(JO n° 156 du 25 juin 2020)


NOR : TRER2005279S

Vus

La ministre de la transition écologique et solidaire et le président de l'Autorité de sûreté nucléaire,

Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 121-1 à L. 121-15, L. 542-1 et suivants, L. 594-1 et suivants et R. 121-1 à R. 121-16 ;

Vu le décret n° 2017-231 du 23 février 2017 pris pour application de l'article L. 542-1-2 du code de l'environnement et établissant les prescriptions du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs ;

Vu l'arrêté du 23 février 2017 pris en application du décret n° 2017-231 du 23 février 2017 pris pour application de l'article L. 542-1-2 du code de l'environnement et établissant les prescriptions du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs ;

Vu la décision n° 2018/25/PNGMDR/1 du 4 avril 2018 de la Commission nationale du débat public d'organiser un débat public sur la cinquième édition du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs ;

Vu la 4e édition du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, portant sur la période 2016-2018 ;

Vu le bilan dressé par la présidente de la Commission nationale du débat public ainsi que le compte-rendu établi par la présidente et les membres de la commission particulière du débat public, rendus publics le 25 novembre 2019 ;

Considérants

Considérant que le débat a fait ressortir :

- Un consensus sur le besoin de poursuivre l'action des pouvoirs publics, des producteurs responsables de leurs déchets radioactifs et de l'ensemble des parties prenantes en vue d'améliorer la gestion de ces déchets et de la mise en place opérationnelle de filières de gestion pour chacun d'entre eux ;

- L'articulation indispensable des orientations de politique énergétique et des choix relevant de la gestion des matières et des déchets radioactifs ;

- Le besoin d'une meilleure prise en compte des enjeux transverses à la gestion des matières et des déchets radioactifs : enjeux liés aux transports des déchets, à la santé, à l'économie et aux impacts territoriaux des choix de gestion ;

- Les attentes relatives à un renforcement de la gouvernance stratégique de la politique de gestion des matières et des déchets radioactifs, par la clarification des rôles des institutions qui s'y impliquent et par la mise en place d'un dispositif continu d'association du public à l'élaboration des décisions à prendre ;

- Le besoin de mieux prendre en compte les impacts territoriaux du plan dès la phase de définition des solutions de gestion ;

- S'agissant de la gestion des matières radioactives, des interrogations concernant les perspectives de valorisation de certaines matières et le besoin de renforcer la transparence du processus de classement ainsi que le contrôle de ces perspectives ;

- S'agissant de la politique d'entreposage des combustibles usés, un consensus autour de la nécessité de nouvelles capacités d'entreposage de combustibles usés à l'échéance de 2030, ainsi que des spécificités du contexte français, qui confirment la pertinence de l'entreposage sous eau à cette échéance ;

- S'agissant des déchets de très faible activité, la grande sensibilité du public aux éventuelles évolutions réglementaires du principe de gestion de ces déchets et le besoin que toute évolution en la matière soit accompagnée de la mise en œuvre de processus de traçabilité adaptés, de contrôles efficaces exercés par des organismes indépendants, et d'une association de la société civile ;

- S'agissant des déchets de faible activité à vie longue, le constat de la difficulté de trouver une solution de gestion unique compte-tenu de l'hétérogénéité de ces déchets, et la nécessité de recourir à des expertises techniques complémentaires avant de définir des solutions de gestion qui devront mieux intégrer les enjeux territoriaux ;

- S'agissant de la gestion des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, les attentes du grand public de clarification, d'une part, des enjeux indispensables à la mise en œuvre du stockage géologique profond que sont la réversibilité, les garanties de sûreté ou la conception de la phase industrielle pilote et, d'autre part, des perspectives des recherches sur la transmutation ;

- Le constat des échéances particulièrement longues pour la gestion de ces déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, que ce soit dans une perspective de stockage géologique profond ou d'entreposage de longue durée pour permettre des progrès dans la recherche d'une solution définitive, qui a conduit à identifier le jalonnement des étapes du projet Cigéo comme une question centrale du processus de la décision publique ;

- S'agissant de la gestion de catégories particulières de déchets (tels que ceux issus de la conversion de l'uranium, les déchets historiques, les déchets miniers), de fortes attentes locales concernant la gestion de ces déchets, à articuler avec les principes de gestion relevant d'une stratégie nationale.

Considérant par ailleurs qu'un groupe de travail pluraliste, le GT PNGMDR, rassemble des producteurs et des gestionnaires de déchets radioactifs, des autorités d'évaluation et de contrôle et des associations de protection de l'environnement, qu'il se réunit 3 à 5 fois par an depuis 2003 ; que son action est jugée pertinente par l'ensemble des parties prenantes et son existence a été reconnue comme une bonne pratique par la revue d'experts internationaux menée en 2018,

Décident :

Article 1er de la décision du 21 février 2020

Le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) prévu à l'article L. 542-1-2 du code de l'environnement sera mis à jour pour sa cinquième édition, en étroite association avec le GT PNGMDR, en vue d'une consultation du public avant la fin de l'année 2020.

Article 2 de la décision du 21 février 2020

Articulation du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs avec les orientations de politique énergétique.

L'articulation du PNGMDR avec les grandes orientations de politique énergétique sera renforcée, par une meilleure explication de ses interactions avec la politique énergétique et avec les stratégies d'arrêt définitif et de démantèlement des installations nucléaires.

Il sera proposé que la périodicité du PNGMDR soit portée de trois ans à cinq ans pour la mettre en cohérence avec la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) mentionnée à l'article L. 141-1 du code de l'énergie.

Article 3 de la décision du 21 février 2020

Gouvernance de la gestion des matières et des déchets radioactifs.

Il sera proposé d'élargir la composition de l'instance de gouvernance du PNGMDR aux élus de la nation, à la société civile, et aux représentants des collectivités territoriales, en complément de la participation des associations de protection de l'environnement.

Au stade de l'élaboration des prochaines éditions du PNGMDR, un processus d'association renforcée des parties prenantes sera mis en œuvre, impliquant en particulier la désignation d'une personnalité extérieure au Gouvernement et à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour animer ces travaux préparatoires sur les orientations stratégiques.

Le GT PNGMDR poursuivra les travaux de déclinaison opérationnelle et d'analyse régulière des résultats des études relevant du plan, sous la double présidence du ministère chargé de l'énergie et de l'ASN.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la prochaine édition du PNGMDR, une communication régulière, accessible au grand public, sur l'évaluation du fonctionnement des filières de gestion de déchets sera recherchée. Elle visera à mettre à disposition du public des données factuelles et consolidées permettant d'éclairer les enjeux associés.

Article 4 de la décision du 21 février 2020

La gestion des matières radioactives.

Le contrôle du caractère valorisable des matières radioactives sera renforcé, au regard notamment des perspectives envisagées et des volumes en jeu, par la définition de plans d'action, comportant des jalons engageant les industriels, et qui seront périodiquement réévalués.

Les études de faisabilité du stockage des substances radioactives dont l'utilisation ultérieure n'est pas certaine seront poursuivies.

Article 5 de la décision du 21 février 2020

L'entreposage des combustibles usés.

Le PNGMDR prévoira la poursuite des travaux liés à la mise en œuvre de nouvelles capacités d'entreposage centralisées sous eau en tenant compte des délais nécessaires à leur construction.

Le PNGMDR mènera des travaux en vue d'une évaluation plus précise des perspectives de saturation des entreposages de combustibles usés au regard des orientations de la PPE.

Le PNGMDR prévoira également le recensement des besoins à long terme en entreposage, au regard des délais de construction de nouvelles capacités et selon différents scénarios d'évolution de la politique énergétique.

Le Gouvernement étendra le périmètre de l'inventaire national des matières et déchets radioactifs prévu à l'article L. 542-12 du code de l'environnement, afin que celui-ci permette un suivi régulier des capacités d'entreposage.

Le PNGMDR étudiera par ailleurs les délais de déploiement d'une solution d'entreposage à sec et la nature des combustibles usés qui pourraient y être entreposés, si cela s'avérait nécessaire en réponse à un aléa fort sur le « cycle du combustible » ou à une évolution de politique énergétique.

Article 6 de la décision du 21 février 2020

La gestion des déchets de très faible activité.

Le PNGMDR prévoira la poursuite des travaux sur la recherche de capacités de stockage supplémentaires au travers de l'identification d'un deuxième centre de stockage, potentiellement implanté sur la zone d'intérêt étudiée sur le territoire de la communauté de communes Vendeuvre-Soulaines, et de la comparaison des avantages et inconvénients, du point de vue de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l'environnement, d'installations de stockage décentralisées, à proximité des sites de producteurs.

Le Gouvernement fera évoluer le cadre réglementaire applicable à la gestion des déchets de très faible activité, afin d'introduire une nouvelle possibilité de dérogations ciblées permettant, après fusion et décontamination, une valorisation au cas par cas de déchets radioactifs métalliques de très faible activité.

Le PNGMDR formulera des recommandations quant aux modalités de mise en œuvre de telles dérogations, en termes de sûreté et de radioprotection, d'association des citoyens, de transparence, de contrôle et de traçabilité, en prenant en considération les travaux menés par le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire sur le sujet.

Article 7 de la décision du 21 février 2020

La gestion des déchets de faible activité à vie longue.

Le PNGMDR prévoira la poursuite des travaux dans la continuité du PNGMDR actuel, avec la définition d'une stratégie de gestion qui tienne compte de la diversité des déchets de faible activité à vie longue.

Cette stratégie intègrera la caractérisation des enjeux de sûreté mais également des enjeux environnementaux et territoriaux des différentes solutions de gestion, définira le rôle possible de la zone d'intérêt étudiée sur le territoire de la communauté de communes Vendeuvre-Soulaines, et prévoira la définition d'une solution définitive de gestion pour les déchets, notamment historiques, de l'établissement d'Orano Malvési.

Article 8 de la décision du 21 février 2020

La gestion des déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue.

Le PNGMDR précisera les conditions de mise en œuvre de la réversibilité du stockage, en particulier en matière de récupérabilité des colis, les jalons décisionnels du projet Cigéo ainsi que la gouvernance à mettre en œuvre afin de pouvoir réinterroger les choix effectués.

Le PNGMDR définira les objectifs et les critères de réussite de la phase industrielle pilote prévue à l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement, les modalités d'information du public entre deux mises à jour successives du plan directeur d'exploitation prévu à l'article L. 542-10-1 du code de l'environnement, ainsi que les modalités d'association du public aux étapes structurantes de développement du projet Cigéo.
Sur la base notamment du rapport remis par l'IRSN dans le cadre du débat public, présentant le panorama international des recherches sur les alternatives au stockage géologique profond, le PNGMDR organisera le soutien public à la recherche sur des voies de traitement, en dégageant des pistes sur lesquelles il serait opportun de travailler, au moyen d'une expertise commune de différents organismes de recherche (CEA, CNRS, IRSN, autres organismes de recherche). Il précisera les modalités d'information du public sur le sujet.

La mise à jour de l'évaluation des coûts du projet Cigéo arrêtée par le ministre chargé de l'énergie conformément à l'article L. 542-12 du code de l'environnement sera rendue publique lors du processus d'autorisation de création de Cigéo.

Article 9 de la décision du 21 février 2020

La gestion de catégories particulières de déchets.

Les principes de la gestion des résidus historiques de traitement de conversion de l'uranium, des stockages historiques et des déchets miniers seront définis dans le prochain PNGMDR. La responsabilité de la mise en œuvre de ces principes sera portée par les autorités administratives compétentes, dans le cadre réglementaire existant en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ou d'installations nucléaires de base. Une meilleure information et participation des territoires aux décisions visant les sites d'entreposage et de stockage de ces substances particulières seront recherchées.

Article 10 de la décision du 21 février 2020

La prise en compte des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques de la gestion des déchets.

L'évaluation des impacts environnementaux, sanitaires et économiques des choix de gestion des matières et des déchets radioactifs pris par le PNGMDR sera renforcée.

Un état des lieux des questions transverses dont le débat public a montré la sensibilité (transports, environnement, santé, économie, nocivité des déchets, impacts territoriaux…), sera établi de manière participative et les modalités de réponse à ces questions seront définies dans le PNGMDR.

Article 11 de la décision du 21 février 2020

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 21 février 2020.

Elisabeth Borne

B. Doroszczuk