(BO du MEEDDM n° 2009/21 du 25 novembre 2009)
NOR : DEVO0918449C
Références : article L. 214-18-IV du code de l'environnement.
Documents modifiés ou abrogés : néant.
Pièce jointe : annexe sur les modalités de mise en œuvre.
Le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, à Messieurs les préfets coordonnateurs de bassin ; Madame et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; DRIRE ; DIREN ; DREAL ; DREAL déléguée de bassin ; services de police de l'eau (pour exécution) ; DGALN/DEB (AT et GR) ; DGEC/DE (SD3) ; secrétariat général du MEEDDM (DAJ et SPES) ; agences de l'eau ; offices de l'eau ; ONEMA ; secrétariat général du MAAP (pour information).
L'article L. 214-18 du code de l'environnement, modifié par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (LEMA), prévoit en son IV que les obligations qu'il établit en matière de débit réservé sont applicables aux ouvrages existants, à la date de renouvellement de leur titre, et au plus tard au 1er janvier 2014.
L'obligation principale consiste à maintenir dans le cours d'eau (1) à l'aval de l'ouvrage un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage. Ce débit minimum " biologique ", appelé ci-après " débit réservé ", ne doit pas être inférieur à un plancher qui est fixé au 10e du module interannuel du cours d'eau, pour l'essentiel des installations, et au 20e de ce module pour les ouvrages situés sur un cours d'eau dont le module est supérieur à 80 m3/s, ou pour les ouvrages hydroélectriques contribuant à la production d'électricité en période de pointe de consommation, listés par décret. Si le débit à l'amont immédiat de l'ouvrage est inférieur à ce plancher, c'est ce débit entrant qui doit être respecté à l'aval.
(1) Cf circulaire ministère de l'écologie DE/SDAGF/BDE n° 3 du 2 mars 2005 relative à la définition de la notion de cours d'eau.
Par ailleurs, l'article L. 214-18 CE prévoit des possibilités de déroger au débit plancher, dans le cas de cours d'eau à fonctionnement atypique ou d'étiage naturel exceptionnel.
Il prévoit enfin la possibilité, tout en respectant en moyenne sur l'année le débit réservé, de moduler celui-ci selon les différentes périodes de l'année, le débit le plus bas devant cependant rester supérieur à la moitié du débit réservé. On parle alors d'un " régime hydraulique réservé ".
Le respect de cette obligation relative au débit réservé va donc au minimum imposer la multiplication par quatre de ce débit, pour toutes les installations existantes qui fonctionnent encore actuellement sur la base d'un débit réservé correspondant au quarantième du module, ou par deux si elles se situent sur un cours d'eau dont le module est supérieur à 80 m3/s ou si elles figurent dans le décret listant les ouvrages de pointe. Cette obligation concerne tous les ouvrages barrant les cours d'eau quel que soit leur statut ou leur usage : autorisation, concession, fondés en titre, règlement d'eau d'avant 1919, hydroélectricité, irrigation, eau potable, navigation, prévention des crues, etc.
D'après les premières compilations d'inventaires effectuées par l'ONEMA dans le cadre de la mise en place d'un référentiel national des obstacles à l'écoulement (ROE), environ 50 000 ouvrages barrant le lit mineur seraient présents sur l'ensemble des cours d'eau métropolitains. Parmi eux, entre 10 et 20 % auraient un usage avéré, dont 2 000 pour l'hydroélectricité. Parmi ces 2 000, 400 relèvent du régime de concession de l'Etat au titre de la loi du 16 octobre 1919 sur l'utilisation de l'énergie des cours d'eau, lacs et marées.
Les données de 50 000 et de 10 à 20 % sont approximatives, le travail d'inventaire doit être affiné courant 2009. Elles donnent cependant un ordre de grandeur de l'ampleur du travail d'application à l'existant de cette mesure législative.
Afin que cette disposition soit effectivement respectée au 1er janvier 2014, il est indispensable de préparer ce relèvement de débit dès à présent.
En effet, le respect de cette obligation peut impliquer pour certaines installations la révision du mode de restitution du débit dans le cours d'eau pouvant nécessiter parfois des travaux de génie civil plus ou moins importants. Il pourra impliquer également, pour certaines installations sur des cours d'eau où l'enjeu du débit réservé est particulièrement fort, une expertise plus approfondie ou un suivi pour établir, si nécessaire, ce débit au-delà du dixième ou du vingtième du module, qui demeurent selon la loi des planchers. Par ailleurs, cette disposition de la LEMA visant le relèvement des débits réservés des ouvrages existants doit bien être comprise comme la volonté du législateur de rééquilibrer les usages de l'eau existants, en faveur de la préservation des milieux. Cette perte partielle d'usage de l'eau est intrinsèque à la disposition légale. Il appartient à l'exploitant de l'ouvrage de gérer cette perte, en l'acceptant ou en étudiant les solutions alternatives pour la compenser s'il l'estime nécessaire.
En conséquence, ce relèvement de débit doit être préparé dès maintenant par les services de l'Etat impliqués mais aussi par les exploitants eux-mêmes à qui les services de police de l'eau ou de contrôle des concessions doivent rappeler la loi en leur expliquant les enjeux et les moyens de la respecter à l'échéance prévue. Les quatre années de délai d'ici à 2014 seront nécessaires au règlement des difficultés qui pourront apparaître au cas par cas en fonction de l'impact de ce relèvement de débit réservé sur les usages.
L'annexe à la présente circulaire précise les modalités de mise en œuvre de cette obligation légale.
Vous voudrez bien me faire connaître les difficultés que vous pourriez rencontrer dans l'application de la présente circulaire.
La présente circulaire sera publiée au Bulletin officiel du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Fait à Paris, le 21 octobre 2009.
Pour le ministre d'Etat et par délégation :
La directrice de l'eau et de la biodiversité,
O. Gauthier
Le directeur de l'énergie,
P.-M. Abadie
Le préfet, secrétaire général,
D. Lallement
Annexe : Modalités de mise en œuvre du relèvement des débits réservés avant 2014
I. Le champ d'application
Le relèvement du débit réservé au 1er janvier 2014 concerne l'ensemble des ouvrages barrant les cours d'eau. Néanmoins :
- compte tenu de la difficulté d'agir d'une manière efficace, dans les délais permettant de respecter l'échéance du 1er janvier 2014, sur une grande partie des 50 000 ouvrages recensés pour lesquels les informations relatives à leur usage, leur statut et leur responsable au titre de la police de l'eau sont incomplètes ou inexistantes du fait, notamment, de leur présence ancienne dans le cours d'eau pouvant remonter au Moyen Age ;
- compte tenu du fait qu'une grande partie des ouvrages sans usage délivre un débit au cours d'eau répondant d'ores et déjà à l'obligation du L. 214-18 CE en raison de leur état de dégradation avancée ou de leur mise au chômage par relèvement ou enlèvement des vannages ou de l'absence de dérivation en service, l'essentiel de l'action de l'administration à entreprendre, dans le respect des instructions de la présente circulaire, doit viser en priorité, bien que sans exclusive, les quelque 10 % à 20 % des ouvrages ayant un usage et un responsable au titre de la police de l'eau.
Par ailleurs, les modalités d'application précisées dans cette circulaire sont exceptionnelles et spécifiques au cas particulier du relèvement du débit réservé obligatoire pour l'ensemble des ouvrages existants en 2014. En aucun cas elles ne remettent en cause la procédure normale de détermination du débit réservé à fixer sur la base de l'étude d'incidences adéquate dans le cadre d'une procédure individuelle de délivrance ou de renouvellement d'autorisation ou de concession, que cette procédure ait lieu avant ou après 2014. Elle ne remet pas en cause non plus les possibilités de modification ou de retrait des autorisations, ou de prescriptions additionnelles, établies aux articles L. 214-3 et L. 214-4 du code de l'environnement.
II. La règle d'application
Le IV du L. 214-18 CE précise que les " obligations " qu'il institue s'appliquent à l'existant au plus tard au 1er janvier 2014. Or la seule obligation fixée par cet article, outre la mise en place de dispositifs empêchant l'entrée du poisson dans les canaux d'amenée ou de fuite, concerne le maintien dans le cours d'eau du débit minimal biologique dans le respect des planchers du 10e et du 20e du module. Le reste des dispositions de l'article (régime réservé ou cours d'eau au fonctionnement atypique) ne sont pas des obligations mais des dérogations possibles, qui ne sauraient s'appliquer de manière automatique.
En effet, les dérogations ne sont pas un droit pour les exploitants mais une possibilité pour le préfet de les accepter, dans le respect des articles R. 214-111 CE et R. 214-111-1 CE, en fonction de leur compatibilité, dûment démontrée, avec le respect du principe de minimum biologique garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces.
L'obligation vise à assurer le maintien dans le cours d'eau du minimum biologique. L'évaluation de celui-ci nécessite normalement une étude particulière réalisée dans le cadre de la procédure d'autorisation ou de concession ou de renouvellement du titre.
Compte tenu du fait :
- qu'à la lumière des débats parlementaires, l'objectif principal visé par le relèvement des débits à la date ultime de 2014 pour tout l'existant, est d'augmenter les chances d'atteinte du bon état des cours d'eau en 2015 en mettant fin une fois pour toute, en les multipliant par 4 ou par 2 selon le cas, aux débits notoirement insuffisants du 40e du module, voire inférieurs, qui subsistent encore à l'aval de nombreuses installations, et ce, de manière anticipée par rapport à l'échéance de renouvellement des autorisations et des concessions, parfois lointaine voire inexistante
;
- qu'à chercher trop de précision sur le débit à fixer, dans le cadre de ce relèvement généralisé, il existe un risque certain de ne pas atteindre, à l'échéance prévue, l'objectif global de cette disposition législative ;
- et qu'il est en outre matériellement impossible de faire réaliser de 5 000 à 10 000 études particulières dans les trois à cinq ans à venir ne serait-ce que par manque de bureaux d'études susceptibles de les réaliser et de temps administratif pour les examiner,
Il convient d'adopter les règles pragmatiques d'application suivantes pour le relèvement des débits réservés existants au 1er janvier 2014 :
II.1. D'une manière générale, le débit à respecter est le plancher du 10e du module ou du 20e selon le cas, à l'exception des cas suivants :
1.1. Lorsqu'une étude du minimum biologique a été réalisée sur un cours d'eau (études CEMAGREF par exemple ou dans le cadre des études de détermination des volumes prélevables) dont les résultats demeurent pertinents au regard des caractéristiques hydromorphologiques sur lesquelles elle a été basée (pas de bouleversement notable depuis), le débit réservé doit être fixé sur la base de ces études ;
1.2. Lorsque des études, expérimentations ou suivis sont en cours sur une base amiable, dans le cadre de SAGE, de contrats de rivière ou de toutes autres conventions ad hoc, le débit réservé à fixer en 2014 doit prendre en compte les résultats de ces expérimentations ou de ces suivis, en concertation avec l'exploitant ; il doit également prendre en compte tout élément de connaissance relatif au débit minimum biologique pouvant être fourni par des acteurs locaux, notamment les fédérations départementales de pêche ;
2. L'acte de l'autorité administrative fixant officiellement le nouveau débit, comportera systématiquement pour tous les ouvrages dont le nouveau débit aura été fixé au plancher sans étude du débit minimum biologique, une clause indiquant la possibilité pour l'autorité administrative d'imposer une expertise ou un suivi de l'effet du nouveau débit, dès 2014, qui pourra aboutir à un réajustement, de ce débit réservé, dans le respect des critères précisés ci-après ;
3. Les installations dont le débit réservé est d'ores et déjà fixé au 10e du module ou au-delà, notamment par une autorisation ou une concession délivrée après 1984 (date de la loi sur la pêche qui a instauré pour la première fois le débit minimum biologique avec un plancher au 10e de module), continuent de respecter ce débit et ne sont pas concernées par cette circulaire puisqu'elles respectent déjà les obligations du L. 214-18 CE. La circonstance que les dispositions du L. 214-18 CE fixeraient pour ces installations un débit plancher au 20e du module et non plus au 10e, n'est pas susceptible de remettre en cause, sauf étude contradictoire, le débit fixé après 1984 sur la base d'une étude qui a dû démontrer qu'il respectait le minimum biologique, qui demeure la véritable obligation du L. 214-186 CE ;
4. Les dérogations prévues par l'article L. 214-18 CE, relatives aux cours d'eau au fonctionnement atypique ou à la mise en place d'un régime réservé, ne seront appliquées, le cas échéant, qu'au cas par cas, sur la base d'une étude complémentaire spécifique réalisée par l'exploitant démontrant la compatibilité des débits proposés avec l'obligation de garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces, ou le caractère atypique du cours d'eau et la non pertinence d'un débit plancher.
III. Les modalités d'application
III.1. Phase préparatoire interservices et en concertation avec les représentants des exploitants
Année 2009
Dès 2009, il semble de bonne pédagogie de rendre très largement publique cette circulaire et son annexe, par tous moyens que vous jugerez utiles (réunions d'information, communication sur site de la préfecture, etc.). Nous demanderons en parallèle aux représentants des exploitants d'ouvrages d'assurer également de leur côté le relais de l'information auprès de leurs adhérents.
Dès 2009 toujours, il convient de réunir tous les services impliqués dans l'application de cette disposition législative. Sont notamment concernés les services de bassin, les services chargés de l'eau et des milieux aquatiques et les services de contrôle des concessions des DRIRE ou DREAL, les services de police de l'eau ainsi que des représentants de l'ONEMA et de l'Agence de l'eau.
Les réunions auront pour but de rassembler toutes les informations disponibles notamment sur les études de débit minimum biologique existantes, sur les expérimentations et suivis en cours dans le cadre des SAGE, conventions diverses et contrats de rivières ainsi que par le biais des fédérations départementales de pêche ou des associations environnementales, etc.
Les exploitants, notamment les grands concessionnaires hydroélectriques les plus concernés par les expérimentations ou les études de débits, pourront être sollicités pour simplifier cette compilation d'informations. De même, tout élément que les exploitants pourraient apporter de leur propre initiative pourra être pris en compte.
L'objectif de ce travail de compilation des informations est de simplifier et d'harmoniser à l'échelle de chaque bassin, la mise en œuvre effective du relèvement de débit réservé au 1er janvier 2014 en apportant aux exploitants toutes les informations leur permettant de connaître les règles qui leur sont applicables pour établir ce débit réservé. Il ne vise pas à décharger les exploitants de leur responsabilité dans cette mise en œuvre.
Ainsi, le principe en est le suivant :
- dès lors qu'une information est disponible au sein des services administratifs, il est important de la communiquer aux exploitants concernés (module, plancher applicable, 10e déjà calculé à l'amont ou l'aval d'un ouvrage, existence d'une étude de débit minimum et valeur de ce débit minimum, existence d'une expérimentation ou d'un suivi particulier à prendre en compte). A l'inverse, lorsque cette information n'est pas disponible simplement, il n'appartient pas aux services de calculer ou proposer eux-mêmes un module par exemple. Si les services ne sont pas en mesure de communiquer un module, ils se doivent, en communiquant les autres informations qu'ils possèdent, de bien rappeler à l'exploitant qu'il lui appartient de proposer un module et un débit plancher conformément aux critères précisés ci-après ;
- dès lors que des exploitants prennent dès 2009 l'initiative de proposer aux services le débit qu'ils auront à respecter en 2014 dans le respect de cette circulaire, en indiquant le module sur lequel ils se basent pour définir le débit plancher, ou, le cas échéant, les expérimentations ou les études existantes qui justifient un débit supérieur, l'autorité administrative se doit de traiter rapidement ces dossiers afin de valider le nouveau débit réservé, dans un délai de trois mois. Cette diligence est indispensable pour que les gros travaux éventuellement nécessaires pour assurer la restitution du nouveau débit réservé puissent être réalisés dans le respect de l'échéance de 2014.
Année 2010
Sur la base du travail réalisé en 2009 et conformément au principe précisé ci-dessus, les services responsables de la police des ouvrages (services de police de l'eau ou services de contrôle des concessions) procèdent dans le courant du premier semestre 2010 à l'information individuelle des exploitants connus, en joignant systématiquement une copie de la présente circulaire. Ces courriers rappellent aux exploitants la possibilité de faire leurs observations dans un délai fixé. Ils fixent également un délai aux exploitants pour faire leur proposition de module à prendre en compte et donc de débit réservé lorsque cette information ne peut pas être apportée par les services.
Par la même occasion, les services demandent aux exploitants de leur faire connaître les conséquences techniques que peut avoir le relèvement du débit sur l'installation existante et, notamment si des travaux sont nécessaires (modification du mode de restitution, etc.). Ils précisent que dans ce dernier cas, il est de la responsabilité des exploitants d'organiser ces travaux à temps pour que l'échéance de 2014 soit respectée, en tenant compte des délais de procédure d'examen du projet éventuel de travaux par le service de police.
Lorsque des études, expérimentations ou suivis sont en cours sur une base amiable, dans le cadre d'un SAGE, contrats de rivière ou de tout autre convention ad hoc, la détermination des débits réservés est faite avec l'ONEMA en concertation avec les partenaires (exploitants, associations, fédération de pêche, collectivités participantes). En cas de conflit ou de désaccords importants la validation du débit réservé à fixer sera faite au niveau national de manière organisée par le MEEDDM.
Années 2010 et suivantes
Préparation de la détermination des ouvrages pour lesquels un suivi ou une expertise des effets du débit plancher, qui sera délivré en 2014, sera nécessaire.
Après 2014 : mise en place des suivis et expertises et révision, le cas échéant, des débits au vu des résultats obtenus.
III.2. Règle de fixation des planchers et critères d'imposition d'un suivi et d'une révision du débit réservé
III.2.1. Règle de fixation des débits planchers
Encore une fois, il est indispensable de procéder de la manière la plus simple et pragmatique possible pour fixer ces planchers sans entrer dans un nouveau calcul systématique du module à prendre en compte. Il convient de s'efforcer tant que possible de multiplier les débits actuellement au 40e par 4 pour atteindre le 10e ou par 2 pour le 20e. Cette règle simple ne peut cependant être appliquée qu'à la condition que les ouvrages délivrent actuellement un débit réservé à un 40e de module fixé par un acte officiel de l'autorité administrative sur la base d'un module établi après 1975 et validé.
Dans tous les autres cas, notamment, lorsque les ouvrages délivrent un débit réservé autre que le 40e ou qui n'est pas basé sur un 40e de module validé par l'autorité administrative ou que le module pris en compte a été établi avant 1975 ou sur une série de données inférieure à quinze ans, les débits planchers du 10e ou 20edoivent être établis à partir d'un module actuel ;
En cas de nécessité d'établir un module actuel, il est essentiel de donner ici la bonne interprétation du module à prendre en compte à l'amont de l'ouvrage.
Le débit plancher a été fixé dès 1984 au 10e du module, non pour fixer une proportion purement mathématique, mais pour des raisons biologiques. L'expérience et les données de suivi des débits réservés de l'époque ont démontré que le débit du 40esouvent fixé jusqu'à cette date, était sans conteste insuffisant et qu'en dessous du 10e, ou du 20e sur les cours d'eau au module > 80 m3/s, il était difficile, dans la très grande majorité des cas, de garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces.
Le module est le débit moyen interannuel, calculé sur une période d'au moins cinq ans. Dans la pratique, sur des cours d'eau non influencés, la convergence vers une valeur stable nécessite entre dix et quinze années de chroniques de bonne qualité. Il est important de bien prendre en compte les débits de crue dans l'estimation de la valeur du module.
L'interpolation à l'intérieur d'un bassin versant, ou l'extrapolation entre bassins versants donne des résultats satisfaisants dès lors que le régime pluviométrique et la géologie sont proches.
La valeur d'un module en un point peut être modifiée par des prélèvements importants définitifs (irrigation, évaporation d'un aéroréfrigérant, AEP) ou perturbateurs (transferts de bassin à bassin).
Or, compte tenu de l'objectif " biologique " du débit réservé, le pourcentage du 10e (ou du 20e) n'a de sens que si l'on part d'un module normal, c'est-à-dire non dénaturé. En cas de prélèvements modifiant substantiellement le débit à l'amont d'un ouvrage, le module naturel doit être reconstitué notamment en y réintégrant la valeur du prélèvement amont qui ne retourne pas au cours d'eau et en établissant dans la mesure du possible une cohérence avec les autres données de débits sur le bassin.
Le calcul à partir du module, dans tous les cas de figure, doit tenir compte de l'obligation légale fixée par l'article L. 214-18 CE, qui n'est pas tant de respecter un pourcentage minimal de module, que de garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces. La décision finale, que ce soit par rapport au module à prendre en compte ou au débit réservé à fixer, relève en tout état de cause de l'autorité administrative.
Une circulaire plus générale sur la détermination du débit réservé en application de l'article L. 214- 18 CE sera publiée prochainement. La détermination du module y fera l'objet de plus de précisions et les références méthodologiques seront mises à jour.
III.2.2. Critères à prendre en compte pour l'imposition d'un suivi ou d'une expertise des effets du débit plancher à partir de 2014
L'objectif de ces suivis ou expertises est de contrôler, sur certaines sections de cours d'eau où les enjeux liés à l'hydrologie sont déterminants pour l'atteinte ou le maintien du bon état écologique, les effets sur les paramètres biologiques des relèvements de débits qui auront été réalisés en 2014 au niveau des minimums planchers, afin de pouvoir, si nécessaire, réajuster à la hausse le débit réservé. Il ne s'agit pas d'un comparatif avant et après relèvement, mais bien d'une analyse de la situation nouvelle après relèvement.
La procédure de renouvellement demeure la meilleure période pour déterminer au mieux le débit, il convient donc de ne pas généraliser ces suivis à tous les ouvrages, de les limiter dans le temps, de ne l'exiger qu'une fois et de bien de sélectionner les ouvrages pour lesquels ce suivi est vraiment pertinent, selon les critères suivants :
- les informations tirées des SDAGE 2010-2015 sur les cours d'eau à forts enjeux, les axes à grands migrateurs, la présence d'habitats de reproduction d'espèces de poissons inscrits dans l'inventaire de l'article L. 432-3 du code de l'environnement, la présence d'espèces à forte valeur patrimoniale (zone Natura 2000, arrêté de biotope) comme la moule perlière, l'écrevisse à patte blanche ou le desman des Pyrénées, etc. et les objectifs de bon état 2015 ;
- les résultats des travaux préparatoires qui auront pu être effectués par l'ONEMA dans le cadre de l'élaboration du décret listant les ouvrages de pointe dont le plancher est fixé au 20e du module ;
- la cohérence, pour d'autres ouvrages, avec les secteurs et les raisons du suivi imposé dans la liste préparée par l'ONEMA ;
- le manque de données pour établir le module ;
- la proximité dans le temps d'une échéance de renouvellement de titre, lorsque ce suivi peut aider à la préparation de l'étude d'impact ;
- au vu des résultats de la mise en œuvre du SDAGE 2010-2015 et de son programme de mesures, et de quelques années de délivrance des débits réservés relevés en application de cette circulaire, la persistance d'une difficulté d'atteinte du bon état ou du bon potentiel d'une masse d'eau, ou d'alertes environnementales de la part des acteurs locaux représentants les usagers, notamment les fédérations départementales de pêche ou les associations, dès lors que ces difficultés ou ces alertes sont liées essentiellement à des facteurs hydrologiques constatés ;
III.2.3. Critères à prendre en compte pour réviser les débits fixés au plancher
Les critères à prendre en compte sont les suivants :
- principe d'une seule révision ;
- ouvrages n'ayant pas d'échéance et n'étant donc jamais soumis à une procédure de renouvellement permettant de réajuster correctement le débit, et pour lesquels les suivis ou expertises indiquent une insuffisance du débit réservé fixé en 2014 ;
- ne pas demander de révision à moins de cinq ans d'une échéance de renouvellement ;
- prise en compte du rapport coût/bénéfice de cette révision, notamment en appliquant un principe de proportionnalité des travaux nécessaires à cette révision ;
- la révision n'entraîne pas de nouveaux travaux de génie civil à un coût disproportionné sur des ouvrages qui auront déjà fait l'objet de ce type de travaux pour la restitution du nouveau débit réservé en 2014 ;
- bilans d'atteinte des objectifs de bon état ou de bon potentiel et des programmes de mesure établis dans le cadre des bilans à mi-parcours et des révisions des SDAGE, lorsque l'hydrologie est mise en cause.
III.3. Procédure réglementaire de fixation du nouveau débit réservé et de réalisation éventuelle des travaux de modification des ouvrages
Il importe que les autorités administratives examinent dans les meilleurs délais les propositions de relèvement de débit qui leur seront faites par les intéressés, et notamment les dossiers d'exécution des travaux lorsque le respect du relèvement du débit réservé en 2014 dépend de la réalisation de ces travaux.
1. Pour les ouvrages soumis au régime de l'autorisation (au titre de la loi sur l'eau ou également de la loi de 1919), la procédure applicable pour fixer le nouveau débit, ainsi que les éventuelles prescriptions de travaux ou de modifications des modalités d'exploitation de l'installation liées aux nécessités de restitution de ce nouveau débit, est l'arrêté complémentaire après passage au CODERST pris en application des articles R. 214-17 et R. 214-18 CE. Le cas échéant, un arrêté particulier pour les travaux peut être pris séparément de l'arrêté fixant le nouveau débit et les nouvelles modalités d'exploitation.
2. Pour les ouvrages soumis au régime de concession au titre de la loi de 1919, la procédure à suivre est celle prévue par le décret de n° 94-894 du 13 octobre 1994.
Compte tenu de l'importance du changement de débit réservé pour certaines anciennes concessions et des travaux de génie civil qu'il pourra nécessiter pour sa restitution, il est important que ce débit, ses modalités de délivrance et les travaux qu'ils impliquent soient officialisés par un acte administratif d'une validité juridique solide.
En particulier, les actes pris en application du L. 214-18 CE fixant le débit réservé et ses modalités de délivrance, devront faire l'objet d'un passage systématique au CODERST.
Il convient également de distinguer les concessions exploitées selon un cahier des charges établi sur le modèle-type de 1920 de celles exploitées sur le modèle-type de 1999.
2.1. Pour les concessions régies par un cahier des charges sur le modèle-type de 1999 et un règlement d'eau pris en application de l'article 21 de ce cahier des charges et établi par un arrêté préfectoral en application de l'article 26 du décret n° 94-894, les actes administratifs sont à établir en fonction des cas suivants :
- en l'absence de travaux nécessaires à la mise en place du nouveau débit réservé, celui-ci, ainsi que, le cas échéant, ses modalités de délivrance, sont fixés par un arrêté préfectoral modifiant l'arrêté de règlement d'eau en application de l'article 26 du décret de 1994 précité ;
- si la rédaction du III de l'article 17 du cahier des charges de la concession portant sur la révision du débit réservé dans un cadre bien précis prévoit ce basculement sous le nouveau régime juridique lié aux débits réservés, il conviendra de traduire la souplesse des dispositions de cet article dans le nouvel arrêté ;
- si des travaux modifiant les ouvrages sont nécessaires, la procédure applicable, pour régler ces travaux, est celle de l'article 27 du décret n° 94-894. Le projet d'exécution doit être accompagné de tous les éléments nécessaires à l'appréciation des incidences des travaux sur la gestion équilibrée de l'eau et des milieux aquatiques définie à l'article L. 211-1 CE. L'arrêté autorisant l'exécution des travaux qui sera postérieur à celui fixant le débit réservé et ses modalités de délivrance, fixe, le cas échéant, les prescriptions adéquates pour la préservation de cette gestion équilibrée. Dans cette hypothèse, l'arrêté est pris après avis du CODERST.
2.2. Pour les concessions régies par un cahier des charges sur le modèle-type de 1920, les actes administratifs sont à établir en application des articles 14 et 15 de ce cahier des charges. L'article 14 soumet les concessions aux lois et règlements à venir en matière de police des eaux. L'article 15 réserve tout droit à l'administration de prescrire, sans indemnité, les dispositions nécessaires à la réduction des impacts des éclusées sur l'eau et les milieux aquatiques. Ces articles légitiment l'action unilatérale de l'administration en application de l'article L. 214-18 CE, même pour modifier une disposition inscrite dans le cahier des charges.
Le nouveau débit réservé et ses modalités de délivrance, s'agissant de dispositions de police pouvant être modifiées unilatéralement par l'autorité administrative, doivent être fixés par arrêté préfectoral, par référence à la compétence donnée au préfet par l'article 26 du décret de 1994 précité.
En cas de travaux modifiant les ouvrages, il convient d'appliquer l'article 27 comme précisé plus haut.
IV. Points divers
IV.1. Précision sur la deuxième obligation établie par le L. 214-18 CE
L'article L. 214-18 prévoit également l'obligation de mettre en place, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. Cette obligation vise d'une part à éviter la mortalité des poissons par effet de la turbine ou de la conduite forcée, et d'autre part à dissuader le poisson de remonter vers la turbine si celle-ci n'est pas équipée d'une passe, plutôt que vers le barrage et de perdre ainsi un temps qui peut lui être précieux à la montaison.
Cette obligation n'est pas fondamentalement nouvelle pour les ouvrages existants, sauf cas très exceptionnels. La plupart des ouvrages existants auxquels cette obligation s'applique (hydroélectriques) sont équipés à ce titre selon des prescriptions établies dans les limites de la faisabilité technique et des connaissances à un moment donné. Les dispositifs existants peuvent faire l'objet d'améliorations ou d'exigences plus fortes, dans le cadre de la procédure de renouvellement des titres d'autorisation ou de concession, ou, si besoin, par des prescriptions complémentaires nouvelles établies, avant l'échéance, dans le cadre d'objectifs bien particuliers comme le plan de gestion anguille, les classements de cours d'eau, les programmes de mesure des SDAGE ou toute mesure de police justifiée. Le IV de l'article L. 214-18 n'a pas pour objectif, au vu des débats parlementaires, d'imposer la révision généralisée pour une plus grande efficacité d'ici à 2014, de tous les plans de grilles ou dispositifs d'empêchement existants. En revanche, dès lors que des ouvrages n'ont aucun dispositif installé et que la mortalité dans les turbines le justifie, cette obligation d'empêchement d'entrée dans le canal d'amenée et de fuite doit être respectée en 2014, en tenant compte de la faisabilité technique et dans un souci de proportionnalité par rapport aux enjeux et aux coûts.
Cela concerne essentiellement les très anciennes installations autorisées par des titres sans échéance de validité, ou fondées en titre, qui, par exemple, fonctionnaient initialement avec une roue à aube et qui ont depuis été équipées d'une turbine sans que des prescriptions particulières n'aient été prises à l'époque pour traiter les impacts de cette modification sur la mortalité des poissons entrant dans le canal d'amenée. Cette obligation peut être respectée par la mise en place de turbine ichtyocompatibles engendrant une mortalité faible à nulle.
IV.2. Mise à jour des arrêtés d'autorisation et actes pris au titre de la police de la pêche
Les démarches nécessaires pour ce relèvement des débits réservés en 2014, et notamment la nécessité de prendre des arrêtés complémentaires, peuvent être une bonne occasion pour les services de réintégrer dans un seul arrêté, l'ensemble des prescriptions établies pour un même ouvrage au titre de la loi sur l'eau et de la loi pêche de 1984 en reprenant les dispositions dispersées parfois dans des actes différents (prescriptions relatives à la vidange ou prescriptions concernant la passe à poissons au titre des anciens articles de la loi pêche), cette dispersion ne facilitant pas le suivi des ouvrages. Ces démarches peuvent être aussi l'occasion, le cas échéant, de vérifier le bon entretien et le bon fonctionnement des ouvrages de franchissement à la montaison et à la dévalaison.