(BO du Travail n° 11-2007 du 30 novembre 2007)


NOR : MTST0710757J

Monsieur le ministre d’Etat, Monsieur le ministre à Madame et Messieurs les préfets de région ;
Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ;
Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux de l’industrie, de la recherche et de l’environnement ;
Monsieur le directeur du service technique interdépartemental d’inspection des installations classées ;
Mesdames et Messieurs les préfets de département ;
Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ;
Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.

L’accident de l’usine AZF à Toulouse, en septembre 2001, et le débat national qui a suivi ont révélé le rôle essentiel de la concertation de l’ensemble des acteurs et de l’information des élus locaux et des populations exposées dans la prévention des risques industriels majeurs.

En réponse à ces besoins légitimes, la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et le décret n° 2005-82 du 1er février 2005, codifié aux articles D. 125-29 et suivants du code de l’environnement, ont prévu la mise en place d’une instance multipartite et indépendante : le comité local d’information et de concertation (CLIC). Ce comité réunit tous les acteurs locaux concernés, au sein de cinq collèges, autour d’objectifs communs de concertation et d’information sur les risques technologiques d’origine industrielle. Ces textes prévoient également l’association du CLIC tout au long de l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). La mise en place de ces comités a donc une grande importance et figure d’ailleurs dans les actions nationales prioritaires, définies aux préfets par le ministère de l’Ecologie, du développement et de l’aménagement durables, pour les années 2006 et 2007.

L’article D. 125-29 du code de l’environnement prévoit qu’un CLIC doit être créé par arrêté préfectoral lorsque le périmètre d’exposition aux risques générés par une installation figurant sur la liste prévue au IV de l’article L. 515-8 du code de l’environnement inclut au moins un local d’habitation ou un lieu de travail permanent à l’extérieur de l’établissement classé. Il est ajouté qu’un CLIC est composé de trente membres, au plus, répartis en cinq collèges, dont un " collège salariés ". D’après l’article D. 125-30 VI du même code, ce dernier collège comprend : " Des représentants des salariés proposés par la délégation du personnel du comité interentreprises de santé et de sécurité art travail, constitué en application de l’article L. 236-1 du code du travail, parmi ses membres. A défaut, il comprend des représentants des salariés de chaque établissement concerné, à raison d’au moins un représentant du personnel par établissement, proposés par la délégation du personnel du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail parmi ses membres ou, à défaut, par les délégués du personnel en leur sein. "

Autrement dit, l’article 2 du décret du 1er février 2005 précité doit être interprété de la manière suivante :
- le collège " salariés " d’un CLIC comprend, prioritairement, des membres de la délégation du personnel du comité interentreprises de santé et de sécurité au travail (CISST) ;
- à défaut de CISST, le collège " salariés " comprend au moins un membre de CHSCT ou un délégué du personnel de chaque établissement concerné (dans la mesure du possible), c’est-à-dire un membre d’une institution représentative du personnel, au sens strict du droit du travail ;
- enfin, des salariés d’entreprises extérieures intervenant sur le site de l’établissement classé à hauts risques ne peuvent pas être membres du collège " salariés ", même s’ils bénéficient du statut de " salarié protégé ".

En vertu de l’article R. 236-10-2 du code du travail, lorsque le périmètre d’étude délimité par arrêté préfectoral de prescription d’un PPRT recouvre au moins deux établissements dotés d’un CHSCT exploitant une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à une autorisation assortie de servitudes d’utilité publique (ICPE AS), le préfet est tenu de mettre en place un CISST. Ce comité interentreprises, présidé par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), contribue à la prévention des risques professionnels susceptibles de résulter des interférences entre les établissements à hauts risques (effet domino) soumis au même PPRT, grâce à une concertation entre les CHSCT de ces établissements.

Cette instance, dédiée aux échanges et réflexions concertés, ne se substitue pas aux CHSCT mais en complète l’action en impulsant une prévention globale et collective, donc plus cohérente et efficace, par le biais de propositions ou de préconisations constituant une aide précieuse à la décision des chefs d’établissements.

A ce jour, malgré l’entrée en vigueur de plusieurs arrêtés préfectoraux de prescription d’un PPRT, très peu de CISST ont été institués.

C’est pourquoi, en ce qui concerne tout PPRT impliquant plusieurs établissements, il est demandé à chaque préfet concerné de prendre, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires à la mise en place d’un CISST. Le préfet s’assurera de la désignation des membres du CISST et le DDTEFP compétent veillera à organiser la première réunion du comité interentreprises dans un délai raisonnable, c’est-à-dire dans les deux mois suivant sa création.

De nombreuses précisions et recommandations relatives à la création et au fonctionnement des CISST figurent dans la circulaire DRT n° 2006-10 du 14 avril 2006 relative à la sécurité des travailleurs sur les sites à risques industriels majeurs.

A ce stade, il apparaît, qu’en raison de l’absence de CISST, plusieurs CLIC ont été constitués avec un collège " salariés " composé de salariés non protégés, c’est à dire n’ayant le statut ni de délégué du personnel, ni de représentant du personnel au CHSCT. Par conséquent, les arrêtés préfectoraux concernés s’avèrent entachés d’illégalité et doivent donc être retirés au plus tôt.

En conséquence, dans le souci d’identifier puis de régulariser chaque CLIC litigieux, les mesures suivantes doivent impérativement être mises en couvre dans les meilleurs délais :

En premier lieu, il est demandé aux préfets de vérifier la légalité de chaque arrêté pris pour instituer un CLIC, au besoin avec l’aide du DDTEFP, dont les services sont compétents pour s’assurer que les collèges " salariés " sont composés exclusivement de " salariés protégés " au sens du droit du travail (voir les art. L. 236-11 et L. 425-1 du code du travail), et en coordination avec l’inspection des installations classées. Par ailleurs, l’élaboration d’un projet d’arrêté de création d’un CLIC pourra faire l’objet d’une saisine de l’administration du travail (DDTEFP) afin de procéder à cette vérification.

D’autre part, s’agissant des solutions de régularisation des CLIC illégaux, c’est-à-dire ceux dont la composition du collège " salariés " n’est pas conforme aux prescriptions de l’article D. 125-30 VI du code de l’environnement, les services de l’inspection du travail vérifieront si l’obligation de mettre en place un CHSCT a été respectée par la direction de l’établissement et si l’élection de délégués du personnel a été organisée lorsqu’elle était obligatoire, puis ils rechercheront, si nécessaire, l’existence d’une représentation du personnel au niveau de l’établissement, entendu au sens strict du droit des CHSCT. En effet, l’établissement peut être constitué – au-delà d’une unité géographique – par un regroupement de petites unités de travail (différents sites) de moins de cinquante salariés, dont les risques professionnels et les conditions de travail sont similaires.

De fait, la jurisprudence a dégagé la notion " d’établissement " qui varie selon l’institution représentative du personnel considérée. Ainsi, selon le Conseil d’Etat, les CHSCT peuvent avoir une autre implantation que celle retenue par les comités d’établissement, voire un nombre d’établissements supérieur (CE, 6 mars 2002, n° 230.225, RJS 7/02, n° 834). La création jurisprudentielle de la notion d’établissement au sens géographique du terme varie donc selon l’institution représentative concernée. Puisque le juge admet le regroupement de petites unités pour constituer un même établissement – ce qui peut être le cas de plusieurs dépôts pétroliers ou de gaz de pétrole liquéfiés (GPL) si les conditions de travail et les risques professionnels sont de même nature, il est donc permis qu’une unité de moins de cinquante salariés soit rattachée à un établissement plus important ou regroupée avec une autre unité dans le but de constituer un seul établissement, au sens du CHSCT. Une telle hypothèse est d’ailleurs admise par la circulaire DRT du 14 mai 1985 relative à la formation des représentants du personnel au CHSCT.

S’agissant des délégués du personnel (DP), l’obligation d’en organiser l’élection s’impose à toutes les entreprises ou établissements occupant au moins onze salariés. Dans les établissements dont l’effectif est inférieur à ce seuil mais qui relèvent d’une entreprise qui occupe au moins onze personnes, la jurisprudence commande qu’un regroupement s’opère, permettant l’élection de délégués du personnel.

Selon les cas, deux options sont offertes soit, rattacher le ou les petits établissements à de plus importants qui comportent au moins onze personnes, ou à la maison-mère, pour élire des délégués du personnel communs : soit, grouper entre-eux de petits établissements localement, régionalisent, voire au plan national pour élire des délégués du personnel communs (voir Cass. soc. 28 février 1989, n° 88-60, 478 p., Bull. civ. V no 147 ; Cass. soc. 12 janvier 1993, n° 92-60.122, CGT c/Sté 2AF).

Dans l’hypothèse où les solutions précitées ne permettraient pas d’identifier des institutions représentatives du personnel existantes, il est demandé à l’inspection du travail de se rapprocher des chefs d’établissements concernés en vue de les sensibiliser à l’organisation d’une élection de délégués du personnel (1 titulaire et 1 suppléant) institués par la voie conventionnelle, c’est à dire par la conclusion d’un accord d’établissement, en application de l’article L. 421-1, alinéa 4, du code du travail. Cette démarche impliquerait de vérifier, au préalable, le contenu d’éventuels accords collectifs de la branche professionnelle et de l’entreprise concernées sur ce sujet.

Enfin, il convient également de rappeler la possibilité d’instituer un CHSCT dans un établissement de moins de cinquante salariés, par la voie conventionnelle ou par une décision administrative de l’inspecteur du travail, prise en application de l’article L. 236-1, alinéa 3, du code du travail lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des travaux, de l’aménagement ou de l’équipement des locaux. Eu égard au fort potentiel de danger que représentent les installations Seveso seuil haut, les inspecteurs du travail sont invités à recourir, dans la mesure du possible, à cette faculté lorsque les solutions précédentes n’auront pas permis de sélectionner des salariés protégés pour siéger au CLIC.

Par ailleurs, au-delà du respect des règles de composition des CLIC, en ce qui concerne leur fonctionnement, il doit être rappelé qu’il est toujours possible d’inviter occasionnellement aux réunions de cette instance toute personne susceptible d’éclairer les débats, y compris un (ou des) salarié(s) du site, sans qu’elle dispose du droit de vote.

Une fois de plus, toute votre attention est appelée sur le caractère urgent de l’application des mesures précitées, notamment parce qu’il est demandé aux préfets de créer tous les CLIC avant le 1er janvier 2008.

Nous vous remercions de nous rendre compte, sous les présents timbres, des difficultés que vous pourriez rencontrer dans la mise en œuvre des présentes instructions.

Fait à Paris, le 6 novembre 2007.

Pour le ministre et par délégation :
Le directeur général du travail,
J.-L. COMBREXELLE

Pour le ministre d’Etat et par délégation :
Le directeur de la prévention des pollutions et des risques, délégué aux risques majeurs,
L. MICHEL

Autres versions

A propos du document

Type
Instruction
État
en vigueur
Date de signature
Date de publication