(circulaires.legifrance.gouv.fr)


NOR : DEVP1529009J

La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie,

et

Le ministre de l'intérieur,
à

Pour exécution :

Préfets de région littorale de l'arc méditerranéen
- Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)
Préfets de département littoral de l'arc méditerranéen
- Direction départementale des territoires et de la mer (DDT(M))

Pour information :

Secrétariat général du Gouvernement
Secrétariat général du MEDDE et du MI
Direction générale de la prévention des risques (DGPR)
Direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (DGSCGC)

Résumé

Suite aux averses orageuses et inondations dramatiques dans les Alpes-Maritimes les 3 et 4 octobre 2015, les préfets de région et de département de l'Arc Méditerranéen doivent prendre avec les collectivités des mesures d'information des populations (dossier d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM), de réduction de la vulnérabilité des habitations, de prise en compte des effets du ruissellement dans les documents de prévention (plans de prévention des risques naturels (PPRN) et d'urbanisme (plans locaux d'urbanisme (PLU) et dans les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), contrôler les mesures prises dans les campings et réaliser les plans communaux de sauvegarde (PCS) dans les meilleurs délais.

Chaque préfet de département concerné transmettra à la direction générale de la prévention des risques (DGPR / SRNH) et à la direction générale de la sécurité civile (DGSCGC), d’ici le 1er mars 2016, un état d’avancement circonstancié des mesures engagées en application de la présente instruction. Ce point d’avancement présentera, le cas échéant, pour chaque mesure, les raisons des retards constatés et proposera un échéancier précis et argumenté de mise en oeuvre.

Catégorie : Directive adressée par les ministres aux services chargés de leur application Domaine : Ecologie développement durable –Risques naturels
Intérieur - Sécurité civile

Type : Instruction du gouvernement et /ou

            oui              non 

 Instruction aux services déconcentrés

    oui                 non

Mots clés liste fermée : Energie, Environnement Sécurité Mots clés libres : Information ; plan ; prévention ;
risque naturel; méditerranée ; ruissellement ;
cévenole.

Textes de référence :

- Code de l’environnement : Articles L.125-2 et R.125-9 à R.125-22, L. 562-1 à L. 566-12 et R. 562-1 à R. 566-18,
- Code de l'urbanisme : Articles L.443-2 et R.443-1 à R.443-16,
- Code de sécurité intérieure : Articles L.731-3 et R. 731-1 à R. 731-10,
- Circulaire du 7 avril 2010 relative aux mesures à prendre suite à la tempête Xynthia du 28 février 2010,
- Circulaire du 17 février 2011 relative aux suites de la tempête Xynthia et des inondations du Var, validation du plan submersion rapide, lancement du nouvel appel à projet PAPI,
- Instruction du Gouvernement du 6 octobre 2014 relative à l'application de la réglementation spécifique aux terrains de camping et de caravanage situés dans les zones de submersion rapide.

Circulaire(s) abrogée(s) :
Date de mise en application : Immédiate
Pièce(s) annexe(s) :
N° d’homologation Cerfa :
Publication BO Site circulaires.gouv.fr

Des pluies et averses orageuses, d'une intensité exceptionnelle et très localisées, ont lourdement affecté le département des Alpes Maritimes les 3 et 4 octobre 2015. Elles ont entraîné de graves inondations qui ont provoqué le décès de 20 personnes et causé des dommages considérables.

Cet épisode, lié aux phénomènes météorologiques récurrents de type méditerranéen qui se produisent généralement au début de l'automne, fait suite aux nombreux épisodes de l’année 2014.

Ces événements dramatiques récents, dont les conséquences sont aggravées en raison de la vulnérabilité croissante des territoires impactés et qui pourraient se multiplier avec le changement climatique, nous conduisent à vous demander de prendre, sans attendre, des mesures de prévention et de sauvegarde spécifiques aux territoires du pourtour méditerranéen.

Ces mesures s’appuient sur les premiers résultats des retours d’expérience que vous avez conduits, sur ceux réalisés par Météo France à notre demande ainsi que sur la consultation des parties prenantes dans le cadre du développement des actions de culture du risque, que nous avons menée lors de la réunion de la Commission mixte inondations du 5 novembre dernier.

Ces mesures de prévention visent, pour l’Etat et les collectivités à :
- renforcer le niveau d'information et promouvoir les comportements adaptés des populations ;
- réduire la vulnérabilité des habitations situées sur des terrains inondables, en ciblant plus particulièrement l'exposition des parkings souterrains aux phénomènes de ruissellements rapides ;
- améliorer la prise en compte des effets du ruissellement dans la réglementation et les pratiques en matière d’aménagement et d’urbanisme des territoires exposés (PLU, PPR…) ;
- déployer les programmes d’action de prévention des inondations (PAPI) sur tous les territoires, en développant un volet ruissellement incluant des mesures adaptées ;
- contrôler et faire réaliser les mesures de prévention dans les campings exposés ;
- préparer la crise en réalisant les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS).

1. L’information des populations :

L'information préventive sur les risques est une obligation partagée entre les collectivités
publiques.

Nous constatons qu’au niveau national, seulement 25 % des communes ayant obligation de le faire, disposent d’un document communal d’information sur les risques majeurs (DICRIM) qui doit permettre à la population de connaître les risques auxquelles elle est exposée. Le taux de réalisation n’est pas meilleur sur l’arc méditerranéen : sur les 1 795 communes qui doivent l’élaborer, seules 496 d’entre elles (soit 26 %) l’ont fait.

Vous établirez donc un état faisant ressortir le niveau de réalisation et de diffusion de ces documents ainsi que leurs modalités d’accès par le public. Par ailleurs, à partir d'un échantillon représentatif, vous mesurerez la qualité et la lisibilité de leur contenu.

Vous fixerez un objectif de doublement des communes dotées d'un DICRIM dans votre département, ainsi qu’un niveau de réalisation à 100% d’ici fin 2017.

Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, vous veillerez à transmettre aux maires l’ensemble des informations nécessaires pour l’élaboration du DICRIM que vous détenez.

A cet égard, vous vous assurerez que les dossiers départementaux des risques majeurs que vous avez la responsabilité d’élaborer soient à jour et aient fait l’objet d’une révision dans les cinq dernières années.

Vous développerez, en lien avec les collectivités, une information spécifique à destination des habitants des bâtiments collectifs situés sur des terrains inondables et disposant de parkings souterrains. Vous inviterez notamment les professionnels de l'immobilier (gérants, syndics, agents immobiliers) à sensibiliser directement les occupants, sur les risques qu’un conducteur encourt s’il prend son véhicule au moment où survient un phénomène de ruissellement présentant des niveaux d'eau de 20 à 30 cm de hauteur.

A cet effet, le ministère de l’Ecologie va acquérir et mettre à votre disposition des démonstrateurs et documents de sensibilisation.

Nos services complètent également leur partenariat avec l’IFFO-RME, association qui intervient en milieu scolaire, afin de mener, en trois ans, des opérations de sensibilisation sur l’ensemble des établissements du second degré de vos départements, en soulignant notamment l’importance des plans particulier de mise en sûreté (PPMS).

Vous poursuivrez, conjointement avec les élus, les actions que vous avez déjà engagées pour informer nos concitoyens sur les comportements à adopter lors d’intempéries, et notamment sur :
- la nécessité de rester à l'abri pendant ces événements dans des locaux non inondables ;
- les risques de se déplacer en voiture ou à pied, quel que soit le niveau des écoulements d’eau ;
- le risque de s'engager sur des gués et ponts submersibles ;
- le risque de s’engager dans les trémies inondées au niveau des passages inférieurs.

Vous vous assurerez de la diffusion de ces messages, en les adaptant le cas échéant, lors des événements climatiques graves.

2. La vulnérabilité des bâtiments et parkings

Nous vous invitons à faire réaliser par les propriétaires une analyse détaillée de la vulnérabilité des rez-de-chaussée et sous-sols des bâtiments collectifs d’habitation situés en zones réglementées des plans de prévention des risques (PPR) et/ou à proximité des cours d’eau ou de points bas, dont l'inondation pourrait faire des victimes.

Une réflexion avec les propriétaires et les syndicats de copropriétés devra être conduite, à l'initiative des collectivités, à l’occasion de l’élaboration des plans communaux de sauvegarde.

Nous vous demandons d’initier et d’accompagner cette démarche.

Vous demanderez donc aux maires de recenser :
- les immeubles et établissements ayant des parkings en sous-sol dans les zones réglementées des PPR, ou proches de cours d'eau ou de points bas, pour :
- donner aux occupants l’information nécessaire ;
- envisager les mesures de réduction de vulnérabilité, notamment par rétention, détournement, relèvement de seuil ou adaptation de la construction.
- les voiries inondées, les trémies, les parkings en surface, les centres commerciaux et les campings en zones d'aléa fort qui pourraient devoir faire l’objet de mesures de fermeture et évacuation pendant une crise.

3. La maîtrise de l’urbanisation sur les territoires concernés

Sur les territoires sinistrés des communes concernées par des phénomènes de ruissellement, vous analyserez le contenu des plans de prévention du risque inondation approuvés, en cours d’élaboration ou qui seraient à prescrire au regard des enseignements tirés des événements récents.

Vous examinerez plus particulièrement la prise en compte, par ces PPRI, des ruissellements rapides constatés lors de ces événements. Vous vous appuierez sur les DDTM ainsi que sur les DREAL pour identifier les adaptations éventuellement nécessaires. Vous pourrez également mobiliser le réseau technique du MEDDE en vue d’une aide méthodologique.

Au regard de ces éléments, vous établirez un programme prioritaire d’élaboration ou de révision visant à y intégrer ce risque. Vous assortirez ce programme d’un test et d'un calendrier d’exécution.

Vous demanderez aux maires et présidents des établissements publics de coopération intercommunale concernés une analyse des projets de construction en zone inondable constructible afin d’interdire le cas échéant la réalisation de tout projet d’aménagement qui s’avérerait situé en secteur de menace grave ou de prescrire des travaux d'adaptation visant à éviter tout dommage grave aux personnes et aux biens.

Par ailleurs, vous inviterez les collectivités à réviser les plans locaux d’urbanisme (PLU) qui ne prennent pas suffisamment en compte ces risques et à intégrer le risque d’inondation (notamment par ruissellement) dans tout projet d’aménagement situé sur les territoires sinistrés.

En application de la stratégie nationale de gestion des risques d’inondation (SNGRI) et des plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) approuvés, vous mettrez à profit le processus d’élaboration des stratégies locales de gestion des risques d’inondation en cours pour formuler des propositions sur la prise en compte des ruissellements dans l'aménagement des territoires et dans l'adaptation de l'existant.

4. Le renforcement du volet ruissellement des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI)

Le phénomène de ruissellement, particulièrement marqué dans les régions du pourtour méditerranéen, doit être pris en compte dans les PAPI.

Vous inciterez les collectivités à :
- concevoir des mesures spécifiques pour réaliser des ralentissements en secteur d'expansion et favoriser l’infiltration dans les sols et la transparence hydraulique en secteur construit ;
- repérer les obstacles aux écoulements tant sur les cours d'eau que sur les thalwegs secs construits en analysant, selon l'état du cours d'eau en amont, les risques d'embâcles ou de vague torrentielle ;
- reprendre les ouvrages insuffisants ou faisant obstacle pour faciliter le passage de l’eau.

Vous ferez le recensement des mesures déjà existantes dans les PAPI réalisés et examinerez les mesures nouvelles à prendre. Vous veillerez à promouvoir les PAPI sur les territoires non couverts en développant tout particulièrement le volet ruissellement.

5. Le cas particulier des campings en zones à risques

Nous vous rappelons les termes de notre instruction du 6 octobre 2014 et vous demandons de bien vouloir adresser, d’ici au 31 janvier 2016, sous le timbre de nos deux ministères, un état des actions que vous avez menées depuis lors.

Vous rappellerez aux maires et gestionnaires de camping leurs responsabilités respectives en matière de sécurité, ainsi que les mesures préventives à prendre notamment concernant les aires de regroupement et de refuge.

En cas de vigilance pluies-inondations ou vigilance-crues de niveau orange, vous examinerez avec les maires la nécessité de procéder à l’évacuation des campings exposés. En tout état de cause, en cas de niveau de vigilance rouge, cette évacuation devra être engagée sans délai.

Vous inciterez les gestionnaires de campings à se doter d'un dispositif de pré-alerte et d'évacuation préventive.

Les exercices d'évacuation sont de bons moyens pour mesurer le niveau de préparation des différents intervenants et vérifier le caractère opérationnel des dispositifs d’alerte et d’évacuation. En lien avec les maires concernés, les services d’incendie et de secours, et de sécurité, vous mettrez en oeuvre de tels exercices, en prenant en compte dans les scénarios retenus l’hypothèse d’une évacuation de nuit.

Vous accélérerez les délais de réalisation des contrôles prévus par l’instruction précitée. En cas de manquement aux mesures de sécurité, vous prendrez, en lien avec les maires, les mesures utiles, pouvant aller jusqu’à la fermeture des sites, en cas de risques trop élevés pour la sécurité des populations ou de non-respect par les exploitants de leurs obligations.

6. La préparation de la crise

Le plan communal de sauvegarde définit, sous l'autorité du maire, l'organisation prévue par la commune pour assurer l'alerte, l'information, la protection et le soutien de la population au regard des risques connus. Il établit un recensement et une analyse des risques à l'échelle de la commune. Il intègre et complète les documents d'information élaborés au titre des actions de prévention. Le plan communal de sauvegarde complète les plans ORSEC de protection générale des populations.

Lors des récents événements, il s’est avéré dans les communes qui l’avaient réalisé un outil précieux et efficace pour les autorités municipales.

Aussi, vous vous assurerez que les PCS soient effectivement réalisés dans les deux ans après qu’ils sont devenus obligatoires et à ramener, autant que possible, ce délai à un an. Vous favoriserez leur élaboration à l'échelle intercommunale, là où les dynamiques et les enjeux territoriaux s'y prêtent.

Les services de l’Etat placés sous votre autorité pourront apporter un appui aux maires dans la réalisation de ces plans, selon des modalités qu’il vous appartient de déterminer. Nous vous rappelons que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises a élaboré une trame-type de plan communal dont peuvent s’inspirer les maires.

Vous vérifierez, à partir d’un échantillon représentatif, que le contenu de ces plans permet bien la définition précise des rôles des autorités. Il importe que leur contenu soit complet et de qualité, conformément aux guides et recensements de bonnes pratiques qui vous ont été adressés.

Vous veillerez aussi à intégrer pleinement les maires dans les exercices de sécurité civile, afin de leur permettre de tester la pertinence de ces plans.

Par ailleurs, nous avons demandé au président de Météo-France de mettre en oeuvre un dispositif permettant le passage en vigilance rouge pluies-inondations sur observation d’un phénomène particulièrement intense.

D’autres mesures seront sans doute nécessaires, au regard du retour d’expérience que vous conduirez.

Vous convoquerez dans les meilleurs délais, selon l’organisation que vous avez arrêtée, la commission départementale des risques naturels majeurs ou la commission départementale de sécurité civile pour présenter les premières mesures à prendre.

Dans cette démarche, vous associerez les maires et présidents des EPCI ainsi que tous les acteurs et parties prenantes concernés.

Par ailleurs, vous veillerez à la bonne coordination au niveau régional et au niveau des bassins de la prise en compte des orientations fixées par le PGRI, et plus particulièrement celles traitant des questions de ruissellement.

Vous voudrez bien nous rendre compte, dans un délai de trois mois, sous double-timbre de la direction générale de la prévention des risques et de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises des mesures que vous aurez engagées en application de la présente instruction et des éventuelles difficultés d’application que vous pourriez rencontrer dans sa mise en oeuvre.

La présente instruction du Gouvernement sera publiée aux Bulletins officiels du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et du ministère de l'intérieur ainsi que sur le site internet http://circulaires.legifrance.gouv.fr/.

Fait le 31 décembre 2015.

Ségolène Royal

Bernard Cazeneuve