NOR : DEVP 0823144C
Le ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire
A
Mesdames et Messieurs les Préfets
Deux arrêtés ministériels relatifs aux dépôts de bois et papiers cartons de la rubrique n°1530 de la nomenclature des installations classées ont été signés les 29 et 30 septembre 2008. Le premier de ces deux arrêtés est relatif aux installations soumises au régime de l’autorisation, le second aux installations soumises au régime de la déclaration. L’objet de la présente circulaire est de fournir des éclairages sur quelques points saillants de ces arrêtés.
1. Remarques communes aux deux arrêtés
J’attire tout d’abord votre attention sur le fait que le champ d’application de ces deux arrêtés ne couvre pas l’intégralité du champ de la rubrique 1530. En effet, ils ne fournissent de prescriptions que pour les dépôts de papier et carton (et pâte de concentration de fibre supérieure à 70%, assimilée à du papier au titre de la présente circulaire). Les dépôts de bois ou d’autres matières combustibles présentent d’autres caractéristiques qu’il conviendra d’encadrer ultérieurement par un autre texte réglementaire.
Par ailleurs, le classement d’un site au regard de cette rubrique de la nomenclature des installations classées s’effectue en sommant le volume de tous les dépôts individuels pouvant se situer sur un site (par exemple sur un site papetier, en sommant les stockages de papiers récupérés avant leur réintégration dans le process industriel, les produits finis conditionnés, les bobines…). Le seuil du régime de l’autorisation est fixé à 20 000 m3 (volume total sur site). Or l’arrêté relatif aux installations soumises à autorisation que j’ai signé ne réglemente que les dépôts individuels (à savoir distants d’au moins 30 mètres de tout autre stockage de papier/carton) qui à eux seuls dépassent ce seuil de 20 000 m3. L’arrêté que j’ai signé pour les dépôts soumis à déclaration, quant à lui, ne couvre bien entendu que les installations relevant de ce régime. Il vous appartient donc, pour les dépôts de taille faible (le plus souvent comparables à un dépôt soumis à déclaration) concourant au classement d’un site à autorisation, de prescrire par arrêté les prescriptions les plus adaptées, au cas par cas, en vous inspirant de ces deux textes. Une trop grande variété de situations existait en effet pour qu’un texte national fixe des règles trop rigides sur ce point.
Je vous signale également que dans les textes antérieurs relatifs à cette rubrique ou aux rubriques liées à l’industrie papetière (rubriques 2430 et 2440), plusieurs dénominations existent pour les papiers à usage domestique. La présente instruction est donc l’occasion de vous rappeler que les appellations « papiers d’hygiène », « papier tissue », « papier domestique » ou encore « papier sanitaire » recouvrent la même catégorie commerciale de papiers. Dans ces deux textes réglementaires que les présentes instructions viennent accompagner, c’est la première de ces appellations qui a été retenue.
Je vous rappelle un projet récent de modification de la nomenclature des installations classées concernant la rubrique 1530. Ce projet, qui a reçu un avis favorable du Conseil Supérieur des Installations Classées en date du 25 mars 2008, vise à inclure explicitement les emballages de conditionnement des produits prévus dans cette rubrique afin d’éviter un double-classement au titre du bois / papier / carton d’une part et des matières d’emballage qui pourraient être considérées comme relevant d’autre part d’une autre rubrique alors que ces emballages, de toute façon logistiquement indispensables pour le stockage des matières par exemple, ne modifient pas significativement le comportement à l’incendie de l’ensemble du stockage. Ce projet devrait rapidement aboutir à la signature du décret de nomenclature correspondant.
Enfin, et afin de lever toute éventuelle ambiguïté, je vous signale que le décompte des alinéas tels qu’ils sont cités dans les différents articles a été réalisé conformément aux instructions du Secrétaire Général du Gouvernement en date du 20 octobre 2000. Ce décompte est identique à celui préconisé sur le site Internet Légifrance.
2. Remarques relatives à l’arrêté encadrant les installations soumises à autorisation
Je vous rappelle que le présent arrêté a pour objectif la prévention des sinistres dans les dépôts de papiers et cartons, et n’est donc pas exclusif d’autres textes réglementant d’autres dangers et inconvénients de ces dépôts pour les intérêts de l’article L 511-1 du code de l’environnement. Il en va ainsi, par exemple, de l’arrêté du 2 février 1998 qui est applicable à ces stockages.
Au titre de ce nouvel arrêté, l’intégralité des prescriptions est applicable aux installations nouvelles d’une part, et aux extensions d’installations existantes ayant conduit à nécessiter une nouvelle autorisation en application de l’article R.512-33 du code de l’environnement d’autre part. Dans le cas de ces extensions, c’est à la seule extension que s’applique l’intégralité des prescriptions, la partie initiale de l’installation restant soumise aux prescriptions applicables aux installations existantes.
Il n’a pas été choisi d’introduire de spécificité à la notion de hangar ou de tente dans l’arrêté ministériel. Ce mode de stockage est pourtant assez couramment rencontré, dans l’industrie papetière notamment. Il conviendra donc de les traiter comme les autres dépôts, à savoir de les considérer comme des stockages couverts dès lors qu’ils répondent aux critères de l’article 2 de l’arrêté, et de les considérer comme des stockages extérieurs dans le cas contraire.
L’article 3 de l’arrêté demande aux exploitants de tenir à jour de façon constante la quantité de produits stockés et la localisation de ces produits. L’objet de cette prescription est de faciliter l’intervention des secours en cas d’incendie. Il s’agit donc, pour les exploitants, d’être en mesure d’indiquer sur un plan quelles aires de leurs stockages sont dédiées aux différents types de papiers (mode de conditionnement : bobine, vrac, etc. ; nature des produits : produits finis, papiers de récupération, papiers légers / médiums / lourds, etc. ; hauteur maximale de stockage ; stockage en palettier ou dans d’autres configurations notamment) ainsi que la quantité de produits s’y trouvant. Sur ce dernier point, une mise à jour quotidienne est suffisante, l’ordre de grandeur étant suffisant pour permettre un dimensionnement des moyens de secours à mettre en œuvre, sauf évidemment lorsqu’une forte variation du stock est opérée dans la journée.
L’article 4 prévoit des distances d’éloignement des dépôts par rapport à des équipements ou des terrains tiers. Il convient de bien noter que de telles distances d’éloignement s’entendent bien par rapport aux tiers, à l’exclusion d’éventuels sous-traitants sur site, qui sont considérés comme se trouvant dans l’enceinte de l’établissement au titre de cette prescription. Je vous rappelle également que l’intégralité des phénomènes dangereux figurant dans l’étude de dangers ont vocation à respecter ces distances d’éloignement, en particulier l’incendie généralisé du dépôt.
Par ailleurs, du cinquième au septième alinéa est fixée une distance forfaitaire de 20 mètres dont l’exploitant doit garantir l’aménagement, indépendamment des distances apparaissant dans l’étude de dangers.
Pour les dépôts nouveaux au sein d’établissements industriels existants (cas des extensions) et les dépôts existants, une possibilité de dérogation à ces 20 mètres est introduite, sous réserve de mesures compensatoires. Il paraît utile à ce stade de préciser que, notamment lors des débats au Conseil Supérieur des Installations Classées, il a bien été précisé que ces mesures peuvent concerner tout aussi bien l’installation (réduction du risque à la source) que la zone des 20 mètres autour du stockage.
Concernant les mesures compensatoires sur l’installation, des dispositifs à l’efficacité éprouvée vous permettent d’autoriser des distances d’éloignement inférieures. Ainsi, des dispositifs tels des rideaux d’eau, des systèmes d’extinction automatique ou des murs coupe-feu de niveau deux heures (REI120) sont de nature à répondre à une telle définition, pour peu que l’exploitant démontre qu’il les a conçus, installés et dimensionnés conformément aux normes en vigueur.
Concernant les mesures compensatoires dans la zone des 20 mètres, vous pourrez accepter la présentation de conventions (du type des servitudes de cour commune) passées avec les propriétaires des terrains figurant dans cette zone permettant à l’exploitant de s’assurer la maîtrise de l’occupation des sols sur ces terrains. De même, des espaces physiquement inconstructibles (par exemple un cours d’eau, par opposition à des espaces « juridiquement » inconstructibles) dans la zone de 20 mètres répondent aux objectifs fixés.
L’article 10 de l’arrêté prévoit une obligation de détection incendie avec transmission de l’alarme à l’exploitant. Je vous informe qu’une télésurveillance avec transmission de l’alerte à l’exploitant est un dispositif qui est de nature à répondre aux exigences de cet alinéa. Un dispositif d’extinction automatique (de type sprinkler) est également de nature à répondre à ces exigences. Je vous signale également qu’à la date d’aujourd’hui, la règle APSAD de référence pour la détection incendie est la règle R7. D’autres référentiels peuvent également être utilisés par les exploitants (NFPA…)
L’article 10 prévoit également des stratégies alternatives à l’extinction automatique pour les papiers mediums et lourds. En cohérence avec les critères retenus par les assurances dans des cas similaires, je vous demande de vous assurer que les conditions suivantes sont réunies a minima avant d’accepter de telles stratégies alternatives :
- la présence une équipe de première intervention interne 24heures/24 et 365jours/ 365 (éventuellement hébergée sur place), avec du personnel équipé individuellement et formé, dont un chef d’équipe 24heures/24 et la mise en place d’une personne par local pompe lors de l’intervention si une ou plusieurs pompes sont utilisées,
- une détection automatique efficace,
- la présence d’une ressource en eau suffisante sur site (au moins 120 m³/h et plus selon les exigences du guide D9), de deux lances en batterie et des moyens nécessaires pour leur fonctionnement.
L’article 12 crée des prescriptions pour les chaufferies. On entend par ici les chaufferies à caractère industriel, c’est-à-dire les dispositifs de production de chaleur supérieurs aux appareils de chauffage domestique usuels.
L’article 13 traite des configurations de stockage du papier. Il convient de rappeler en préalable que les stockages de bobine de configuration « closed » (avec beaucoup moins d’espace d’air entre les bobines) sont à préférer aux configurations « standard » ou « open ». Les distances entre îlots définies dans cet arrêté ont vocation à prévenir la propagation du feu d’un îlot à un autre par un effet domino dû aux rayonnements thermiques ou par l’effondrement de l’îlot en feu. Ces distances sont basées sur des modélisations réalisées par l’INERIS. L’article 13 prévoit le cas de stockage d’une hauteur supérieure à 8 mètres, il convient alors de fixer des distances d’espacement entre îlots sur la base de ces considérations. Bien entendu, d’autres modes de transmission du feu sont malheureusement possibles, notamment par l’intermédiaire de brandons qui se formeraient. Par ailleurs, il paraît souhaitable d’indiquer que lorsqu’un mur coupe-feu sépare deux parties d’un stockage, les produits de chaque côté de ce mur sont réputés comme appartenant à deux îlots différents au titre de cet article. Enfin, cet article évoque la notion de palettier. Il faut comprendre ici le stockage sur étagères, fixes ou mobiles, d’une profondeur supérieure à 0,80 mètre, avec d’éventuels espaces entre elles pour la manutention de produits.
L’article 15 a pour objectif une prévention de la pollution des milieux par l’eau. En effet, il faut tout d’abord noter que les eaux d’extinction d’incendie, outre des matières imbrûlées dissoutes, vont entraîner des résidus de papier et des matières en suspension. Le dégrillage de ces eaux avant leur rejet apparaît donc comme une étape absolument indispensable. Par ailleurs, en ce qui concerne les eaux météoriques cette fois, je vous rappelle que l’article 9 de l’arrêté du 2 février 1998 prévoit une réflexion spécifique à chaque site concernant leur traitement. Néanmoins, dans le cas des dépôts de papier et de leur lessivage par les eaux de pluie, au moins pour des dépôts extérieurs de plus de 10 000 mètres cubes, un dégrillage de ces eaux météoriques avant rejet est une bonne pratique à mettre en place. Une précision : une grille à barreaux judicieusement disposée peut répondre à cette obligation de dégrillage sans entraîner de risque de colmatage.
L’article 16 évoque la mise en place de réserve d’eau pour permettre l’intervention des secours. Je vous demande d’être vigilant sur l’altitude d’une telle réserve. En effet, si elle vient à être trop basse par rapport au dépôt, les performances des pompes des services de secours seront très amoindries et cette configuration nuira à la mise en œuvre efficiente de ces secours.
Dans le cas de la mise en place de systèmes d’extinction automatique, j’appelle votre vigilance ainsi que celle de l’inspection des installations classées sur la bonne maintenance indispensable de tels dispositifs, la plupart des grands incendies rapportés par les assureurs mettant en évidence leur défaillance dans l’enchaînement accidentel. Il convient au demeurant de bien être vigilant sur la variété de systèmes automatiques d’arrosage d’un incendie (sprinklers). Seuls certains dispositifs ont en effet vocation à réellement éteindre le feu (type ESFR), les autres ayant pour objectif de le contenir et d’en prévenir sa propagation en attendant l’arrivée de systèmes extérieurs pour l’extinction (équipes d’interventions à partir de robinets d’incendie armés, moyens de secours publics…)
L’article 21 pose l’obligation d’un exercice POI tous les trois ans. Il est à entendre par une telle formulation un exercice incluant les services du SDIS lorsque cela leur est possible et lorsque le POI prévoit un tel cas de figure. L’exploitant peut par ailleurs mener des exercices POI strictement internes plus régulièrement. Afin, néanmoins, de ne pas mobiliser avec excès les services du SDIS, lorsque le dépôt se situe au sein d’un établissement abritant par ailleurs d’autres installations disposant d’un POI, il s’agira de mener tous les trois ans un exercice impliquant le SDIS dans l’établissement, sans que ce ne soit obligatoirement les scénarios d’accidents liés au dépôts de papiers / cartons qui fassent l’objet du scénario retenu pour cet exercice. Il est en effet surtout important que l’exploitant s’entraîne à communiquer avec le SDIS, et que ce dernier connaisse la configuration du site industriel et ses moyens de secours à disposition.
A titre de récapitulatif, vous trouverez ci-dessous les modalités d’application aux installations existantes des différents articles :
Numéro Article |
Modalités d'application |
3 |
6 mois |
4 |
Néant pour les 4 premiers alinéas, 2 ans pour les 5 alinéas suivants, 6 mois pour le dernier alinéa |
5 |
6 mois pour 5.1 et 5.6, 1 an pour la mise en conformité ou les demandes au SDIS pour le 5.2, néant pour 5.3 à 5.5 |
6 |
Néant |
7 |
Néant |
8 |
Néant |
9 |
Néant |
10 |
1 an pour le premier alinéa, étude technico-économique sous un an pour le reste de l’article |
11 |
6 mois pour le premier alinéa, néant pour le deuxième, 18 mois pour les autres |
12 |
12 mois pour les deux derniers alinéas (hors alinéa d’application, soient les 8ème et 9ème alinéa), néant pour les autres |
13 |
6 mois |
14 |
Néant pour le premier alinéa, 18 mois pour le second |
15 |
Etude technico-économique sous 12 mois |
16 |
6 mois pour le premier alinéa, étude technico-économique sous 12 mois pour les autres |
17 |
6 mois |
18 |
6 mois |
19 |
6 mois |
20 |
6 mois |
21 |
6 mois |
22 |
6 mois |
3. Remarques relatives à l’arrêté encadrant les installations soumises à déclaration
La plupart des remarques évoquées ci-dessus sont bien évidemment applicables aux rédactions similaires présentes dans l’annexe de ce second arrêté.
Il en va ainsi, par exemple, pour le champ d’application de l’arrêté lorsqu’une installation existante connaît une extension nécessitant le dépôt d’une nouvelle déclaration au titre de l’article R.512-54 du code de l’environnement, pour la tenue à jour des quantités de papiers / cartons dans les stockages et de leur localisation au point 2 de l’annexe, pour les règles d’éloignement prévues au point 3.1 et pour les chaufferies et les prescriptions dont elles font l’objet au point 4.4.
Le point 11 prévoit par ailleurs une surveillance du dépôt (afin de détecter au plus vite tout incendie et de donner l’alerte pour une mise en œuvre des moyens de secours) par gardiennage ou télésurveillance en dehors des heures d’ouverture. Je vous informe que lorsque l’installation est située au sein d’un établissement ayant une activité industrielle et une présence humaine en permanence, cette obligation de gardiennage sera considérée comme remplie.
Vous voudrez bien me rendre compte, sous le timbre du directeur général de la prévention des risques, des éventuelles difficultés rencontrées dans l’application de ces instructions.
Pour le ministre et par délégation,
Le directeur général de la prévention des risques,
Laurent MICHEL