émis par la Commission délimitent lobjet du litige qui ne peut plus, dès lors, être étendu. Par conséquent, lavis motivé et le recours de la Commission doivent reposer sur les mêmes griefs que ceux de la lettre de mise en demeure qui engage la procédure précontentieuse (arrêts du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C-365/97, Rec. p. I-7773, point 23, et du 12 juin 2003, Commission/Finlande, C-229/00, Rec. p. I-5727, point 44).
30. Toutefois, cette exigence ne saurait aller jusquà imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre lénoncé des griefs dans la lettre de mise en demeure, le dispositif de lavis motivé et les conclusions de la requête, dès lors que lobjet du litige na pas été étendu ou modifié (arrêts précités Commission/Italie, point 25, et Commission/Finlande, point 46).
31. En lespèce, en indiquant, pour la première fois au stade de son mémoire en réplique, que, même si les zones visées dans sa requête ne sont pas eutrophisées, comme elle le soutient, elles auraient néanmoins dû être classées comme zones sensibles à leutrophisation car elles pourraient devenir eutrophisées à brève échéance, la Commission na ni étendu ni modifié en cours de procédure lobjet du litige, qui porte sur le défaut didentification de certaines masses deau comme zones sensibles à leutrophisation, dès lors que, aux termes de lannexe II, A, sous a), de la directive 91/271, les zones eutrophisées et celles qui pourraient le devenir à brève échéance doivent pareillement être identifiées comme zones sensibles.
Concernant le bassin Seine-Normandie
La baie de Seine
32. Il est constant que les eaux de la baie de Seine connaissent, dune part, un enrichissement en nutriments, en particulier en composés azotés, dont les apports nont cessé daugmenter, et, dautre part, un développement accéléré des algues et des végétaux despèces supérieures (voir arrêt du 27 juin 2002, Commission/France, C-258/00, Rec. p. I-5959, point 64).
33. Lensemble des rapports et études produits par la Commission, en particulier les travaux de modélisation écologique développés dans la thèse de doctorat de luniversité de Caen soutenue en 1999 par M. Philippe Cugier, intitulée « Modélisation du devenir à moyen terme dans leau et le sédiment des éléments majeurs (N, P, Si) rejetés par la Seine en baie de Seine », concluent à une relation de cause à effet entre limportance et la part respective des apports de nutriments en baie de Seine et les blooms de phytoplancton constatés chaque année dans cette zone.
34. Sagissant de largument du gouvernement français selon lequel la thèse de M. Cugier est basée sur un modèle écologique 3D imparfait, il importe de rappeler que, aux termes de larticle 174 CE, la politique de la Communauté dans le domaine de lenvironnement est fondée sur le principe de précaution. En lespèce, en létat des données scientifiques et techniques disponibles, lexistence dun lien de causalité entre les apports de nutriments en baie de Seine et le développement accéléré de phytoplancton dans cette zone présente un degré de probabilité suffisant pour exiger ladoption des mesures de protection de lenvironnement prévues par la directive 91/271, si les autres critères de leutrophisation sont réunis.
35. Le gouvernement français conteste que la production phytoplanctonique en baie de Seine entraîne une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau.
36. A cet égard, il ressort de lensemble des études produites par la commission que cette zone connaît des proliférations despèces phytoplanctoniques du genre Dinophysis qui produisent des toxines DSP (Diarrheic Shellfish Poisoning - Intoxication diarrhéique par fruits de mer) susceptibles de saccumuler dans les coquillages et dangereuses pour lhomme en cas de consommation de ces coquillages. Entre 1990 et 1999, des concentrations importantes de Dinophysis, suffisantes pour entraîner laccumulation de toxines dans les coquillages, ont été relevées dans lensemble de la baie, particulièrement dans sa partie centrale ; au cours de cette période, la présence de Dinophysis a été relevée entre deux et six fois dans louest de la baie et de sept à dix fois dans le centre et lest de la baie (rapport IFREMER de 2001). Ces proliférations « semblent sintensifier depuis plusieurs années entre Courseulles (Calvados) et Dieppe (Seine-Maritime), entraînant des interdictions périodiques de ramassage des coquillages » (schéma directeur daménagement et de gestion des eaux du bassin Seine-Normandie, ci-après le « SDAGE Seine-Normandie »).
37. Par ailleurs, une autre espèce de phytoplancton, Phaeocystis, « prolifère depuis quelques années sur certains secteurs de la Seine-Maritime et du Calvados » et, bien que non toxique, « [provoque] des colmatages et [porte] atteinte à lattrait touristique de la côte » (SDAGE Seine-Normandie). Le phytoplancton Phaeocystis est en effet connu pour donner, à des concentrations importantes, laspect dune masse de mousse visqueuse recouvrant la surface de leau, se déposant sur la côte ou colmatant les filets de pêche.
38. Ainsi quil a été souligné au point 23 du présent arrêt, une telle évolution de la structure de la communauté phytoplanctonique dans le sens dun renforcement de la présence despèces toxiques ou nuisibles constitue une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau. Contrairement à ce que soutient le gouvernement français, cette évolution concerne lensemble de la baie de Seine, même si sa partie centrale et orientale est la plus affectée.
39. Les limitations et gênes apportées par le phytoplancton Dinophysis aux activités de collecte de coquillages et par le phytoplancton Phaeocystis aux activités touristiques sur le littoral de la baie de Seine sont en outre représentatives dune dégradation de la qualité de leau de cette baie.
40. Les flux dazote apportés à la mer par la Seine - qui est le principal fleuve tributaire de la baie de Seine - sont à 40 % dorigine urbaine [rapport de lERM de février 1999, intitulé « Verification of vulnerable zones identified under the nitrate directive and sensitive areas identified under the urban waste water treatment directive » ci-après le « rapport ERM de 1999 ». Le gouvernement français soutient que la part des rejets dazote dorigine urbaine nétait que de 28 % en 2000, mais ne fournit aucun document à lappui de cette affirmation. Au demeurant, à supposer même que cette part ne soit pas de 40 % mais de 28 %, la commission resterait fondée à conclure que les rejets deaux urbaines résiduaires contribuent de manière significative à leutrophisation des eaux de la baie de Seine.
41. Le gouvernement français soutient également que la thèse de M. Cugier relativise la possibilité dentreprendre des actions techniques permettant de réduire les apports dazote et de phosphore. Toutefois, rien dans les extraits de cette thèse produits devant la Cour ne permet détayer une telle affirmation. En tout état de cause, comme la commission le fait justement valoir, la question de la faisabilité de la réduction des apports de nutriments dorigine urbaine na pas à être abordée au stade de lidentification des zones sensibles à leutrophisation.
42. Dès lors, la commission a constaté à juste titre que la baie de Seine est eutrophisée au sens de la directive 91/271 et quelle aurait dû être identifiée comme zone sensible à leutrophisation.
La Seine et ses affluents en aval de son confluent avec lAndelle
43. Il ressort de lensemble des rapports et études produits par la commission que la Seine en aval de son confluent avec lAndelle connaît des proliférations phytoplanctoniques importantes.
44. Lors de telles proliférations, « la biomasse phytoplanctonique peut [...] consommer plus doxygène quelle nen produit » et « les déclins phytoplanctoniques conduisent alors à des déficits en oxygène » (document « Seine-Aval 2 : Lanalyse et la gestion environnementales »). La désoxygénation de lestuaire de la Seine se traduit par une « zone danoxie presque complète, sétendant sur près de 50 km », laquelle « rend leau impropre à beaucoup dusages et à toute vie dorganismes supérieurs » et « constitue une barrière infranchissable pendant près de six mois de lannée pour les poissons amphihalins, comme le saumon ou languille » (étude « Programme scientifique Seine-Aval : Loxygène »).
45. Ces phénomènes constituent clairement une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau et une dégradation de la qualité de leau.
46. La circonstance, alléguée par le gouvernement français, selon laquelle la réduction très importante des apports de phosphore na entraîné quune très faible augmentation du taux doxygène moyen annuel sur la section Poses-Honfleur est sans pertinence. En effet, dans le même temps, les apports dazote nont pas cessé daugmenter.
47. Dans ces conditions, la commission a constaté à juste titre que la Seine en aval de son confluent avec lAndelle est eutrophisée au sens de la directive 91/271 et quelle aurait dû être identifiée comme zone sensible à leutrophisation.
48. Sagissant, en revanche, des cours deau qui se jettent dans la Seine en aval de son confluent avec lAndelle, la commission se borne à produire le SDAGE Seine-Normandie selon lequel « les grandes rivières [du bassin Seine-Normandie] sont affectées par des blooms algaux au printemps et en été » et « de nombreux petits cours deaux sont, à certaines périodes, envahis par des végétaux supérieurs, des algues filamenteuses ou des diatomées benthiques », mais elle nallègue aucune circonstance précise de nature à démontrer que les troisième et quatrième critères de la définition de leutrophisation sont réunis.
49. Dès lors, la commission nétablit pas que les affluents de la Seine en aval de son confluent avec lAndelle sont eutrophisés ou pourraient le devenir à brève échéance au sens de la directive 91/271.
Concernant le bassin Artois-Picardie
Les eaux littorales du bassin Artois-Picardie
50. Il résulte de lensemble des rapports produits par la commission que les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, dune part, sont affectées par un phénomène denrichissement des eaux en nutriments et, dautre part, connaissent pratiquement chaque année un développement phytoplanctonique considérable (rapports de lIFREMER et de lAgence de leau Artois-Picardie, de respectivement décembre 1997 et octobre 1999, portant sur le suivi régional des nutriments sur le littoral Nord - Pas-de-Calais/Picardie, et rapport IFREMER de 2001).
51. Il existe, dans les eaux du littoral Artois-Picardie, « un cycle saisonnier des nutriments (essentiellement nitrate, phosphate et silicate) en rapport étroit avec le cycle de développement des principales espèces phytoplanctoniques » (rapport IFREMER de 2001). Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le gouvernement français, la relation de cause à effet entre lenrichissement des eaux du littoral Artois-Picardie en nutriments et la production phytoplanctonique constatée doit être considérée comme établie en létat des données scientifiques et techniques disponibles.
52. Dans le bassin Artois-Picardie, « les pressions industrielles et domestiques sont importantes (densité de population trois fois plus élevée que la moyenne nationale) » (document de lAgence de lEau Artois-Picardie). Aussi y a-t-il lieu de conclure que les rejets deaux résiduaires urbaines contribuent de manière significative à leutrophisation des eaux de ce bassin, notamment ses eaux littorales, ce que le gouvernement français ne conteste dailleurs pas.
53. Lensemble du littoral Artois-Picardie, y compris à Dunkerque, Boulogne-sur-Mer et Calais, est affecté pratiquement chaque année, en avril-mai, par la prolifération de phytoplancton Phaeocystis, qui « constitue [...] un événement écologique remarquable », se traduisant par « un changement de la coloration de leau, une odeur parfois nauséabonde à la côte » et par le fait que « leau devient gluante et peut être à lorigine de phénomènes impressionnants décume (foaming) sur le littoral » (rapport IFREMER de 2001).
54. De surcroît, la baie de Somme est touchée par un phénomène de désoxygénation lié à leutrophisation (rapport IFREMER de 2001). Une étude de 1990 citée par lIFREMER juge très vraisemblable que des mortalités constatées résultent de la surcharge organique de leau, amenant épisodiquement des anoxies du milieu. Selon lIFREMER, il a déjà été constaté, dans dautres zones de la mer du Nord, que des efflorescences de Phaeocystis similaires à celles que connaissent les eaux du littoral Artois-Picardie peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes benthiques et pélagiques. Le gouvernement français soutient certes quun rapport de lIFREMER à lattention de lAgence de leau Artois-Picardie précise quaucune mortalité de coquillages ou de poissons nest associée au phénomène dinflorescence de Phaeocystis en baie de Somme, mais il ne produit pas ce document.
55. Une modification de la structure de la communauté phytoplanctonique dans le sens dun renforcement de la présence dune espèce telle que Phaeocystis, qui, bien que non toxique, nen est pas moins nuisible, constitue une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau non seulement en baie de Somme, mais sur lensemble du littoral Artois-Picardie.
56. Les modifications de la couleur, de lodeur et de la consistance de leau, dont les conséquences négatives sur les activités touristiques sont manifestes, et qui, en outre, ont vraisemblablement des effets néfastes sur les activités de pêche, représentent une dégradation de la qualité de leau.
57. Dans ces conditions, la commission a constaté à juste titre que lensemble des eaux du littoral Artois-Picardie sont eutrophisées au sens de la directive 91/271 et quelles auraient dû être identifiées comme zone sensible à leutrophisation.
Les eaux continentales du bassin Artois-Picardie (le réseau hydrographique compris entre lAa canalisée/Escaut, dune part, et la frontière belge, dautre part, la Scarpe en aval dArras, le canal de Lens en aval de Lens, et la Somme dans sa totalité)
58. A lappui de son recours, la commission produit divers documents émanant de lAgence de lEau Artois-Picardie. Il en ressort que « lamélioration de la qualité générale de leau observée ces dernières années alliée à une forte charge en azote mais surtout en phosphore, favorise le développement de végétaux quil sagisse de phytoplancton, dalgues filamenteuses ou de macrophytes (lentilles deau, nénuphars, ...) », que « ces proliférations végétales sont à lorigine de nombreuses nuisances, dont les plus fréquentes sont une coloration des eaux, la présence dodeurs, une gêne à lécoulement des eaux, et surtout des mortalités massives de poissons par asphyxie », et que « la présence de végétaux en excès entraîne des nuisances : nuisances esthétiques, odeurs, embarcations, colmatage des filtres au cours de la fabrication deau potable ».
59. Il en ressort également que les cours deau du bassin Artois-Picardie sont défavorisés par rapport à ceux dautres régions parce que, dune part, « les pressions industrielles et domestiques sont plus importantes (densité de population trois fois plus élevée que la moyenne nationale) » et, dautre part, « les débits des cours deau sont trop faibles pour drainer toute la pollution produite » et « leurs vitesses découlement [...] sont faibles : peu doxygénation, fonds envasés, pas de reproduction de poissons et baisse de la richesse faunistique ».
60. Le gouvernement français soutient toutefois quaucun impact sur lécoulement des eaux ni aucun dommage à la faune ou à la flore aquatiques, et notamment aux peuplements piscicoles, nont été relevés dans les cours deau du bassin Artois-Picardie. Il fait valoir que les documents cités par la commission sont destinés au grand public, ont été rédigés dans un but de vulgarisation et ne comportent donc pas toutes les nuances souhaitées, de sorte quils ne sauraient prouver les allégations de la commission.
61. A cet égard, il y a lieu de relever que, si lun des documents visés aux points 58 et 59 du présent arrêt précise que les étangs de haute Somme et les canaux du delta de lAa sont victimes de leutrophisation, il définit ce terme comme « un enrichissement en substances nutritives [...] pouvant conduire à des proliférations végétales », de sorte que ce document ne permet pas de savoir si les troisième et quatrième critères de leutrophisation sont réunis dans les eaux y visées.
62. Quant aux autres documents, ils ne permettent pas de déterminer quelle rivière ou quel canal est affecté par leutrophisation ou est susceptible de lêtre. De surcroît, ils ne distinguent pas toujours ce qui résulte spécifiquement de léventuelle eutrophisation du réseau hydrographique des conséquences de la pollution en général, laquelle ne se limite pas aux apports de nutriments.
63. Sagissant du rapport ERM de 1999, cité dans la lettre de mise en demeure et dans lavis motivé, sur lequel la commission paraît sêtre principalement fondée pour conclure au défaut didentification dune partie de ce réseau hydrographique, force est de constater que la partie de ce rapport relative au bassin Artois-Picardie na pas été fournie à la Cour.
64. Ainsi, au vu des documents quelle produit, rien ne justifie que la commission ait inclus dans son grief certains cours deau du bassin Artois-Picardie plutôt que dautres. Par ailleurs, elle na invoqué au soutien de son premier grief aucun des documents relatifs au réseau hydrographique de ce bassin produits par le gouvernement français au cours de la présente procédure.
65. Dès lors, la commission nétablit pas que les eaux continentales du bassin Artois-Picardie, telles que précisées dans son recours, sont eutrophisées ou pourraient le devenir à brève échéance au sens de la directive 91/271.
Concernant le bassin Loire-Bretagne
La baie de la Vilaine
66. Il ressort du rapport IFREMER de 2001 que la baie de la Vilaine est la plus eutrophisée des côtes françaises. Dune part, elle est le siège de graves phénomènes dhypoxie, voire danoxie, consécutifs au développement puis à la dégradation bactérienne dune biomasse importante de phytoplancton et pouvant entraîner une mortalité massive de poissons et dinvertébrés benthiques. Dautre part, trois sites de cette baie ont été répertoriés parmi les sites potentiels de prolifération macroalgale (« marées vertes ») et ont été affectés au moins une fois par ce phénomène entre 1997 et 1999, période couverte par létude.
67. Le gouvernement français ne conteste pas que les apports de nutriments, notamment dazote, dorigine urbaine transportés par le fleuve Vilaine jouent un rôle significatif dans leutrophisation de la baie.
68. Il fait valoir quil a déjà classé le bassin versant de la Vilaine en zone sensible à leutrophisation, de sorte que toutes les agglomérations ayant un EH de plus de 10 000 qui rejettent leurs effluents dans ce bassin sont soumises aux dispositions de la directive 91/271. Dans la mesure où, dune part, aucune agglomération ayant un EH de plus de 10 000 neffectuerait ses rejets directement dans la baie de la Vilaine et où, dautre part, contrairement à ce que soutient la commission, les apports fluviaux de la Loire nauraient pas dinfluence sur cette baie, lidentification de cette dernière comme zone sensible à leutrophisation serait sans conséquence, de sorte que le gouvernement français estime quil na pas manqué à ses obligations.
69. A cet égard, à supposer même quaucune agglomération ayant un EH de plus de 10 000 neffectue ses rejets directement dans la baie de la Vilaine et que, contrairement aux affirmations de la commission, les apports fluviaux de la Loire naient pas dinfluence sur cette baie, le fait que le bassin versant du fleuve Vilaine a déjà été identifié comme zone sensible à leutrophisation ne justifie pas que cette baie ne le soit pas également. En effet, il résulte de larticle 5, paragraphe 1, de la directive 91/271, lu en combinaison avec lannexe II, A, sous a, de celle-ci, que les États membres sont tenus didentifier comme zones sensibles toutes les masses deau eutrophisées.
70. Dès lors, en nidentifiant pas la baie de la Vilaine comme zone sensible à leutrophisation au sens de la directive 91/271, la République française a manqué à ses obligations.
La rade de Lorient
71. Le gouvernement français ne conteste pas que les eaux de la rade de Lorient sont enrichies en nutriments.
72. Il ressort du rapport Ifremer de 2001 que, de 1997 à 1999, deux sites de la rade de Lorient ont été affectés chaque année par des proliférations macroalgales le long des plages (« marées vertes »).
73. Le même rapport précise que les marées vertes du littoral breton, qui durent généralement de mai à août-septembre, ont pour cause une prolifération rapide dalgues vertes du genre Ulva consécutive à lenrichissement des eaux en nutriments. Ces algues opportunistes sont facilement arrachées de leur substrat, mènent alors une existence dérivante et finissent par séchouer sur les plages quelles recouvrent sur une épaisseur souvent importante. Les marées vertes provoquent une forte gêne ou même une impossibilité de pratiquer les activités touristiques habituelles telles que la baignade, la pêche, la randonnée le long de la côte, etc. Les communes sont tenues de ramasser les algues pour maintenir une activité touristique.
74. Ainsi quil a été souligné au point 23 du présent arrêt, une telle prolifération de macroalgues constitue une perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau. Par leurs conséquences négatives, notamment sur les activités touristiques, les marées vertes sont également constitutives dune dégradation de la qualité de leau.
75. Le gouvernement français fait toutefois valoir que la part dorigine urbaine des flux printaniers et estivaux dazote nest que de 9,8 %, de sorte que les rejets deaux urbaines résiduaires ne sont pas significatifs. Il allègue que la commission a admis, dans son avis motivé, que les flux dazote dorigine urbaine dans la baie de Saint-Brieuc, qui représentent 8,9 % du total, ne sont pas significatifs et que la même conclusion simpose sagissant de la rade de Lorient.
76. A cet égard, la circonstance que la commission a admis que les rejets dorigine urbaine ne contribuent pas de façon significative à leutrophisation de la rade de Saint-Brieuc est sans incidence sur la question de lidentification de la rade de Lorient comme zone sensible, dès lors quil est constant que ces deux masses deau sont indépendantes lune de lautre.
77. Il ressort du rapport ERM de 1999 produit par la commission que les apports printaniers et estivaux de nitrates en rade de Lorient, soit dans la période de prolifération des algues vertes, sont, pour 9,8 %, dorigine urbaine, ce qui représente 374 tonnes. Dans ces conditions, la commission est fondée à conclure que les rejets deaux urbaines résiduaires contribuent de manière significative à leutrophisation des eaux de la rade de Lorient.
78. La commission a donc constaté à juste titre que la rade de Lorient est eutrophisée au sens de la directive 91/271 et quelle aurait dû être identifiée comme zone sensible à leutrophisation.
Lestuaire de lElorn, le golfe du Morbihan, la baie de Douarnenez et la baie de Concarneau
79. Le gouvernement français ne conteste pas lenrichissement de ces masses deaux en nutriments.
80. Il ressort du rapport Ifremer de 2001 que, de 1997 à 1999, période sur laquelle portait létude, les zones en cause ont été affectées chaque année par des marées vertes. Le gouvernement français reconnaît dailleurs la réalité et limportance du phénomène dans la baie de Concarneau.
81. Pour les motifs exposés aux points 73 et 74 du présent arrêt, la commission établit donc létat deutrophisation de lestuaire de lElorn, du golfe du Morbihan et des baies de Douarnenez et de Concarneau.
82. Le gouvernement français soutient toutefois que les apports de nutriments dorigine urbaine ne contribuent pas de façon significative à leutrophisation de ces masses deau, de sorte quil ny a pas lieu de les identifier comme zones sensibles dans le cadre de la directive 91/271.
83. A cet égard, il est constant que lorigine de la pollution azotée y est principalement agricole.
84. Toutefois, sagissant de lestuaire de lElorn, la commission et le gouvernement français saccordent sur le fait que les apports printaniers et estivaux de nitrates, soit dans la période de prolifération des algues vertes, sont, pour 21 %, dorigine urbaine, chiffre fourni par le rapport ERM de 1999.
85. Sagissant des baies de Douarnenez et de Concarneau, la part dorigine urbaine des apports printaniers et estivaux de nitrates est, selon le même rapport, respectivement de 23 % et 32 %. Après avoir indiqué, dans sa réponse à lavis motivé que, selon une étude du bureau détudes Saunier daoût 1993 (ci-après l« étude Saunier »), cette part était respectivement de 22 % et 34 %, le gouvernement français a soutenu, dans son mémoire en défense, que lalimentation en azote et en phosphore est dorigine agricole à 90 % dans la baie de Douarnenez, en se fondant sur une étude Ceva-Ifremer pour le pôle analytique de leau. Force est toutefois de constater quil ne produit pas cette étude. Quant à la baie de Concarneau, le gouvernement français indique que diverses études et campagnes de mesures (Ifremer, Ceva, DDE, In vivo) ont permis destimer les apports de nutriments à la baie à environ 500 tonnes par an, dont seulement 6,5 tonnes (soit, 1,3 %) provenant de la station dépuration de Concarneau. Mais, là encore, il ne produit pas ces études et rapports. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir comme base danalyse les pourcentages tels quils résultent du rapport ERM de 1999 produit par la commission.
86. Quant au golfe du Morbihan, le gouvernement français soutient que, aux termes de létude Saunier, quil produit, les apports printaniers et estivaux de nitrates ne sont dorigine urbaine quà concurrence de 10 %. Toutefois, lexamen de cette étude ne permet pas de confirmer ce chiffre, de sorte quil convient également de retenir le pourcentage de 21 % qui résulte du rapport ERM de 1999. En tout état de cause, il y a lieu de constater que létude Saunier date de 1993, de sorte que le rapport ERM de 1999 fournit un bilan plus récent de létat des eaux littorales françaises.
87. La commission considère à bon droit que des apports dorigine urbaine qui représentent entre 21 % et 32 % du total des apports azotés au cours de la période de développement accéléré des algues ou dautres végétaux despèces supérieures sont significatifs dans lapparition, le développement ou le maintien dune situation deutrophisation des eaux réceptrices en cause.
88. Dans ces conditions, la commission a justement constaté que lestuaire de lElorn, le golfe du Morbihan, la baie de Douarnenez et la baie de Concarneau sont eutrophisées au sens de la directive 91/271 et quils auraient dû être identifiés comme zones sensibles à leutrophisation.
La Sèvre niortaise
89. Dans son mémoire en réplique, la commission a renoncé à son premier grief en ce qui concerne cette zone.
Concernant le bassin Rhône-Méditerranée-Corse
Le Vistre
90. La commission fait valoir que la rivière Vistre est eutrophisée en aval de Nîmes et quelle aurait dû être identifiée comme zone sensible à leutrophisation.
91. Le gouvernement français reconnaît le bien-fondé de ce grief et indique que le problème ponctuel du Vistre, qui nest lié quaux rejets de lagglomération de Nîmes, sera réglé par le raccordement, pour le 31 décembre 2005, de la totalité de lagglomération à la station dépuration de Nîmes-ouest, qui aura fait lobjet dune extension.
92. Dès lors, les autorités françaises auraient dû identifier le Vistre en aval de Nîmes comme zone sensible à leutrophisation.
Létang de Thau
93. Il est constant que les eaux de létang de Thau sont enrichies en nutriments. Par ailleurs, ainsi quil résulte du rapport Ifremer de 2001, « leutrophisation des écosystèmes méditerranéens na pas pour origine principale lagriculture mais les rejets dorigines urbaines », ce que le gouvernement français ne conteste pas sagissant de létang de Thau.
94. Selon ce même rapport, létang de Thau est le siège dimportants phénomènes anoxiques, appelés « malaïgues », dont « [l]e déclenchement est vraisemblablement lié à une dégradation des algues, abondantes au bord, accéléré par de fortes températures », et qui rendent les eaux toxiques pour les animaux et les végétaux qui sy trouvent. De tels phénomènes se sont produits en 1975, 1982, 1983, 1987, 1990, et 1997.
95. Se fondant sur une étude de lIfremer de 1998, intitulée « La crise anoxique du bassin de Thau de lété 1997 » (ci-après l« étude Ifremer de 1998 ») et sur le Bulletin du réseau de suivi lagunaire pour lannée 2000, publié par lIfremer et la région Languedoc-Roussillon, le gouvernement français fait toutefois valoir que létat trophique de létang de Thau sest nettement amélioré depuis les années 1970. Les crises anoxiques constatées pendant ces vingt dernières années nauraient plus pour origine les proliférations végétales causées par leutrophisation de létang, mais une gestion encore imparfaite des stocks de matières organiques vivantes et détritiques produits, en particulier, par lactivité conchylicole très importante développée dans létang de Thau.
96. A cet égard, il ressort de létude Ifremer de 1998 que, à la suite des aménagements entrepris sur son pourtour depuis les années 1970 en vue de diminuer les apports de nutriments dorigine anthropique, « on peut considérer que le bassin de Thau nest plus eutrophisé ».
97. De fait, selon cette étude, si les eaux de létang de Thau connaissent une production phytoplanctonique importante, les espèces de phytoplancton rencontrées ne sont pas toxiques et permettent lélevage de coquillages, principalement dhuîtres, à des taux de croissance élevée. La quantité de matières azotées extraites par la récolte (moules, huîtres, etc) représente dailleurs plus de 60 % des apports du bassin versant. Dans ces conditions, les eaux de létang de Thau ne connaissent pas actuellement de perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau.
98. Toutefois, létude Ifremer de 1998 souligne le risque que les eaux de létang de Thau puissent être atteintes par la malaïgue, phénomène se traduisant par une anoxie des eaux, la production de sulfures et la mort massive de tous les êtres vivants présents dans les zones affectées, y compris les huîtres. La dernière malaïgue remonte à 1997. Lorsquil se produit, un tel phénomène est à la fois constitutif dune perturbation indésirable de léquilibre des organismes présents dans leau et dune dégradation de la qualité de leau.
99. Contrairement à ce que soutient le gouvernement français, il ressort de létude Ifremer de 1998 que, même si des apports de matières organiques provenant de lactivité conchylicole contribuent aux développements des malaïgues, telle celle survenue en 1997, le développement de macrophytes sur le bord de létang, consécutif à lenrichissement des eaux en nutriments, joue un rôle important dans lapparition de ces phénomènes.
100. Selon cette même étude, la survenance de malaïgues ne peut être exclue dans lavenir, dans des conditions météorologiques exceptionnelles comme celles réunies lors de la crise de 1997. Il existe, sur le pourtour de létang de Thau, « un certain nombre de foyers potentiels dans les secteurs situés à larrivée des principaux cours deau alimentés notamment par des eaux de lagunages ». Ce fait est confirmé par le Bulletin du réseau de suivi lagunaire pour lannée 2000, selon lequel une partie de létang de Thau (crique de lAngle) est dans un état moyen vis-à-vis de leutrophisation.
101. Dès lors, la commission a constaté à juste titre que létang de Thau pourrait devenir eutrophisé à brève échéance si des mesures de protection ne sont pas prises et quil aurait dû être identifié comme zone sensible à leutrophisation au sens de la directive 91/271.
102. Selon létude Ifremer de 1998, « [l]es apports par le bassin versant sont [...] nécessaires au maintien de la capacité de support du bassin de Thau pour la conchyliculture », car « une baisse de la production planctonique [aurait] pour conséquence probable celle de la production conchylicole », ce qui nest à lévidence pas souhaitable. Toutefois, lannexe II, A, sous a, second alinéa, de la directive 91/271 prévoit la possibilité de moduler le traitement plus rigoureux normalement appliqué aux eaux urbaines résiduaires rejetées dans une zone sensible.
103. Eu égard à lensemble des considérations qui précèdent, le premier grief est fondé en ce qui concerne la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec lAndelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, lestuaire de lElorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes ainsi que létang de Thau.
Sur le second grief, tiré de labsence de traitement plus rigoureux des rejets dans des zones sensibles deaux urbaines résiduaires provenant dagglomérations ayant un EH de plus de 10 000
104. Il résulte de larticle 5, paragraphe 2, de la directive 91/271 que les autorités françaises étaient tenues de prendre les mesures nécessaires pour que, sagissant des agglomérations ayant un EH de plus de 10 000, les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent lobjet, avant dêtre rejetées dans des zones sensibles, dun traitement plus rigoureux que celui décrit à larticle 4 de la même directive au plus tard le 31 décembre 1998.
105. En vertu des dispositions combinées de larticle 5, paragraphe 3, et de lannexe I, B, point 3, de la directive 91/271, ce traitement plus rigoureux implique notamment, sagissant des rejets dans les zones sensibles à leutrophisation, le respect des prescriptions figurant au tableau 2 de la même annexe, sous réserve toutefois des dispositions de lannexe II, A, sous a), second alinéa, de ladite directive.
106. Tout dabord, la Commission fait valoir que, en réponse à la lettre de mise en demeure, les autorités françaises ont, par lettre du 12 décembre 2000, reconnu que, pour 130 agglomérations, dont elles donnaient la liste, le traitement des eaux urbaines résiduaires nétait pas, à léchéance du 31 décembre 1998, conforme aux exigences de larticle 5, paragraphe 2, de la directive 91/271.
107. Dans sa duplique, le gouvernement français indique que, sur les 130 agglomérations figurant dans ladite liste, 32 sont désormais en conformité avec les exigences de la directive 91/271, dont 10 (Vichy, Aix-en-Provence, Mâcon, Créhange, Saint-Avold, Bailleul, Aurillac, Montauban, Châtillon-sur-Seine et Gray) lont été avant lexpiration du délai imparti dans lavis motivé.
108. À cet égard, il est de jurisprudence constante que lexistence dun manquement doit être appréciée en fonction de la situation de lÉtat membre telle quelle se présentait au terme du délai fixé dans lavis motivé (voir, notamment, arrêt du 12 juin 2003, Commission/Espagne, C-446/01, Rec. p. I-6053, point 15).
109. Dès lors que les agglomérations de Vichy, Aix-en-Provence, Mâcon, Créhange, Saint-Avold, Bailleul, Aurillac, Montauban, Châtillon-sur-Seine et Gray ont été mises en conformité avant lexpiration du délai imparti dans lavis motivé, le grief nest pas fondé à leur égard.
110. Il est en revanche fondé en ce qui concerne les autres agglomérations visées dans la lettre des autorités françaises du 12 décembre 2000, y compris celles qui auraient été mises en conformité postérieurement à lexpiration du délai imparti dans lavis motivé.
111. Ensuite, la Commission fait reproche aux autorités françaises de ne pas avoir respecté leurs obligations sagissant de lagglomération de Montpellier, qui ne figure pas sur la liste jointe à la lettre du 12 décembre 2000.
112. Il ressort de la réponse du gouvernement français à lavis motivé que lagglomération de Montpellier rejette ses eaux urbaines résiduaires dans une zone sensible et que les travaux de mise en conformité de la station dépuration et de création dun émissaire en mer ne seront terminés quen 2004. Le gouvernement français nayant pas soutenu devant la Cour que ces travaux se sont achevés plus tôt que prévu, et en tout cas avant lexpiration du délai imparti dans lavis motivé, le second grief est également fondé en ce qui concerne lagglomération de Montpellier.
113. Enfin, la Commission fait valoir que les autorités françaises auraient également dû veiller à ce que les eaux urbaines résiduaires provenant dagglomérations ayant un EH de plus de 10 000 et qui sont rejetées dans les zones visées dans le cadre du premier grief, lesquelles auraient dû être identifiées comme zones sensibles à leutrophisation, fassent lobjet dun traitement plus rigoureux, en application de larticle 5, paragraphe 2, de la directive 91/271.
114. À cet égard, le gouvernement français, qui ne conteste pas que des eaux urbaines résiduaires provenant dagglomérations ayant un EH de plus de 10 000 sont rejetées dans les zones visées au point 103 du présent arrêt ou dans leurs bassins versants, na pas allégué devant la Cour ni, a fortiori, démontré que, à lexpiration du délai imparti dans lavis motivé, ces eaux faisaient lobjet dun traitement plus rigoureux, au sens de larticle 5, paragraphe 2, de la directive 91/271.
115. Dès lors, il y a lieu de conclure que, en ayant omis :
- didentifier comme zones sensibles au titre de leutrophisation la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec lAndelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, lestuaire de lElorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes ainsi que létang de Thau ;
- de soumettre à un traitement plus rigoureux les rejets deaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations - autres que Vichy, Aix-en-Provence, Mâcon, Créhange, Saint-Avold, Bailleul, Aurillac, Montauban, Châtillon-sur-Seine et Gray ;
- visées dans la lettre des autorités françaises du 12 décembre 2000 et de lagglomération de Montpellier, ainsi que les rejets deaux urbaines résiduaires provenant dagglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de plus de 10 000 dans la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec lAndelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, lestuaire de lElorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes et létang de Thau.
La République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de larticle 5, paragraphes 1 et 2, et de lannexe II de la directive 91/271. Le recours est rejeté pour le surplus.
Sur les dépens
116. Aux termes de larticle 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, sil est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et celle-ci ayant succombé en lessentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :
- En ayant omis :
- didentifier comme zones sensibles au titre de leutrophisation la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec lAndelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, lestuaire de lElorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes ainsi que létang de Thau ;
- de soumettre à un traitement plus rigoureux les rejets deaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations - autres que Vichy, Aix-en-Provence, Mâcon, Créhange, Saint-Avold, Bailleul, Aurillac, Montauban, Châtillon-sur-Seine et Gray - visées dans la lettre des autorités françaises du 12 décembre 2000 et de lagglomération de Montpellier, ainsi que les rejets deaux urbaines résiduaires provenant dagglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de plus de 10 000 dans la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec lAndelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, lestuaire de lElorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes et létang de Thau.
La République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de larticle 5, paragraphes 1 et 2, et de lannexe II de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.
- Le recours est rejeté pour le surplus.
- La République française est condamnée aux dépens.
Signatures.
Extrait du projet de décret relatif à la coordination interministérielle et à lorganisation de ladministration dans le domaine de leau et aux missions du préfet coordonnateur de bassin
Article 7
IV. A larticle 6 du décret n° 94-469 du 3 juin 1994 susvisé relatif à la collecte et au traitement des eaux usées mentionnées aux articles L. 372-1-1 et L. 372-3 du code des communes, les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le préfet coordonnateur de bassin élabore, avec le concours des préfets de département, à partir des résultats obtenus par le programme de surveillance de létat des eaux et de toute autre donnée disponible un projet de délimitation des zones sensibles en concertation avec des représentants des communes et leurs groupements, des usagers de leau, des personnes publiques ou privées qui concourent à lassainissement des eaux usées, à la distribution des eaux et des associations agréés de protection de lenvironnement intervenant en matière deau et des associations de consommateurs.
« Le préfet coordonnateur de bassin transmet le projet de délimitation des zones sensibles aux préfets intéressés qui consultent les conseils départementaux dhygiène, les conseils généraux et les conseils régionaux intéressés. Les avis sont réputés favorables sils ninterviennent pas dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la demande davis.
« Le préfet coordonnateur de bassin arrête la délimitation des zones sensibles après avis du comité de bassin ou dune commission permanente mandatée par celui-ci. »
(Projet susceptible de modifications lors de lexamen par le Conseil dEtat).