(JO n° 137 du 15 juin 2014)
NOR : DEVL1407054P
Monsieur le Président de la République,
Dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013, un programme transversal et pluriannuel de simplification des démarches administratives et des normes législatives et réglementaires a été décidé afin de mettre en œuvre le « choc de simplification ». Dans ce contexte, le Gouvernement a demandé la mise en place de nouvelles procédures à examiner au travers d'expérimentations dès 2014.
Par ailleurs, les états généraux de la modernisation du droit de l'environnement, dont la mise en place est issue de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, ont conclu sur la nécessité de réformer le droit de l'environnement en se dirigeant vers une unification des procédures et la fusion des autorisations administratives. La feuille de route du Gouvernement pour la modernisation du droit de l'environnement a prévu d'étudier la mise en place d'un « permis environnemental unique » et d'une autorisation unique sur la base d'expérimentations.
C'est dans ce contexte qu'a été envisagée la conduite d'une expérimentation d'autorisation unique en matière d'installations, d'ouvrages, de travaux ou d'activités relevant de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006).
En application de ces orientations stratégiques et dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, l'article 15 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a autorisé ce dernier à prendre par ordonnance toutes les dispositions requises pour mettre en place cette expérimentation dans un nombre limité de départements.
Ainsi, la loi d'habilitation autorise le préfet de département à délivrer aux porteurs de projets intéressés une décision unique, dans le cadre d'une procédure unique d'instruction, et regroupant l'ensemble des décisions de l'Etat relevant :
- du code de l'environnement : autorisation au titre de la loi sur l'eau, au titre des législations des réserves naturelles nationales et des sites classés, dérogation à l'interdiction d'atteinte aux espèces et habitats protégés ;
- du code forestier : autorisation de défrichement.
Cette expérimentation d'une durée de trois ans est prévue pour être appliquée à tous les départements relevant des régions Rhône-Alpes (Savoie, Haute-Savoie, Isère, Drôme, Ain, Rhône, Loire, Ardèche) et Languedoc-Roussillon (Lozère, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales).
Dans le même cadre, la loi d'habilitation a autorisé à mettre en place cette procédure unique des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) en articulant la décision unique avec d'autres procédures et autorisations connexes relevant d'autres législations, à savoir avec la délivrance :
- des autorisations du code de l'urbanisme (permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir, déclaration préalable) ;
- de l'autorisation d'occuper le domaine public ;
- de l'autorisation d'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine.
I. Objectif général de l'ordonnance
Actuellement, un même projet d'installations, d'ouvrages, de travaux et d'activités soumis au régime d'autorisation de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques peut relever simultanément de plusieurs autorisations environnementales : autorisation spéciale au titre des réserves naturelles nationales, autorisation spéciale au titre des sites classés ou en instance de classement, autorisation de défrichement, dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées.
L'absence d'approche intégrée de ces différentes procédures, menées parallèlement, ne permet pas à l'administration de réaliser une analyse globale des projets et aboutit à la multiplication de dossiers dont les objectifs et les pièces sont redondants.
Même si des actions sont déjà menées sous l'autorité des préfets pour assurer une cohérence dans l'instruction des différentes demandes d'autorisation, la diversité des procédures et autorisations pour un même projet constitue une source de complexité administrative et d'incompréhensions tant pour les porteurs de projets que pour les services instructeurs. Cette difficulté conduit à l'allongement des délais d'instruction et de délivrance des autorisations et fait peser une charge supplémentaire sur les pétitionnaires et l'administration.
Aussi, l'expérimentation mise en place par l'ordonnance poursuit plusieurs objectifs :
- rassembler, autour de la procédure d'autorisation d'une installation, d'un ouvrage, de travaux ou d'une activité soumis à la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, les autres autorisations éventuelles qui entrent dans le champ de la protection des ressources et milieux naturels, des sites et paysages et de la préservation du patrimoine naturel ;
- simplifier et rationaliser les procédures actuelles sans diminuer le niveau de protection environnementale ;
- intégrer dans une même décision des enjeux environnementaux relevant d'un même projet ;
- anticiper les risques de contradiction des décisions relevant des différents régimes, clarifier en conséquence les sujétions imposées au porteur de projet et renforcer la stabilité juridique de la décision au bénéfice du pétitionnaire.
- Cet objectif de simplification se décline lui-même en plusieurs objectifs intermédiaires :
- échanger, pour le porteur de projet, avec un interlocuteur unique pour l'ensemble de son projet. Cet interlocuteur privilégié agit sous l'autorité du préfet de département comme un guichet unique et permet de faire d'éventuelles demandes groupées ;
- aboutir au dépôt d'un dossier simplifié et unique, comprenant toutes les pièces relevant des différents aspects de son projet ;
- permettre au projet d'être soumis à une procédure d'instruction unique qui implique une enquête publique unique, des consultations regroupées à un même stade et unifiées sur un même projet ;
- disposer d'une autorisation environnementale unique par projet et intégrant les prescriptions applicables pour les différents régimes concernés.
- Cette décision unique vise à assurer une plus grande stabilité juridique pour le projet ;
- réduire le délai global d'instruction à dix mois, sous réserve de compléments, par la mise en place de délais encadrés afin de permettre la mise en place plus rapide du projet porté par le pétitionnaire ;
- permettre une meilleure participation du public par le passage systématique du dossier en enquête publique, après avis des diverses instances de consultation en fonction des régimes visés ;
- harmoniser les délais et voies de recours des décisions relevant des différents régimes. La décision est ainsi soumise au régime de plein contentieux et un délai de deux mois est laissé tant au porteur de projet qu'aux tiers à compter de la publication de l'autorisation. Une possibilité de contester l'insuffisance ou l'inadaptation des prescriptions définies dans l'autorisation est maintenue après la mise en service de l'installation ou de l'ouvrage, ou du début des travaux ou de l'activité ;
- harmoniser les conditions de délivrance des autorisations relevant du code de l'urbanisme, du code général de la propriété des personnes publiques et du code de la santé, en articulant dans le temps ces autorisations au regard de l'autorisation unique, objet de l'expérimentation.
II. Description des mesures proposées
La structure de l'ordonnance est prévue de telle manière que :
Le titre Ier comporte les dispositions générales (chapitre Ier) sur l'autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) et les modalités de contrôle de cette autorisation et de son régime contentieux (chapitre II). Ce titre intègre également des dispositions particulières (chapitre III) sur l'articulation de la délivrance de l'autorisation unique avec la délivrance d'autorisations relevant du code de l'urbanisme, du code général de la propriété des personnes publiques et du code de la santé publique ;
Le titre II porte sur des dispositions transitoires visant à préciser dans quel cadre doivent se situer les projets déposés avant le début de l'expérimentation ;
Le titre III regroupe les dispositions finales.
A. Les dispositions générales
L'article 1er précise le champ de l'expérimentation. Cette dernière s'applique, pour une durée de trois ans, aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) situés dans les régions Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon.
Seuls ont été écartés :
- les IOTA relevant de la défense nationale ;
- les IOTA qui ne se situent pas sur le territoire d'une des deux régions expérimentatrices ;
- les IOTA pour lesquelles une autorisation relevant d'une autre législation vaut déjà autorisation au titre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques ;
- les IOTA dont l'effet sur le milieu naturel est faible et temporaire, et qui peuvent être accordés sans enquête publique préalable.
L'article 2 indique la valeur juridique de l'autorisation unique et les autorisations actuelles qu'elle intègre, à savoir :
- l'autorisation au titre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, y compris l'autorisation de prélèvement d'eau pour l'irrigation, délivrée à un organisme unique de gestion collective dans le cas particulier où l'installation, l'ouvrage, le travail ou l'activité se situe dans le périmètre de compétence de cet organisme ;
- l'autorisation spéciale de modification dans une réserve naturelle nationale ;
- l'autorisation spéciale de modification de l'état des lieux ou de l'aspect d'un site classé ou en instance de classement ;
- l'autorisation de défrichement ;
- la dérogation à l'interdiction de porter atteinte aux espèces et habitats protégés.
L'article 3 rappelle les intérêts que chacune des autorisations a pour but de protéger, notamment la préservation des espaces, ressources et milieux naturels, des sites et paysages, des espèces animales et végétales et de leurs habitats, de la biodiversité et de l'équilibre biologique, ainsi que des sites Natura 2000.
L'article 4 précise que les dispositions actuelles du code de l'environnement restent applicables aux IOTA relevant de l'expérimentation, sous réserve de dispositions particulières fixées par la présente ordonnance. Sont ainsi visées les prescriptions techniques et administratives fixées par l'administration aux fins de protéger les intérêts mentionnés à l'article 3.
L'article 5 concerne les arrêtés de prescriptions complémentaires, par lesquels le préfet peut fixer toutes les prescriptions additionnelles que le respect des intérêts protégés mentionnés à l'article 3 rend nécessaire ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié.
L'article 6 précise que la délivrance de l'autorisation unique fait suite à une procédure d'instruction unique de la demande du pétitionnaire.
Dans un but d'harmonisation, cet article indique également que les avis des commissions administratives à caractère consultatif, qui sont habituellement exigés pour la délivrance des autorisations relevant des régimes visés par l'expérimentation, sont désormais facultatifs. Seuls restent obligatoires, pour des raisons de maintien du niveau de protection environnemental et de sécurité quant à certains ouvrages sensibles, les avis du Conseil national de la protection de la nature, du comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques et de la commission locale de l'eau.
Enfin, cet article précise que la procédure unique d'instruction des demandes des pétitionnaires implique l'organisation d'une enquête publique unique, sous l'égide d'une même autorité administrative, en la personne du préfet de département (en dérogation aux dispositions de droit commun prévoyant que l'enquête publique des projets portés par une collectivité est ouverte par le président de l'organe délibérant de cette collectivité). Cette précision a pour but d'harmoniser les différents régimes d'enquête publique existant en la matière (dispositions de droit commun au titre de la loi sur l'eau, dispositions particulières pour les installations hydroélectriques, dispositions relatives au défrichement) et d'étendre ce dispositif d'enquête publique aux autres régimes, visés par l'expérimentation, et qui n'y étaient pas soumis jusqu'à présent (sites classés, espèces protégées, réserves naturelles).
Une précision est enfin apportée sur la limitation du droit d'accès à l'information relative à l'environnement figurant dans le dossier de demande du pétitionnaire.
L'article 7 précise les conditions dans lesquelles l'autorisation unique peut être abrogée ou modifiée, sans indemnité de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police. Cette faculté trouve son fondement aux II et II bis de l'article L. 214-4 du code de l'environnement ainsi qu'à l'article L. 215-10 du même code, relatifs aux installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement. Confirmée dans son principe par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-141 QPC du 24 juin 2011, il est proposé de l'étendre aux seuls cas où le maintien de l'autorisation unique constituerait une menace majeure pour l'état de conservation favorable des espèces ou des habitats protégés, pour l'atteinte des objectifs de conservation d'un site Natura 2000, pour l'état ou l'aspect d'une réserve nationale, pour la conservation des caractéristiques d'intérêt général ayant motivé le classement ou l'instance de classement d'un site ou pour la conservation d'un boisement reconnue nécessaire à une ou plusieurs des fonctions mentionnées à l'article L. 341-5 du code forestier.
B. Le contrôle et le contentieux
L'article 8 précise les modalités de contrôle administratif et les mesures de police administratives applicables à l'autorisation unique. Il précise également les modalités de recherche, constatation et sanction des infractions applicables au regard de cette autorisation unique ainsi que les agents habilités à rechercher et à constater ces infractions.
L'article 9 harmonise les voies de recours quant à l'autorisation unique en appliquant le régime de plein contentieux qui amène en particulier le juge administratif à statuer au regard des éléments dont il dispose à la date de son jugement.
C. Les dispositions particulières
L'article 10 articule l'autorisation unique et les autorisations d'urbanisme, telles que le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager et la déclaration préalable. Il pose ainsi le principe d'une simultanéité du dépôt de la demande pour l'autorisation unique IOTA et l'autorisation d'urbanisme. Il diffère par ailleurs la mise en œuvre de l'autorisation d'urbanisme tant que l'autorisation unique n'est pas délivrée.
L'article 11 articule l'autorisation unique et l'autorisation d'occuper le domaine public (fluvial ou maritime) en soumettant la délivrance de l'autorisation unique à la délivrance de l'autorisation d'occupation du domaine public.
L'article 12 articule l'autorisation unique et l'autorisation d'utilisation de l'eau en vue de la consommation humaine en soumettant la délivrance de cette dernière à la délivrance de l'autorisation unique, sauf en cas d'urgence.
L'article 13 apporte des précisions sur le traitement des dossiers de demande en fonction de la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance. Il laisse ainsi le choix au pétitionnaire, dans les trois mois qui suivent l'entrée en vigueur de l'expérimentation, de déposer soit une demande unique, soit des demandes distinctes propres à chaque régime.
Cette possibilité est toutefois écartée dès lors qu'une demande a déjà été déposée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance et qu'elle n'a pas encore fait l'objet d'une autorisation ou pour les projets pour lesquels une autorisation ou une dérogation a déjà été obtenue avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.
Cet article prévoit une exception pour toute autorisation de défrichement, obtenue avant l'entrée en vigueur de l'expérimentation et non encore exécutée, compte tenu du fait que cette autorisation implique généralement la réalisation rapide d'un défrichement après son obtention et qu'il n'est donc pas possible de revenir sur cette autorisation, sauf à la suspendre.
L'article 14 prévoit que l'expérimentation fera l'objet d'une évaluation au moins six mois avant le terme de celle-ci et qu'elle fera l'objet de propositions éventuelles, notamment quant à la généralisation de la procédure.
L'article 15 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités de la procédure de délivrance de l'autorisation unique.
L'article 16 indique selon quel régime les autorisations uniques, accordées dans le cadre de l'expérimentation, feront l'objet d'un contrôle, d'une modification ou d'un retrait postérieurement à cette expérimentation.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.