(BOMES n° 2000/33 du 2 septembre 2000)


La ministre de l'emploi et de la solidarité et la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

à

Messieurs les préfets coordonnateurs de bassin ; Madame et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les préfets de département

Références :

Directive n° 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

Décret n° 93-1038 du 27 août 1993 relatif à la délimitation des zones vulnérables.

La directive citée en objet impose, par son article 6, la surveillance de la teneur en nitrates des eaux douces superficielles et souterraines.

Cette surveillance a été conduite pour la première fois entre le 1er septembre 1992 et le 31 août 1993.

La deuxième campagne de surveillance a été réalisée entre le 1er septembre 1997 et le 31 août 1998.

La troisième campagne de surveillance se déroulera du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2001, sur la totalité du territoire national y compris les départements d'outre-mer, et conduira au 2e réexamen de la délimitation des zones vulnérables en 2002.

Les annexes I et II précisent les modalités techniques de cette surveillance en relation avec les objectifs de la directive. Pour cette troisième campagne, les modifications portent essentiellement sur la nécessité, pour les eaux superficielles, de distinguer la période hivernale (octobre à mars) de la période estivale au cours de laquelle la teneur en nitrates des eaux peut être réduite en raison du développement éventuel d'algues utilisant cet azote pour leur développement.

L'annexe III relative à l'eutrophisation a été modifiée au niveau du dernier paragraphe afin que le libellé ne laisse subsister aucun doute sur la prise en compte effective du phénomène d'eutrophisation lorsque les nitrates interviennent dans son déclenchement et (ou) son intensité.

D'autre part, le choix des points de surveillance doit tenir compte de l'interprétation de la Cour de justice des Communautés Européennes en matière d'origine des nitrates. En effet, l'arrêt de la Cour du 29 avril 1999, dans l'affaire C-293/97, stipule :

"Les articles 2, sous j, et 3, paragraphe 1, ainsi que l'annexe I de la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent de qualifier des eaux douces superficielles "d'eaux atteintes par la pollution" et, par conséquent, de désigner comme "zones vulnérables", conformément à l'article  3, paragraphe 2, de cette directive, toutes les zones connues qui alimentent ces eaux et contribuent à leur pollution, lorsque ces eaux contiennent une concentration de nitrates supérieure à 50 mg/l et que l'État membre concerné considère que le rejet de composés azotés de sources agricoles "contribue de manière significative" à cette concentration globale de nitrates".

Cette interprétation a pour conséquence la nécessité d'inclure dans le réseau de surveillance les points pour lesquels la pollution d'origine agricole, tout en étant minoritaire, ne peut être qualifiée d' "insignifiante" ou de "marginale". La notion de "contribution significative" peut être retenue lorsque la modification des pratiques agricoles est susceptible d'entraîner une baisse notable de la teneur en nitrates des eaux.

La poursuite de la surveillance des points d'eau destinée à l'alimentation humaine abandonnés figurant dans le réseau constitué en 1993 et 1997 est nécessaire. S'agissant de données (connaissance) utilisées en vue de la délimitation des zones vulnérables (pollutions diffuses), le financement correspondant relève du chapitre 8-20 du Fonds national de solidarité sur l'eau (FNSE). Les instructions concernant la gestion des crédits du FNSE vous sont adressées séparément par le bureau de gestion de ce fonds.

La Commission européenne (comité nitrates) a précisé récemment ses souhaits en matière de transmission des informations nationales qui doivent lui être fournies (au titre de l'article 10) afin de faciliter la synthèse européenne devant être présentée au Parlement (au titre de l'article 11). Le type de présentation harmonisée des résultats de la surveillance souhaité par la Commission ainsi que les contraintes permettant une transmission informatique de ces données à la Commission constituent l'annexe IV.

Nous vous demandons de signaler, dès que possible, sous les présents timbres, les difficultés que vous pensez rencontrer pour respecter ces contraintes d'harmonisation européenne.

La présente circulaire annule et remplace les circulaires du 14 juin 1992, du 5 novembre 1992 et du 10 juillet 1997.

Annexe I : Rappel des dispositions de la directive

Commentaires

L'article 3 de la directive pose le principe de la distinction, parmi l'ensemble des eaux du territoire national atteintes par la pollution azotée ou susceptibles de l'être, de celles pour lesquelles les pratiques agricoles sont à l'origine de cette pollution ou y contribuent "de manière significative". L'annexe I de la directive fixe les critères sur la base desquels doit être caractérisée la qualité des eaux et donne des indications sur les modalités d'application desdits critères.

Il convient de ne pas confondre "les eaux atteintes par la pollution" et les zones vulnérables qui sont les zones connues qui alimentent ces eaux et qui peuvent parfois être situées très en amont.

L'article 6, de son côté, indique qu'aux fins de désigner les zones vulnérables les États membres surveillent pendant une période d'un an la concentration en nitrates dans les eaux douces :

- au niveau des stations de prélèvement des eaux superficielles prévues à l'article 5, paragraphe 4, de la directive 75/440/CEE et/ou d'autres stations de prélèvement représentatives des eaux superficielles des États membres, au moins une fois par mois et plus fréquemment durant les périodes de crues ;

- au niveau des stations de prélèvement représentatives des nappes d'eau souterraine des États membres, à intervalles réguliers, compte tenu des dispositions de la directive 80/778/ CEE,

et réexaminent tous les quatre ans l'état d'eutrophisation des eaux douces superficielles, des eaux côtières et d'estuaires.

1. Critères de définition des eaux

L'annexe I de la directive stipule notamment que : "A. - Les eaux visées à l'article 3, paragraphe 1, sont définies en fonction, entre autres, des critères suivants :

1. Si les eaux douces superficielles, notamment celles servant ou destinées au captage d'eau potable, contiennent ou risquent de contenir si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas prises une concentration en nitrates supérieure à celle prévue par la directive 75/440/CEE : 50 milligrammes par litre pour les eaux destinées à la production d'eau alimentaire ;

2. Si les eaux souterraines contiennent ou risquent de contenir une teneur en nitrates supérieure à 50 milligrammes par litre si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas prises ;

3. Si les lacs naturels d'eau douce, les autres masses d'eau douce, les estuaires, les eaux côtières et marines ont subi ou risquent de subir dans un avenir proche une eutrophisation si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas prises."

2. Modalités d'application de ces critères

L'annexe I, paragraphe B, de la directive indique qu'il doit être tenu compte, pour l'application des critères de qualité des eaux, de diverses considérations dont la principale, au stade actuel, concerne les "caractéristiques physiques et environnementales des eaux et des terres".

Par là, il faut entendre que, parallèlement à la surveillance qui devra être exercée, les informations dont on peut disposer par ailleurs sont à prendre en compte. Ces informations peuvent concerner la qualité des eaux (existence de captages abandonnés pour cause de teneur excessive en nitrates, par exemple). Elles peuvent également tenir compte des facteurs de risque de pollution tels qu'un caractère particulièrement intensif des pratiques agricoles ou la vulnérabilité du sous-sol à la pénétration des nitrates, entre autres.

En ce qui concerne l'état d'eutrophisation des eaux, vous tiendrez compte des considérations qui figurent dans l'annexe III.

3. Modalités de la surveillance

L'article 6 de la directive précise que :

- la surveillance des eaux superficielles s'effectue aux "stations de prélèvement prévues à l'article 5, paragraphe 4, de la directive 75/440/CEE". Or ce dernier texte ne "prévoit" pas à proprement parler de lieux de prélèvement particuliers mais indique simplement que l'expression "lieu d'extraction", que la directive 91/676 traduit par "station de prélèvement", est l'endroit où les eaux sont prélevées aux fins de traitement de potabilisation. Il faut donc comprendre que la surveillance de la teneur en nitrates se fait aux prises d'eau superficielle destinée à l'alimentation. En outre, d'autres stations de prélèvement "représentatives" peuvent être sollicitées ;

- la surveillance des eaux souterraines se fait à "des stations de prélèvement représentatives" de leur qualité, sans référence à l'eau potable. La mention de la directive 80/778/CEE ne concerne en effet que la fréquence des mesures ;

- la fréquence des mesures doit être au moins mensuelle pour caractériser la qualité des eaux superficielles. Des mesures supplémentaires doivent en outre être faites en période de crues. La grande variabilité des teneurs de ces eaux justifie en effet que leur détermination soit faite fréquemment et tienne compte des aléas éventuels, dus en particulier aux conditions climatiques. Le choix des points de surveillance devra évidemment tenir compte de cette exigence. Une station qui ne la remplirait pas ne pourrait être considérée comme représentative au sens de la directive ;

- en ce qui concerne les eaux souterraines, les mesures doivent être faites à intervalles réguliers, sans qu'une fréquence déterminée soit fixée. La référence à la directive 80/778/CEE permet seulement que cette fréquence soit celle du contrôle sanitaire des eaux potables. On sait toutefois que les teneurs des eaux souterraines présentent, elles aussi, une certaine variabilité et que la fréquence des mesures ne doit pas être trop faible si l'on veut caractériser correctement la qualité des eaux. Il a été estimé judicieux que les points sélectionnés à cet effet soient contrôlés au moins quatre fois au cours de l'année de surveillance

Annexe II : Modalités techniques de la surveillance

1 Organisation du travail, répartition des tâches

1.1. Principes

Il a été décidé de rapprocher le plus possible la surveillance de l'activité ordinaire des services et organismes qui assurent, directement ou indirectement, le recueil des données concernant la qualité des eaux.

Par ailleurs, il a été considéré opportun de conjuguer la surveillance liée à l'exercice du contrôle sanitaire des eaux destinées à l'alimentation humaine avec celle qui s'exercera dans le cadre des réseaux d'observation, au premier rang desquels se place le Réseau national de bassin (RNB).

1.2. Services et organismes concernés

À l'échelon central, ce sont la direction de l'eau du ministère de l'environnement (bureau des données sur l'eau) et la direction générale de la santé du ministère chargé de la santé (bureau de l'eau : sous-direction de la veille sanitaire).

À l'échelon du bassin : la DIREN de bassin, l'Agence de l'eau d'une part, la DRASS coordonnatrice de bassin, de l'autre.

À l'échelon régional : la DIREN et la DRASS.

À l'échelon départemental : MISE : mission interservice de l'eau, la DDASS pour l'essentiel.

1.3. Répartition des tâches

En ce qui concerne les eaux superficielles, les points de surveillance seront choisis en premier lieu parmi ceux du RNB et des autres réseaux de qualité des eaux. Le choix en sera arrêté par la DRASS, la DIREN de bassin et l'Agence de l'eau. Il sera fait appel, en outre, à des captages d'eau destinés à la consommation humaine qui seront proposés par la DDASS selon la procédure fixée pour les eaux souterraines.

Le préfet coordonnateur de bassin est chargé d'assurer l'harmonisation régionale et de s'assurer de la représentativité du réseau proposé.

2. Choix des points de surveillance

2.1. Les eaux à surveiller

Les eaux souterraines visées par la directive sont celles qui forment les nappes phréatiques, c'est-à-dire les premières nappes rencontrées à partir de la surface du sol ainsi que les nappes captives. Ces eaux sont très sensibles aux activités exercées à la surface des terrains qui les contiennent. Si l'on a soin de faire abstraction des éventuels rejets directs d'effluents chargés en composés azotés, la teneur en nitrates des nappes phréatiques reflétera de très près l'effet des pratiques agricoles locales. Les points de prélèvement dans ces nappes auront ainsi une très bonne représentativité et il conviendra, dans toute la mesure du possible, de les sélectionner de préférence comme points de surveillance. Il conviendra, par contre, d'éliminer du dispositif de surveillance les ouvrages qui captent des nappes profondes protégées des pollutions par des terrains imperméables. De la même façon, on éliminera les ouvrages qui capteraient le mélange d'eaux provenant de différents gisements aquifères.

Par ailleurs, la teneur des eaux superficielles est fonction de l'ensemble des actions de toutes natures menées en amont du point de prélèvement, sous l'effet des rejets et du ruissellement comme de la résurgence des eaux souterraines. L'analyse des diverses sources possibles de contamination peut dans certains cas être malaisée, ainsi que l'attribution à chacune de sa part dans la pollution globale résultante. De ce fait, on prendra en compte surtout les situations où il n'existe pas de nappes souterraines d'extension suffisante.

2.2. Nombre et densité des points

Lors de la campagne 1997/98, le nombre total des points de surveillance a été de 3 462, soit une moyenne de 38 par département.

Il est nécessaire d'insister sur l'intérêt de se rapprocher au maximum des modalités retenues en 1992/93 et 1997/98, dans la mesure où la sélection a été pertinente. Le nombre de points d'observation ne doit pas être inférieur à 15 par département.

De plus, il y a lieu d'intensifier la surveillance dans les zones où il est difficile de se prononcer a priori sur leur classement et qui sont susceptibles de changer de statut.

2.2.1. Eaux souterraines

Il y a lieu de distinguer les nappes phréatiques et les nappes captives ainsi que quatre situations en fonction de la teneur en nitrates des eaux (trois seuils : 25, 40 et 50 mg/litre).

Les conditions de prélèvement doivent être précisées, en particulier la profondeur de prélèvement.

En ce qui concerne les captages abandonnés (pour cause de pollution azotée d'origine agricole), il est rappelé qu'il est nécessaire de renouveler l'eau accumulée dans l'ouvrage avant de prélever.

2.2.2. Eaux superficielles

En ce qui concerne les eaux superficielles, la prise en compte du critère "eutrophisation" nécessite d'introduire des seuils supplémentaires. D'autre part, les teneurs moyennes devront être calculées pour la période hivernale (d'octobre à mars). Des précisions sont fournies dans l'annexe IV.

2.3. Traitement de l'eau

Dans le cas où l'eau prélevée doit subir un traitement susceptible d'en modifier la teneur en nitrates (dénitrification, mélange), il conviendra de s'assurer que les analyses prises en compte au titre de la surveillance sont faites sur l'eau brute, avant traitement. S'il n'est pas possible d'avoir cette assurance, les points correspondants doivent être éliminés du dispositif.

2.4. Note explicative

Le préfet réunit les opérateurs concernés (DDASS - DIREN - Agences de l'eau) pour élaborer une note expliquant les raisons ayant conduit au choix des points retenus, afin de conserver pour la suite des opérations ce renseignement qui sera utile lors de l'interprétation des résultats et qui permettra l'information des services et organismes concernés par la mise en œuvre de la directive nitrates.

3. Déroulement de la surveillance

Les services et organismes chargés de la surveillance auront à en assurer le bon déroulement. Ils devront ainsi contrôler que les points retenus font bien l'objet de prélèvements aux fins d'analyses selon la fréquence fixée par la directive et rappelée en annexe I. Pour les captages d'eau superficielle en vue de la production d'eau alimentaire, ils s'efforceront de parvenir à une fréquence mensuelle de prélèvement lorsque les dispositions du décret n° 89-3 prévoient une fréquence moindre. Ils contrôleront enfin les résultats des analyses afin de les valider et en assureront la conservation en vue de leur exploitation ultérieure.

4. Opérations suivant la clôture de la surveillance

La directive prévoit (art. 10) que les États membres soumettent à la Commission un rapport contenant les informations visées dans son annexe V.

La Commission européenne propose un guide d'élaboration de ce rapport afin d'en harmoniser la présentation. L'extrait de ce guide relatif à la présentation des résultats de la surveillance constitue l'annexe IV.

Une prochaine circulaire précisera les modalités de clôture, en fonction notamment des difficultés rencontrées qui nous auront été signalées et des solutions qui auront été apportées.

Annexe III : Connaissances actuelles sur l'eutrophisation et désignation des zones vulnérables

Le développement, et a fortiori le développement excessif de telle ou telle espèce végétale, dans un milieu aquatique donné dépend de multiples facteurs :

- des facteurs d'ordre chimique, et notamment :

- la salinité de l'eau et/ou son caractère acide ou calcaire qui influent sur la sélection des espèces ;

- les quantités respectives d'éléments nutritifs, fertilisants du milieu (azote, phosphore, carbone, silicium, ...) et d'oligo-éléments (magnésium en particulier, constituant de la molécule de chlorophylle), présents dans le milieu, à la disposition des végétaux pour leur croissance et leur multiplication (notion de "stock de nourriture") ;

- les composés chimiques sous la forme desquels se présentent ces éléments, l'azote et le phosphore notamment, chaque espèce végétale ayant de ce point de vue des préférences (notion de "gourmandise").

- des facteurs d'ordre physique et environnemental, et notamment :

- l'hydrodynamisme qui conditionne le temps de séjour de l'eau en un lieu donné (distinction des eaux courantes et des eaux stagnantes, confinées ou peu renouvelées) et le temps de contact entre l'eau et les éléments qu'elle contient d'une part et les peuplements végétaux d'autre part ;

- la profondeur de l'eau, sachant que les milieux profonds sont fréquemment stratifiés thermiquement et que la lumière parvient difficilement au fond et qu'à l'inverse dans les milieux peu profonds la température est fréquemment homogène et que la pénétration de la lumière solaire favorise la fixation des végétaux sur le fond ;

- les variations saisonnières des facteurs précédents, ainsi que de la turbidité qui peut faire obstacle à la pénétration de la lumière ;

- l'environnement général du milieu, notamment en eaux courantes : ombrage naturel, nature et granulométrie du fond, ainsi que des facteurs proprement écologiques tels que la concurrence possible des diverses espèces végétales.

Parvenu au stade où l'on peut parler d'eutrophisation, ce développement excessif des végétaux aquatiques apparaît donc comme la résultante du jeu complexe et subtil d'un ensemble de facteurs divers et changeants. Établir les relations de cause à effet de son apparition, de sa nature, son intensité, sa fréquence, est une tâche extrêmement difficile du fait même de cette complexité et de cette subtilité dans les interactions.

Les peuplements végétaux qui constituent la forme concrète que revêt ce phénomène sont en particulier extrêmement diversifiés. Ils comportent en tous milieux, doux, saumâtre ou salé,

- des végétaux supérieurs (phanérogames) ;

- des algues fixées, en feutrage, en mattes, en filaments ;

- des algues et autres organismes planctoniques, dont certains sont susceptibles de sécréter des substances toxiques.

Chacune de ces catégories regroupe des milliers de genres et d'espèces, chaque espèce ayant ses propres exigences pour son développement. En outre les peuplements ne sont pas fixes mais évoluent et se succèdent dans le temps, quel que soit le milieu et quelles qu'en soient les caractéristiques.

La maîtrise du phénomène est une tâche complexe et difficile. Il convient tout d'abord de noter que l'un quelconque des facteurs de causalité énumérés ci-dessus, chimiques ou physiques, peut être le cas échéant celui sur lequel peut porter une action efficace. Il est toutefois apparu pertinent le plus souvent de concentrer l'effort de lutte contre l'eutrophisation sur les éléments nutritifs et tout particulièrement sur l'azote et le phosphore.

Deux notions clés : le facteur limitant et le facteur de maîtrise.

Tous les éléments nutritifs sont des facteurs de causalité du phénomène. Compte tenu de leur abondance relative dans le milieu, certains peuvent être en quantité largement suffisante, d'autres venir à manquer tôt ou tard. C'est là la réponse du milieu aux besoins nutritionnels, physiologiques des végétaux. Dans cette optique se définit comme facteur limitant l'élément qui vient à manquer le premier, qui disparaît le premier du milieu du fait de son assimilation par les végétaux.

Ceux-ci en effet, comme tous les êtres vivants, admettent des "fourchettes" strictes et étroites des concentrations de ces éléments dans leurs tissus. Ces caractéristiques, que leur a dictées la nature, diffèrent d'une espèce à l'autre. Les rapports entre les concentrations des divers éléments sont ainsi très rigoureux et propres à chaque espèce végétale.

En ce qui concerne l'azote et le phosphore notamment, les deux "aliments" principaux des plantes, le rapport atomique moyen dans le règne végétal est égal à 16 (7 en poids) mais, selon l'espèce, il peut varier entre 5 et 45.

Pour chaque espèce considérée, la comparaison du rapport N/P qui lui est propre et du rapport N/P du milieu devrait permettre d'évaluer les possibilités de ce dernier à lui fournir son alimentation et mettra en évidence celui des deux éléments qui sera le facteur limitant. Si le rapport N/P du milieu est supérieur à celui qu'admettent les tissus de cette espèce, cela signifie que l'azote est surabondant, que le déficit en phosphore apparaîtra donc en premier. Le phosphore est alors limitant. Si le rapport N/P du milieu est inférieur à celui des tissus, ce sera au contraire l'azote qui sera le facteur limitant du développement de l'espèce.

En fait l'examen des rapports N/P à un instant donné ne tient pas compte des stocks intracellulaires d'azote et de phosphore dans le végétal. Ils ne reflètent pas davantage les flux réels de ces éléments dans le milieu, flux dus aux processus d'apport, de régénération, de consommation et de stockage. La détermination de l'élément limitant à un instant donné peut se faire par la méthode des bio-essais qui consiste à comparer le développement d'algues ou de phytoplancton dans des milieux diversement enrichis ou carencés en éléments nutritifs.

Le facteur de maîtrise sera bien entendu un facteur limitant mais cette notion implique en outre un sens opérationnel. Compte tenu des possibilités de mettre en œuvre un contrôle de l'enrichissement du milieu en tel ou tel élément nutritif, le facteur de maîtrise sera celui que l'on pourra faire devenir limitant.

Les substances nutritives parviennent en effet aux milieux aquatiques par diverses voies, par le bassin versant (affluents, rejets directs, reminéralisation, sources diffuses et résurgence des eaux souterraines), par l'atmosphère (gaz, aérosols, redéposition des substances vaporisées, précipitations), par les sédiments déposés au fond de l'eau qui peuvent y relâcher les substances absorbées. Certains de ces mécanismes ne sont pas susceptibles d'un contrôle efficace et ce seront les possibilités dont on disposera effectivement qui détermineront le facteur de maîtrise.

Un exemple simple illustrera notre propos. Certaines cyanophycées (algues bleues) peuvent, s'il vient à manquer dans l'eau, assimiler l'azote atmosphérique qu'elles viennent chercher en surface par un jeu subtil de montées et de redescentes au moyen de vacuoles gazeuses contenues dans leurs tissus. Elles ont en même temps un rapport N/P tissulaire faible qui permet de dire que l'azote est l'élément limitant de leur développement. Il est pourtant clair que, du fait de la caractéristique comportementale décrite ci-dessus, l'azote ne pourra jamais en être le facteur de maîtrise.

L'appréciation de la probabilité de réussite, liée aux possibilités de contrôle des éléments nutritifs, est une condition sine qua non de la détermination du facteur de maîtrise.

Les connaissances, dans leur état actuel, encore imprécis et incomplet, du fait notamment de la complexité des facteurs et des phénomènes en cause, permettent de penser qu'il y a une forte probabilité pour que l'azote soit le facteur de maîtrise de l'eutrophisation dans le cas des eaux salées (côtières) et des eaux saumâtres stagnantes (lagunes) peu profondes. Il est établi qu'il ne l'est pas dans le cas des eaux saumâtres courantes (estuaires) ou des eaux douces calcaires, stagnantes comme courantes, où c'est au contraire le phosphore qui joue ce rôle. Enfin, dans le cas des eaux douces acides, surtout stagnantes (retenues), et des eaux saumâtres profondes, des études sont encore nécessaires pour conclure.

Les observations et études effectuées aux échelles départementales, régionales ou de bassin ayant permis de caractériser l'état d'eutrophisation des eaux, le groupe de travail aura, sur la base des considérations développées ci-dessus, à apprécier dans quels cas l'azote est le facteur de maîtrise du phénomène. Ceci fait, il lui faudra déterminer par ailleurs si l'azote provenant des activités agricoles contribue de manière significative au phénomène d'eutrophisation au sens de la directive nitrates. Si tel est le cas, le zonage fait sur la base de la teneur en nitrates des eaux devra être complété sur la base de ce critère.

Annexe IV : Bilan et cartes qualité des eaux

Extraits du guide d'élaboration des rapports des États membres (art. 10)

Comité nitrates du 11 avril 2000

 

 

 

 

 

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