(BO du MEDDTL n° 2011/16 du 10 septembre 2011)
NOR : DEVP1119997C
Résumé : la loi Grenelle 2 a engendré un changement important dans le régime administratif applicable aux projets individuels de parcs éoliens terrestres. Les textes réglementaires correspondants ont été publiés en août 2011 par le ministère du développement durable. Cette circulaire donne quelques éclairages sur les sujets techniques tels qu’ils sont traités par cette nouvelle réglementation et quelques instructions en matière d’organisation et de pilotage de l’État dans l’instruction de ces dossiers individuels.
Domaine : écologie, développement durable.
Mots clés liste fermée : <Energie_Environnement>.
Mots clés libres : éoliennes, ICPE.
Référence : loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
Date de mise en application : immédiate.
Publication : BO ; site : circulaires.gouv.fr.
La ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement à Madame et Messieurs les préfets de région (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement [DREAL], direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île-de-France [DRIEE IF], directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement [DEAL] outre-mer) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (pour exécution).
Le Grenelle de l’environnement a fixé des objectifs ambitieux pour le développement des énergies renouvelables à l’horizon de 2020, tout particulièrement s’agissant de l’énergie éolienne.
Afin d’encadrer et de sécuriser juridiquement ce développement, le Parlement a choisi, dans le cadre de la loi du 12 juillet 2010, de soumettre les éoliennes terrestres au régime des installations classées, avec une date d’effet au 13 juillet dernier. Les textes réglementaires correspondants, un décret de nomenclature, deux arrêtés ministériels, ainsi qu’un décret propre aux garanties financières viennent de paraître (avec quelques jours de décalage).
Les présentes instructions visent à vous donner les clés immédiates pour instruire les dossiers qui vous seront déposés très prochainement, articuler correctement cette procédure avec la procédure – désormais allégée – du permis de construire. Elles ne concernent que les éoliennes terrestres.
Des fiches questions-réponses sur ces procédures ou précisant le positionnement de ces procédures installations classées et permis de construire dans l’ensemble du dispositif réglementaire éolien (SRCAE, ZDE, permis de construire, installations classées) vous seront ultérieurement adressées en tant que de besoin.
1. La procédure administrative des installations classées
Le Gouvernement a choisi de soumettre à autorisation les parcs éoliens dont le plus haut des aérogénérateurs a une hauteur de mât supérieure à 50 mètres ainsi que les parcs éoliens d’une puissance supérieure à 20 MW. À ce stade, les parcs répondant à ce second critère sont toujours couverts par le premier critère également.
Les autres parcs éoliens, dès lors qu’un des mâts d’aérogénérateurs a une hauteur supérieure à 12 mètres, sont soumis au régime de la déclaration.
Il s’agira donc de mener une procédure administrative par parc, c’est-à-dire par site sur lequel plusieurs aérogénérateurs sont exploités par le même exploitant. Ces sites pourront potentiellement être très étendus (plusieurs centaines de mètres voire plusieurs kilomètres).
Le rayon d’enquête publique, fixé à 6 kilomètres, est à déterminer à partir des aérogénérateurs les plus en périphérie de chaque parc.
Les règles et instructions applicables usuellement à l’instruction des dossiers installations classées sont applicables au cas des éoliennes. En particulier, les objectifs en terme de délais d’instruction, visant à ce que 95 % des dossiers d’autorisation ICPE soient instruits dans un délai inférieur à un an, bien plus ambitieux que les délais moyens constatés jusqu’au 13 juillet dernier dans le cadre de la procédure en vigueur, ne peuvent être que renouvelés.
Cette accélération des délais doit être facilitée par le contexte juridique et technique différent qu’apportent les arrêtés ministériels de prescriptions.
Pour ce qui concerne les installations soumises à déclaration, les récépissés de déclaration sont à délivrer dans les mêmes conditions que pour les autres installations classées.
2. Arrêtés ministériels – enjeux techniques
L’établissement par voie réglementaire de règles techniques ainsi que la possibilité d’en vérifier concrètement l’application après la procédure d’autorisation ou de déclaration devraient permettre également, à moyen terme, de limiter les contentieux contre les autorisations de champs éoliens.
Plusieurs enjeux techniques méritent d’être soulignés ici.
S’agissant des règles de coexistence avec les radars (de l’aviation civile, de la défense, de Météo- France qui est l’établissement public en charge des prévisions météorologiques et enfin des autorités portuaires), votre rôle est considérablement modifié. Ainsi, il a été décidé que, lorsqu’un pétitionnaire souhaite implanter un parc éolien à proximité d’un radar, la phase de concertation entre ce pétitionnaire et l’opérateur radar se fera avant le dépôt du dossier ICPE. L’accord explicite de cet opérateur radar sera ainsi nécessaire pour respecter les obligations réglementaires dans le cas où le radar est proche de l’éolienne et ainsi se voir délivrer l’autorisation ou démarrer l’exploitation d’un parc soumis à déclaration.
Cet enjeu, particulièrement complexe et à l’origine de nombreuses difficultés jusqu’à présent, sera désormais traité directement entre pétitionnaires et opérateurs radars, sans mobiliser vos services.
L’ensemble sera piloté au niveau national, par la direction générale de la prévention des risques. J’ai par ailleurs adressé des courriers aux différents opérateurs radars nationaux afin qu’un suivi précis de ces enjeux puisse être effectué par la DGPR. Des études techniques ont par ailleurs été engagées de façon à pouvoir mieux évaluer l’impact des éoliennes sur le fonctionnement des radars : à moyen terme, ceci devrait permettre une évolution de la réglementation sur ce point.
S’agissant des règles relatives au bruit, elles sont pour l’essentiel inchangées par rapport aux dispositions précédemment opposables du code de la santé publique. L’entrée dans le régime des installations classées ouvre néanmoins des possibilités d’allégement sur ces points des dossiers administratifs qui vous sont remis. Si l’étude d’impact devra toujours traiter de cette question, vous pourrez solliciter moins de démonstrations, de modélisations et d’expertises sur la capacité du pétitionnaire à tenir les objectifs d’émergence sonore affichés dans cette étude d’impact (et fixés par ailleurs dans les arrêtés ministériels). La police des installations classées permettra en effet de procéder, lorsque cela sera opportun, à des mesures de bruit lors du fonctionnement des aérogénérateurs et de prononcer des sanctions administratives, pouvant aller jusqu’à la suspension des installations, si ces mesures montrent que les dispositions prescrites ne sont pas tenues.
Il convient de préciser ici, sur un plan technique, que les arrêtés ministériels s’appuient désormais sur les travaux de normalisation récents s’agissant de la mesure du bruit généré par les éoliennes.
Une version quasi finalisée de norme a ainsi été publiée en juillet 2011, c’est elle qui est retenue par les textes. Lorsque cette norme sera complètement finalisée et publiée, elle aura vocation à se substituer à la version temporaire de juillet 2011.
S’agissant des distances d’éloignement des habitations, certaines règles précises ont été établies dans la loi Grenelle 2. Ces règles figent notamment un éloignement par rapport aux constructions et zones constructibles au lendemain de la parution de la loi, en juillet 2010. Ces règles sont reprises dans les arrêtés ministériels.
Des règles d’éloignement par rapport aux établissements Seveso et aux installations nucléaires de base (300 mètres) ont été également été établies dans ces arrêtés.
En revanche, des règles de conception exigeantes et d’arrêt d’urgence en cas de dysfonctionnements sont prévues dans ces arrêtés. Si elles ne permettent pas d’exclure tout détachement de pale, elles rendront de tels scénarios extrêmement rares. L’analyse de l’accidentologie et des probabilités associées, à la lumière de ces règles de conception et d’exploitation désormais prévues, m’amènent à vous demander de ne pas prononcer d’autre règle d’éloignement, que ce soit vis-à-vis de voies de communication ou de canalisations de transport de matières dangereuses (dès lors que ces canalisations répondent aux exigences de la réglementation, notamment en matière d’enfouissement).
S’agissant des études de dangers, désormais exigibles pour les éoliennes soumises à autorisation, elles pourront présenter un caractère plus léger que bon nombre d’autres installations classées, bien plus dangereuses, dans un souci de proportionnalité. Les éoliennes disponibles sur le marché présentant de larges caractéristiques communes, le syndicat des énergies renouvelables a lancé la réalisation, d’ici à l’automne, d’une étude de dangers types que mes services seront amenés à examiner au niveau national. Lorsqu’elle sera ainsi validée, elle pourra constituer le corps principal des études de dangers qui vous seront remises par les pétitionnaires, même si une partie sera toujours à adapter au contexte local d’implantation. L’inspection des installations classées pourra dès lors procéder à une instruction rapide de ce document en toute légitimité. Ce point devrait participer au souhait de réduire les délais d’instruction des autorisations de parcs éoliens.
De manière générale, ces enjeux de risques, de bruit, d’impact sur les radars et d’éloignement visà- vis des tiers ont donc été largement examinés au niveau national dans le cadre de l’élaboration du cadre réglementaire et ils ont fait l’objet d’une concertation approfondie. De ce fait, dans un souci d’application d’une doctrine homogène sur l’ensemble du territoire national, je considère que l’application de ces dispositions réglementaires constitue une condition nécessaire et suffisante pour assurer sur ces aspects la protection des enjeux protégés par la loi. En conséquence, il ne devrait pas y avoir lieu de fixer sur ces points, au travers de vos arrêtés préfectoraux d’autorisation, des prescriptions complémentaires à celles de la réglementation nationale.
Si toutefois, vous étiez amenés, au vu, de situations locales très particulières, à fixer des exigences complémentaires, je vous invite à en rendre compte à la DGPR selon les modalités qui vous seront précisées.
En revanche, des points importants de l’instruction de dossiers relatifs à des projets de parcs éoliens resteront, comme précédemment, à instruire selon le contexte local, en respectant un principe strict de proportionnalité dans les exigences :
– atteinte aux paysages ;
– préservation de la biodiversité.
Ces points seront à développer avec soin par les pétitionnaires au sein de l’étude d’impact.
Même si de tels sujets sont par essence à traiter au cas par cas, je souhaite néanmoins qu’une doctrine nationale puisse progressivement être élaborée. À cet égard, je souhaite que vos services en charge de l’inspection puissent régulièrement rendre compte également sur ces aspects à la DGPR.
Les aspects relatifs aux obstacles à la navigation aérienne ne sont pas traités par la législation des installations classées mais demeurent dans le périmètre du permis de construire (cf. paragraphe consacré au permis de construire ci-dessous).
En matière d’inspections, il conviendra que les éoliennes fassent l’objet d’un traitement tout à fait similaire aux autres installations classées, avec une politique basée sur la proportionnalité dans le respect des règles et objectifs établis dans le programme stratégique de l’inspection des installations classées diffusé il y a deux ans. Ainsi, les parcs éoliens soumis à autorisation devraient faire l’objet d’une première visite d’inspection dans un délai de l’ordre de six mois après leur mise en service, puis être inclus dans le plan pluriannuel d’inspection. En revanche, les parcs éoliens ne devraient pas être considérés comme des installations prioritaires au titre de ce plan pluriannuel de contrôles.
3. Articulation avec le permis de construire
Il convient en premier lieu de rappeler que la loi dispense de procédure d’autorisation/déclaration ICPE les projets pour lesquels vous avez pris l’arrêté d’ouverture d’enquête publique en application des dispositions relatives au permis de construire, en vigueur avant le 13 juillet 2011. La procédure permis de construire engagée devra donc être poursuivie jusqu’à son terme sans modification des pratiques antérieures.
Pour les autres projets, le dépôt d’un dossier ICPE est obligatoire et les procédures de permis de construire sont allégées (disparition de l’enquête publique). Comme le prévoit l’article R. 512-4 du code de l’environnement pour toutes les ICPE soumises à autorisation, la demande d’autorisation doit être complétée par la justification de la demande du permis de construire.
Réciproquement, et en application de l’article R. 431-20 du code de l’urbanisme, la demande de permis de construire doit être complétée par la justification du dépôt de la demande d’autorisation ICPE. Les demandes de permis de construire antérieurement déposées et n’ayant pas encore atteint le stade de l’enquête publique devront être ainsi complétées du récépissé de dépôt de dossier ICPE.
Il n’apparaît pas juridiquement indispensable que le pétitionnaire ait besoin de redéposer une nouvelle demande de permis de construire et une fois la demande complétée comme ci-dessus celui-ci pourra être instruit.
Le permis de construire continuera notamment, sans redondance avec la procédure « installations classées » à sanctionner la conformité du projet aux dispositions d’urbanisme et aux règles générales d’occupation du sol.
Les services en DDT/DDTM n’auront néanmoins plus à vérifier la recevabilité de l’étude d’impact au titre de ce nouveau permis de construire, même si celle-ci devra continuer à être jointe au dossier de permis de construire en vertu de l’article R. 122-14 du code de l’environnement. L’étude d’impact constitue donc une pièce obligatoire du dossier de demande de permis en vertu des articles R. 431-16 et R. 441-5 du code de l’urbanisme, même dans le cas où l’étude est requise au titre d’une autre autorisation comme pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
L’enquête publique prévue pour les éoliennes d’une hauteur supérieure à 50 mètres au titre de l’article R. 123-1 a été supprimée du code de l’environnement et sera donc organisée exclusivement au titre de la procédure ICPE.
Pour les éoliennes d’une hauteur supérieure à 50 mètres, la vérification que le projet ne constitue pas une gêne à la navigation aérienne devra néanmoins toujours être réalisée en application de l’article R. 425-9 du code de l’urbanisme qui prévoit que le permis de construire constitue l’autorisation prévue au titre de l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile. À ce titre, les dispositions applicables sur ce point dans la circulaire de mars 2008 restent applicables en l’état.
4. Pilotage et outils
Le pilotage de la mise en oeuvre de ces nouvelles procédures a été confié à la direction générale de la prévention des risques.
Au niveau déconcentré, ce sont les DREAL qui seront amenées à piloter, désormais, les procédures administratives individuelles applicables aux projets de parcs éoliens, hors permis de construire. Afin de faciliter la mise en oeuvre rapide des compétences nécessaires, je vous demande d’organiser le transfert des dossiers en cours et le partage des compétences particulières éoliennes, dans leur contexte et leur territoire, développées ces dernières années, en particulier au sein de différentes directions départementales, par l’organisation de formations et la mise en réseau des personnes qui ont une connaissance de l’éolien, mais aussi une connaissance fine des décideurs locaux, des territoires et de leurs paysages, de la préservation de la biodiversité et des contraintes locales (servitudes, coexistence avec les radars, prévention de nuisances...).
Afin d’assurer un pilotage national efficace, des représentants de chaque service d’inspection des installations classées des DREAL seront réunis régulièrement par la DGPR. Entre-temps, une formation itinérante dans les différentes régions de France sera mise en oeuvre pour présenter aux agents de l’État en services déconcentrés le nouveau dispositif et les nouvelles règles techniques.
Dix réunions interrégionales seront menées d’ici à la fin de l’année 2011, de façon à couvrir l’intégralité du territoire métropolitain.
Des outils seront progressivement mis à disposition des services déconcentrés. Dans l’attente, les outils précédemment mis à disposition, désormais obsolètes, sont à considérer comme abrogés pour l’essentiel. À titre d’exemple, le guide sur les études d’impact des éoliennes, s’il a représenté un apport significatif pour préciser les bonnes pratiques et les documents précis les plus à jour pour la procédure de permis de construire précédemment en vigueur, doit désormais être considéré comme contenant de nombreuses parties en écart par rapport au dispositif réglementaire désormais applicable (chapitre risques sans objet puisque reporté dans l’étude de dangers, dispositions sur les remises en état modifiées par la loi Grenelle 2 ainsi qu’un décret et un arrêté parus cet été, dispositions sur le bruit ne tenant pas compte de la nouvelle norme désormais obligatoire, etc.). Il sera retiré du site Internet du ministère pour éviter toute confusion. La DGPR procédera à son adaptation.
Ces outils et ce pilotage doivent permettre d’assurer un plein essor de l’énergie éolienne en France. La mesure de performance des procédures administratives me semble dès lors indispensable.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que vous vous assuriez que :
– vos services envoient à la DGPR une copie de tous les récépissés de déclaration de parcs éoliens, précisant la commune d’implantation, l’exploitant et la puissance déclarée ;
– vos services remplissent soigneusement le système d’information de l’inspection des installations classées afin que la DGPR puisse procéder régulièrement à une extraction des données sur la puissance autorisée, la puissance des projets de parcs en cours d’instruction ainsi que les délais d’instruction à chacune des étapes clés de la procédure.
Je vous remercie par avance de me faire part de tout commentaire que ces instructions pourraient engendrer.
La présente circulaire sera publiée au Bulletin officiel du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Fait le 29 août 2011.
La ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement,
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET