(JO n° 286 du 9 décembre 2016)


NOR : DEVT1624716P

Monsieur le Président de la République,

Le II de l'article 97 de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue a autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de regrouper, d'ordonner et de mettre à jour les dispositions relatives aux espaces maritimes par des mesures permettant de :

1° Préciser la définition et la délimitation des espaces maritimes, notamment en ce qui concerne les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive, la zone de protection écologique, et le plateau continental ;

2° Définir les conditions d'exercice des compétences de l'Etat dans le domaine de la navigation dans les espaces maritimes mentionnés au 1° ;

3° Définir les conditions d'exercice du contrôle des personnes physiques ou morales de nationalité française du fait de leurs activités dans les fonds marins constituant la Zone, au sens de l'article 1er de la convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 et bénéficiant du patronage de l'Etat, au sens du paragraphe 2 de l'article 153 de la même convention, aux fins de l'exploration ou de l'exploitation de ses ressources minérales dans le cadre d'un contrat conclu avec l'Autorité internationale des fonds marins ;

4° Définir les incriminations et les sanctions pénales relatives aux manquements aux dispositions édictées en vertu des 1° à 3° ainsi que la liste des agents compétents pour rechercher et constater les infractions ;

5° Prendre les mesures permettant, d'une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions mentionnées aux 1° à 4° en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, pour celles qui relèvent de la compétence de l'Etat, et, d'autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

6° Prendre toutes mesures de cohérence résultant de la mise en œuvre des 1° à 5°.

Une ordonnance a en conséquence été élaborée, nommée ordonnance relative aux espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française.

I. Origine et justification de l'ordonnance.

La France a adopté, en près de quarante ans, diverses dispositions législatives et réglementaires en matière de définition des espaces maritimes et d'encadrement des activités qui s'y déploient, mais ce dispositif demeure fragile et relativement incomplet, ne tirant pas toutes les conséquences de l'avènement de la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (CNUDM), connue sous le nom de convention de Montego Bay, ratifiée par notre pays en avril 1996. C'est ainsi que les régimes encadrant les activités de recherche, d'exploration de ces espaces et d'exploitation de leur ressources se répartissent entre divers lois et codes ; ils appellent pour certains une actualisation.

Les différents lois et décrets relatifs aux espaces maritimes ont été rédigés en utilisant une terminologie relativement hétérogène, à la fois entre eux et au regard de la CNUDM. Il en résulte une fragmentation du droit applicable aux espaces maritimes préjudiciable à sa bonne compréhension et à une application efficace de toutes les dispositions.

Le développement de nouvelles technologies rend par ailleurs de plus en plus accessibles les ressources naturelles marines dans les grands fonds océaniques conférant aux espaces maritimes une pertinence accrue du point de vue de la croissance bleue. Dans le même temps, la vulnérabilité des écosystèmes marins est mieux perçue par les acteurs du monde maritime. La conjonction de ces facteurs conduit à proposer le renouvellement du cadre juridique sous la forme d'une loi relative aux espaces maritimes à la mesure de la place et du rôle de notre pays dans ce domaine, y intégrant le souci de la protection de l'environnement et de la vie humaine ainsi que les sanctions pour les violations de ce droit consolidé.

Afin de donner plus de cohérence, de visibilité, de solidité à l'affirmation des droits et de la juridiction de la France sur les espaces maritimes et les ressources naturelles de leur sol et sous-sol, tout en affichant l'importance de ces espaces, le Premier ministre a donc décidé lors du Comité interministériel de la mer (CIMer) de 2011 de faire « préparer un projet de loi relatif à l'ensemble des espaces maritimes rassemblant de manière homogène les dispositions relatives aux délimitations de la mer territoriale, de la zone contiguë, de la zone économique, de la zone de protection écologique et du plateau continental ».

Le secrétariat général de la mer a conduit un travail interministériel pour élaborer le projet de loi sur les espaces maritimes. Un projet a été présenté au CIMer du 2 décembre 2013, qui a convenu « d'engager par voie législative une démarche de clarification de la définition des espaces maritimes » et qui a « souhaité qu'il soit procédé par voie d'ordonnance ». Pour ce faire le CIMer a demandé « qu'une disposition d'habilitation soit introduite au projet de loi relatif à la biodiversité » et « a confié au ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche le soin d'élaborer l'ordonnance ».

Le Gouvernement a présenté un projet d'habilitation à légiférer par ordonnance dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la biodiversité. Ce projet prévoyait que l'ordonnance, outre rassembler et compléter les dispositions relatives à la délimitation des espaces maritimes français, comprendrait le régime d'autorisation pour l'exploration et l'exploitation des espaces maritimes sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive (ZEE) et intégrerait la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, ainsi que la loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968 relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation de ses ressources naturelles. Le Gouvernement présentait par ailleurs des dispositions de fond sur ce même sujet dans le projet de loi.

Lors de l'examen du projet de loi, le Sénat a souhaité que le régime des autorisations d'exploration et d'exploitation soit retiré du périmètre de l'habilitation pour faire l'objet de travaux directs du Parlement. Tel a été l'objet de l'article 95 de la loi, qui a établi un régime d'autorisation pour l'exploration et l'exploitation des espaces maritimes sur le plateau continental et dans la ZEE, dans le cadre de la loi n° 76-655, profondément révisée en la circonstance.

Simultanément, l'article d'habilitation a migré du projet de loi biodiversité vers la proposition de loi pour l'économie bleue (1), dont le calendrier d'examen parlementaire était plus rapide. L'ordonnance ne comprend donc plus la révision du régime des autorisations, mais intègre et consolide les dispositions de la loi n° 76-655 révisée et de la loi n° 68-1181, telles qu'elles résultent de l'article 95 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

L'ordonnance contribuera à la sécurisation juridique des activités en mer sur l'ensemble du territoire de la République, en tenant compte des compétences dévolues en la matière, suivant une mosaïque complexe, aux territoires ultramarins. Elle permettra de lever certaines difficultés rencontrées à l'occasion des travaux d'adoption de textes réglementaires ou lors de l'instruction de dossiers d'autorisation de certaines activités dans les espaces maritimes sous juridiction nationale. Cette ordonnance est très attendue par les nombreux usagers publics et privés qui s'intéressent de plus en plus à l'espace maritime.

(1) Devenue la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue.

II. Etat des législations relatives aux espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française.

Ces dispositions comprennent, pour ce qui regarde la délimitation des espaces maritimes :
- le décret du 19 octobre 1967 définissant les lignes de bases indispensables à la détermination, au large, des limites de souveraineté ;
- la loi n° 71-1060 du 24 décembre 1971 relative à la délimitation des eaux territoriales françaises ;
- la loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968, qui pose une définition du plateau continental, obsolète car fondée sur la Convention de Genève sur le plateau continental du 29 avril 1958 ;
- la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976, qui pose les principes de délimitation de la zone économique exclusive (ZEE) et de la zone de protection écologique (ZPE) ;
- la loi n° 87-1157 du 31 décembre 1987 relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants, en ce qu'elle instaure une zone contiguë pour les infractions douanières.

Les dispositions réglant l'exploitation de ces espaces maritimes sont, en dehors de la pêche :
- le code minier, qui pose les règles relatives à la recherche et à l'exploitation des substances minérales et fossiles dans les eaux sous juridiction française ;
- la loi n° 76-655, modifiée par la loi du 8 août 2016, qui établit un régime d'autorisation pour l'exploration et l'exploitation de la ZEE et de la ZPE, en dehors des activités relevant du code minier et des activités de pêche ;
- la loi n° 68-1181 précitée qui pose des règles douanières et de sécurité concernant l'exploitation dans ces zones, qu'elles relèvent par ailleurs de la loi n° 76-655 ou du code minier ;
- le code de l'énergie, qui comprend des dispositions applicables aux installations de production électrique en mer ;
- le code de la recherche, qui prévoit un régime d'autorisation spécifique pour les recherches scientifiques marines.

Des dispositions relatives à la protection des biens maritimes culturels et à l'archéologie subaquatique dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë se trouvent au livre V du code du patrimoine, qui traite de l'archéologie.

Certaines dispositions pertinentes se trouvent par ailleurs dans le code de la défense, le code des douanes, le code général des impôts et le code de la propriété des personnes publiques.

III. Contenu de l'ordonnance.

L'ordonnance vise principalement à :

Mettre de la cohérence dans le statut de nos espaces maritimes.

En mettant de la cohérence entre les statuts des différents espaces maritimes ce travail permet de lever des ambiguïtés comme celle, par exemple, relative à la zone économique exclusive qui porte actuellement trois appellations différentes : « zone économique » dans la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976, « zone économique exclusive » dans le décret n° 2012-1148 du 12 octobre 2012 portant création d'une zone économique exclusive en Méditerranée « zone économique dite “exclusive” » dans l'article L. 125-1 du nouveau code minier.

Moderniser les dispositions relatives à nos espaces maritimes.

Cette ordonnance répond au besoin de disposer de bases légales renouvelées ou adaptées compte tenu de l'ancienneté des lois françaises actuelles qui ne correspondent plus toujours aux évolutions du droit de la mer et des technologies employées. En effet les lois sur les espaces maritimes ont toutes été adoptées avant la signature (10 décembre 1982) et la ratification (1996) par la France de la CNUDM. Afin de mettre à jour les dispositions applicables, l'ordonnance rassemble en particulier les dispositions suivantes :
- création du statut des eaux intérieures qui font partie intégrante du territoire de la France (article 3) ;
- reconnaissance du statut de baie historique de la baie du Mont Saint-Michel, qui répond aux définitions de la CNUDM ;
- renforcement des attributions de l'Etat français dans la zone contiguë (article 12) grâce à la reprise de la définition de cet espace figurant dans la CNUDM ; cette zone étant actuellement définie par le code des douanes (article 44 bis) avec des prérogatives de l'Etat plus limitées ;
- prise en compte du phénomène de l'essor des sous-marins privés dont les règles de navigation dans la mer territoriale doivent être fixées ;
- consolidation du régime d'autorisation générale pour les activités entreprises par les personnes publiques ou privées dans la ZEE et sur le plateau continental.

L'ordonnance maintient la possibilité de créer, pour des raisons politiques, diplomatiques ou juridiques, des espaces de compétences particulières comprenant une partie seulement des droits reconnus dans une zone économique exclusive (zone de protection écologique).

Introduire de nouvelles dispositions pénales et répressives.

Afin d'accompagner l'actualisation du cadre légal concernant la délimitation des espaces et les activités qui s'y déploient, cette ordonnance comprend aussi plusieurs dispositions pénales permettant de disposer de nouveaux outils répressifs concernant :
- l'exploitation illégale de la ZEE ou du plateau continental ;
- les navires sans nationalité.

Cette ordonnance introduit également la possibilité de réprimer plus sévèrement le refus d'obtempérer en cas de violation des arrêtés des préfets maritimes et des délégués du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer lorsqu'ils sont relatifs à la paix publique, à la sécurité et la sûreté des personnes et des biens.

Enfin, elle complète l'article relatif à la visite et de fouille des navires aux fins de la prévention d'atteintes graves à la sécurité des personnes et des biens. Le dispositif n'avait que partiellement été introduit dans la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 puisqu'une décision du Conseil constitutionnel était attendue sur un dispositif comparable, la fouille douanière des navires en l'occurrence. La question prioritaire de constitutionnalité ayant été tranchée, il est désormais possible d'insérer la totalité du dispositif initialement prévu dans notre corpus juridique.

Consolider les dispositions relatives à l'exploitation de la ZEE et du plateau.

La loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative au plateau continental, à la zone économique exclusive et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République établit un régime d'autorisation des activités d'exploration et d'exploitation dans la ZEE et sur le plateau continental, tandis que la loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968 relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation de ses ressources naturelles comprend diverses mesures relatives aux conditions dans lesquelles se déroulent ces activités, notamment en matière de sécurité, de régime douanier, d'hypothèque, de transport vers les installations et de régime social. Ces deux lois, dont l'une a fait l'objet, comme il a été dit avant, d'une ample modification portée par l'article 95 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, sont intégrées dans l'ordonnance pour former un ensemble consolidé de règles.

Les dispositions du code minier ne sont pas consolidées dans la présente ordonnance, préservant ainsi leur cohérence dans le contexte de ce code, mais leur vocabulaire est substantiellement actualisé. A cet égard, il convient de préciser que la définition du terme « plateau continental » a évolué avec la convention de Montego Bay de 1982. Cette dernière ouvre notamment des possibilités d'extension du plateau continental, déterminant une nouvelle limite de juridiction nationale. Le code minier se référant à la convention de Genève de 1958 ne pouvait pas prendre en compte cette évolution.

IV. Structure de l'ordonnance.

L'ordonnance comprend un titre Ier consacré à la définition des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française. Cette notion est précisée, puis la définition de chacune de ses composantes ou notion clé est donnée : successivement, les lignes de base (chapitre Ier), les baies historiques (chapitre II), les eaux intérieures (chapitre III), la mer territoriale (chapitre IV), la zone contiguë (chapitre V), la zone économique exclusive (chapitre VI), la zone de protection écologique (chapitre VII), le plateau continental (chapitre VIII). La nature de la juridiction de l'Etat sur ces zones est énoncée ainsi que les prérogatives qui en découlent. Les principes des droits de passage inoffensif et de passage en transit sont posés. Le chapitre IX traite de la publication officielle de la délimitation de ces espaces. Le chapitre X établit les responsabilités particulières de l'Etat en ce qui concerne « la Zone », c'est-à-dire les fonds marins et leur sous-sol au-delà des juridictions nationales.

Le titre II de l'ordonnance est consacré à l'exploration et à l'exploitation du plateau continental et de la zone économique exclusive. Le chapitre Ier pose des principes généraux, le chapitre II est consacré au régime d'autorisation unique issu de la loi n° 76-655 (2), le chapitre III traite des câbles et pipelines, le chapitre IV des dispositions relatives à la sécurité des installations, le chapitre V des dispositions douanières et fiscales, le chapitre VI des règles particulières aux transports et aux marins, le chapitre VII des hypothèques sur les installations, le chapitre VIII de l'intervention d'office pour le démantèlement.

(2) Dans sa version découlant de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Le titre III, sur l'encadrement de la recherche en mer, procède par renvoi au code de la recherche.

Le titre IV comprend les dispositions pénales et les règles de compétence juridictionnelle.

Le titre V traite de l'application outre-mer de l'ordonnance et précise les conditions dans lesquelles le cadre juridique ainsi fixé peut être décliné au sein des territoires ultramarins en tenant compte de la diversité des compétences dévolues à ceux-ci dans les matières couvertes par l'ordonnance (en particulier la domanialité publique, la fiscalité, les douanes, l'exploration et l'exploitation des espaces maritimes).

Enfin, le titre VI regroupe les dispositions finales.

Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

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