Texte abrogé par la circulaire n ° BPSPR/2005-371/LO du 8 février 2007

Le ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement à

Mmes et MM. les préfets, M. le préfet de police :

Par la circulaire en date du 7 juin 1996, j'ai précisé à votre attention les conditions de mise en oeuvre des procédures administratives et juridiques concernant la réhabilitation des sites pollués.

Vous savez l'importance qui s'attache au maintien d'une action efficace des pouvoirs publics dans ce domaine.

Je vous prie de bien vouloir trouver, ci-joint, mon analyse des conditions dans lesquelles l'administration peut faire supporter les mesures prévues par l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 par le propriétaire du terrain, de l'immeuble ou des installations industrielles.

Note sur la mise en oeuvre des mesures prévues par l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 envers le propriétaire du terrain, de l'immeuble ou des installations industrielles

L'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement donne au préfet des pouvoirs importants et coercitifs, pour le cas où les conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée ne sont pas respectées. Après mise en demeure restée infructueuse, le préfet peut notamment obliger l'exploitant à consigner une somme répondant du montant des travaux à réaliser, faire procéder d'office aux frais de l'exploitant à l'exécution des mesures prescrites, ou encore utiliser les sommes consignées pour régler les dépenses entraînées par l'exécution d'office des travaux ou mesures prescrites.

La question se pose de savoir si compte tenu de la rédaction de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 qui, définissant le champ d'application de la législation des installations classées, vise les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, le préfet peut mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article 23 de la loi non seulement à l'égard de l'exploitant, mais également le cas échéant à l'égard du propriétaire du terrain, de l'immeuble ou des installations de l'exploitation.

Par un arrêt en date du 14 juin 1994, la Cour administrative d'appel de Paris a répondu par l'affirmative en validant un arrêté préfectoral mettant conjointement et solidairement en demeure la société titulaire de l'autorisation et la société propriétaire de l'immeuble de supprimer un dépôt de fûts toxiques, sur le fondement de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976. Pour sa part, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a adopté une solution inverse, par un arrêt en date du 30 juin 1994 annulant diverses mesures prises par le préfet à l'égard d'une société prise en sa qualité de propriétaire des terrains et installations sur lesquels avaient été constitués des dépôts de matières toxiques.

Le Conseil d'Etat a été saisi de ces deux affaires. Par deux arrêts prononcés le 21 février 1997, la Haute juridiction a estimé que les sociétés en cause ne pouvaient, en leur seule qualité de propriétaire des terrains, immeubles ou installations, être rendues destinataires des mesures prévues à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976.

Postérieurement à ces arrêts, la cour administrative de Lyon s'est prononcée, le 10 juin 1997, sur une question comparable en fonction de la position prise par le Conseil d'Etat. Un particulier avait acquis en 1990 un ensemble de locaux qui avaient été utilisés pour l'exploitation d'une tannerie inscrite à la nomenclature des installations classées mais cette activité avait cessé du fait de la mise en liquidation en 1983 de l'entreprise.

La cour administrative d'appel de Lyon a considéré, dans cette affaire, que les travaux de remise en état du site et d'élimination des déchets en cause incombaient - à défaut d'exploitant présent et solvable - au propriétaire du site pris en sa qualité de détenteur de l'installation classée , alors même que celui-ci n'avait jamais exercé l'activité industrielle à l'origine des dangers.

[CAA Lyon, 10 juin 1997, M. Zoegger ]

Cette jurisprudence a le mérite de mettre un terme au débat qui avait pu récemment apparaître au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

En outre, comme cela a été le cas pour la cour administrative d'appel de Lyon dans l'affaire Zoegger, les juridictions sont désormais en mesure de faire application du principe dégagé par le Conseil d'Etat. Il devrait en résulter une clarification des conditions sous lesquelles les mesures prévues par l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 peuvent être mises à la charge de personnes n'ayant pas la qualité d'exploitant.

1. L'action de l'administration fondée sur l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 doit s'adresser en premier lieu à l'exploitant.

Conformément à une pratique établie, l'administration impose habituellement à l'exploitant (ou au dernier d'entre eux lorsque plusieurs exploitants se sont succédé) les obligations prévues au titre de la législation relative aux installations classées.

Selon une jurisprudence constante (cf. par exemple, CE, 11 avril 1986, Ministre de l'Environnement c/Société des produits chimiques Ugine-Kuhlman ), les contrats de droit privé conclus entre l'exploitant et un tiers en vue de confier à ce dernier le stockage ou l'évacuation des déchets sont inopposables à l'administration. Il en est de même du contrat de location gérance conclu entre l'exploitant et un tiers, du fait notamment de l'absence de respect de la formalité de changement d'exploitant prescrite par l'article 34 du décret du 21 septembre 1977.

Sur ce dernier point cf. : CAA Nancy, 27 novembre 1990, Société Héliogravure Jean-Didier; CAA Nantes, 10 oct. 1990, Maîtres Goupil et Brunet-Beaumel .

2. Pour le cas où l'entreprise fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, l'administration est fondée à utiliser les mesures prévues à l'article 23 de la loi - et plus généralement à imposer les travaux nécessaires à la remise en état du site au titre de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 - en direction du liquidateur, agissant en sa qualité de représentant de l'exploitant.

Sur cette question, cf. : CAA Nantes, Maîtres Goupil et Brunet-Beaumel, précité; CAA Lyon, 5 juillet 1996, Maître Charrière .

3. L'administration conserve la possibilité, en second lieu , et dans l'hypothèse où les mesures prises au titre de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ou de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 seraient restées sans effet, de s'adresser au propriétaire du terrain, de l'immeuble ou des installations de l'exploitation en sa qualité de détenteur.

Mais l'action administrative ne peut alors être engagée, sans préjudice du strict respect des garanties procédurales prévues par la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, que sous la condition que seul le détenteur du terrain de l'installation puisse se voir mettre à charge les mesures prescrites - à défaut d'exploitant présent et solvable .

En tout état de cause, il convient d'observer que la jurisprudence semble interdire à l'administration de mettre à la charge conjointe et solidaire de l'exploitant et du propriétaire les mesures prévues par l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976. Bien entendu, celui à qui une mesure a été prescrite par l'administration peut - s'il s'y croit fondé - se retourner devant la juridiction judiciaire contre les personnes qu'il estimerait également responsables et auquel il entendrait faire supporter tout ou partie des dépenses réalisées. On citera par exemple un jugement du 1er juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris précise que le dernier exploitant qui supporte l'obligation de remise en état du site peut se retourner contre le précédent exploitant auquel il a succédé. De même, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation, des actions récursoires peuvent être présentées par les personnes ayant supporté le coût de la remise en état du site ou de l'élimination des déchets, contre les personnes qu'elles estiment également responsables de cette situation au plan civil.

Sur ce dernier point cf. : Cassation civile, 9 juin 1993, Ville de Montigny-les-Metz et société Malterie de la Moselle; Cassation com., 2 avril 1996, Maître Guillemonat, syndic de la liquidation des biens de la société Fossier-Allard .

 

 

 

 

 

 

 

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