(BOMEDD n° 2/2006 du 30 janvier 2006)
La Ministre
à
Mmes et MM les Préfets de départements
Copie à :
Mmes et MM les directeurs régionaux de l'industrie, de la recherche et de l'environnement
Mmes et MM les directeurs départementaux des services vétérinaires
réf. : décret n° 2005-1170 du 13 septembre 2005 modifiant le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977
Le décret n° 2005-1170 du 13 septembre 2005 a modifié, en application de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, les dispositions sappliquant à la cessation dactivité des installations classées.
Celles-ci, principalement contenues dans larticle 34-1 du décret du 21 septembre 1977 susvisé, sétablissent en application de larticle L . 512-17 du code de lenvironnement qui place lusage futur du site au centre du dispositif en imposant à lexploitant :
- Dès la cessation dactivité, la mise en sécurité du site (art. 34-1 II)
- Dans un second temps, lorsque des terrains susceptibles dêtre affectés à un nouvel usage sont libérés, la mise en uvre de mesures de réhabilitation dont lobjectif est de rendre compatible létat du site et lusage futur prévu (art. 34-1 III)
Une grande partie de ces dispositions prend effet à compter du 1er octobre 2005. Il mapparaît donc nécessaire dattirer à ce stade votre attention sur certains points particuliers dapplication de ce texte notamment ceux concernant le choix déterminant de lusage. Cette circulaire naborde pas les aspects relatifs à la méthodologie de gestion des sites, qui font lobjet dinstructions spécifiques. A ce sujet, je vous renvoie notamment à lannexe à ma circulaire n° 04-284 du 25 octobre 2004.
1. Rappel de quelques principes généraux
Un projet daménagement abouti consiste à définir des usages ou des configurations daménagement qui, combinées à des actions sur les sources ou les voies de transfert, assurent la protection de lenvironnement et des tiers. Ceci peut amener à laisser en place, en les confinant, des matières polluantes sous réserve que les impacts soient parfaitement identifiés et définitivement maîtrisés.
Aussi, il napparaît pas souhaitable, dans une logique de développement durable, dexcaver systématiquement les terres polluées. Les options reposant sur des traitements in-situ voire, mieux, sur la régénération naturelle, cest à dire sans aucune intervention humaine dans le processus de rétablissement, associées à une surveillance des milieux appropriée, peuvent être à privilégier lorsquelles restent compatibles avec les usages et les délais envisagés.
Ce faisant, cette stratégie na de sens que si elle saccompagne dune vigilance pérenne sur les changements suivants dusage et dune information systématique des acquéreurs par le biais des documents durbanisme ou fonciers (Conservation des hypothèques).
2. La notification darrêt définitif et la mise en sécurité
Linstruction dune cessation dactivité ne consiste pas à accepter ou refuser la cessation mais bien à veiller à ce que lexploitant respecte ses obligations au moment de la fermeture du site, dont il a fixé la date. En outre, dans les quelques mois à venir, la souplesse simpose eu regard aux délais de 3 et 6 mois prévu à larticle 34-1, les dispositions en vigueur avant le 1er octobre 2005 prévoyant des délais moindres.
Dès la notification darrêt définitif, lexploitant doit vous communiquer les mesures quil a prises ou entend prendre afin dassurer la mise en sécurité des installations. Dans le cas où les éléments communiqués par lexploitant reprennent les points listés au 34-1-II, vous accuserez réception de cette notification en délivrant le récépissé prévu, sans que cela ne vous empêche par la suite de demander des compléments.
Les mesures de mise en sécurité doivent viser en priorité la protection des tiers vis à vis des risques présents sur le site au moment de la fin dexploitation. A cet égard, la « suppression des risques dincendie ou dexplosion » visée à larticle 34-1 doit sentendre comme lélimination des potentiels de danger au sens de la prévention des risques accidentels.
Sagissant des élevages, il convient de se référer aux arrêtés ministériels du 7 février 2005.
3. La réhabilitation
Lexploitant doit compléter la mise en sécurité du site par une réhabilitation en fonction de lusage futur. Ceci nest toutefois exigible que si les terrains libérés permettent physiquement daccueillir un nouvel usage.
Ainsi, à titre dexemples illustrant cette condition, la mise en uvre dun processus de réhabilitation na pas lieu dêtre dans les cas suivants :
- larrêt dune installation à lintérieur dun site complexe (une unité au sein dune usine chimique par exemple),
- la cessation dactivité dun élevage qui ne donne pas lieu à libération des terrains en vue dun nouvel usage non agricole .
a) le choix du ou des usages à prendre en considération
Lorsque larrêté dautorisation na pas prévu les conditions de remise en état, le ou les types dusage à prendre en compte pour la réhabilitation sont déterminés au terme dune concertation dont les modalités font lobjet de larticle 34-2 du décret.
Jattire votre attention sur deux points particuliers :
- Cette concertation est menée à linitiative de lexploitant.
- Lincompatibilité manifeste mentionnée au V de larticle 34-2 doit sapprécier notamment en fonction des documents d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle lexploitant fait connaître à ladministration sa décision de mettre linstallation à larrêt définitif et de lutilisation des terrains situés au voisinage du site. Lappréciation de cette incompatibilité ne relève pas de la compétence du service dinspection des installations classées. La notification aux personnes concernées de cette incompatibilité prendra la forme dune simple lettre de votre part.
En outre, le choix définitif du ou des usages est déterminant pour définir la nature des opérations qui devront être menées sur le site. Je crois à ce titre nécessaire dappeler votre attention sur la notion de « bilan des coûts et des avantages » figurant dans le nouveau décret. Cette disposition doit amener les exploitants à formuler des propositions présentant la meilleure efficacité, tant sur le plan de lemploi de ressources financières que de ressources naturelles (utilisation dénergie pour le traitement, transport de terres
), ou de pérennité à long terme (fiabilité des mesures proposées).
Ceci peut conduire à orienter le choix de lusage définitif retenu en fonction des travaux de réhabilitation qui y correspondent. A cet égard, et sans quil soit nécessaire de procéder à une analyse complète et structurée de tous ces aspects, voici quelques questions qui peuvent guider lévaluation globale de chaque projet :
- Quelle est la portée générale du projet proposé en terme denjeux économiques, sociaux (type déquipement, intérêt général
) et environnementaux ?
- Quel est le bilan écologique global du projet de réhabilitation ? Lutilisation des ressources naturelles est-elle optimale ?
- Quelles sont les contraintes ultérieures (restrictions dusage, surveillance, gel des terrains) qui pèseront sur les terrains après réhabilitation ?
- Quelle est la valeur réelle des terrains, quelle est la valorisation attendue pour chaque usage proposé et pour quel effort de réhabilitation consenti ?
- Qui sont les bénéficiaires de la réhabilitation au regard de ceux qui la financent ?
b) lélaboration du projet de réhabilitation
Le processus de réhabilitation est encadré conformément aux dispositions de larticle 34-3.
Dans un premier temps, lexploitant doit vous transmettre ses propositions dans un mémoire de réhabilitation. Ces propositions vous permettront le cas échéant de trancher sur lusage retenu à travers larrêté préfectoral que vous serez amené à prendre.
Outre les aspects techniques proprement dit, celui-ci doit faire état des dispositions envisagées en termes de restrictions dusage du site dans le cas où le projet de réhabilitation conduirait à confiner ou laisser sur place des pollutions résiduelles. Vous devez donc vous appuyer sur ces dispositions afin que lexploitant vous remette, en cas de besoin, le dossier de servitudes ou le projet de restrictions, quil nappartient pas à linspection des installations classées de rédiger.
Je vous rappelle en effet que la politique de gestion des sites et sols pollués repose sur une adéquation de létat du site avec lusage qui en est fait ; corrélativement, la restriction dusage est une pièce maîtresse du dispositif, qui permet entre autres une bonne transmission de linformation dans lavenir. La mise en uvre de telles mesures doit donc être systématiquement envisagée.
Dans lattente de dispositions permettant une mise en uvre plus aisée des Servitudes dUtilité Publique (SUP), les mécanismes de restriction dusage conventionnels constituent une solution dont la souplesse est appréciable. Je vous demande néanmoins de privilégier le recours aux SUP dès lors que les délais de mise en uvre le permettent.
Dans un second temps, lexploitant doit mettre en uvre les mesures de réhabilitation que vous aurez fixées par arrêté, en vous basant sur ses propositions. Celles-ci peuvent être soumises à tierce-expertise si vous estimez quun éclairage externe sur certains points particuliers est nécessaire.
Le dialogue et la concertation entre les différentes parties étant lune des pièces maîtresses du nouveau dispositif, il me semble utile de préciser que les opérations de réhabilitation peuvent faire lobjet dun cofinancement par différents acteurs (exploitant, collectivités, propriétaire
), sans que ceci ait un quelconque impact sur votre action.
c) le procès-verbal de récolement
Linspection des installations classées constatera la conformité des actions à larrêté préfectoral ou au mémoire de réhabilitation par un procès-verbal de récolement. Il sappuiera sur des justificatifs fournis par lexploitant attestant de la réalisation des travaux conformément à ce qui a été prévu. Il pourra être complété par des constats sur site, réalisés au moment le plus opportun de lopération de réhabilitation, et nécessairement limités à des opérations de vérification ponctuelle et par sondage.
Le procès-verbal de récolement devra préciser explicitement sur la base de quels documents ou constats il est établi. Il ne saurait dégager le dernier exploitant de ses responsabilités pour des points qui se révèleraient non conformes à lavenir.
Les justificatifs pourront également être produits par des organismes de contrôle dont vous aurez prescrit lintervention pendant le chantier dans larrêté de réhabilitation. De telles prescriptions prennent tout leur sens sur des opérations complexes.
4. Cas des installations soumises à déclaration
Sagissant des installations soumises à déclaration, un arrêté ministériel doit préciser les dispositions applicables. Dans lattente, les dispositions de larticle 34-3 ne sont pas applicables à cette catégorie dinstallation : la réhabilitation éventuellement menée par lexploitant ne fait donc pas lobjet dun encadrement ou dune intervention spécifique de votre part.
Je vous rappelle en outre que le service des installations classées doit sintéresser en priorité aux établissements soumis à autorisation.
5. Les installations à implanter sur un site nouveau
Cette situation correspond à la construction dune installation sur un site auparavant vierge de toute installation classée.
Les dispositions du e) du 4° de larticle 3 du décret de 1977 imposent déjà que soient décrites dans létude dimpact jointe à la demande dautorisation les conditions de remise en état du site après exploitation.
Sagissant des demandes dautorisation déposées postérieurement au 1er mars 2006 :
- Le dossier devra comprendre lavis des maire et propriétaire sur les conditions de remise en état du site après exploitation,
- Larrêté préfectoral fixera les conditions de remise en état.
A lexception des installations, telles que les carrières ou les stockages de déchets, pour lesquelles les mesures de fin dactivité sont décrites très précisément et font en elles-mêmes partie du processus dautorisation dexploiter, il nest pas aisé de décrire très précisément les travaux de réhabilitation qui interviendront à la cessation dactivité dun site, à lhorizon de plusieurs dizaines dannées, sauf à se limiter à un engagement sur la suppression des risques.
De surcroît, ces travaux de réhabilitation dépendront en grande partie de la réalité de lexploitation pendant ces années à venir, avec les incidents ou imprévus éventuels, quil est bien sûr impossible de prévoir.
Aussi vous vous attacherez, tant dans lanalyse des propositions de lexploitant que dans les dispositions retenues dans larrêté dautorisation, à prendre en compte avant tout lusage futur du site après exploitation. Les conditions de remise en état devront ainsi fixer le ou les types dusage que lexploitant devra prendre en considération au moment de la cessation dactivité, lenjeu principal étant que le niveau de sensibilité de la remise en état dont lexploitant sera redevable soit fixé, le cas échéant accompagné de quelques lignes directrices pour la réalisation de celle-ci, mais sans quil soit nécessaire ni possible dimposer un plan de réhabilitation détaillé.
Par ailleurs, la destination finale des terrains fixée au moment de lautorisation dexploiter est de nature à influer sur la manière dont seront conduites les mesures de prévention en cours dexploitation et ce, dautant plus que lusage à terme retenu sera sensible.
6. Les anciens sites
Certains sites arrêtés il y a longtemps peuvent avoir fait lobjet dune cessation dactivité dans des formes différentes et souvent largement plus succinctes que les pratiques actuelles. Dans de telles situations, il ne convient pas de remettre en question cette cessation dactivité mais bien daboutir à une gestion du site en conformité avec les principes de larticle 34-5 au regard des enjeux et des risques identifiés.
Dans ce cadre, les mesures que vous prendrez doivent être strictement limitées à ce qui est nécessaire en vue de la protection des intérêts visés par larticle L. 511-1 du Code de lEnvironnement et revêtir un caractère pertinent et proportionné. Elle doivent également sappuyer sur des constats objectifs et des éléments tangibles démontrant la nécessité dune action.
Je vous invite à me faire part sous le présent timbre des éventuelles difficultés relatives à lapplication des nouvelles dispositions ou des présentes instructions. Votre retour dexpérience me permettra, le cas échéant, de les compléter.
Pour la Ministre et par délégation,
Le directeur de la prévention des pollutions et des risques,
délégué aux risques majeurs
Thierry TROUVÉ