(JO n° 303 du 30 décembre 2023)


NOR : ENER2231698D

Publics concernés : opérateurs économiques des territoires d'outre-mer prenant part à la chaîne de production et de distribution de combustibles ou de carburants issus de la biomasse.

Objet : définition des dérogations aux critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre des combustibles ou carburants solides et gazeux issus de la biomasse s'appliquant dans les territoires d'outre-mer.

Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française.

Notice : le décret précise les dérogations s'appliquant dans les territoires d'outre-mer relatives au titre VIII du livre II des parties législative et réglementaire du code de l'énergie portant sur les critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre s'appliquant à la production d'énergie à partir de biomasse. En l'espèce, il n'introduit de critère dérogatoire que pour le territoire de la Guyane et de La Réunion. Il précise par ailleurs le statut juridique de la biomasse extraite de la retenue hydroélectrique de Petit-Saut en Guyane.

Références : le décret vient en application de l'article L. 281-12 du code de l'énergie introduit par l'ordonnance n° 2021-235 du 3 mars 2021 portant transposition du volet durabilité des bioénergies de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, article prévoyant la possibilité d'introduire des dérogations dans les territoires d'outre-mer. Concernant la biomasse extraite de la retenue de Petit-Saut, le texte applique l'article L. 281-4. Le décret peut être consulté sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).

Vus

La Première ministre,

Sur le rapport de la ministre de la transition énergétique,

Vu la directive (UE) 2018/2001 du Parlement et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ;

Vu le règlement (UE) 2023/1115 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 relatif à la mise à disposition sur le marché de l'Union et à l'exportation à partir de l'Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010 ;

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 281-1 à L. 283-4, L. 283-1 à L. 283-4 et R. 281-2 ;

Vu le code de l'environnement, notamment son article L. 120-1 ;

Vu le décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016 portant approbation du schéma d'aménagement régional de la Guyane ;

Vu le décret n° 2017-457 du 30 mars 2017 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie de la Guyane et le décret n° 2021-1126 du 27 août 2021 modifiant le décret n° 2017-457 du 30 mars 2017 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie de la Guyane;

Vu le décret n° 2011-1609 du 22 novembre 2011 portant approbation du schéma d'aménagement régional de La Réunion ;

Vu le décret n° 2022-575 du 20 avril 2022 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie de La Réunion ;

Vu les observations formulées lors de la consultation du public réalisée du 15 décembre 2022 au 13 janvier 2023, en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;

Vu les observations formulées lors de la consultation de l'Assemblée de Guyane réalisée du 21 décembre 2022 au 21 janvier 2023, en application de l'article L. 7152-2 du code général des collectivités territoriales ;

Vu l'avis du Conseil supérieur de l'énergie en date du 20 décembre 2022 ;

Vu l'avis du Conseil national de l'évaluation des normes en date du 9 février 2023,

Décrète :

Article 1er du décret du 28 décembre 2023

I. Sous réserve de la réglementation européenne en matière de lutte contre la déforestation et conformément à l'article L. 281-12 du code de l'énergie, pour la production de combustibles ou carburants issus de la biomasse, au sens du titre VIII du livre II du code de l'énergie, et utilisés dans des installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid, le territoire de la Guyane bénéficie des dérogations suivantes :

1° La biomasse forestière issue d'opérations de défrichement ou de déboisement sur le territoire guyanais, quelle que soit la destination des terres défrichées ou déboisées, n'est pas tenue de respecter les critères énoncés à l'article L. 281-9 du code de l'énergie ;

2° La biomasse agricole produite sur le territoire guyanais peut provenir des terres qui, au 1er janvier 2008 ou ultérieurement, relèvent des catégories de terres 1°, 2° et 4° b du I et 1°, 2° et 3° du II de l'article R. 281-2 du code de l'énergie ;

La production d'électricité, de chaleur et de froid à partir de combustibles ou carburants solides et gazeux issus de la biomasse forestière ou de la biomasse agricole bénéficiant des dérogations mentionnées au 1° et au 2° du présent I n'est pas tenue de respecter les critères de réduction d'émission de gaz à effet de serre prévus à l'article L. 281-6 du code de l'énergie.

Pour l'application du 2° du I du présent article, les savanes sur zones hydromorphes sont considérées comme relevant de la catégorie 4° a du I de l'article R. 281-2 du code de l'énergie et ne bénéficient pas de la dérogation prévue à cette disposition.

Sans préjudice du point 1° du I du présent article et pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 281-12 du code de l'énergie, la biomasse forestière issue d'opérations de défrichement ou de déboisement sur le territoire guyanais et utilisée dans les installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid et dépassant les seuils prévus au I de l'article L. 281-4 du même code n'est considérée comme durable que si la preuve est apportée que les opérations dont elle est issue ont été opérées conformément à la réglementation en vigueur et, pour les opérations de défrichement ou de déboisement à vocation agricole, que si ces dernières ont été réalisées dans des zones dédiées à l'agriculture conformément au schéma d'aménagement régional.

Sans préjudice du point 2° du I du présent article et pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 281-12 du code de l'énergie, la biomasse agricole produite sur le territoire guyanais et utilisée dans les installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid et dépassant les seuils prévus au I de l'article L. 281-4 du même code n'est considérée comme durable que si la conversion en terre agricole, lorsqu'elle a eu lieu après le 31 décembre 2022, a été réalisée conformément à la réglementation en vigueur, si les terres agricoles exclusivement dédiées à la production de biomasse utilisée à des fins de production d'énergie ne dépassent pas 15 % de la « surface agricole utilisée » du territoire, et si la « surface agricole utilisée » à vocation alimentaire reste au-dessus d'un rapport de 12 hectares pour 100 habitant.

Les dérogations prévues au I du présent article sont applicables au plus tard jusqu'en 2047.

II. Les installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid et bénéficiant des dérogations mentionnées au I du présent article pour leur approvisionnement présentent, lors de leur candidature à une aide publique déposée postérieurement à l'entrée en vigueur du présent décret, puis annuellement à partir leur mise en service, un bilan quantitatif complet de leur approvisionnement en combustibles.

Ce bilan détaille notamment les volumes et quantités d'énergie relatifs aux combustibles ou carburants issus de la biomasse bénéficiant des dérogations prévues au I du présent article avec l'indication de la nature du combustible et de la commune d'origine.

III. Dans l'année qui précède chaque mise à jour de la programmation pluriannuelle de l'énergie de la Guyane, et au plus tard tous les 5 ans à compter de leur mise en service, les installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid et bénéficiant des dérogations mentionnées au I du présent article pour leur approvisionnement, présentent un rapport décrivant la trajectoire de diminution, cohérente avec l'échéance mentionnée au I, de la consommation de combustibles ou carburants issus de la biomasse bénéficiant des dérogations prévues au I du présent article.

Ce rapport établit le récapitulatif des consommations de combustibles constatées depuis la mise en service de l'installation et leur évolution annuelle.

Il détaille les volumes et quantités d'énergies relatifs aux combustibles alternatifs envisagés dans le cadre de la trajectoire mentionnée ci-dessus, en s'efforçant d'en préciser la nature, l'origine géographique, le coût, l'impact comparatif estimé en termes d'émissions de gaz à effet de serre, l'horizon temporel de disponibilité.

Il tient compte des ressources estimées dans les études les plus à jour en lien avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, le programme régional de la forêt et du bois ou le schéma d'aménagement régional, ainsi que de la réglementation européenne applicable, notamment celle en matière de lutte contre la déforestation.

Pour les installations candidatant à une aide publique postérieurement à l'entrée en vigueur du présent décret, ce rapport est présenté conjointement à ladite candidature.

IV. Les bilans et rapport mentionnés au II et au III du présent article sont publiés sur le site internet des services de l'Etat en Guyane, assortis d'un avis des services de l'Etat sur leur contenu.

Article 2 du décret du 28 décembre 2023

En application du II de l'article L. 281-4 du code de l'énergie, la biomasse issue de la retenue hydroélectrique de Petit-Saut en Guyane est considérée comme un résidu d'une activité de production énergétique et ne doit remplir que les critères de réduction des émissions de gaz à effet de serre des articles L. 281-5 et L. 281-6 du même code.

Article 3 du décret du 28 décembre 2023

I. Sous réserve de la réglementation européenne en matière de lutte contre la déforestation et conformément à l'article L. 281-12 du code de l'énergie, pour la production de combustibles ou carburants issus de la biomasse, au sens du titre VIII du livre II du code de l'énergie, et utilisés dans des installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid, le territoire de La Réunion bénéficie des dérogations suivantes :

1° La biomasse forestière issue d'opérations de défrichement ou de déboisement réalisées sur le territoire de La Réunion à des fins de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, ou à des fins de restauration du caractère agricole de certaines parcelles, n'est pas tenue de respecter les critères énoncés à l'article L. 281-9 du code de l'énergie ;

2° La biomasse agricole issue d'opérations réalisées sur le territoire de La Réunion à des fins de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, ou à des fins de restauration du caractère agricole de certaines parcelles, peut provenir des terres qui, au 1er janvier 2008 ou ultérieurement, relèvent des catégories de terres 1°, 2° et 4° du I et 1°, 2° et 3° du II de l'article R. 281-2 du code de l'énergie.

La production d'électricité, de chaleur et de froid à partir de combustibles ou carburants solides et gazeux issus de la biomasse forestière ou de la biomasse agricole bénéficiant des dérogations mentionnées au 1° et au 2° du présent I n'est pas tenue de respecter les critères de réduction d'émission de gaz à effet de serre prévus à l'article L. 281-6 du code de l'énergie.

Sans préjudice du premier alinéa du I du présent article et pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 281-12 du code de l'énergie, la biomasse forestière et agricole produite sur le territoire de La Réunion et utilisée dans les installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid et dépassant les seuils prévus au I de l'article L. 281-4 du code de l'énergie n'est considérée durable qu'à condition que :
- les opérations dont la biomasse est issue ont été opérées conformément à la réglementation en vigueur ;
- les opérations dont la biomasse est issue répondent aux objectifs et modalités prévues dans la charte du Parc national de La Réunion, dès lors que ces opérations ont lieu dans le cœur ou l'aire d'adhésion du Parc ;
- dans le cas d'opération de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, le volume total de la biomasse extraite à l'issue est constitué à plus de 90 % par des espèces invasives.

Les dérogations prévues au I du présent article sont applicables au plus tard jusqu'en 2047.

II. Les installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid et bénéficiant des dérogations mentionnées au I du présent article pour leur approvisionnement présentent, lors de leur candidature à une aide publique déposée postérieurement à l'entrée en vigueur du présent décret, puis annuellement à partir leur mise en service, un bilan quantitatif complet de leur approvisionnement en combustibles.

Ce bilan détaille notamment les volumes et quantités d'énergie relatifs aux combustibles ou carburants issus de la biomasse bénéficiant des dérogations prévues au I du présent article avec l'indication de la nature du combustible et de la commune d'origine.

III. Dans l'année qui précède chaque mise à jour de la programmation pluriannuelle de l'énergie de La Réunion, et au plus tard tous les 5 ans à compter de leur mise en service, les installations produisant de l'électricité ou de la chaleur ou du froid et bénéficiant des dérogations mentionnées au I du présent article pour leur approvisionnement, présentent un rapport décrivant la trajectoire de diminution, cohérente avec l'échéance mentionnée au I, de la consommation de combustibles ou carburants issus de la biomasse placés sous dérogation.

Ce rapport établit le récapitulatif des consommations de combustibles constatées depuis la mise en service de l'installation, et leur évolution annuelle.

Il détaille les volumes et quantités d'énergies relatifs aux combustibles alternatifs envisagés dans le cadre de la trajectoire mentionnée ci-dessus, en s'efforçant d'en préciser la nature, l'origine géographique, le coût, l'impact comparatif estimé en termes d'émissions de gaz à effet de serre, l'horizon temporel de disponibilité.

Il tient compte des ressources estimées dans les études les plus à jour en lien avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, le programme régional de la forêt et du bois ou le schéma d'aménagement régional, ainsi que de la réglementation européenne applicable, notamment celle en matière de lutte contre la déforestation.

Pour les installations candidatant à une aide publique postérieurement à l'entrée en vigueur du présent décret, ce rapport est présenté conjointement à ladite candidature.

IV. Les bilans et rapport mentionnés au II et au III du présent article sont publiés sur le site internet des services de l'Etat à La Réunion, assortis d'un avis des services de l'Etat sur leur contenu.

Article 4 du décret du 28 décembre 2023

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la ministre de la transition énergétique et le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 28 décembre 2023.

Élisabeth Borne

Par la Première ministre :
La ministre de la transition énergétique,
Agnès Pannier-Runacher

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer,
Gérald Darmanin

Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire,
Marc Fesneau

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
Christophe Béchu

Le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer,
Philippe Vigier