(circulaires.legifrance.gouv.fr)


Validée par le CNP le 04 décembre 2015 – Visa CNP 2015 – 187

Visée par le SG-MCAS le 23 décembre 2015

Date d'application : immédiate

Classement thématique : santé environnementale

NOR : AFSP1530219J

La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

à

Mesdames et messieurs les Directeurs Généraux des Agences régionales de santé (ARS)
(pour mise en oeuvre)

Mesdames et messieurs les préfets de région et de département
(pour information)

Catégorie :

Directives adressées par le ministre aux services chargés de leur application, sous réserve, le cas échéant, de l’examen particulier des situations individuelles

Résumé :

La présente instruction définit les modalités de gestion des risques sanitaires en cas de dépassement de la limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine pour la somme des concentrations en tétrachloroéthylène et en trichloroéthylène.
Les modalités de gestion décrites relèvent des articles R. 1321-26 à R. 1321-36 du code de la santé publique et sont exercées par les agences régionales de santé (ARS).

Mots-clés : contrôle sanitaire, dérogation, eau destinée à la consommation humaine, gestion des risques, qualité de l’eau, tétrachloroéthylène, trichloroéthylène.

Textes de référence :

- Directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;

- Code de la santé publique (CSP), notamment ses articles L.1321-1 à L.1321-10 et R.1321-1 à R.1321-63 ;

- Arrêté du 20 juin 2007 relatif à la constitution du dossier de la demande d'autorisation d'utilisation d'eau destinée à la consommation humaine mentionnée aux articles R.1321-6 à R.1321-12 et R.1321-42 du code de la santé publique ;

- Arrêté du 11 janvier 2007 modifié relatif au programme de prélèvements et d'analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, pris en application des articles R.1321-10, R.1321-15 et R.1321-16 du code de la santé publique (modifié par arrêté du 21 janvier 2010) ;

- Arrêté du 11 janvier 2007 relatif au programme de prélèvements et d'analyses du contrôle sanitaire pour les eaux utilisées dans une entreprise alimentaire ne provenant pas d'une distribution publique, pris en application des articles R.1321-10, R.1321-15 et R.1321-16 du code de la santé publique ;

- Arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R.1321-2, R.1321-3, R.1321-7 et R.1321-38 du code de la santé publique ;

- Arrêté du 25 novembre 2003 relatif aux modalités de demande de dérogation pris en application des articles R.1321-31 à R.1321-36 du code de la santé publique ;

- Instruction DGS/EA4/2013/413 du 18 décembre 2013 concernant l'application de l'arrêté du 25 novembre 2003 relatif aux modalités de demande de dérogation aux limites de qualité des eaux destinées à la consommation humaine pris en application des articles R. 1321-31 à R. 1321-36 du code de la santé publique et d'information de la Commission européenne, ainsi que l'élaboration d'un bilan national sur les dérogations octroyées ;

- Circulaire DGS/EA4/2007/265 du 3 juillet 2007 relative à la saisie et à la gestion des paramètres dans le Système d’Information en Santé-Environnement sur les Eaux (SISE-Eaux) dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine et des eaux minérales naturelles ;

- Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés aux situations de dépassement de la limite de qualité du trichloroéthylène et du tétrachloroéthylène – décembre 2014 ;

- Avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés aux situations de dépassement de la limite de qualité du trichloroéthylène et du tétrachloroéthylène – décembre 2006.

Textes abrogés :

- Néant

La présente instruction définit les modalités de gestion des risques sanitaires à mettre en oeuvre par les ARS en cas de dépassement de la limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine pour la somme des concentrations en tétrachloroéthylène et en trichloroéthylène.

Ces modalités de gestion des risques sanitaires relèvent des articles R. 1321-26 à R. 1321-36 du code de la santé publique et s’appuient sur l’expertise de l’Anses.

I. Rappel de l’origine du tétrachloroéthylène et du trichloroéthylène et du contexte réglementaire

Le tétrachloroéthylène (également dénommé perchloroéthylène) et le trichloroéthylène sont des composés organochlorés volatils. Leur présence dans l’environnement est essentiellement d’origine anthropique, liée notamment à une utilisation importante en tant que solvants dans l’industrie (traitements de surface, nettoyage à sec, etc). Ces composés étant très volatils, la principale voie de contamination de l’environnement concerne les émissions dans l’air. Leur utilisation passée a conduit à de nombreux cas de contamination de sols et d’eaux souterraines par infiltration au droit des sites d’utilisation, de stockage ou de gestion des déchets. Ces composés étant relativement mobiles dans les sols, la contamination des sols peut entraîner une contamination des eaux souterraines à des niveaux de concentrations très variables. A température ambiante, ils sont relativement peu solubles dans l’eau.

En application de l’arrêté du 11 janvier 2007 modifié relatif au programme de prélèvements et d’analyses du contrôle sanitaire pour les eaux fournies par un réseau de distribution, le tétrachloroéthylène et le trichloroéthylène doivent être recherchés :
- à la ressource pour les eaux d’origine superficielle et souterraine (analyses de type RS et RP) ;
- au point de mise en distribution (analyse de type P2).

L’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) transpose les exigences de qualité de la directive 98/83/CE et fixe une limite de qualité pour la somme des concentrations en tétrachloroéthylène et trichloroéthylène à 10 μg/L.

II. Modalités de gestion des risques sanitaires

Lorsque la somme des concentrations en trichloroéthylène et en tétrachloroéthylène est, pour la première fois, supérieure à la limite de qualité de 10 μg/L fixée par l'arrêté du 11 janvier 2007 susmentionné, le résultat doit être confirmé dans les meilleurs délais sur un second échantillon (interférences possibles du fait du caractère volatil).

En cas de confirmation du dépassement de la limite de qualité, vous demanderez à la personne responsable de la production ou de la distribution de l’eau (PRPDE) de réaliser une enquête afin de déterminer l’origine précise de la contamination de l’eau (article R. 1321-26 du CSP) et de mettre en oeuvre les actions correctives nécessaires au rétablissement de la qualité de l’eau (article R. 1321-27 du CSP).

Il convient d’identifier les causes de la pollution du captage et d’envisager, dans la mesure du possible, la recherche du trichloroéthylène et tétrachloroéthylène en amont hydraulique du captage contaminé, en cas d’utilisation de ces composés par des industries.

La présence de ces paramètres dans la ressource en eau peut également être un indicateur d’une contamination par d'autres polluants. Dans ce cadre, il est ainsi recommandé de faire réaliser un « screening » des composés organohalogénés volatils (par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse) par un laboratoire agréé par le ministère chargé de la santé qui quantifiera ceux éventuellement détectés.

Par ailleurs, en cas de dépassement de la limite de qualité dans les EDCH, vous mettrez en place, en lien avec la PRPDE, les modalités de gestion des risques sanitaires proposées ci-dessous, qui s’appuient sur l’avis de l’Anses pour lequel des éléments de synthèse sont fournis en annexe I.

1) En cas de dépassement dû au tétrachloroéthylène seul :

Dans le cas où le dépassement de la limite de qualité est dû uniquement à la présence de tétrachloroéthylène :
- si la concentration en tétrachloroéthylène ne dépasse pas 40 μg/L, valeur guide dans les EDCH définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2013, alors une dérogation au titre de l’article R. 1321-31 du CSP peut être octroyée par le préfet après demande de la PRPDE et la population doit en être informée. L’eau peut être consommée sans restriction d’usage. En effet, une eau dont la teneur en tétrachloroéthylène est de 40 μg/L expose un individu à une dose inférieure à la dose journalière tolérable (DJT) retenue par l’OMS. Par ailleurs, à cette concentration, l’excès de risque individuel (ERI) de cancer est de l’ordre de 5,5.10-6 ;
- si la concentration en tétrachloroéthylène dépasse 40 μg/L, la population doit être informée par la PRPDE de ne pas utiliser l’eau du réseau public pour les usages alimentaires (boisson, préparation des aliments, cuisson, hormis le lavage des aliments) et aucune dérogation au titre de l'article R.1321-31 du CSP ne peut être octroyée. En effet, à cette concentration, l’ERI de cancer est de l’ordre de 5,5.10-6 (cf. annexe I pour plus de précisions).

2) En cas de dépassement dû au trichloroéthylène seul :

Dans le cas où le dépassement de la limite de qualité est dû uniquement à la présence de trichloroéthylène :
- si la concentration en trichloroéthylène ne dépasse pas 20 μg/L, valeur guide dans les EDCH définie par l’OMS en 2013, alors une dérogation au titre de l’article R. 1321-31 du CSP peut être octroyée par le préfet après demande de la PRPDE et la population doit en être informée. L’eau peut être consommée sans restriction d’usage. En effet, une eau dont la teneur en trichloroéthylène est de 20 μg/L expose un individu à une dose inférieure à la DJT retenue par l’OMS. Par ailleurs, à cette concentration, l’ERI de cancer est de l’ordre de 10-6 ;
- si la concentration en trichloroéthylène dépasse 20 μg/L, la population doit être informée par la PRPDE de ne pas utiliser l’eau du réseau public pour les usages alimentaires (boisson, préparation des aliments, cuisson, hormis le lavage des aliments) et aucune dérogation au titre de l'article R.1321-31 du CSP ne peut être octroyée.

3) En cas de dépassement dû au tétrachloroéthylène et au trichloroéthylène :

En cas de dépassement de la limite de qualité dû à la présence simultanée de tétrachloroéthylène et de trichloroéthylène, il est proposé de retenir l’approche conservatrice développée par l’Anses. Ainsi, une dérogation au titre de l'article R.1321-31 du CSP peut être octroyée par le préfet après demande de la PRPDE auprès de l’ARS, à condition que les concentrations en trichloroéthylène et en tétrachloroéthylène, exprimées en μg/L, respectent, lors de la demande de dérogation et pendant la période dérogatoire, la formule suivante :
[trichloroéthylène] / 20 + [tétrachloroéthylène] / 40 < 1

En effet, le respect de la condition précitée permettrait d’une part, la conformité aux DJT proposées par l’OMS pour chacune des deux substances, et d’autre part, la prise en compte des éventuels effets combinés d’une exposition conjointe au tétrachloroéthylène et au trichloroéthylène.

En cas de valeur supérieure à 1, la population doit être informée par la PRPDE de ne pas utiliser l’eau du réseau public pour les usages alimentaires (boisson, préparation des aliments, cuisson, hormis le lavage des aliments) et aucune dérogation au titre de l'article R.1321-31 du CSP ne peut être octroyée.

Les modalités de gestion des risques sanitaires en cas de dépassement de la limite de qualité des EDCH pour la somme des concentrations en tétrachloroéthylène et en trichloroéthylène sont synthétisées dans un logigramme d’aide à la décision en annexe II.

En outre, il est rappelé la nécessité de renseigner la base de données SISE-Eaux d’alimentation avec les résultats analytiques pour les substances individuelles (codes : [TCEY] et [TCLEY]) ainsi que pour la somme des paramètres (code : [TCEYTCL]), conformément aux dispositions prévues par la circulaire du 3 juillet 2007 susvisée. S’agissant des procédures de dérogation, les modalités de saisie des informations dans la base de données SISE-Eaux d’alimentation du ministère chargé de la santé ainsi que d’information de la DGS ont été précisées dans mon instruction du 18 décembre 2013 susvisée et doivent être impérativement respectées.

Vous voudrez bien me faire part, sous le présent timbre, des éventuelles difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces missions.

Le Directeur général de la santé,
Professeur Benoît VALLET

La Secrétaire générale adjointe,
Annaïck LAURENT

Annexe I : Evaluation des risques sanitaires en cas de dépassement de la limite de qualité des EDCH pour la somme des concentrations en tétrachloroéthylène et en trichloroéthylène

L’Anses a rendu en décembre 2014 un avis relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés aux situations de dépassement de la limite de qualité du trichloroéthylène et du tétrachloroéthylène. Cet avis reprend et actualise l’avis de l’AFSSA datant de décembre 2006. Ces avis sont consultables sur le site de l’Anses : www.anses.fr . Des éléments de synthèse sont disponibles ci-dessous.

Le tétrachloroéthylène et le trichloroéthylène possèdent à la fois des effets sans seuil et des effets avec seuil. Le tétrachloroéthylène se retrouve dans l’ensemble des tissus de l’organisme alors que le trichloroéthylène se retrouve majoritairement dans les tissus adipeux, le foie, les reins, le système nerveux et les bronches.

Le tétrachloroéthylène est classé dans la liste des substances cancérogènes probables pour l’Homme par voie orale par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) (groupe 2A, cancer de la vessie) et par l’US Environmental Protection Agency (US EPA) (cancer de la vessie, lymphome non-Hodgkinien, myélome) depuis 2012, et dans la liste des substances suspectées d’induire un cancer par l’Union européenne (groupe 2).

Le trichloroéthylène est classé dans la liste des substances cancérogènes avérés pour l’Homme par voie orale par le CIRC depuis 2012 (groupe 1, cancer du rein), dans la liste des substances cancérogènes chez l’Homme par l’US EPA depuis 2011 (cancer rénal, cancer hépatique, lymphomes non-Hodgkiniens) et dans la liste des substances pouvant provoquer le cancer par l’Union européenne (groupe 1B).

Les voies d’exposition en cas de présence de trichloroéthylène ou de tétrachloroéthylène dans l’eau sont multiples : contact cutané, inhalation et ingestion.

L’Anses préconise d’adopter une démarche conservatrice s’appuyant sur l’hypothèse que le mode d’action de ces deux substances est caractérisé par l’additivité des effets. Elle prend en compte dans l’évaluation des risques sanitaires les apports liés à l’ingestion et l’ensemble des modes d’exposition liés à l’usage de l’eau pour la boisson et l’hygiène corporelle (boisson, inhalation, contact cutané) est ramené à des apports par ingestion.

L’Anses retient, respectivement pour les effets avec seuil et sans seuil, les doses journalières tolérables (DJT) et les excès de risque unitaire (ERU) ci-après pour l’évaluation des risques sanitaires.

Annexe II : Logigramme synthétisant les modalités de gestion des risques sanitaires en cas de dépassement de la limite de qualité pour la somme des concentrations en tétrachloroéthylène et en trichloroéthylène dans les EDCH

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