(BOMEDD n° 2/2006 du 30 janvier 2006)
NOR : DEVP0540460C
Références :
Circulaire du 21 janvier 2002 relative à la prévention des accidents majeurs dans les dépôts dengrais soumis à autorisation au titre de la rubrique n° 1331.
La ministre de lécologie et du développement durable à Mesdames et Messieurs les préfets.
Mon attention a été appelée sur les problèmes dapplication de certaines dispositions de la circulaire du 21 janvier 2002 citée en référence et notamment ceux relatifs à lamélioration de la sécurité dans certains dépôts bénéficiant des droits acquis.
La présente circulaire a pour objectif dapporter des éléments de réponse à ces aspects. Elle précise la conduite à tenir dans la période transitoire précédant la publication du futur arrêté ministériel et la sortie du référentiel professionnel associé (applicable aux dépôts nouveaux et existants soumis à autorisation) afin de poursuivre le programme triennal de mise en conformité des dépôts anciens auquel font référence les circulaires du 13 décembre 2002 et 15 décembre 2003. Elle a également pour objectif de préciser lapplication des termes « conformes aux dispositions de larrêté ministériel du 10 janvier 1994 » de la circulaire du 21 janvier 2002, en cas de présence déléments de structure combustibles dun magasin de stockage, pour la non-prise en compte du scénario de détonation dans la maîtrise de lurbanisation.
Larrêté ministériel du 10 janvier 1994 sapplique aux dépôts dengrais soumis à autorisation construits postérieurement à cette date. Il nest donc pas directement applicable juridiquement aux dépôts antérieurs. Dans le cadre du programme triennal de mise en conformité de ces installations anciennes, engagé par arrêté préfectoral complémentaire, en reprenant les dispositions de cet arrêté ministériel, il convient :
- de ne pas faire explicitement référence à ce texte réglementaire mais de motiver les arrêtés préfectoraux en référence aux dispositions du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, dune part, et aux considérants relatifs au risque dincendie et de contamination des engrais, dautre part ;
- de distinguer, comme le fera le futur arrêté ministériel, les mesures de sécurité spécifiques en fonction du type dengrais stocké (engrais susceptibles de donner lieu à détonation, décomposition auto-entretenue ou décomposition simple avec dégagement de gaz toxiques) ;
- de laisser à lexploitant le soin dapprécier et de justifier les mesures choisies permettant de respecter les objectifs de maîtrise des risques définis ci-après et de sinscrire dans les limites définies par larticle 37 du décret du 21 septembre 1977 (exclut les modifications importantes du gros uvre).
Les moyens choisis par lexploitant seront ensuite repris dans les prescriptions de larrêté préfectoral.
Dans le cas dinstallations bénéficiant de lantériorité et pour lesquelles les solutions de maîtrise des risques nécessaires envisageables seraient incompatibles avec les dispositions de cet article 37, il convient de mettre en uvre la procédure de fermeture par décret en Conseil dEtat, prévue par larticle L. 514-7 du code de lenvironnement.
1. Une attention particulière doit être portée à la gestion des engrais déclassés, cest-à-dire ceux ne répondant pas ou plus à la norme NFU 42-001 ou au règlement européen (CE) 2003/2003. Cette gestion doit prendre en compte le danger accru présenté par ces matières en proposant des mesures adaptées (quantités réduites, inertage, fractionnement, isolement, élimination régulière...).
2. La formation du personnel aux règles élémentaires de sécurité est un élément organisationnel incontournable et fondamental afin que le niveau de sécurité des dépôts puisse être considéré comme acceptable.
3. Lincendie étant un événement redouté entraînant la décomposition de tous les types dengrais à base de nitrate dammonium et augmentant la probabilité doccurrence dune détonation, il est important de porter une attention particulière aux mesures de prévention et de protection élémentaires qui doivent être présentes dans tout stockage dengrais (éloignement des sources dignition, dispositifs performants de détection, de désenfumage, de lutte et de moyens dintervention). En plus de ces mesures indispensables visant à prévenir et réduire les conséquences dun incendie et qui restent dans les limites de larticle 37 du décret du 21 septembre 1977, devront être éloignées toutes les matières connues pour être incompatibles en catalysant le phénomène de décomposition des engrais stockés, y compris les matières combustibles (sacs de conditionnement vides...).
4. Concernant le problème récurrent des cloisons séparant les différentes cellules de stockage et les éléments de structure en bois au sein des dépôts existants, les résultats de létude récente, réalisée par TECHNIP, apportent des éclaircissements à ce sujet en fonction des types dengrais stockés.
Engrais à risque de décomposition auto-entretenue (DAE)
En ce qui concerne la présence de bois dans les dépôts, le risque principal dans le cas des stockages dengrais composés susceptibles de DAE porte sur les parois et piliers en bois en contact permanent avec lengrais. En effet, les résultats de létude ont montré quune décomposition auto-entretenue de lengrais peut provoquer une combustion du bois en contact et donc, à terme, la ruine de lélément concerné.
Dans le cas déléments de structure principale de maintien du bâtiment (tels que certains piliers), il est nécessaire denvisager un isolement des parties en bois en contact permanent avec lengrais soumis à DAE afin déviter une chute de charpente en cas de sinistre.
Par ailleurs, afin déviter la propagation du phénomène de DAE dune cellule à une autre, les différents essais ont montré limportance de disposer, entre 2 cases stockant ce type dengrais, de parois étanches aux gaz, peu inflammables, présentant une conductivité thermique faible et une bonne résistance. Il est clairement montré dans cette étude que les cloisons en bois ne permettent pas de répondre à ces critères. En outre, les éléments de structure métalliques non protégés thermiquement, généralement utilisés pour maintenir les cloisons en bois ou en béton, créent des ponts thermiques importants qui favorisent la propagation dune case à une autre.
Pour pallier ce problème de propagation, les objectifs de réduction du risque à la source peuvent envisager selon les cas :
- la mise en place de cloisons de séparation permettant de répondre aux critères précités ;
- la substitution de ce type dengrais par des produits non susceptibles de DAE ;
- lalternance, dans deux cases contiguës, dengrais sujets à décomposition auto-entretenue et dengrais non classés. La performance et le maintien dans le temps de cette barrière organisationnelle doivent alors être justifiés dans létude de dangers.
Engrais à risque de détonation (dont la teneur en azote due au nitrate dammonium est supérieure à 24,5 % en poids)
Létude a montré que la problématique des cloisons bois intervenait plus en qualité de potentiel calorifique que de source de pollution, doù la nécessité de prévenir le risque incendie et de renforcer les dispositifs de détection.
La présence déléments de structure en bois (charpente) augmente peu la probabilité doccurrence du phénomène de détonation si lensemble des mesures de prévention incendie, de formation du personnel et de gestion des engrais déclassés précitées sont respectées.
5. En ce qui concerne les sols constitués de matière combustible, telle que le bitume, le principal danger est sa liquéfaction entraînée par un incendie qui se mélangerait alors aux engrais et favoriserait leur sensibilité à la détonation. Il convient donc également dans ce cas de prévenir le risque incendie.
Dans tous les cas et indépendamment des caractéristiques des cloisons séparatives, des éléments de structures et de la nature des sols des dépôts existants, lobjectif principal est, en amont, de prévenir et détecter la décomposition dengrais au plus tôt. Il convient donc que lexploitant sattache à mettre en uvre les moyens et les procédures permettant une intervention précoce et optimale afin de réduire laggravation des phénomènes, en privilégiant la rapidité et lefficacité de la détection et de lintervention. Les éléments en bois et sols en bitume restent cependant des potentiels de danger avérés qui doivent être analysés dans les études de dangers.
Concernant lapplication des termes « conformes aux dispositions de larrêté ministériel du 10 janvier 1994 » pour labsence de prise en compte du phénomène de détonation dans la maîtrise de lurbanisation, tels que précisés dans la circulaire du 21 janvier 2002, il convient donc de considérer que, si les principales mesures de sécurité relatives à la prévention de lincendie, à la formation du personnel et à la gestion des engrais déclassés sont mises en place et respectées, le remplacement des cloisons, charpentes et sols nest pas indispensable.
Pour la ministre :
Le directeur de la prévention des pollutions et des risques,
délégué aux risques majeurs,
T. Trouvé