(BO du MEDDE - MLETR n°2015/11 du 25 juin 2015)
Texte abrogé par l'Instruction du 7 mai 2019 (circulaires.legifrance.gouv.fr)
NOR : DEVL1508139J
La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
à
Pour exécution :
Présidents des conseils d’administration des agences de l’eau
- Agence de l’Eau
Préfets coordonnateurs de bassin
- Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)
- Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) Préfets de région
- Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)
- Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE)
Préfets de département
- Direction départementale des territoires (DDT)
- Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM)
Pour information :
- Secrétariat général du Gouvernement
- Secrétariat général du MEDDE et du MLETR
- Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA)
- Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature / Direction de l’eau et de la biodiversité (DGALN/DEB)
Résumé : La conférence environnementale de septembre 2013 a retenu que dorénavant, toutes les retenues, pour pouvoir être financées par les agences de l’eau, devront s’inscrire dans un projet de territoire. Les projets de territoire sont définis par la présente instruction, ont pour objectif une gestion équilibrée de la ressource en eau, sans détériorer la qualité chimique et écologique des milieux aquatiques, et sont le fruit d’une concertation associant tous les acteurs du territoire. Les agences de l’eau n’interviendront que sur la substitution de prélèvements en étiage par des prélèvements hors étiage, et non sur de la création de volumes supplémentaires. |
La conférence environnementale du 19 et 20 septembre 2013 a conditionné la levée du moratoire sur le financement des stockages d’eau par les agences de l’eau à leur intégration dans des projets territoriaux. Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint la note d’instruction concernant les conditions de levée de ce moratoire.
La loi sur l’eau permet, là où c’est possible sans dégrader les écosystèmes et avec la certitude de pouvoir les remplir dans de bonnes conditions, la construction de stockage d’eau pour sécuriser l’agriculture et anticiper les effets du changement climatique.
Les agences de l’eau ont pour leur part vocation à accompagner la résorption des déficits quantitatifs, et donc à financer l’adaptation et l’évolution de l’agriculture lorsque, pour protéger les milieux aquatiques, les volumes prélevables en période d’étiage (été, notamment) sont très inférieurs aux prélèvements actuellement réalisés.
De ce fait, le cofinancement des agences de l’eau pour les projets de stockage sera possible lorsqu’ils s’inscriront dans un projet de territoire prenant en compte l'ensemble des usages de l'eau, la qualité de l’eau, et diversifiant les outils permettant de rétablir l’équilibre quantitatif, pour que les prélèvements soient compatibles avec les capacités du milieu, en mobilisant notamment les actions visant à promouvoir les économies d’eau. Les agences de l’eau n’interviendront que sur la substitution de prélèvements à l’étiage par des prélèvements hors étiage, et non sur de la création de volumes supplémentaires. Dans le cas de projets de stockage allant au-delà de la simple substitution (développement de prélèvements supplémentaires), le financement de l’agence de l’eau portera uniquement sur la quote-part liée à la substitution des prélèvements.
Les projets de stockage d’eau nécessitent un renforcement de la concertation en amont des décisions et une gestion au plus près des territoires selon une approche globale par bassin versant.
Bien que l’atteinte d’un consensus global soit souvent difficile, il est nécessaire de mettre en oeuvre toutes les conditions favorables pour l’organisation d’un débat préalable qui prenne en compte de manière équilibrée l’atteinte des objectifs environnementaux et les besoins des acteurs. Cette prise en compte en amont des intérêts de chacun participera à l’appropriation collective du projet, ce qui devrait permettre sa bonne mise en oeuvre dans un temps raisonnable et avec des budgets maîtrisés.
Cette gouvernance nécessaire est mise en oeuvre au sein d’un comité de pilotage du projet de territoire. Quand elle existe, la Commission Locale de l’Eau (CLE) sera, sauf avis contraire de sa part, le « coeur » du comité de pilotage de ce projet. Elle sera élargie à toutes les parties intéressées au projet et notamment les représentants des filières économiques afin de bâtir un projet satisfaisant les objectifs environnementaux et réaliste économiquement. A défaut, un comité de pilotage ad hoc est instauré sur les mêmes principes de composition.
Les agences de l’eau prendront leur décision d’aide sur la base d’un avis circonstancié du comité de pilotage du projet de territoire.
Les actions prévues dans le cadre du projet de territoire prendront la forme d’engagements contractuels entre l’agence de l’eau et les porteurs des actions en contrepartie des aides apportées.
La mise en oeuvre de ces engagements nécessitera un travail avec tous les acteurs, notamment les irrigants, afin de les accompagner dans ces opérations de diminution de la pression de prélèvements.
Les présidents des conseils d’administration des agences de l’eau veilleront à la stricte application de cette note de cadrage à l’occasion des instructions des demandes d’aides qui seront demandées aux agences de l’eau.
La mise en oeuvre de ces projets de territoire se fera dans les bassins versants que vous avez identifiés à enjeu quantitatif dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), son programme de mesures associé ou le programme d’intervention de l’agence de l’eau, notamment les zones de répartition des eaux.
La mise en oeuvre de ces projets de territoire étant une condition importante pour la réussite de la politique de gestion quantitative dans un certain nombre de bassins versants, vous veillerez à ce que vos services participent aux comités de pilotage des projets afin qu’ils s’assurent de la bonne compréhension de la note d’instruction, de la représentation de tous les acteurs concernés, de la bonne mise en oeuvre des actions prévues par les projets territoriaux et, plus généralement, du respect des conditions fixées.
J’invite les Préfets, en conférence administrative de bassin (CAB) ou de région (CAR), à pré-identifier les périmètres pertinents où déployer cet outil.
Vous veillerez également à apporter un accompagnement administratif aux porteurs des actions du projet par la réalisation le plus en amont possible d’un cadrage préalable pour les études d’impact nécessaires, ainsi que par la tenue de points réguliers avec les porteurs des actions du projet afin de lever les difficultés administratives soulevées par les projets de retenues au fur et à mesure des phases de réflexion.
Vous soumettrez, selon les termes de cette instruction, les adaptations nécessaires des programmes d’intervention au conseil d’administration des agences de l’eau avant l’automne 2015.
Vous me transmettrez, dès adaptation des programmes d’intervention des agences de l’eau, un point sur les débats en conseils d’administration, et un bilan de la mise en oeuvre de cette instruction au 30 juin 2016. Vous me tiendrez régulièrement informée des éventuelles questions posées par son application.
La présente instruction sera publiée au Bulletin officiel du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Fait le 4 juin 2015.
Ségolène Royal
Annexe 1 : Levée du moratoire - note d’instructions aux Agences de l’eau quant aux conditions d’attribution d’un financement de retenues de substitution
Dorénavant, seuls les projets de retenues de substitution qui s’inscriront dans le cadre d’un projet de territoire pourront être éligibles à une aide de l’Agence de l’Eau. L’objet de l’aide de l’agence de l’eau se limite à rétablir les équilibres quantitatifs en zone déficitaire et à prévenir l’apparition des déséquilibres dans les zones les plus vulnérables au changement climatique à usage constant.
La présente note ne s’oppose pas à la sollicitation par un pétitionnaire d’une autorisation administrative de création d’un ouvrage, qui ne respecterait pas les conditions décrites ciaprès, et notamment allant au-delà de la substitution. Les financements publics autres que ceux des agences de l’eau susceptibles d’être sollicités pour la création de nouvelles ressources devront respecter les règles européennes d’encadrement des aides publiques à l’agriculture.
Définition du projet de territoire
Un projet de territoire vise à mettre en oeuvre une gestion quantitative de la ressource en eau reposant sur une approche globale de la ressource disponible par bassin versant. Le projet de territoire est un engagement entre les acteurs de l’eau permettant de mobiliser à l’échelle d’un territoire les différents outils qui permettront de limiter les prélèvements aux volumes prélevables et donc de respecter une gestion quantitative équilibrée de la ressource en eau en prenant en compte la qualité chimique et écologique des milieux aquatiques et en s’adaptant à l’évolution des conditions climatiques, tout en visant à accroître la valeur ajoutée du territoire.
Pour être qualifié de projet de territoire, il faut vérifier les critères suivants :
- Le projet est le fruit d’une concertation associant tous les acteurs du territoire.
- Il est régulièrement évalué selon une périodicité de 6 à 12 ans afin de tenir compte de la révision du SDAGE, le cas échéant du ou des SAGEs et l’amélioration continue de la connaissance du milieu naturel ou des prélèvements. Cette évaluation ne visera pas à remettre en cause l’existence d’ouvrages.
- Il est élaboré et mis en oeuvre sous la conduite d’un comité de pilotage regroupant toutes les parties intéressées chargé notamment de valider les connaissances et les actions qui permettront d’atteindre l’objectif de gestion équilibrée de la ressource en eau. Lorsqu’elle existe, la Commission Locale de l’Eau (CLE), étendue aux parties intéressées non membres de la CLE, constitue ce comité de pilotage. Si la CLE ne souhaite pas porter ce comité de pilotage, un autre porteur peut le constituer à conditions que la pluralité des usagers soit respectée. Dans ce cas là, la CLE, si elle existe, y est invitée et donnera un avis sur les documents intermédiaires et finaux. Le comité de pilotage définit les objectifs, valide l’état initial et les actions proposées et suit la mise en oeuvre des actions. Les documents validés seront joints aux demandes d’aides financières de l’Agence de l’Eau. Plus largement, le projet de territoire n’aura pas nécessairement la forme d’un document formellement « signé » par les acteurs (comme une charte par exemple), il sera une pièce du dossier de demande d’aide financière à l’Agence de l’Eau.
- La maîtrise d’ouvrage des actions du projet de territoire pourra être portée par des structures différentes du pilote, chacune devant avoir été identifiée dans le projet de territoire.
- C’est un projet collectif s’inscrivant sur un périmètre cohérent du point de vue hydrologique ou hydrogéologique. Il ne peut être la juxtaposition de projets réfléchis séparément, comme à l’échelle d’une exploitation agricole par exemple, sur un territoire, sans vision d’ensemble.
- Il a pour objectif une gestion équilibrée de la ressource en eau sur un territoire donné sans dégrader l’état qualitatif et en s’adaptant à l’évolution des conditions climatiques. Le projet de territoire définit un échéancier pour le retour à l’équilibre quantitatif sur le territoire en cohérence avec le SDAGE.
- Le projet prendra en compte les enjeux de qualité des eaux et des milieux aquatiques, via notamment la mise en place de systèmes de culture agro-écologiques et la diversification des assolements, dans l’objectif de diminution de l’impact environnemental.
- Tous les usages de l’eau (AEP, assainissement, industries, irrigation, énergie, pêche, usages récréatifs, …) sont concernés par un projet de territoire.
- Tous les éléments du projet sont rendus publics (état des milieux, ce qui est prélevé, quelles sont les caractéristiques des activités). L’état initial et le besoin en eau sont évalués sur la base des volumes réellement prélevés et déclarés à l’Agence de l’Eau. Les préleveurs non soumis à redevance prélèvement sur la ressource en eau (valeur inférieur à 100 euros), fourniront les éléments nécessaires à la prise en compte de leur besoin, notamment par la copie de la déclaration faite aux services de l’Etat en charge de la police de l’eau.
- Au-delà de l’objectif central de restauration de l’équilibre quantitatif ou d’accompagnement du changement climatique, les objectifs doivent être clairement explicités (tant sur le plan des milieux aquatiques que sur celui des projets et démarches économiques). Ils comprennent obligatoirement un volet de recherche de diminution des prélèvements totaux. Le projet de territoire doit démontrer qu’il est cohérent avec le SDAGE et les enjeux socio-économiques du territoire identifiés dans le plan régional d'agriculture durable (PRAD) mentionné à l'article L.111-2-1 du code rural. Les objectifs doivent faire l’objet d’engagements précis et chiffrés avec des échéances.
- Leviers mobilisés :
- Le projet de territoire mobilise tous les leviers possibles pour réduire les besoins (maîtrise des consommations, diagnostics, amélioration de l’efficience de l’eau et modernisation des réseaux, changement de techniques d’irrigation, modifications des pratiques culturales, matériels, assolements, etc.) comme pour développer l’offre (optimisation de l’usage des retenues existantes et recyclage, par exemple, et pas seulement création de volumes supplémentaires de stockage ou transfert).
- Pour ce qui concerne l’usage agricole, l’action sur la demande peut en particulier provenir d’une modification des assolements, en lien avec l’évolution des filières, de l’utilisation de variétés précoces, de l’amélioration ou de la modification des techniques d’irrigation (goutte à goutte, outils d’aide à la décision,...) du développement du conseil en irrigation et sur la conduite d’éventuelles cultures sèches, permettant l’adaptation de l’agriculture aux volumes prélevables et aux changements climatiques. Dans le cadre d’un projet adapté au territoire et à ses ambitions, il est essentiel d’associer les acteurs des filières concernées (filières déjà installées et filières à développer) afin d’identifier les productions nouvelles possibles (et notamment leurs débouchés), le cas échéant les filières à développer.
- Le projet de territoire contribue ainsi à étudier les alternatives à la création de nouvelles retenues. Le stockage d’eau sera un des outils mobilisés dans le projet de territoire pour réduire les déficits quantitatifs, mais ne sera pas le seul levier mobilisé pour atteindre les objectifs du projet de territoire.
- Le projet fournira une justification économique de l'investissement collectif en faveur de la retenue, et des bénéficiaires. Le contenu de cette analyse économique est adapté à l’importance du projet. Elle contient a minima une analyse cout/bénéfice du projet et une analyse économique des systèmes de production concernés par le projet.
- Les volumes de substitution sont basés sur les maximums prélevés observés, issus des déclarations aux agences de l’eau des 15 dernières années ou à défaut des études quantitatives conduites sur le bassin versant, auxquels sont appliqués des abattements qui seront définis dans chaque bassin, voire à l’échelle de sous-bassins, qui matérialisent le recours à différents outils pour résorber les déficits quantitatifs (à noter que les économies se calculent à l’échelle du projet de territoire et non nécessairement au niveau de la retenue).
- Les besoins de dilution pourront être pris en compte à condition de démontrer au préalable qu’il est impossible de réduire les rejets rendant nécessaire cette dilution à un coût économiquement acceptable.
- Dans tous les cas, un financement propre et significatif sera apporté par les usagers (directs ou indirects) du projet de territoire. Ce financement propre devra couvrir la totalité des frais de fonctionnement, et, , sauf exception dûment justifiée, l’amortissement de la part non subventionnée. Il sera fait recours à la procédure de Déclaration d’Intérêt Général (L. 211-7 du code de l’environnement) pour définir cette récupération des coûts lorsque la maîtrise d’ouvrage sera portée par une collectivité territoriale.
- Partage de la ressource : le projet de territoire doit traiter équitablement les usages pour leur accès aux ressources en rappelant les enjeux prioritaires au titre de la loi sur l’eau, ainsi que les usagers au sein d’un même usage (par exemple entre les différents types de culture et notamment pour les cultures à forte valeur ajoutée et les cultures fourragères). Le projet de territoire s’intéressera aux règles d'attribution de l'eau, dans le respect des compétences de chaque intervenant, pour inciter les bénéficiaires à aller vers les cibles retenues dans les objectifs. Lorsque cela est pertinent, le projet de territoire peut indiquer comment les marges de prélèvements dégagés peuvent notamment profiter aux nouveaux irrigants dont les jeunes agriculteurs. Lorsqu’un Organisme Unique de Gestion Collective des prélèvements d’eau pour l’irrigation (OUGC) a été désigné sur le territoire, il est associé à l’élaboration du projet puisque c’est lui qui répartit les volumes entre les irrigants.
Définition de la retenue de substitution
Par retenue de substitution, on entend des ouvrages artificiels permettant de substituer des volumes prélevés en période de hors étiage à des volumes prélevés à l'étiage. Les retenues de substitution permettent de stocker l’eau par des prélèvements anticipés ne mettant pas en péril les équilibres hydrologiques, biologiques et morphologiques, elles viennent en remplacement de prélèvements existants : c’est la notion de substitution.
Modalités d’intervention de l’Agence de l’Eau
- L’Agence de l’Eau pourra prévoir la possibilité de convertir des avances remboursables en subvention en cas d’atteinte des objectifs fixés.
- Le cas échéant, sera présentée au conseil d’administration des agences de l’eau une révision des modalités d’intervention sur la construction d’ouvrages de stockage. Celle-ci prévoira :
- Un taux d’aide pour les projets de territoires vérifiant les critères énumérés ci avant ;
- Un taux majoré ou une aide majorée pour les projets qui viseront en sus l’amélioration de la qualité des eaux et/ou des milieux aquatiques.
La fixation des taux d’intervention, comme de l’ambition dans le cadre de la majoration, est laissée à l’appréciation des conseils d’administration mais la différence entre l’aide normale et la majoration devra être suffisamment nette pour donner un signal clair aux porteurs de projet.
- Les décisions de l’Agence de l’Eau prendront la forme d’un engagement contractuel (a minima convention d’aide avec dispositions particulières ou tout autre document juridique à valeur contractuelle) entre des parties clairement identifiées et légitimes. La mise en oeuvre des actions du projet de territoire pourra être réalisée par des structures différentes, publiques ou privées, chacune devant avoir été identifiée dans le projet de territoire et avoir participé à son élaboration.
- La création de ressources nouvelles (c’est-à-dire au-delà de la substitution) ne sera pas subventionnée par l’Agence de l’Eau. Néanmoins, en fonction du contenu de leur programme d’intervention, les agences pourront éventuellement intervenir sur la phase de conception sur les aspects d’impact environnemental, mais en aucun cas sur ces travaux de réalisation. Lorsque les projets comportent à la fois de la substitution et des volumes pour le développement agricole, les agences ne pourront intervenir que sur la part relative à la substitution. Ainsi, en tout état de cause, la participation financière des agences sera limitée aux ouvrages ou parties d’ouvrages qui traduisent une diminution de la pression sur la ressource en eau et une résorption des déficits quantitatifs des territoires.