Le ministre de l'Environnement à Mmes et MM. Ies préfets, M. Ie préfet de police:
La prévention des risques inhérents aux stockages existants de gaz inflammables liquéfiés nécessite deux approches complémentaires:
- I'amélioration de la sécurité des stockages;
- la gestion rigoureuse de l'utilisation de l'espace autour des stockages, notamment pour éviter toute augmentation démographique dans les zones de dangers.
La présente circulaire précise les modalités de prise en compte, notamment en matière de maîtrise de l'urbanisation, de la technique d'ignifugation améliorant la sécurité des réservoirs aériens existants de gaz inflammables liquéfiés sous pression de capacité unitaire supérieure ou égale à 50 tonnes.
1. La réglementation et les orientations actuelles
Les dispositions et orientations techniques actuellement en vigueur pour prévenir la survenue des scénarios d'accident les plus graves ressortissent aux textes suivants :
- I'arrêté du 9 novembre 1989 relatif aux conditions d'éloignement auxquelles est subordonnée la délivrance de l'autorisation des nouveaux réservoirs de gaz inflammables liquéfiés. Ce texte introduit le concept de réservoir sous talus, c'est-à-dire recouvert d'une couche de 1 m au moins de matériau dense et inerte constitué de terre ou de sable le protégeant d'effets thermiques ou mécaniques;
- I'arrêté du 10 mai 1993 relatif au stockage de gaz inflammables liquéfiés sous pression.
Ce texte fixe les dispositifs de sécurité exigibles pour tous réservoirs aériens existants ou nouveaux de capacité unitaire supérieure ou égale à 50 tonnes;
- la circulaire du 9 novembre 1989 relative aux dépôts de gaz inflammables liquéfiés prise pour l'application de l'arrêté de même date;
- la circulaire n° 91-38 du 7 mai 1991 relative à la prévention des risques dus aux stockages aériens de gaz combustibles liquéfiés. Elle donne des orientations pour déterminer les distances d'isolement autour des réservoirs non soumis à I'arrêté du 9 novembre 1989, à partir du scénario de référence et en tenant compte des contraintes locales.
Parallèlement à l'élaboration de I'arrêté du 9 novembre 1989 , les organisations professionnelles concernées par le stockage de gaz liquéfiés ont engagé des études afin d'élaborer des méthodes de qualification de matériaux aptes à protéger thermiquement les réservoirs. Il s'agit du programme GASAFE.
2. Prise en compte des matériaux ignifuges
2.1. Equivalence avec le refroidissement par ruissellement d'eau
Un matériau ignifuge ayant subi avec succès les essais prévus par le programme GASAFE peut constituer un dispositif d'efficacité équivalente au ruissellement uniforme d'eau avec le débit minimal de 10 litres par mètre carré et par minute tel que cela est prévu à l'article 11 de l'arrêté du 10 mai 1993.
L'exploitant souhaitant mettre en oeuvre cette technique devra présenter les justifications nécessaires dans un complément à l'étude des dangers conformément à l'annexe de la présente circulaire.
L'épaisseur de l'ignifuge et le cas échéant I'arrosage complémentaire seront dimensionnés pour une durée d'exposition au feu maximale déterminée par l'étude des dangers. Cette durée ne peut être inférieure à 4 heures.
2.2. Distinction avec les réservoirs sous-talus
Les performances de quelques centimètres de matériaux ignifuges ne sauraient égaler celles d'un mètre de matériau dense et inerte notamment en ce qui concerne la protection mécanique. Autrement dit, les matériaux qui auront subi avec succès les essais du programme GASAFE ne peuvent être retenus comme une technique équivalente au sens du 3e alinéa du point 2.3.2 de l'article 2 de l'arrêté du 9 novembre 1989.
3. Gestion de l'espace autour des réservoirs aériens existants
Le BLEVE (1) demeure le scénario de référence pour établir la zone de concertation.
Pour certains réservoirs situés dans un environnement favorable, I'étude des dangers pourra montrer que la mise en oeuvre de matériaux ignifuges apporte un degré de sûreté élevé.
Ces réservoirs devront répondre à des critères de qualité et de sûreté: bon état dûment vérifié, présence de dispositifs de sécurité, emplacement sur le site industriel. Les dispositifs de sécurité sont ceux prévus par I'arrêté du 10 mai 1993. L'emplacement du stockage est favorable lorsque le site est peu encombré et l'environnement peu agressif en terme d'émission de projectiles.
Pour ces réservoirs, la détermination des zones de gestion de l'espace pourra conduire à des distances inférieures à celles calculées à partir du scénario BLEVE, sans toutefois être moins contraignantes que celles fondées sur des accidents ci-après consécutifs à la rupture guillotine du piquage ou canalisation dimensionnant:
- VCE (2) consécutif à la vidange du réservoir. La durée de fuite et le délai d'allumage sont déterminés par l'étude des dangers;
- VCE consécutif à la vidange de la canalisation entre deux organes de sectionnement.
Toutefois, il me paraît de bonne administration de ne pas fixer des distances d'isolement inférieures à 150 et 370 m pour les zones d'effet létal et d'effet irréversible.
(1) BLEVE Actronyme de Boiling Liquid Expanding Vapor Explosion (Explosion de gaz en expansion provenant d'un liquide en ébullition).
(2) VCE Actronyme de Vapour Cloud Explosion (Explosion d'un nuage de gaz).
Annexe : L'ignifugation des réservoirs de gaz inflammables liquéfiés
I. Préliminaire
Le risque majeur des stockages de gaz inflammable liquéfié est généralement le phénomène de BLEVE. Ce phénomène rare n'est pas encore totalement expliqué, notamment dans sa genèse et son développement. Le BLEVE se prolonge par une boule de feu dont l'importance et les effets peuvent être assez facilement modélisés.
La prévention du BLEVE consiste à supprimer une des conditions nécessaires à l'initiation de ce phénomène. L'une de ces conditions est un chauffage important du gaz inflammable liquéfié qui survient, par exemple à la suite d'un incendie affectant tout ou une partie du réservoir. Deux approches techniques ont été explicitement retenues par la réglementation:
- I'isolation: c'est le principe de base de la couche de un mètre de matériau dense et inerte prévue à l'article 2 point 2.3.2 de l'arrêté du 9 novembre 1989;
- I'évacuation de la chaleur par un film d'eau: c'est ce que prévoit l'article 11 de l'arrêté du 10 mai 1993.
On s'intéresse ici à une technique d'isolation thermique des réservoirs consistant à recouvrir la totalité du réservoir par une couche de quelques centimètres de matériaux ignifuges. Cette protection thermique doit également inclure les supports du réservoir et tous les éléments assurant sa stabilité de façon à prévenir une élévation de température de ces éléments qui soit préjudiciable à la tenue mécanique de l'ensemble.
II. Détermination des matériaux aptes à l'ignifugation des réservoirs. Le programme GASAFE
Une protection thermique capable de limiter une conduction excessive de chaleur vers la paroi du récipient et son contenu permet en théorie de retarder la survenue d'un BLEVE consécutif à l'échauffement du gaz liquéfié.
Pour être efficace, Ia prévention de ce mode de ruine implique la protection contre l'action de la chaleur de tous les dispositifs assurant la stabilité et l'intégrité du réservoir, y compris ses supports.
Deux objectifs sont assignés à l'ignifuge:
- d'une part, il doit empêcher une élévation de température excessive de la paroi du réservoir de façon à garantir le maintien de ses qualités mécaniques;
- d'autre part, il doit limiter la quantité de chaleur transmise au gaz liquéfié de façon à éviter une augmentation de la pression du réservoir. Cela permet également de limiter l'accroissement de l'énergie interne du gaz liquéfié et donc son aptitude à produire le BLEVE.
En pratique, compte tenu des caractéristiques thermodynamiques du gaz liquéfié et de la résistance mécanique du réservoir en fonction de la pression interne et de la température, on aboutit à une valeur limite de la température de la paroi interne du réservoir qu'il convient de ne pas dépasser.
L'épaisseur de l'ignifuge à mettre en place dépend alors des facteurs suivants:
- importance de la source de chaleur, notamment son intensité, son étendue et sa durée;
- caractéristiques thermiques du matériau ignifuge (conductivité, diffusivité);
- présence éventuelle de dispositifs d'arrosage fixes.
Le programme GASAFE a étudié 6 ignifuges destinés à recouvrir les réservoirs habituellement rencontrés pour le stockage du butane et du propane. Les sources de chaleur pour lesquelles ces matériaux ont été testés sont celle correspondant à l'incendie d'une nappe de butane ou de propane liquéfié et celle correspondant à une flamme torche.
Les essais suivants ont été menés dans le cadre du programme GASAFE:
a) Exposition de plaques d'acier recouvertes par le matériau ignifuge à un foyer simulant un feu de nappe de gaz liquéfié. Cet essai a permis d'établir des abaques donnant l'épaisseur d'ignifuge à mettre en place pour qu'au terme de durées d'exposition de 1, 2, 3 et 4 heures, une paroi d'épaisseur donnée ne dépasse pas une température donnée.
b) Exposition pendant au moins 3 heures d'une sphère ignifugée de 2,5 m3 et dont la paroi a 10 mm d'épaisseur, remplie à 20 % de propane liquéfié, à un système simulant un feu de nappe de butane. L'épaisseur de la couche d'ignifuge à mettre en place sur la sphère est prédéterminée en utilisant les essais a).
c) Exposition pendant 2 heures à une torche thermique émettant un flux de 200 kW/m2 d'une plaque d'acier d'au moins 900 cm2 de surface recouverte de matériau ignifuge.
d) Exposition pendant 2 heures de plaques d'acier recouvertes de matériau ignifuge à l'action alternée d'une torche telle que celle citée en b) et de l'action d'un jet d'eau tel que celui délivré par une lance à incendie avec un débit de 250 l par minute sous une pression de 7 bars.
e) Exposition du matériau ignifuge à des essais simulant le vieillissement.
III. Utilisation pratique des résultats du programme GASAFE
Les orientations ci-après ne préjugent pas des exigences qui peuvent être formulées dans le cadre d'autres réglementations. Elles concernent les réservoirs situés à l'écart de toute installation, matériel ou infrastructure susceptible de produire des effets pouvant détériorer le revêtement ignifuge.
1. Caractéristiques du matériau ignifuge
Les résultats minimaux à rassembler pour un matériau ignifuge sont les suivants:
Essai a): Abaques tels que précisés ci-dessus.
Ces abaques doivent permettre de déterminer l'épaisseur d'ignifuge à mettre en place pour maintenir la paroi à une température inférieure à celle citée ci-après au terme de la durée maximale d'exposition de 4 heures. On pourra tenir compte, le cas échéant, de la protection thermique apportée par un dispositif d'arrosage fixe.
Essai b): Maintien en place de l'intégralité de l'ignifuge. Absence de fissure profonde. Température de paroi inférieure à la température citée ci-après.
Essai c): Température de paroi relevée au centre de l'impact de la torche et après 2 heures d'exposition inférieure à la température citée ci-après.
Essai d): Maintien en place de l'ignifuge. Absence de fissure profonde.
Essai e): Maintien de toutes les propriétés de l'ignifuge et absence de corrosion du métal de support.
Ces résultats doivent être certifiés exacts par les organismes d'essais conformément aux règles de l'assurance de la qualité.
La température limite est celle au-delà de laquelle les caractéristiques mécaniques du métal du réservoir se dégradent notablement (3). Par mesure de sécurité, cette température ne peut être supérieure à 427 °C en ce qui concerne le butane et le propane. Pour les autres gaz, cette température limite doit être déterminée en considérant le maintien des caractéristiques mécaniques du métal du réservoir d'une part et le domaine de température dans lequel on ne peut craindre de réaction chimique du gaz d'autre part.
Lorsque l'exploitant voudra assurer une protection thermique du réservoir en utilisant simultanément un matériau ignifuge et un ruissellement d'eau, la compatibilité des deux techniques pendant toute la durée d'un incendie devra être démontrée.
(3) Une fragilisation, une diminution de 20 % des limites d'élasticité ou de résistance à la traction doivent être considérées comme des dégradations notables des caractéristiques du métal.
2. Mise en place du matériau ignifuge
Le matériau ignifuge sera mis en place conformément au plan d'assurance de la qualité proposé au terme du programme GASAFE. Il sera mis en place sur les structures suivantes:
- paroi du réservoir dans son intégralité;
- canalisations de gaz et circuits de transmission des informations provenant des dispositifs de sécurité réglementaires situés à moins de 10 m du réservoir;
- tout élément participant au support du réservoir, des canalisations et circuits précités.
Une plaque témoin de 1 m2 constituée du même métal que le réservoir sera recouverte de matériau ignifuge dans les mêmes conditions que le réservoir. Cette plaque sera installée de façon à subir les mêmes contraintes météorologiques que le réservoir.
Le réservoir ignifugé devra bénéficier d'une dispense pérenne de visite extérieure à l'occasion des visites périodiques prévues par la réglementation sur les appareils à pression de gaz.
3. Cuvettes de rétention
L'existence d'une couche d'ignifuge permettant de protéger un réservoir pendant 4 heures peut justifier une demande d'adaptation de la disposition de l'alinéa b) article 9 de l'arrêté du 10 mai 1993 relatif au stockage de gaz inflammables liquéfiés sous pression, conformément au dernier alinéa de ce même article.
4. Exemple de calcul de distance de dangers
Les formules de calcul les plus utilisées jusqu'à ce jour pour estimer les surpressions consécutives à un VCE sont basées sur la méthode de l'équivalence TNT. Cette méthode simple d'emploi est cependant réputée majorante pour le champ proche. Pour une sphère de 1000 m3 de propane et pour les diamètres de canalisations les plus fréquemment rencontrés, elle donne les distances de létalité et d'atteinte irréversible suivantes:
0 (mm) |
Masse de gaz libéré (kg) |
Distances de dangers (m) |
Létalité (140 mbars) |
Effets irréversibles (50 mbars) |
50 |
3 000 |
130 |
320 |
100 |
12 000 |
200 |
500 |
150 |
27 000 |
270 |
660 |
200 |
48 000 |
325 |
800 |
250 |
75 000 |
380 |
930 |
(VCE, durée de fuite et délai d'allumage: 1 mn)
Les distances précédentes ont été calculées à l'aide de méthodes simplificatrices qui comportent des limites. Elles ne sont pas pertinentes pour des sites encombrés. En effet, la présence répétée d'obstacles tels que murs, bâtiments, canalisations, véhicules constituent des situations de confinement et amplifient l'onde de surpression.
Pour des réservoirs situés dans un site encombré, il conviendra d'utiliser des méthodes adaptées ou bien, si elles font défaut, de majorer forfaitairement les distances précitées. Lorsque l'environnement des réservoirs compte des installations ou infrastructures potentiellement dangereuses pour les réservoirs en terme d'impact mécanique, ce risque doit être pris en compte dans la détermination des distances d'isolement.