(BOMET n° 1180-86/49 du 19 décembre 1986)


Mme et MM. les Préfets, commissaires de la République.

Nous avons dernièrement demandé à M. le conseiller d'Etat Gardent de constituer un groupe de travail chargé d'examiner la pertinence et l'efficacité des textes permettant de maîtriser l'urbanisation autour d'installations industrielles dangereuses, ainsi que l'opportunité d'y apporter d'éventuels compléments ou réformes. Cette réflexion menée au niveau national devra s'appuyer sur les enseignements tirés d'opérations concrètes engagées actuellement sur quelques sites industriels particulièrement significatifs.

Vous voudrez bien trouver ci-joint, pour votre information, copie de la lettre de mission adressée à M. Gardent.

Sans attendre l'aboutissement des travaux du groupe Gardent, il vous appartient, avec l'aide de votre inspection des installations classées et de la direction départementale de l'équipement, chargée d'assurer la collecte des informations et la conservation des documents nécessaires à l'association de l'Etat dans l'élaboration et la gestion des documents d'urbanisme, de veiller de façon systématique à la prise en compte de la présence d'installations dangereuses dans le cadre de l'élaboration ou la révision de ces documents. Vous veillerez en particulier à ce que les consultations nécessaires soient réalisées avec efficacité au sein des services de l'Etat et à ce que les mesures nécessaires soient bien portées, de manière formelle, à la connaissance des élus responsables dans les délais requis et fassent l'objet, au cours de l'élaboration associée, d'un débat véritable et autant que possible d'un consensus.

Il vous revient également, indépendamment de toute procédure en cours, d'identifier les situations les plus préoccupantes autour des installations dangereuses existantes, qui ont pu se voir entourer progressivement par l'urbanisation.

Les études de danger fournissent, le cas échéant, les éléments d'appréciation pour évaluer les distances nécessaires. Vous pourrez alors appliquer les dispositions déjà prévues par la législation pour empêcher ou limiter l'urbanisation au voisinage de ces usines. Votre action doit se développer selon trois axes :

1. Limiter l'urbanisation autour des installations dangereuses

Les possibilités ouvertes par le Code de l'urbanisme en vue de limiter l'urbanisation autour des installations dangereuses sont actuellement les suivantes :

- en l'absence de P.O.S. opposable au tiers, l'autorité compétente en matière de permis de construire peut refuser une demande de permis, dans ou en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, ou édicter des prescriptions spéciales au motif que la construction serait soumise à un risque (article R. 111-2 du Code de l'urbanisme); cette mesure peut s'appliquer même lorsqu'il existe un P.O.S. opposable aux tiers. Une action de sensibilisation de votre part peut s'avérer déterminante dans ce cas;

- lorsqu'il n'existe pas de P.O.S. opposable aux tiers, l'article L. 421-8 du Code de l'urbanisme vous donne la possibilité de délimiter des périmètres autour des installations classées dangereuses, à l'intérieur desquels peuvent être édictées des règles d'urbanisme particulières;

- lorsqu'un P.O.S. est en cours d'élaboration ou de révision, il vous est possible de faire appel à la procédure de projet d'intérêt général au titre de la prévention des risques (cf. articles L. 121-12 et R. 121-13 du Code de l'urbanisme ainsi que la circulaire interministérielle du 27 juin 1985, Journal officiel du 2 août 1985 );

- lorsqu'un P.O.S. approuvé ne prévoit pas les dispositions permettant de limiter l'urbanisation autour des installations dangereuses, vous pourrez faire usage des dispositions de l'article L. 123-7-1 du Code de l'urbanisme pour obtenir sa révision ou sa modification, dans le cadre d'un projet d'intérêt général.

Les distances d'éloignement des installations classées, que vous devez fixer dans les arrêtés d'autorisation de ces installations, peuvent notamment servir de référence à votre action en matière d'application du règlement national d'urbanisme et d'élaboration ou de révision de P.O.S.

Enfin, vous devrez inciter les industriels à acquérir des terrains autour de leurs installations dangereuses ou des servitudes amiables sur ces terrains. De telles mesures de droit privé sont en effet de nature à conforter et compléter utilement les mesures administratives.

2. Améliorer la sécurité des installations industrielles

La plupart des installations à haut risque sont visées par la directive européenne Seveso et doivent donc, en application des arrêtés que vous prenez, réaliser à court terme une étude des dangers ou une étude de sûreté.

Les conclusions tirées de ces études par vos inspecteurs des installations classées vous amèneront à imposer des prescriptions complémentaires, qu'il faudra particulièrement adapter aux situations difficiles des usines dangereuses situées en milieu habité.

3. Organiser les secours et l'information des populations

Une efficacité maximale des plans opérationnels doit être obtenue dès lors que certaines zones habitées ou fréquentées par le public sont exposées particulièrement aux conséquences d'un sinistre. L'alerte doit en particulier pouvoir être donnée instantanément et les personnes doivent disposer d'une information détaillée et souvent renouvelée sur la conduite à tenir (sous forme de plaquette, par exemple). Des exercices associant la population la plus proche peuvent être envisagés.

Nous vous informerons dès que possible des enseignements qui seront tirés des travaux menés par M. le conseiller d'Etat Gardent et nous vous adresserons alors des instructions complémentaires.

Les services compétents préparent parallèlement des instructions techniques concernant la fixation des distances à maintenir autour de certains types d'installations dangereuses, comme par exemple les grands stockages de gaz combustibles liquéfiés. Sans attendre de telles instructions, vos services d'inspection peuvent se mettre en relation avec les spécialistes de la direction de la prévention des pollutions pour obtenir la documentation ou les renseignements techniques utiles.

Nous souhaitons, par ailleurs, que vous nous teniez informés des actions que vous mènerez dans l'esprit de la présente circulaire, sous le timbre de la direction de la prévention des pollutions (service de l'environnement industriel) et de la direction de l'architecture et de l'urbanisme (bureau AU/J1).

Copie de la lettre de mission adressée à M. Gardent.

Monsieur le Conseiller d'Etat,

Les accidents industriels majeurs intervenus ces dernières années dans le monde ont mis en lumière le caractère potentiellement catastrophique de la proximité géographique entre les établissements industriels dangereux et certaines zones vulnérables, en particulier les zones habitées.

La prévention des risques industriels majeurs est assurée en France à travers la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, qui prévoit des procédures d'autorisation préalable pour l'exercice des activités dangereuses. La délivrance des autorisations peut être subordonnée à leur éloignement des urbanisations existantes ainsi que des zones destinées à l'urbanisation dans les documents d'urbanisme opposables, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 19 juillet 1976.

Or, si la législation des installations classées prévoit bien la faculté de s'opposer à l'implantation d'établissements dangereux dans un environnement vulnérable, elle ne répond pas à la situation inverse et n'emporte aucune conséquence juridique quant au développement de l'urbanisation à proximité des établissements existants.

Les difficultés juridiques et pratiques liées à la mise en place de distance d'isolement avaient été examinées en 1983 par un groupe de travail constitué au sein du Conseil général des Ponts et Chaussées, présidé par l'ingénieur général Lerouge.

Depuis lors, la décentralisation est venue modifier sensiblement le contexte juridique, et la réalité rappelle malheureusement que la croissance de l'urbanisation autour des usines dangereuses constatée depuis une trentaine d'années représente une source de dangers jusqu'alors sous-estimée.

Afin que les commissaires de la République concernés soient à même de prendre les mesures destinées à assurer une maîtrise satisfaisante de l'urbanisation au voisinage des établissements dangereux, notamment lors de l'établissement des P.O.S., plusieurs études exploratoires sont actuellement engagées sur quelques sites industriels particulièrement significatifs.

Nous souhaitons constituer sous votre présidence un groupe de travail chargé d'examiner la pertinence et l'efficacité des textes actuels et l'opportunité d'éventuels compléments ou réformes, tant législatifs que réglementaires, à la lumière des opérations susvisées dont il suivra la mise en oeuvre au plan national.

Ce groupe devrait associer les administrations centrales concernées, notamment la direction de la prévention des pollutions, la direction de l'architecture et de l'urbanisme, la direction générale des collectivités locales, la direction de la défense et de la sécurité civiles, la direction de la qualité et la sécurité industrielles. Il devrait également comprendre des représentants des services extérieurs de l'Etat concernés ainsi que les partenaires intéressés, élus et industriels, et des personnalités qualifiées.

Nous saisissons à cet égard l'association des maires de France, l'union des industries chimiques, l'union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole, le syndicat des fabricants d'explosifs et produits accessoires et le général Charles Férauge, ancien commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et membre du Conseil supérieur des installations classées. Nous comptons également faire appel à un directeur départemental de l'équipement et à un directeur régional de l'industrie et de la recherche.

Nous souhaitons disposer de votre rapport et de vos propositions éventuelles au plus tard au premier trimestre 1987.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Conseiller d'Etat, l'assurance de nos sentiments les meilleurs.

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