(BO MEDDE – MLETR n° 2015/12 du 10 juillet 2015)


NOR : DEVP1512780N

La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
à
Pour exécution :
- Préfets de département
- Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)
- Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE)
- Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL)

1. Objet

La présente note technique concerne les ouvrages d’infrastructures ferroviaires répondant aux critères mentionnés à l’article R. 551-8 du code de l’environnement, ou ceux pour lesquels le préfet a demandé une étude de dangers, après avis de la commission interministérielle du transport de matières dangereuses, en application de l’article R. 551-5 du même code.

La loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a introduit l’obligation de rédaction d’études de dangers pour les ouvrages d’infrastructures routières, ferroviaires, portuaires ou de navigation intérieure ou les installations multimodales pouvant présenter de graves dangers du fait du stationnement, chargement ou déchargement de matières dangereuses. Ces dispositions ont été complétées par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et le décret n° 2011-609 du 30 mai 2011.

L’arrêté du 18 décembre 2009 susvisé établit les critères techniques et méthodologiques à prendre en compte pour ces études de dangers, et est complété par la circulaire du 4 mars 2010, qui définit notamment les phénomènes dangereux à considérer et les probabilités d’occurrence à utiliser. Le point 2 de la présente note technique modifie cette circulaire pour les ouvrages d’infrastructures ferroviaires mentionnés au premier alinéa, afin de tirer les conséquences d’une récente étude relative à l’accidentologie dans les triages européens, laquelle conduit à revoir les probabilités et la
localisation des phénomènes dangereux à prendre en compte.

Le point 3 de la présente note technique modifie, pour ces mêmes infrastructures ferroviaires, la circulaire du 19 novembre 2012 susvisée afin d’adapter en conséquence les modalités du porter-àconnaissance à mettre en oeuvre.

2. Études de dangers

L’application de la méthodologie d’estimation des probabilités d’apparition des phénomènes dangereux proposée dans la circulaire du 4 mars 2010 a occasionné, du fait de son caractère très enveloppe, des difficultés d’application tant pour les rédacteurs des études de dangers que pour les services instructeurs.

Une étude relative à l’accidentologie sur les triages européens a été menée en 2013 à la demande de la direction générale de la prévention des risques. Les résultats obtenus à l’issue de cette étude permettent aujourd’hui d’affiner cette méthodologie.

En conséquence, les prochaines études de dangers ou leurs révisions prendront en compte les dispositions suivantes.

2.1. Localisation des phénomènes dangereux

Le premier résultat de l’étude porte sur le lieu de survenue des événements ferroviaires.

À la lumière des données d’accidentologie analysées, il apparaît que ces événements sont, pour une très large majorité, localisés dans la zone de formation des trains du triage, c’est-à-dire sur le faisceau de voies où les wagons sont attelés les uns aux autres, ainsi que, dans les gares de triage « à butte » (seules à répondre aux critères définis à l’article R. 551-8 du code de l’environnement actuellement), dans la zone de débranchement, comprise entre la partie de voie montante vers la butte et le bas de la butte avant les freins primaires.

Ainsi, contrairement aux zones mentionnées à l’alinéa précédent, les zones dites de réception et de départ (quand elles ne sont pas confondues avec les précédentes) ne présentent pas une accidentologie spécifique justifiant leur prise en compte dans le cadre de la démarche de maîtrise des risques prévue par le code de l’environnement. En conséquence, dans les prochaines études de dangers ou leurs révisions, l’origine des phénomènes dangereux étudiés sera considérée comme limitée à la zone de formation et à la zone de débranchement pour les gares de triage à butte. En
l’absence de butte de triage, seul le faisceau de la zone formation des trains sera pris en compte.

En outre, dans les gares de triage à butte, on distinguera, au sein de la zone de formation : d’une part la zone de formation amont, allant du bas de la butte jusqu’à 50 mètres au-delà de la ligne de freins secondaires, et d’autre part la zone de formation aval, allant de 50 mètres au-delà de la ligne de freins secondaires jusqu’à la fin du faisceau formation.

2.2. Probabilités des phénomènes dangereux

L’étude européenne a ensuite permis d’affiner l’estimation des probabilités de la plupart des événements types décrits dans l’arrêté du 18 décembre 2009 susvisé, mettant en évidence que ces phénomènes sont moins probables qu’estimé antérieurement.

Cette étude a pris en compte tous les modes de défaillance possibles, y compris les effets dominos (ceux-ci ne sont donc plus à considérer, afin d’éviter un double comptage).
En outre, ces probabilités brutes ne tiennent pas compte de dispositions supplémentaires permettant
une amélioration de la sécurité : dispositions constructives touchant notamment au matériel roulant,
dispositions organisationnelles de l’exploitation ferroviaire.

a) De nouveaux dispositifs de sécurité sont imposés à partir du 1er janvier 2015 par le RID (règlement concernant le transport international ferroviaire des marchandises dangereuses) sur la structure des wagons-citernes transportant certaines marchandises toxiques, avec mise aux normes du parc existant, afin d’encore réduire les risques de perte de confinement : un dispositif d’absorption pour réduire les dommages en cas de choc de tamponnement (« TE22 ») obligatoire pour les matières toxiques par inhalation, un système anti-chevauchement ou de bouclier physique (« TE25 »), obligatoire pour un nombre plus limité de gaz très toxiques notamment le chlore.

Ces nouveaux dispositifs conduisent à considérer que le percement d’une citerne à la suite d’une collision par rattrapage peut être pratiquement exclu, et que les deux seules causes possibles conduisant à l’apparition d’un phénomène dangereux de grande ampleur sont le déraillement avec renversement ou engagement du gabarit d’une voie contiguë, et la collision latérale par prise en écharpe. Il en résulte un abattement de probabilité des phénomènes dangereux estimé de manière forfaitaire de 10-2 à 10-3.

Il est par ailleurs à noter que ces dispositions s’appliquent également de manière non rétroactive pour d’autres marchandises : TE22 notamment pour les gaz inflammables et TE25 pour un grand nombre d’autres marchandises toxiques. Ceci n’est pas pris en compte dans les probabilités présentées ci-après, mais conduira à améliorer encore la sécurité progressivement, au fil des remplacements de wagons.

b) La mise en place de mesures complémentaires de réduction du risque, notamment par le biais de prescriptions prises en application de l’article L. 551-3 du code de l’environnement, permet éventuellement de réduire les probabilités des phénomènes dangereux considérés.
Ainsi, la mise en place d’une procédure d’exploitation particulière dans certains triages pour le traitement des wagons de chlore lors du débranchement (procédure dite « marchandises fragiles ») permet de réduire la probabilité d’apparition des événements précurseurs. Cette procédure reposant en partie sur un opérateur, son taux d’erreur peut typiquement être évalué à 10-2.

De même, le Conseil général de l’environnement et du développement durable a préconisé (1) la mise en place de mesures visant à réduire le risque d’accident en zone de formation aval :
– utilisation de doubles cales afin de sécuriser la phase finale de formation des rames (compactage) ;
– interdiction de réaliser des manoeuvres concomitantes en tête de faisceau pendant les opérations de compactage des rames.

La mise en oeuvre de ces mesures pourra permettre de traiter de façon différentiée les zones de formation amont et aval, et d’ainsi réduire d’un coefficient de typiquement 10-2 les probabilités d’événements dans la zone de formation aval.

Le service instructeur appréciera, de manière prudente, les réductions de probabilité à prendre en compte pour d’autres mesures de maîtrise des risques.

En conséquence, les probabilités génériques par wagon à retenir à l’avenir, en l’absence de données plus fiables fournies dans l’étude de dangers, sont données dans le tableau ci-dessous.

(1) Rapport CGEDD n° 009544-01 du 30 septembre 2014, élaboré en réponse à la saisine du ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, établissant un état des lieux des infrastructures et des modes d’exploitation ferroviaires dans les triages par lesquels transitent des marchandises dangereuses

Enfin, la classe de probabilité E sera désormais définie comme correspondant aux probabilités ≥ 10-6 et < 10-5, et la classe de probabilité F comme correspondant aux probabilités < 10-6.

Nota 1 : l’étude européenne n’a pas permis de préciser les probabilités associées au phénomène d’explosion de solide, par manque de données et compte tenu du faible nombre de transports. Pour ce phénomène compte tenu du fait que la classe 1 ne fait quasiment pas l’objet de transports ferroviaires (une dizaine de wagons par an sur plus de 300 000), on n’étudiera pas les phénomènes d’explosion liés à cette classe. Le seul phénomène retenu sera l’explosion de nitrate d’ammonium en vrac. La probabilité de ce phénomène a été estimée en multipliant la probabilité de perte de confinement (3,93 10-7/wagon pour l’ensemble de la gare – valeur validée par une tierce expertise de l’INERIS répartie entre débranchement et formation suivant les mêmes ratios que les autres phénomènes dangereux) par un facteur de 10-2 de réalisation du phénomène dangereux après perte. Il en va de même pour la classe 6.2 qui ne fait pas l’objet de transport ferroviaire.
Nota 2 : les « probabilités résultantes » présentées dans le tableau précédent ne tiennent pas compte des mesures de maîtrise des risques additionnelles prescrites par les arrêtés préfectoraux prévus à l’article L. 551-3 du code de l’environnement, et dont l’impact est apprécié par le service instructeur.
Nota 3 : concernant particulièrement les wagons de chlore, la réduction de probabilité à considérer pour l’accident de perte de confinement apportée par la mise en place de la procédure « marchandises fragiles » est typiquement de 10-2, à appliquer aux probabilités du tableau.

Nota 4 : de même, la mise en place des mesures mentionnées au dernier alinéa du b) du 2.2 permettra d’appliquer une réduction de probabilité typiquement 10-2, à appliquer aux probabilités du tableau, pour les événements ayant pour origine géographique la zone de formation aval.

3. Porter-à-connaissance, maîtrise de l'urbanisation

Le premier tiret du II de l’annexe à la circulaire du 19 novembre 2012 susvisée ne s’applique plus.

Les dispositions du IV de cette annexe sont, pour les ouvrages d’infrastructures ferroviaires objet de la présente note technique, modifiées comme suit.

La localisation des phénomènes dangereux à l’origine des zones d’effet à porter à connaissance pourra être considérée comme limitée à la zone de formation et à la zone de débranchement.

Conformément à l’annexe A.3 de la circulaire du 4 mars 2010, le scénario de rupture totale n’est pas à prendre en compte pour le calcul des zones d’effet pour la maîtrise de l’urbanisation, et les scénarios à étudier sont ceux allant jusqu’à la plus grande brèche mentionné par l’arrêté du 18
décembre 2009, soit 20 mm.

La probabilité d’effets létaux est calculée par cumul des probabilités des phénomènes dangereux occasionnant des effets létaux au point considéré.

Concernant les préconisations pour l’urbanisation future :
– les recommandations concernant les zones présentant une probabilité d’effet létaux des classes de probabilité A, B, C ou D ne sont pas modifiées ; toutefois, dans les zones d’effet létaux des phénomènes de classe de probabilité D déjà urbanisées, les autorisations de construire pourront être
accordées sous réserve de ne pas augmenter significativement la population exposée, et les changements de destinations seront réglementés dans le même cadre ; pour des raisons pratiques, ce critère pourra être apprécié de manière forfaitaire et globale, par exemple en le traduisant en un
objectif de non augmentation du nombre de logements ;
– dans les zones présentant une probabilité d’effet létaux de classe de probabilité E, par analogie avec la démarche de maîtrise de l’urbanisation appliquée autour des canalisations de transport de matières dangereuses, le porter-à-connaissance recommandera d’exclure la construction d’établissement recevant du public de plus de 300 personnes (dans les zones des premiers effets létaux) ou 100 personnes (dans les zones d’effets létaux significatifs) et d’immeubles de grande hauteur, d’éviter celle d’ensembles importants d’habitat collectif, et de n’autoriser les extensions de
telles constructions que si elles ne conduisent pas à une situation non acceptable au regard de la matrice présentée au III de la circulaire du 19 novembre 2012 ;
– les autres zones, notamment celles concernées par des effets de probabilité F, ne justifient pas l’édiction de recommandations en matière d’urbanisme. Toutefois, si des mesures de maîtrise de l’urbanisation ont été mises en place dans ces zones, il peut être envisagé de les conserver,
notamment si la probabilité des phénomènes est proche de l’ordre de grandeur susmentionné.

Pour les infrastructures ferroviaires ayant déjà fait l’objet d’un porter-à-connaissance, vous procéderez à une mise à jour de celui-ci en fonction de ces dispositions, au regard de l’étude de dangers mise à jour conformément aux dispositions du 2 de la présente note technique.

4. Autres infrastructures

Les aires de stationnement routières, les ports maritimes et les ports fluviaux feront l’objet de notes techniques particulières ultérieures.

Enfin, il est rappelé que les ouvrages ne répondant pas aux critères définis à l’article R. 551-8 du code de l’environnement, ou cessant d’y répondre notamment au vu d’une baisse confirmée et durable du trafic, et qui n’ont pas fait l’objet d’une instruction spécifique au titre de l’article R. 551-5, ne sont pas ou plus considérés comme présentant des risques suffisamment spécifiques ou importants pour justifier la démarche de maîtrise des risques prévue par les articles L. 551-2 et suivants du même code. Pour ces ouvrages, la production d’une étude de dangers ou la mise en place de mesures de maîtrise des risques et de l’urbanisation spécifiques ne sont pas à prévoir, ou n’ont pas vocation à être maintenues lorsqu’elles existent.

La présente note technique sera publiée au Bulletin officiel du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le 22 juin 2015

Pour la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et par délégation,
La directrice générale de la prévention des risques
Patricia BLANC

Le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer
François POUPARD

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