(JO du 24 novembre 2004)


NOR : PRMX0407781C

Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs les ministres et les secrétaires d’Etat, Mesdames et Messieurs les préfets

La réforme de l’administration départementale de l’Etat est un des axes importants de l’action du Gouvernement pour l’année 2005. Elle constitue le corollaire nécessaire de la deuxième phase de décentralisation engagée par la loi du 13 août 2004, qui produira ses effets dans les deux ans à venir. Elle doit renforcer l’autorité de l’Etat et améliorer son fonctionnement :

  • en accroissant son efficacité, notamment en renforçant l’unité de son action ;
  • en rendant son organisation plus claire pour l’usager ;
  • en recentrant les fonctionnaires sur leurs missions au service des usagers, plutôt que sur des fonctions de support et de soutien, qui, notamment dans les petites structures, mobilisent encore une trop large part des ressources publiques.

Par circulaire du 13 mai 2004, j’ai demandé aux préfets de me faire des propositions. De cette consultation je retiens, d’une part, la conviction que la réforme est nécessaire et, d’autre part, le souhait qu’elle ne soit pas uniforme et qu’elle puisse être adaptée aux spécificités de chaque département. Après concertation interministérielle, la méthode suivante est retenue :

  1. Pour chaque service ou groupe de services, l’annexe jointe à la présente circulaire identifie les scenarii d’évolution.
  2. Les préfets de département sont invités à élaborer à échéance du 31 mars 2005 un projet de réorganisation des services déconcentrés placés sous leur autorité, en combinant, selon leur choix, les différentes possibilités offertes. Ils veilleront à consulter largement personnels, organisations syndicales, élus et usagers, avant d’arrêter leurs propositions, en liaison avec les chefs de services déconcentrés. Le cas échéant, ils formuleront des propositions d’évolutions immobilières, de façon à ce que les rapprochements de service envisagés prennent rapidement corps. Il pourra, si nécessaire, être fait appel à des missions d’inspections ou à des conseils externes, dans le cadre d’un marché public interministériel passé par le ministère de la réforme de l’Etat.
  3. Pour certains services, des formules de régionalisation sont envisagées par le Gouvernement. En ce cas, c’est le préfet de région qui prendra la décision, en concertation avec les préfets de département et après consultation du comité de l’administration régionale. En tout état de cause, les préfets de région, conformément aux dispositions du décret du 29 avril 2004, veilleront à la cohérence régionale des décisions.
  4. A échéance du 1er mai 2005, les préfets de région transmettront les projets départementaux de réorganisation, qui devront être précisément justifiés, au regard des trois objectifs rappelés en introduction.
  5. Ces propositions seront examinées, au plan interministériel, par le comité des secrétaires généraux des ministères. J’ai en effet demandé à chaque ministère de se doter d’ici à la fin de l’année d’un secrétaire général, dont une des missions sera précisément de rénover l’organisation des services déconcentrés, en application des stratégies ministérielles de réforme. Le secrétariat du comité des secrétaires généraux sera assuré conjointement par le ministre de l’intérieur et par les ministres chargés du budget et de la réforme de l’Etat.
    Pour chaque région, une ou plusieurs réunions se tiendront entre les secrétaires généraux concernés, d’une part, le préfet de région et les préfets de département, d’autre part. Le comité des secrétaires généraux assurera ainsi la cohérence d’ensemble des réformes, suscitera les adaptations nécessaires et, au besoin, proposera des arbitrages à mon cabinet.
  6. Les textes réglementaires seront ensuite adaptés, de manière à ce que l’ensemble de ces réformes de structures soit adopté à la fin de l’année 2005, au moment où l’essentiel de la loi de décentralisation entrera en vigueur.
  7. Votre réflexion portera également sur l’organisation de l’Etat à échelon infradépartemental.

L’Etat restructure actuellement plusieurs de ses réseaux de proximité, au premier rang desquels les trésoreries et les subdivisions de l’équipement. Ces restructurations sont nécessaires et seront poursuivies.

L’expérience montre que l’implication des préfets dans ces opérations conditionne leur réussite. S’agissant des services placés sous l’autorité des préfets, au sens des dispositions du décret du 29 avril 2004, il revient aux préfets de décider des restructurations, sur proposition des chefs de service, et de les mettre en œuvre. S’agissant des services déconcentrés qui ne sont pas placés sous l’autorité des préfets, des implantations locales des établissements publics et les entreprises publiques, les préfets doivent être systématiquement informés de ces projets et associés à leur élaboration. C’est à eux également qu’il revient de mener la concertation et les travaux d’explication avec les usagers et les élus, le cas échéant dans les instances de concertation existantes.

Avec les chefs de service déconcentrés et les responsables locaux des grands services publics, vous veillerez à ce que les usagers perçoivent clairement que les restructurations en cours se font à leur profit, sans dégradation de la qualité de service : à ce titre, vous vous attacherez à consulter les usagers et les élus pour déterminer leurs besoins et leurs demandes prioritaires. Vous y répondrez en développant tous les moyens à votre disposition : organisation de permanence des services de l’Etat, dans les mairies ou dans les services existants, développement de « maisons de l’Etat », usage croissant des nouvelles technologies dans les mairies. Un groupe de proposition et de suivi sera constitué, associant les ministres de l’intérieur, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire, les associations d’élus et les associations de consommateurs. En fonction des orientations définies par ce groupe, des instructions complémentaires vous seront transmises.

S’agissant des arrondissements et des sous-préfectures, l’article 135 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales permet au préfet de région de modifier les limites territoriales des arrondissements, après consultation du conseil général et sur proposition du préfet de département. Il appartient donc aux préfets de département, selon un calendrier qu’ils détermineront en fonction de la situation locale, d’adapter l’organisation interne des sous-préfectures qui le justifient et de proposer des évolutions des limites des arrondissements. Le cas échéant, les missions des sous-préfets qui y sont affectés seront également redéfinies, au bénéfice de l’action de l’Etat dans l’ensemble du département.

Si, au terme de cette analyse, il apparaissait que des arrondissements pouvaient être créés ou regroupés, vous m’en ferez la proposition, puisque la loi dispose que les créations et suppressions d’arrondissements sont décidées par décret en Conseil d’Etat, après consultation du conseil général.

J’attache enfin une attention particulière au dialogue et au soutien personnalisés que les maires, et notamment les maires ruraux, sont en droit d’attendre des représentants de l’Etat dans le département. J’ai demandé au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales de veiller à ce que soit confortée ou relancée l’organisation de ce soutien, tant à la préfecture que dans les sous-préfectures.

La réforme de l’administration départementale et infradépartementale de l’Etat doit être conduite avec résolution et dans un esprit de dialogue constant. Les propositions que vous ferez, dans le cadre établi au plan interministériel, permettront d’engager les réformes profondes dont l’Etat a besoin pour continuer à répondre efficacement aux attentes des Français. Il vous appartient d’associer pleinement les responsables des services déconcentrés et l’ensemble des personnels à cette démarche, ainsi que les collectivités territoriales et, le moment venu, l’opinion publique, pour que les usagers puissent juger des résultats obtenus.

Je sais pouvoir compter sur votre totale implication dans cette démarche et vous en remercie par avance.

Jean-Pierre  Raffarin

Annexe : Evolutions possibles des services déconcentrés au niveau départemental

1. Directions départementales de l’équipement (DDE), directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF)

L’Etat, garant des grands équilibres territoriaux et de la cohésion sociale, continuera à jouer un rôle essentiel en ce qui concerne l’aménagement et le développement durable des territoires, le maintien d’une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable, la préservation des territoires ruraux, la rénovation urbaine, la réalisation des grands équipements, la planification territoriale. Pour cela, la synergie interministérielle entre les deux principaux services déconcentrés de l’Etat concernés est un objectif prioritaire.

Dans les départements où les préfets le jugeront utile, une fusion de ces deux services est encouragée, pour créer une direction départementale de l’aménagement et de l’agriculture.

Dans les autres départements, il y a lieu de clarifier les compétences des deux services pour éviter les redondances. D’une façon générale, à l’exception des actions liées à la restauration des terrains de montagne (RTM) et à la défense des forêts contre les incendies (DFCI), indissociables de la politique forestière, la DDE devra être le service en charge de la prévention des risques naturels et accidentels. De même, la DDAF sera en charge de la police de l’eau, à l’exception des services spécialisés liés aux voies navigables et aux milieux maritimes.

Enfin, l’ingénierie publique est un moyen efficace pour l’Etat, en appui des collectivités locales, de contribuer aux politiques publiques partagées d’aménagement. A cette fin et au-delà des efforts déjà engagés localement par les DDE et les DDAF, elle doit faire l’objet d’une offre unique de l’Etat. Conformément à la nouvelle directive nationale d’orientation, vous veillerez à conforter cette mission, en faisant en sorte que les deux services coordonnent au mieux leurs compétences en lien avec les politiques publiques relevant de leur responsabilité, renforcent leur synergie, optimisent leurs moyens et organisations, formulent systématiquement en commun leurs propositions d’intervention et gèrent collectivement leurs prestations sous forme d’un « guichet unique ».

2. Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS), directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP)

Vous établirez la liste des missions qu’assument les DDASS et les DDTEFP dans leurs différents domaines de compétence et leurs différentes fonctions, tels qu’ils sont impactés par les lois votées et à venir en matière de décentralisation, de réforme de notre système de santé (organisation hospitalière, santé publique, assurance maladie), de refondation de notre politique en faveur des personnes handicapées, de cohésion sociale. Vous établirez parallèlement les moyens nécessaires à l’exercice de chacune de ces missions.

Dans cette analyse, vous veillerez en particulier à déterminer l’impact :

  • de la mise en place du groupement régional de santé publique, qui doit permettre de coordonner l’action de l’Etat et des autres opérateurs de service public au bénéfice de la santé publique ;
  • de la création des maisons de l’emploi prévues par le plan de cohésion sociale, dans le but de rapprocher les différents acteurs de la politique de l’emploi ;
  • de la création des maisons du handicap prévues par le projet de loi relatif à l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées.

Compte tenu des résultats de ces analyses, plusieurs hypothèses d’organisation sont à examiner en fonction des spécificités de votre département et des moyens qu’y implique l’exercice de ces missions.

1. La transformation des DDASS, qui sont maintenues, en échelon départemental des DRASS afin de concilier harmonieusement mutualisation de l’expertise, coordination et proximité. Le scénario de la régionalisation complète des compétences et des moyens sanitaires et sociaux doit cependant être écarté a priori ; il conduirait en effet à un éloignement du terrain dans des domaines où la proximité est essentielle ;

2. Le rapprochement DDASS/DDTEFP dans une logique de mutualisation des moyens de support et/ou de rapprochement des activités. Peut ou non s’y ajouter un rapprochement avec les services de la préfecture, en veillant à ce que demeure garantie l’effectivité des règles relatives à l’inspection du travail ;

3. Le renforcement des DDASS à qui seraient confiées des missions proches des domaines de la santé et de la cohésion sociale, exercées par d’autres structures départementales relevant de l’Etat (services des préfectures, DDJS, délégations départementales du FASILD, directions interdépartementales des anciens combattants).

Des solutions combinant plusieurs scenarii (par exemple, 1er scénario pour le sanitaire et 2e pour le social) pourront également être étudiées.

Le scénario retenu pourra, le cas échéant, s’accompagner d’un rapprochement physique de ces services au sein de la préfecture, sans perte de leur autonomie et de leur identité propres, afin de mieux partager les coûts fixes, de redéployer les moyens au bénéfice des usagers et de favoriser les synergies.

3. Directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS)

Compte tenu du développement des activités de contrôle et de réglementation des DDJS, de leur rôle vis-à-vis du monde associatif, de leur implication dans la politique de la ville, le rapprochement fonctionnel de ce service avec les services de la préfecture pourra être mis en oeuvre dans les départements où les préfets le jugeront utile.

4. Directions départementales des services vétérinaires (DSV)

Dans la plupart des départements existent des pôles de sécurité sanitaire des aliments associant les DDSV, les DDASS et les DDCCRF.

Les enjeux dans ce domaine justifient un renforcement de la coopération dans le cadre de missions interservices de sécurité sanitaire des aliments (MISSA).

5. Services fiscaux et comptables, directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DDCCRF)

Les services fiscaux et comptables sont engagés dans une démarche de modernisation spécifique, qui tend au regroupement des différents centres et à la mise en place d’interlocuteurs fiscaux uniques. Cette réforme a sa logique et son calendrier spécifiques. Elle ne devra pas être remise en cause.

S’agissant des DDCCRF, une réforme est en cours, qui devrait aboutir à une plus forte coordination régionale par le DRCCRF, en matière de pilotage et de gestion des fonctions de supports. Les structures départementales seront maintenues pour l’exercice, sous l’autorité des préfets de département, des missions de proximité, et notamment celles exercées dans le cadre des missions interservices de sécurité sanitaire des aliments.

6. Anciens combattants

Vous étudierez la possibilité que la délégation départementale de l’Office national des anciens combattants soit directement placée auprès du cabinet du préfet, en veillant aux liaisons nécessaires avec le délégué militaire départemental. S’agissant des directions interdépartementales des anciens combattants, les préfets concernés feront les propositions complémentaires qui s’imposent.

7. Services départementaux d’architecture et du patrimoine

Vous étudierez le positionnement que vous recommandez dans le dispositif local, dans le cadre du rattachement au pôle régional « culture », et les conditions du maintien des fonctions opérationnelles de contrôle, d’aide et de conseil de ces services.

8.  Préfectures

Vous veillerez à mettre en évidence les modifications des missions et d’organigramme des préfectures sous le double impact :

  • de la directive nationale d’orientation des préfectures ;
  • du rattachement éventuel de certains services déconcentrés de l’Etat.

Vous en apprécierez les conséquences éventuelles au plan de leur fonctionnement.

9. Délégations inter-services

L’article 29 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif au pouvoir des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements rénove le cadre juridique des délégations inter-services (DIS) pour en faciliter l’usage.

Vous privilégierez les véritables restructurations de services, qui permettent d’établir, pour chaque politique, des relations hiérarchiques claires, stables et responsabilisantes. Mais pour les politiques par nature interministérielles, ou pour lesquelles le rapprochement des services n’a pas été retenu par la présente circulaire, vous pourrez proposer la création de délégations inter-services permettant, sous l’autorité d’un ordonnateur secondaire unique, désigné par le préfet, de regrouper des moyens de différents services au bénéfice d’une même politique.

Au vu de cette première série de propositions des préfets, qui seront mises en oeuvre après l’avis du comité des secrétaires généraux des ministères, celui-ci me proposera une liste de délégations inter-services qui pourront, à l’avenir, être créées par les préfets sans consultation des administrations centrales.

10. Mutualisation

Je vous invite à vous référer à ma circulaire du 19 octobre 2004 vous demandant de développer la mise en commun des fonctions de soutien des services déconcentrés (recrutement, action sociale, formation, communication...), en utilisant les facultés offertes par le décret du 14 octobre 2004 relatif à la délégation de gestion.

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