(BO du ministère de lemploi n° 5/2006 du 30 mai 2006)
NOR : SOCT0610475C
Références :
Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages ;
Décret n° 92-158 du 20 février 1992 relatif aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure ;
Décret n° 2006-55 du 17 janvier 2006 relatif à la prévention des risques technologiques et à la sécurité du personnel ;
Circulaire DRT n° 2001-15 du 15 novembre 2001 relative aux entreprises à risques ;
Note DRT du 14 décembre 2001 relative au contrôle des entreprises à risques ;
Note conjointe DRT/DPPR du 14 avril 2006 relative au renforcement de la coopération entre les inspections du travail et des installations classées, chargées du contrôle des établissements classés Seveso seuil haut
Le directeur des relations du travail à Madame et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail ; Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.
Lobjectif dune sécurité maximale des salariés exposés aux risques industriels majeurs, que sont les risques technologiques, impose lorganisation de mesures particulières mises en uvre par les employeurs et associant davantage les salariés et leurs représentants.
Conformément aux objectifs de la politique nationale du travail, et dans le souci daméliorer constamment les conditions de santé et de sécurité des travailleurs exposés à des risques élevés, il est nécessaire de poursuivre les efforts déjà entrepris visant à renforcer lapplication effective des dispositions législatives et réglementaires relatives à la sécurité dans les entreprises classées Seveso, lorganisation de la coactivité dans de tels sites appelant une vigilance toute particulière de la part des agents de contrôle. Lobjet de la présente circulaire est précisément dexpliciter les plus récentes de ces dispositions.
I. La nécessité des normes spécifiques aux entreprises à risques technologiques
1. Une attente sociale prioritaire
Lexplosion survenue le 21 septembre 2001 dans lusine AZF, à Toulouse, qui a eu des répercussions très largement au-delà du site industriel de Grande-Paroisse, a conduit le Gouvernement à rechercher les mesures les plus appropriées pour faire face aux risques industriels majeurs.
Dans les faits, si cette catastrophe a profondément marqué les Toulousains, lopinion publique du pays tout entier garde en mémoire le bilan des victimes : trente morts, des milliers de blessés et des dégâts matériels considérables, jusque dans le centre de la ville. Il sen dégage le constat de laccident industriel le plus grave en France depuis une cinquantaine dannées.
Des lacunes dordre divers, notamment au plan organisationnel, ayant été identifiées à loccasion des enquêtes menées à la suite de cette catastrophe, une réaction sur les aspects juridiques simposait. Cest ainsi que plusieurs pistes damélioration profonde de la législation relative aux installations classées ont émergé des réflexions engagées à cette époque et associant toutes les parties prenantes.
Après de nombreux débats, enquêtes et concertations, diverses mesures concernant la protection de lenvironnement, de la population, et de la catégorie particulière des travailleurs exposés aux dangers et en situation de risques élevés ont été proposées.
En conséquence, le 21 juillet 2003, le Parlement a adopté la loi n° 2003-699 promulguée le 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Avant de détailler le contenu de ce texte, il est nécessaire de rappeler le corpus juridique préexistant.
2. La construction du cadre juridique relatif aux entreprises à hauts risques
2.1. Les outils juridiques antérieurs à 2003
La directive européenne n° 82-501 du 24 juin 1982, remplacée depuis le 3 février 1999 par la directive n° 96-82 du 9 décembre 1996, dites respectivement « Seveso I » et « Seveso II » (appellation tirée du nom de lieu dune catastrophe italienne de grande ampleur) et la loi antérieure n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de lenvironnement (ICPE), ainsi que le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié pris pour son application imposent des obligations spécifiques aux exploitants dentreprises à risques majeurs.
Par ailleurs, un décret du 20 mai 1953 classe les différentes installations susceptibles davoir un impact négatif sur lenvironnement dans une nomenclature dite ICPE, modifiée par les décrets du 7 juillet 1992 et du 28 décembre 1999, en fonction des activités et/ou des substances fabriquées ainsi que des quantités de matières dangereuses présentes sur le site.
Plus récemment, le décret n° 2004-1331 du 1er décembre 2004 a encore affiné la nomenclature des ICPE, par nature évolutive, du fait, notamment de lavancée des connaissances scientifiques et techniques.
En ce qui concerne le droit du travail, la directive CEE n° 89-391 du 12 juin 1989 dite directive-cadre a défini les principes fondamentaux de la protection des travailleurs. Elle a placé lévaluation des risques professionnels au sommet de la hiérarchie des principes généraux de prévention, dès lors que ces risques ne peuvent pas être évités à la source.
En France, cest la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 relative à la prévention des risques professionnels qui a permis de transposer, pour lessentiel, les dispositions que la directive-cadre précitée et la directive du 25 juin 1991 la complétant ajoutaient au droit national. De ces textes découlent les principes généraux de prévention codifiés à larticle L. 230-2 du code du travail, dont ladaptation du travail à lhomme et la démarche dévaluation a priori des risques professionnels.
2.2. Présentation de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003
2.2.1. Lesprit général du texte
Cette loi vise, en ses dispositions relatives à la sécurité du personnel, à sensibiliser et à responsabiliser davantage tous les acteurs de lentreprise, tout en renforçant la place du dialogue social en matière de santé et de sécurité au travail.
Le chapitre III du titre Ier de ce texte est précisément consacré aux mesures relatives à la sécurité du personnel des entreprises à risques technologiques. Ces dispositions, ainsi que les mesures réglementaires dapplication, complètent le droit relatif à la santé et la sécurité au travail dans de telles entreprises.
En remarque préliminaire, il convient de rappeler que le champ dapplication de ce texte législatif se limite aux établissements comprenant au moins une installation classée pour la protection de lenvironnement et soumise à une autorisation assortie de servitudes dutilité publique (ICPE AS (1)) ou une installation visée à larticle 3.1 du code minier (2). Toutefois, les nouvelles modalités dinformation et de consultation du comité dhygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans le cadre de la procédure de demande dautorisation dexploiter une installation classée sappliquent, dans un souci de cohérence, à lensemble des établissements exploitant une installation soumise à autorisation simple, cest-à-dire même sans servitude.
Le fil directeur de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 est, en ce qui concerne la sécurité des travailleurs, de parvenir à une meilleure prise en compte des risques, doù loptimisation du rôle des CHSCT afin de rendre plus efficace le système de prévention des risques professionnels, et en priorité sur les sites industriels les plus dangereux.
En effet, la volonté du législateur est clairement daccroître limplication des représentants du personnel et des intervenants extérieurs en matière de sécurité au travail. Cela nécessite une révision des procédures, un renforcement des moyens daction et davantage de coordination.
En outre, de nombreuses dispositions reposent sur le constat dun développement important, depuis plusieurs années, du recours à la sous-traitance, ou à lexternalisation dactivités, en cascade sur les sites industriels français.
Or, la multiplicité des intervenants sur un même lieu de travail crée inévitablement des situations particulièrement complexes, avec une dispersion des informations et, surtout, un phénomène sous-jacent de dilution des responsabilités.
Dailleurs, il savère que le taux daccidents relevé dans les entreprises extérieures est sensiblement plus élevé que celui concernant directement les entreprises utilisatrices. Incontestablement, la coactivité est un facteur aggravant la probabilité doccurrence des risques professionnels.
Cest pourquoi les pratiques actuelles méritent dêtre mieux encadrées. Doù lélaboration de règles spécifiques, propres à la sécurité des travailleurs exposés à des risques majeurs, reposant sur une logique de site industriel qui se substitue à la logique, plus étroite, de lentreprise.
(1) Voir la définition des ICPE AS au point 1.3.1.
(2) A savoir : les cavités souterraines, naturelles ou artificielles, et les formations souterraines naturelles utilisées pour le stockage de gaz naturel, dhydrocarbures liquides, liquéfiés ou gazeux ou de produits chimiques à destination industrielle (voir également les définitions au point I.3.1.).
2.2.2. Ses mesures dapplication
Les articles 7 à 16 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, relative à la prévention des risques technologiques, constituent son volet social. Au-delà des dispositions dapplication immédiate dès la publication de la loi, intervenue le 31 juillet 2003, certaines dispositions législatives impliquent des précisions complémentaires déterminées par la voie réglementaire.
Ainsi, le décret en Conseil dEtat n° 2006-55 du 17 janvier 2006, relatif à la prévention des risques technologiques et à la sécurité du personnel, fixe les mesures dapplication de dispositions prévues aux articles 13 et 14 de la loi précitée, ceux-ci étant codifiés aux articles L. 236-1, L. 236-2 et L. 236-9 du code du travail.
De plus, larticle 13, alinéa 1er de la loi du 30 juillet 2003, codifié à larticle L. 236-1, alinéa 7 du code du travail, prévoit que, lors de ses réunions portant sur des mesures de prévention des risques ou sur la définition des règles communes de sécurité dans létablissement, le CHSCT dun établissement exploitant au moins une installation classée soumise à autorisation avec servitudes dutilité publique, ou dun établissement visé à larticle 3-1 du code minier, est élargi à une représentation des salariés et chefs des entreprises extérieures intervenant sur son site industriel.
Il est prévu que les modalités de cet élargissement et de fonctionnement du comité ainsi élargi soient déterminées par une convention ou un accord collectif de branche, dentreprise ou détablissement ou, à défaut, par un décret en Conseil dEtat. Ce décret est en cours délaboration. Sa parution impliquera une actualisation, à la marge, de la présente circulaire, afin dy introduire les dispositions supplétives en question.
3. Consignes pour une interprétation strictement uniforme des textes
3.1. Un rappel terminologique
Les risques technologiques sont les risques générés par lactivité humaine qui pèsent sur lenvironnement, considéré dans son acception la plus large. Sont inclus dans cette catégorie certains risques industriels, les risques nucléaires, les ruptures de barrage et les transports de matières dangereuses.
Les risques technologiques de nature industrielle résultent de lactivité dentreprises dites « à risques majeurs ».
Ces activités concernent surtout, mais non exclusivement, les industries du pétrole, de la chimie ou encore de la métallurgie ou de lagriculture. De telles activités engendrent essentiellement des risques dexplosion, dincendie de grande ampleur ou de dégagement de gaz ou substances toxiques. Cest pourquoi les premières victimes daccident sont, inévitablement, les salariés de ces secteurs dactivité.
Les installations classées pour la protection de lenvironnement soumises à autorisation assortie de servitudes dutilité publique (ICPE AS) sont des installations susceptibles de créer, par dangers dincendie, dexplosion ou démanation de substances toxiques, des risques très importants pour la santé et la sécurité des populations voisines, y compris celles des travailleurs, ainsi que pour lenvironnement.
Ce classement implique lapplication dun régime juridique particulier du fait de la dangerosité de létablissement.
La catégorie des ICPE AS recouvre les établissements classés « Seveso seuil haut », ainsi que les stockages de produits dangereux tels le gaz naturel, les hydrocarbures liquides, liquéfiés ou gazeux, ou encore certains produits chimiques à destination industrielle (qui relèvent de la catégorie « Seveso seuil bas »). En outre, certains établissements qui sont affectés par la règle du cumul des tonnages de substances dangereuses savèrent finalement être intégrés au champ des ICPE AS, en raison du dépassement dun seuil quantitatif fixé par type de produits (voir la nomenclature des ICPE précitée).
Les établissements visés par larticle 3-1 du code minier sont ceux exploitant une cavité souterraine, naturelle ou artificielle, ou une formation souterraine naturelle présentant les qualités requises pour constituer des réservoirs étanches ou susceptibles dêtre rendus tels, en vue du stockage de gaz naturel, dhydrocarbures liquides, liquéfiés ou gazeux ou de produits chimiques à destination industrielle.
Selon larticle 104 du code minier, ces établissements sont considérés comme des gisement miniers, cest-à-dire des dépendances des mines. Par conséquent, un régime spécifique, défini par les articles R. 711-9 à R. 711-13 du code du travail, leur est applicable en matière dhygiène et de sécurité.
Les notions « détablissement » et « dinstallation » doivent être distinguées : un établissement, qui correspond à une entité juridique sur un site dactivité géographiquement délimité, peut comporter plusieurs installations classées ; car linstallation, revêtant un caractère technique, est classée en fonction de critères de dangerosité ou de nuisance strictement définis.
La prévention des risques professionnels ne recouvre pas le même objet que les mesures préventives de risques environnementaux, qui pèsent sur lécosystème et les populations. Dailleurs, ces dernières mesures peuvent, le cas échéant, engendrer de nouveaux risques pour les travailleurs. Doù limportance dune approche intégrée simultanée, articulée et cohérente de la prévention de ces deux types de risques.
3.2. Distinction entre « notice dhygiène et de sécurité » et « document unique »
Une notice dite « hygiène et sécurité » est prévue par le code de lenvironnement dans le cadre de la demande dautorisation dexploiter une ICPE. Larticle 3, 6° du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié prévoit une notice de conformité de linstallation projetée avec les prescriptions du code du travail relatives à lhygiène et à la sécurité du personnel. Celle-ci doit être jointe à toute demande dautorisation dexploiter une ICPE, adressée au préfet.
Cette notice permet de sassurer que le domaine « hygiène et sécurité » des travailleurs a bien été pris en considération par le demandeur et que ses choix quant à la conception de linstallation , tels quexposés dans son projet (voir aussi létude des dangers et létude dimpact), satisfont aux exigences législatives et réglementaires en matière de santé et de sécurité du personnel. Cela implique danalyser a priori les risques professionnels prévisibles, liés à linstallation, afin de déterminer les mesures propres à les prévenir.
Il est dans lintérêt de tous que le demandeur tienne également compte de léventualité de modes de fonctionnement dégradés dans létablissement, cette situation savérant susceptible daggraver la probabilité de la survenance dincidents ou accidents. Il y a lieu dindiquer aussi les renvois utiles au système de gestion de la sécurité, notamment sur les aspects organisationnels, sauf pour les établissements nayant jamais exploité dICPE soumise à autorisation, puisquils sont dépourvus de toute historique de fonctionnement à ce sujet.
Lutilité de cette notice se justifie par limportance des avis devant être émis par le CHSCT en toute connaissance de cause sur le dossier de demande dautorisation dexploitation. De surcroît, une notice correctement établie facilite la réalisation et la mise à jour par lemployeur du document unique, prévu par larticle R. 230-1 du code du travail.
Cest pourquoi, même sil nexiste pas de modèle type de notice, son contenu ne peut que reposer sur le principe général, rappelé à larticle L. 230-2 du code du travail, voulant que lemployeur est tenu dorganiser lactivité de son entreprise dans le souci de garantir le meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.
Au stade de lappréciation de ce document, linspecteur du travail a toujours la possibilité de se rapprocher, si nécessaire, des agents de la DRIRE, seuls compétents pour analyser létude de dangers.
La notice « Hygiène et sécurité » ne peut être exhaustive puisquelle ne concerne quune installation projetée ; de fait, elle intervient en amont du démarrage de lactivité à risques. Pour une installation nouvelle, la notice représente la phase embryonnaire du futur document unique. Pour une installation existante, à modifier ou à étendre, la notice reprend lextrait du document unique qui se trouve impacté du fait des nouveaux risques prévisibles, liés aux évolutions projetées de linstallation classée.
A la différence de la notice « Hygiène et sécurité », le « Document unique » prévu par larticle R. 230-1 du code du travail, impose, quant à lui, lobligation pour tout employeur, quelle que soit la taille, lactivité ou la dangerosité de son entreprise, de recenser les différents risques identifiés dans chaque unité de travail et de transcrire dans un document unique les résultats de lévaluation de lensemble des risques professionnels, quelle que soit leur origine, évaluation à laquelle il est tenu de procéder au moins une fois par an.
Ce document ne simpose pas au stade de la demande dautorisation dexploitation, mais seulement après le démarrage de lactivité concernée, et son contenu est bien plus large que celui de la notice susmentionnée. En outre, le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 ne fixe pas une formalisation précise pour lélaboration du document unique, car aucun modèle standard ne peut être applicable à lensemble des entreprises du fait de la diversité de leurs caractéristiques (taille, secteur dactivité, conditions de travail...).
Pour améliorer la qualité de la notice « Hygiène et sécurité », linspection du travail expliquera aux industriels les éléments indiqués ci-dessus, notamment lors des réunions du CHSCT, auxquelles il est souhaitable quelle puisse participer.
II. Le renforcement des moyens et prérogatives des CHSCT
Lexpérience ayant démontré la nécessité dune implication accrue des institutions représentatives du personnel dans lorganisation de la sécurité des entreprises à risques élevés, il convient doptimiser le rôle des CHSCT ou travers dune amélioration sensible des conditions dexercice de leurs missions.
En ce qui concerne plus particulièrement les CHSCT des entreprises à hauts risques, la présente circulaire, qui en décrit les spécificités, constitue un outil de travail complémentaire à la circulaire DRT n° 93-15 du 25 mars 1993, relative aux CHSCT de « droit commun ».
1. Information supplémentaire du CHSCT
Il est important que linspection du travail sensibilise plus encore les employeurs à lintérêt dassocier, au plus tôt dans le processus de concertation, le CHSCT à tout projet susceptible dimpacter la santé et la sécurité des travailleurs.
Cest, en effet, en amont de la validation dun projet que les propositions damélioration peuvent être les plus constructives, dans lintérêt de lentreprise toute entière.
Ainsi, selon larticle L. 236-2-1 du code du travail, tout incident qui aurait pu entraîner des conséquences graves doit faire lobjet dune information immédiate du comité par le chef détablissement, qui informe aussi les autorités administratives. Sur ce point, la communication réciproque entre les inspections chargées du travail et des installations classées doit être efficace. Les modalités de cette coopération sont à définir conjointement, au plan local, par les inspections concernées, par exemple à loccasion dune réunion annuelle de concertation entre les deux services (3).
Le CHSCT peut procéder à lanalyse de lincident et proposer des actions de prévention qui seront obligatoirement étudiées lors de la réunion de présentation du programme annuel de prévention des risques professionnels et damélioration des conditions de travail par le chef détablissement au CHSCT. La notion « dincident » peut donner lieu à une interprétation différente entre les administrations du travail et de lindustrie ; il est ici question des événements qui auraient pu entraîner des conséquences graves au plan professionnel, cest-à-dire sur la santé ou la sécurité des travailleurs.
(3) Voir la note conjointe DRT/DPPR du XX février 2006, citée parmi les textes de référence en page de garde.
2. Nouvelles règles de consultation du CHSCT
Les consultations des CHSCT de « droit commun » ne sont pas rappelées ici. Seules les nouvelles règles, propres aux établissements à risques technologiques (visés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003), sont explicitées dans la présente circulaire.
2.1. Sur la demande dautorisation dexploiter une ICPE
Une évolution des modalités de consultation du CHSCT sur les dossiers de demande dautorisation dexploiter une installation classée pour la protection de lenvironnement était indispensable, notamment dans un souci de simplification et de cohérence entre deux réglementations indépendantes.
Cette modification permet, en premier lieu, daméliorer les conditions dinformation des membres du comité avant quils némettent un avis et, en second lieu, de simplifier la procédure en harmonisant les dispositions prévues antérieurement par le droit du travail et le droit de lenvironnement, qui organisaient deux consultations distinctes du CHSCT.
Il existe une gradation des règles procédurales encadrant linformation et la consultation du CHSCT en fonction du niveau de dangerosité de létablissement :
2.1.1. Etablissements comprenant une ICPE soumise à autorisation, ou visés à larticle 3-1 du code minier
La nouvelle procédure à respecter, depuis la publication du décret n° 2006-55 du 17 janvier 2006 relatif à la prévention des risques technologiques et à la sécurité du personnel (JO n° 16 du 19 janvier 2006), est la suivante (4) :
- avant lenvoi du dossier de demande dautorisation au préfet, lemployeur réunit le CHSCT pour linformer sur ce dossier et lui en communiquer les pièces ;
- si le préfet demande des documents complémentaires, lemployeur doit également informer le CHSCT sur ceux-ci ;
- pendant la durée de lenquête publique, le préfet recueille les avis des services déconcentrés concernés. A ce stade, linspection du travail dont les observations sur les questions de santé et sécurité du personnel peuvent être sollicitées a intérêt à se rapprocher de linspection des installations classées afin de confronter, par exemple, la notice « hygiène et sécurité » à létude de dangers ;
- dans le mois qui suit la clôture du registre de lenquête publique, lemployeur consulte le CHSCT en recueillant son avis sur la demande dautorisation et ses pièces jointes. Les résultats de lenquête publique sont tenus à la disposition du CHSCT. La consultation du comité est obligatoire mais celui-ci peut décider de ne pas se prononcer. Dans ce dernier cas, le procès-verbal restituant les débats suffit à motiver cette décision, qui constitue lavis à transmettre ;
- dans les quarante-cinq jours suivant cette clôture, le président du CHSCT envoie lavis émis au préfet, ainsi que lextrait du procès-verbal de la réunion se rapportant à ce point de lordre du jour, en précisant la date de la consultation ;
- après linstruction du dossier par la direction régionale de lindustrie, de la recherche et de lenvironnement (DRIRE), le préfet prend soit un arrêté dautorisation dexploitation qui précise les prescriptions à respecter, si nécessaire, soit un arrêté rejetant la demande dautorisation. Il peut aussi prendre dautres arrêtés complémentaires ultérieurement ;
- lemployeur informe le CHSCT de la décision du préfet et des prescriptions imposées.
En outre, lemployeur est également tenu de consulter le CHSCT, le cas échéant, sur le plan dopération interne (pouvant être imposé) ainsi que sur les informations demandées par arrêté préfectoral complémentaire ou en cas de modification de linstallation impliquant un changement notable des éléments du dossier de demande dautorisation dexploitation. En pareils cas, les avis du CHSCT doivent être adressés par son président au préfet, dans les trente jours qui suivent la consultation.
Cette modification procédurale permet une information plus complète du CHSCT et bien plus en amont, avant quil ne soit consulté, ce qui donne plus de valeur qualitative à son avis et améliore létendue des connaissances des salariés sur lorganisation de leur sécurité. Cette procédure permet, surtout à lemployeur, denrichir et daméliorer, avec le temps du recul nécessaire, un avant-projet à la lumière des remarques des représentants du personnel, dont lexpérience est précieuse car riche denseignements.
(4) Voir les schémas simplifiés de la procédure en annexes I et II.
2.1.2. Etablissement comprenant une installation soumise à autorisation avec servitudes dutilité publique (« ICPE AS »)
La procédure est identique à celle présentée ci-dessus, mais quelques particularités sy ajoutent du fait de lampleur des risques encourus :
- dès la première réunion dinformation sur le dossier de demande dautorisation dexploiter linstallation, le CHSCT peut recourir à un expert en risques technologiques (5), dont le choix doit être précédé dune consultation de la DRIRE.
Cette formalité permet au CHSCT de recueillir lavis et les observations de techniciens sur les compétences dun expert pressenti et de pouvoir accéder au réseau dexperts de la DRIRE (pouvant être dun recours précieux), tout en bénéficiant de ses conseils avisés. Cet avis ne lie aucunement le CHSCT, qui conserve toute son indépendance de choix. Au final, le choix nest donc pas limité aux seuls experts figurant sur la liste du ministère de lécologie et du développement durable (diffusée sur son site Internet).
Cette prérogative, qui nest quune faculté, permet au CHSCT de bénéficier dun éclairage technique pour émettre son avis en meilleure connaissance de cause, sans pour autant allonger la procédure de consultation. Il convient de souligner que cette faculté de recourir à une expertise en risques technologiques ne se substitue pas aux tierces expertises diligentées à la demande des DRIRE, et encore moins aux autres expertises, pouvant porter sur des aspects sociologiques ou organisationnels, que le CHSCT pourra toujours engager parallèlement, antérieurement ou ultérieurement ;
- lexpert remet son rapport au comité avant la clôture de lenquête publique. Il est de lintérêt de tous que ce rapport soit remis plusieurs jours avant la consultation du CHSCT afin que ce dernier puisse lexploiter suffisamment pour en tirer profit ;
- enfin, le rapport dexpertise est présenté par son auteur en réunion du CHSCT, avant sa consultation par lemployeur. En outre, la consultation porte également sur le plan dopération interne, obligatoire dans ce type détablissements.
(5) A noter quil ne sagit pas dun expert agréé par ladministration.
2.2. Autres cas de consultation obligatoire (« ICPE AS »)
Depuis la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, le CHSCT doit également être consulté :
- avant toute décision nouvelle de sous-traiter une activité jusque-là effectuée par lentreprise utilisatrice, lorsque lintervention de lentreprise extérieure est susceptible de présenter des risques particuliers du fait de sa nature ou de la proximité de linstallation classée. Pour clarifier lappréciation à porter sur les nombreuses situations possibles, un simple exemple peut être utile : lexternalisation du nettoyage ou dune opération de maintenance sur une installation dangereuse impliquera la consultation du CHSCT, de même quune intervention à distance, en raison du risque dun dysfonctionnement électrique ;
- sur la composition de la liste des postes de travail liés à la sécurité de linstallation, établie par le chef détablissement.
A titre indicatif, on peut citer les postes de conduite ou de commande, ou encore ceux des personnels associés à la prévention, à la sécurité ou au traitement des accidents majeurs, dont les fonctions sont détaillées dans le système de gestion de la sécurité. Cette liste indique les postes sur lesquels ne peuvent être affectés des salariés sous contrat à durée déterminée ou intérimaires, ceux devant être occupés uniquement par des salariés de lentreprise utilisatrice (co-activité) et les postes nécessitant la présence dau moins deux personnes qualifiées ;
- sur la définition, et éventuellement la modification, des moyens organisés par lemployeur afin dassurer en permanence la sécurité des personnes dans lenceinte de létablissement. Cela comprend notamment les mesures de prévention, dintervention de première urgence, de secours et de lutte contre lincendie (éléments appréciés par le service départemental dincendie et de secours, lors de linstruction du dossier de demande dautorisation dexploitation). Limportance de ces moyens sapprécie au regard du nombre de personnes concernées et des risques encourus.
Dune manière générale, le CHSCT est systématiquement associé à lélaboration des mesures concernant lorganisation de la sécurité sur le site.
3. Moyens accrus du CHSCT
3.1. Sa composition
Le nombre de membres de la délégation du personnel au CHSCT est augmenté par la voie dune convention collective ou dun accord entre le chef dentreprise et les organisations sociales reconnues comme représentatives dans lentreprise. Il convient dadapter cette augmentation, obligatoire, au contexte professionnel.
En vertu de larticle L. 236-7 alinéa 2 du code du travail, le crédit dheures accordé aux représentants du personnel au CHSCT pour lexercice de leurs fonctions est majoré de 30 %.
3.2. Formation de ses membres
Conformément à larticle L. 236-10 alinéa 5 du code du travail, la délégation du personnel au CHSCT, y compris les représentants des salariés des entreprises extérieures (participant au CHSCT en formation élargie), bénéficie dune formation spécifique correspondant à des risques, ou facteurs de risques particuliers, en rapport avec lactivité de lentreprise. Il sagit dune formation complémentaire à celle nécessaire à lexercice des missions de membre du CHSCT, prévue à larticle L. 236-10 alinéa 1er.
Les modalités dorganisation de cette nouvelle formation et les conditions de son renouvellement peuvent être définies par la voie conventionnelle. A défaut, lemployeur en décide seul. Pour ce qui est du contenu de cette formation, il y a lieu de solliciter les conseils des corps techniques tels que la DRIRE, la caisse régionale dassurance maladie (CRAM) ou dautres organismes préventeurs, puis de consulter le CHSCT. Quoi quil en soit, le souci dadaptation de la formation aux réels besoins du terrain empêche dimposer un contenu minimum « standardisé », lobjectif primordial à atteindre étant dadapter au mieux la formation aux circonstances particulières du site.
3.3. Ses pouvoirs en situation dangereuse
En cas de danger grave et imminent constaté par un membre du CHSCT, celui-ci exerce son droit dalerte auprès du chef détablissement dans les conditions définies à larticle L. 231-9 du code du travail. Dès que ce dernier en a connaissance, il est tenu den informer linspection du travail, le service de prévention des organismes de sécurité sociale et, selon le cas, linspection des installations classées ou lingénieur chargé de la police des installations classées. Lors de la communication de cette information, le chef détablissement donne son appréciation sur la situation signalée et précise les mesures quil a mises en uvre, ainsi que, le cas échéant, celles quil entend appliquer de manière préventive.
Par ailleurs, en vertu des articles L. 236-9 II et R. 236-10-1 II du code du travail, le CHSCT peut recourir à un expert en risques technologiques en cas de danger grave en rapport avec linstallation classée. La possibilité de solliciter un tel spécialiste se distingue de la faculté, offerte à tous les CHSCT, de recourir à un expert agréé par le ministère en charge du travail (DRT) en « organisation du travail et de la production » et/ou en « santé et sécurité au travail ».
3.4. Relations du CHSCT avec lautorité chargée de la police des installations classées
Si linspecteur du travail peut assister aux réunions du CHSCT, à titre consultatif, il en est de même de lautorité chargée de la police des installations classées, dès lors que lordre du jour prévoit lexamen de questions relatives à la sécurité des installations.
En outre, les représentants du personnel au CHSCT sont tenus informés, par le chef détablissement, de la présence dans lentreprise de lautorité chargée de la police des installations classées. Ils peuvent lui présenter des observations écrites. Les observations de la DRIRE, en réponse, font lobjet dune information du comité en tant quélément relatif à la sécurité du personnel.
III. responsabilisation des entreprises utilisatrices en situation de co-activité
Articulation avec le décret n° 92-158 du 20 février 1992 fixant les prescriptions particulières dhygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure.
Lobligation générale de sécurité de lemployeur, déclinée dans les principes généraux de prévention fixés à larticle L. 230-2 du code du travail, est expressément enrichie dune mission de protection des travailleurs des entreprises extérieures et sous-traitantes présents sur un même site. Cette mission nécessite une coopération renforcée entre le chef de lentreprise utilisatrice et les chefs dentreprises extérieures.
1. Mesures dévaluation et de prévention des risques professionnels
En application de larticle L. 230-2 du code du travail, lorsquun salarié ou le chef dune entreprise extérieure, ou encore un travailleur indépendant est appelé à réaliser une intervention pouvant présenter des risques spécifiques en raison de sa nature ou de sa proximité de linstallation classée, le chef de lentreprise utilisatrice et le (ou les) chef(s) dentreprise(s) extérieure(s) définissent conjointement les mesures dévaluation et de prévention des risques professionnels propres à leur activité ainsi que ceux susceptibles de résulter de linterférence entre leurs différentes activités ou installations. Il sagit bien dinterférences entre les activités, ce qui recouvre un champ plus large que les situations de co-activité stricto sensu où plusieurs travailleurs dentreprises diverses interviennent simultanément sur un même lieu.
Ainsi, les chefs dentreprise visés procèdent à une inspection commune préalablement à lexécution de lopération.
Suite à cette inspection, ils analysent en commun les risques pouvant résulter de linterférence entre les activités et les installations. Puis, ils arrêtent, dun commun accord, un plan de prévention définissant avec précision les mesures qui doivent être prises par chaque entreprise.
Concernant larticulation entre la loi du 30 juillet 2003 et le décret du 20 février 1992, il convient de rappeler que chaque opération réalisée par une entreprise extérieure ou sous-traitante implique une inspection commune et simultanée par les entreprises intéressées, ainsi que lélaboration dun plan spécial de prévention adapté aux circonstances précises de lopération à réaliser. En effet, la jurisprudence pénale insiste sur le fait quune définition large de la notion dopération, donnée par lentreprise utilisatrice pour justifier la seule mise en place dun plan de prévention annuel, trop général même sil est complété par des bons de commande de tâches ou de travaux plus précis, ne suffit pas à respecter les dispositions du code du travail (articles R. 237-5 et suivants). Il est clair et logique que chaque opération doit donner lieu à une analyse concrète des risques liés à lopération ainsi quà la définition des mesures de prévention correspondantes par les responsables des entreprises concernées.
Afin de sensibiliser davantage les chefs dentreprise à cet impératif, ladministration du travail sefforcera de diffuser largement la portée des arrêts suivants :
- C. Cass. Crim., 16 février 1999 « Pardies Ascétique » ;
- TGI Grenoble, 13 décembre 1999 « Cézus » ;
- TGI Grenoble, 22 septembre 2003 « Enichem » (6) ;
- C. Cass. Crim, 18 janvier 2005 « Nadia T... et autres » ;
Il y a lieu de consulter le CHSCT « élargi » (7) sur le plan de prévention en question.
Cette organisation des interventions extérieures renforce le dispositif de sécurité lorsque les circonstances le justifient.
Par ailleurs, et cest un point fondamental, le dernier alinéa de larticle L. 230-2 du code du travail introduit une nouvelle obligation, particulièrement lourde en termes de responsabilité :
En ce qui concerne les interventions pouvant présenter des risques spécifiques en raison de leur nature ou de leur proximité de linstallation classée, le chef de lentreprise utilisatrice veille à lapplication, par les chefs dentreprises extérieures, des mesures qui simposent à eux, en vertu du plan de prévention défini conjointement compte tenu de la spécificité de létablissement , préalablement à lexécution de lopération, durant son déroulement et à son issue. Cest au chef détablissement de lentreprise donneuse dordres quincombe la maîtrise globale du risque industriel car cest lui qui a la meilleure connaissance des lieux de lactivité. Il peut mettre en uvre cette surveillance par lintermédiaire de son personnel spécialement chargé des questions relatives à lhygiène et à la sécurité. Dans un souci de clarté, le chef de lentreprise utilisatrice a donc intérêt à définir expressément les moyens de contrôle quil se donne, dans le plan de prévention.
Cette responsabilité du chef de lentreprise donneuse dordre nexonère toutefois en rien les entreprises sous traitantes de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs propres salariés, voire de tiers.
Les rapports des éventuels audits portant sur le contrôle du respect des mesures de sécurité peuvent utilement être communiqués aux CHSCT des entreprises utilisatrice et extérieures.
En cas de méconnaissance, par une entreprise extérieure, des règles de sécurité déterminées conjointement, le chef de lentreprise utilisatrice en réfère immédiatement au responsable de lentreprise intervenante en cause. De plus, les éventuelles infractions aux règles de sécurité au travail peuvent être constatées par linspecteur du travail qui a la possibilité de dresser un procès-verbal à lencontre de lentreprise utilisatrice et/ou de lentreprise extérieure, au vu des circonstances despèce.
(6) Voir la synthèse et la portée de ce jugement en annexe III.
(7) Voir le point II-3, en page 15.
2. Formation daccueil des intervenants extérieurs
Lentreprise utilisatrice est tenue de délivrer une formation pratique à la sécurité lors de laccueil des salariés des entreprises extérieures ou des travailleurs indépendants, sur les risques spécifiques que leur intervention est susceptible de présenter au regard de la présence de linstallation classée. Cette formation doit être dispensée, sur le temps de travail, avant le début de la première intervention sur le site et être appropriée aux risques pesant sur les personnes présentes dans létablissement.
Le contenu de cette formation, qui fait lobjet dune consultation du CHSCT, et les conditions de son renouvellement peuvent être précisés par accord de branche ou dentreprise. Cette souplesse est nécessaire afin dadapter la formation aux besoins particuliers de chaque site.
Pour sa part, lemployeur de lentreprise extérieure conserve, à légard de ses salariés, son obligation dassurer une formation à la sécurité relative aux particularités de son activité et des postes de travail occupés.
Il est indéniable quune solide formation, adaptée au contexte professionnel, est un atout majeur dans leffort de réduction des facteurs de risque au travail.
3. Elargissement du CHSCT aux entreprises extérieures
En situation de co-activité, dans les cas prévus à larticle L. 236-1 alinéa 7 du code du travail, le CHSCT de lentreprise utilisatrice est élargi à une représentation des chefs dentreprises extérieures, réalisant une opération sur ou à proximité dune installation à risques, et de leurs salariés. Ces représentants des entreprises extérieures disposent dune voix consultative au comité ainsi élargi. Par ailleurs, le CHSCT élargi peut inviter, à titre consultatif et occasionnel, tout chef dune entreprise extérieure.
Cet élargissement simpose dès lors quun point fixé à lordre du jour de la réunion a pour objet de contribuer à la définition des règles communes de sécurité dans létablissement et à lobservation des mesures de prévention, lesquelles sont définies conjointement par les différents chefs dentreprise précités.
A titre dexemple sont concernées par cet élargissement les entreprises chargées du transport de matières dangereuses, de quelque manière que ce soit, y compris par des canalisations souterraines. En effet, de telles entreprises doivent être associées à ces réunions en raison de lampleur des conséquences de loccurrence éventuelle des risques quelles doivent maîtriser.
En application de larticle L. 236-2-1 du code du travail, le CHSCT élargi se réunit au moins une fois par an et lorsquun salarié dune entreprise extérieure est victime dun accident ayant entraîné, ou pu entraîner, des conséquences graves. Si tel nest pas le cas, la fréquence des réunions du CHSCT en formation élargie dépend uniquement de lordre du jour établi.
Il sagit de favoriser lamélioration de la participation des personnels à la vigilance et à lexploitation des retours dexpérience. Cela permet déviter autant que possible de créer de nouvelles sources de dangers malgré le recours à la sous-traitance, parfois en cascade.
La représentation des entreprises extérieures au CHSCT élargi dépend de la durée de leur intervention, de sa nature et de la part des effectifs intervenant sur le site de lentreprise utilisatrice. Plus lintervention est importante, plus la représentation des entreprises extérieures mérite de lêtre.
Sagissant de la composition de la délégation des représentants du personnel des entreprises extérieures, les salariés sont désignés parmi ceux intervenant régulièrement sur le site. Ils sont désignés par le CHSCT constitué dans leur propre établissement ou, à défaut, par leurs délégués du personnel ou, en leur absence, par les membres de léquipe appelés à intervenir dans létablissement de lentreprise utilisatrice.
Les conditions délargissement et les modalités de fonctionnement du comité ainsi élargi sont fixées par convention ou accord collectif de branche, dentreprise ou détablissement ou, à défaut, par un décret en Conseil dEtat.
Quoi quil en soit, les chefs des entreprises extérieures et utilisatrice prennent les mesures nécessaires afin que les salariés désignés comme représentants du personnel extérieur au comité élargi puissent exercer leurs fonctions sans difficulté. En outre, les salariés des entreprises extérieures qui siègent ou ont déjà siégé, en qualité de représentants du personnel au CHSCT élargi, sont tenus à une obligation de discrétion à légard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par le président du CHSCT.
De plus, ils sont également tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication ; en ce qui concerne la protection contre le licenciement, les dispositions des articles L. 436-1, L. 436-2 et L. 436-3 du code du travail leur sont applicables.
Du fait de lampleur toute particulière des dangers propres aux établissements à hauts risques, deux situations impliquent tout particulièrement une consultation obligatoire du CHSCT en cas de recours à la sous-traitance, facteur aggravant des risques (8).
(8) Voir le point II-2-2, en page 11.
IV. Création de comités interentreprises de santé et sécurité au travail (CISST) (9)
Lobjectif recherché est de rendre plus efficace la prévention des risques professionnels sur les sites les plus dangereux, grâce à une coordination véritablement organisée des actions des différents CHS-CT, au sein dun même bassin de risques majeurs.
(9) A ne pas confondre avec le « collège interentreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail » (CISSCT) prévu par larticle L. 235-11 du code du travail en matière dopération de génie civil.
1. Champ dapplication et missions
Dans le périmètre dun plan de prévention des risques technologiques (PPRT) déterminé par un arrêté préfectoral de prescription (lequel périmètre constitue un bassin de risques industriels), le préfet met en place un CISST.
Celui-ci est constitué de représentants du CHS-CT de chaque établissement comprenant au moins une ICPE soumise à autorisation avec servitudes dutilité publique (« ICPE AS »), ou visé à larticle 3-1° du code minier (10).
Lorsque le périmètre du PPRT prescrit ne recouvre quun seul établissement exploitant au moins une installation classée SEVESO AS ou visée à larticle 3-1° du code minier, il ny a pas lieu de créer un CISST puisquil ny a pas de risque dinterférence entre les activités et installations de plusieurs établissements à risques majeurs.
Toutefois, dans ce cas, le préfet a toujours la possibilité dinitier, sil lestime nécessaire, la création dun groupe de travail ad hoc réunissant des représentants des entreprises incluses dans le périmètre du PPRT afin de discuter des risques professionnels.
En vertu de larticle L. 236-1, dernier alinéa, du code du travail, le CISST contribue à la prévention des risques professionnels susceptibles de résulter des interférences entre les activités et les installations des différents établissements, et il assure une concertation entre les CHS-CT concernés.
Le CISST assure donc la concertation entre les CHS-CT des différents établissements qui le constituent afin de prévenir et limiter les risques professionnels liés aux éventuelles interférences entre les activités et les installations de ces établissements (« effet domino »). Il sagit bien daider les CHS-CT à agir en cohérence, dans le but de mieux protéger la santé et la sécurité du personnel et de se prémunir contre les risques liés aux éventuelles interférences précitées.
Instance dédiée aux échanges et réflexions concertées, le CISST contribue à laction préventive de manière globale par une mission de conseil (en amont) aux chefs dentreprises, seuls responsables de la prévention des risques professionnels.
De même, le CISST ne se substitue pas aux CHS-CT, qui ne sont pas dessaisis de leur compétence en matière de sécurité des établissements à hauts risques : il leur apporte une réflexion collective ciblée sur un domaine limité, laquelle réflexion peut savérer très précieuse pour préparer laction future des CHS-CT (11).
(10) Voir le point I-3-1, en page 6.
(11) Voir en annexe 4 les propositions dorganisation et dordre du jour de la première réunion du CISST.
2. Composition
2.1. Les membres du CISST
Le CISST est composé des présidents des différents CHS-CT ainsi que de certains représentants des salariés, à raison dun titulaire et dun suppléant désignés par la délégation du personnel de chacun des CHS-CT en son sein.
La présidence de ce comité interentreprises est assurée par le directeur départemental du travail, de lemploi et de la formation professionnelle ou son représentant.
Le préfet sassure de ces désignations et veille à la bonne mise en place de cette instance. Il na aucune attribution en ce qui concerne le fonctionnement du comité interentreprises. Seuls les membres de droit du CISST disposent dune voix délibérative pour prendre part au vote des décisions de linstance. Seuls les représentants des salariés titulaires disposent du droit de vote ; le membre suppléant nen dispose évidemment quen cas dabsence du titulaire.
2.2. Le mandat des membres du CISST
La durée du mandat de membre du comité interentreprises est de trois ans ; ce mandat est renouvelable. Cette durée permet de garantir une certaine permanence, nécessaire au bon fonctionnement de linstance. Le remplacement des représentants du personnel (dont le mandat de membre de CHS-CT peut prendre fin avant lexpiration des trois ans) seffectue selon les même modalités que celles établies pour leur désignation (voir larticle R. 236-10-2 nouveau du code du travail).
Ce mandat est distinct de celui de membre du CHS-CT, puisque les missions des deux instances sont aussi clairement distinctes. Ainsi, le temps consacré à lexercice des missions du CISST, aisément identifiable par une convocation du président du CISST, ne peut être décompté du crédit dheures alloué pour exercer la fonction de membre du CHS-CT. Il nexiste pas de crédit dheures supplémentaire, propre à la fonction de représentant du personnel au CISST.
Les membres du comité interentreprises de santé et de sécurité au travail représentant le personnel proposent également, parmi eux, une délégation chargée de représenter les salariés au sein du comité local dinformation et de concertation (CLIC), prévu par larticle L. 125-2 du code de lenvironnement (introduit par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003).
La détermination de modalités plus précises de participation des représentants du personnel aux missions du CISST relève de la libre négociation. En effet, la voie conventionnelle est préférable car il convient de tenir compte des spécificités locales et du contexte de chaque entreprise afin dorganiser au mieux lexercice des missions du comité interentreprises. En effet, un modèle unique ne semblait pas adapté à la diversité des situations possibles.
Dans tous les cas, il est avéré que lemployeur ne peut refuser des autorisations dabsence aux salariés tenus de participer aux réunions du comité interentreprises car cette obligation supplémentaire de représentation du personnel relève dune disposition réglementaire.
En outre, le droit du travail considère que le temps passé par un représentant du personnel en réunion avec lemployeur est rémunéré comme du temps de travail, sans être déduit du crédit dheures dont peut disposer ce représentant.
2.3. La présidence du CISST
2.3.1. Désignation du président
La présidence du CISST est assurée par le directeur départemental du travail, de lemploi et de la formation professionnelle (DDTEFP). Si plusieurs départements sont couverts par le même PPRT, alors cest le DDTEFP du département le plus exposé, au sens de larticle 2 II du décret n° 2005-1130 du 7 septembre 2005 relatif aux PPRT, qui préside cette instance. Cette fonction lui est dévolue en raison de sa compétence en matière de dialogue social et de risques professionnels.
Par ailleurs, le directeur du travail concerné peut se faire représenter à cette fonction par un directeur-adjoint ou tout autre agent compétent en la matière, notamment en cas dindisponibilité. Dans ce cas, il est souhaitable quune telle délégation de fonction soit assortie dune lettre de mission.
2.3.2. Rôle du président
Le président du CISST organise et veille à la régularité de la tenue des réunions. Assurant le secrétariat de linstance, il établit et envoie lordre du jour des réunions, lequel est préparé en fonction des demandes des CHS-CT et conformément aux missions dévolues au comité par le code du travail. Il veille à le communiquer suffisamment tôt aux membres de linstance afin, notamment, que les chefs détablissement soient en mesure dapporter les éléments utiles à examiner lors des débats. Il est conseillé de respecter un délai de trente jours calendaires au minimum avant la tenue de la réunion, sauf en cas durgence.
En outre, le président anime les débats, veille à lélaboration des comptes rendus des réunions et à leur transmission à tous les membres du CISST, quils aient ou non assisté à la séance concernée, dans un souci de bon fonctionnement de linstance.
La présidence du CISST ne se traduit pas par un transfert à lEtat, ou au fonctionnaire qui lassure, des responsabilités civile ou pénale propres au champ de la sécurité au travail. Elle ne doit notamment pas être confondue avec la présidence dun CHS-CT. Sagissant du CISST, la fonction de la présidence consiste à veiller au déroulement normal des séances.
3. Fonctionnement du CISST
Afin de compléter les règles de fonctionnement du CISST prévues par le décret n° 2006-55 du 17 janvier 2006 précité, il est recommandé délaborer un règlement intérieur au cours des premières réunions de cette instance.
3.1. Les réunions
Le CISST est réuni au moins une fois par an par son président. Toutefois, dautres réunions peuvent être organisées à la demande motivée dun tiers des membres du CISST (les suppléants nétant pas comptabilisés), notamment suite à des incidents ou accidents liés à un « effet domino ». Il sagit de sadapter aux événements sans multiplier exagérément les réunions.
Sagissant des participants aux réunions du CISST, le préfet (12) peut décider dinviter systématiquement (cela vaut donc pour toutes les réunions) les présidents et les secrétaires des CHS-CT des établissements autres que ceux exploitant une ICPE AS ou visés à larticle 3-1 du code minier et qui se situent à lintérieur du périmètre du PPRT. Toute entreprise dotée dun CHS-CT est concernée.
Cette possibilité est fondée sur lexistence de risques particuliers encourus par ces établissements du simple fait de leur implantation ou de leur activité. Le préfet prend sa décision en appréciant le contexte local, cest-à-dire la nature et lintensité des risques technologiques créant des dangers potentiels auxquels peuvent être exposés les travailleurs.
En outre, les inspecteurs du travail et ceux des installations classées, chargés du contrôle de ces établissements, sont, de droit, invités à chaque réunion du CISST. Il leur est vivement recommandé dy assister, dans lintérêt des salariés et des entreprises, en raison de leurs compétences techniques respectives ainsi que de leur connaissance des travaux des CHS-CT concernés, auxquels ils participent.
Enfin, le président du CISST peut, occasionnellement, et en fonction de lordre du jour, inviter toute personne susceptible déclairer les débats de par ses compétences, et en particulier les ingénieurs conseil et les contrôleurs de sécurité des caisses régionales dassurance maladie.
Les personnes, mentionnées ci-dessus, qui assistent aux réunions du CISST en tant « quinvités » disposent uniquement dune voix consultative, contrairement aux « membres » de linstance qui ont, seuls, un droit de vote.
(12) Le préfet nintervient quau moment de la mise en place du CISST.
3.2. Les moyens daction du CISST
Le préfet est tenu dinformer le CISST des dispositions du PPRT, lesquelles valent servitudes dutilité publique.
Cette obligation est motivée par le fait que le CISST participe à lélaboration du PPRT qui est outil complémentaire au plan particulier dintervention (PPI), leurs périmètres ne se recoupant pas nécessairement.
Les chefs détablissement concernés mettent à la disposition des membres du CISST toute information utile à lexercice de leurs missions. Le nouvel article R. 236-10-2 du code du travail dresse une liste indicative, non exhaustive, déléments utiles au CISST :
- la politique de prévention des accidents majeurs conduite dans les différents établissements ;
- les systèmes de gestion de la sécurité et les résultats de leurs contrôles ;
- les risques daccidents majeurs susceptibles dengendrer un « effet domino » ;
- les plans durgence et leurs exercices dapplication ;
- le bilan des retours dexpérience ;
- tout projet de modification dune installation à risque.
Il apparaît, également, utile dinformer le CISST sur le bilan synthétique de lévaluation annuelle de la politique de prévention des accidents majeurs et de la performance du système de gestion de la sécurité.
Les membres du CISST peuvent émettre des observations, des préconisations et proposer des actions de prévention.
Néanmoins, le CISST na aucune obligation de sassurer du suivi de ses préconisations ou propositions car il nest pas responsable de la décision de les suivre ou non, celle-ci relevant du (ou des) chef(s) dentreprise(s) concerné(s) au sein de chaque CHS-CT. En fait, cette instance est un outil daide à la décision en ce qui concerne lorganisation de la sécurité.
Vous voudrez bien me tenir informé, sous le timbre de la direction des relations du travail, des éventuelles difficultés que vous rencontrerez dans la mise en uvre de la présente circulaire.
Le directeur des relations du travail,
J.-D. COMBREXELLE
Annexe I : Procédure dinformation et de consultation du CHSCT concernant la demande dautorisation dexploiter une installation classée pour la protection de lenvironnement (concerne les ICPE « A » ET « AS »)
Actuel article R. 236.10.1 du code du travail
Annexe II : Procédure dinformation / consultation du CHSCT sur la demande dautorisation dexploiter une ICPE ou une installation visée à larticle 3-1 du code minier (concerne les ICPE A)
Etablissements comprenant au moins une ICPE « AS » (uniquement).
Nouvel article R. 236.10.1 du code du travail
Annexe III : Présentation et analyse du jugement définitif du TGI de Grenoble ENICHEM plan de prévention 22 septembre 2003
I. Rappel des faits
Lentreprise ENICHEM est un site chimique qui fait appel à de nombreux sous-traitants à lannée. Parmi eux, la société ACTIS est une entreprise extérieure qui effectue des travaux de nettoyage et dassainissement industriel.
Elle occupe une équipe de 8 personnes en permanence et ce, 12 fois dans lannée, pour y effectuer le nettoyage des chloreurs.
Le jour de laccident, le 17 mai 1999, deux équipes de trois salariés nettoyaient lune léchangeur, lautre le chloreur. A loccasion de ces interventions, une des équipes constate quil est nécessaire de dégager un trou dhomme obstrué par du charbon en utilisant pour ce faire une lance à haute pression, puis ensuite en cassant avec une barre de fer des morceaux de charbon empêchant le passage de câbles.
Léquipe en charge de ce travail constate lécoulement dun liquide « couleur pastis », alors que la couleur est habituellement noire ; les salariés vont se munir dun masque à gaz et le portent sans percevoir alors aucune odeur, ni être en capacité dévaluer lampleur de la pollution. Ils terminent leur travail, mais certains ont recours à des soins à linfirmerie suite à des douleurs aux yeux.
Lun des salariés revient cependant finir le nettoyage du chloreur à 4 heures du matin. Pris de douleurs insupportables à 6 heures, il attend larrivée du médecin du travail à 8 heures. Le médecin du travail lui fait un pansement avec pommades, lenvoie chez son médecin traitant sans fiche de liaison signalant le risque DCB. Dans les heures qui ont suivi, il a été pris en charge par le service des grands brûlés de Lyon car il présente des brûlures au 2e degré sur 38 % de la surface corporelle entraînant une ITT de 4 mois.
Ces brûlures ont été provoquées par la dispersion des vapeurs de DCB (dichlorobutène) lors des opérations de nettoyage du chloreur.
II. Infractions constatées par linspecteur du travail
Elles sont de trois natures :
- Absence dévaluation des risques liés à la présence de DCB nayant pas permis la mise à disposition dappareils de protection individuels adaptés R. 231-54-4 CT.
- Insuffisance de prévention du risque lié à la coactivité dans le plan de prévention annuel qui na pas pris en compte les opérations réellement conduites R. 237-7, R. 237-8, R. 237-2, R. 237-12 CT.
- Défaut de formation à la sécurité des salariés du sous-traitant compte tenu du risque spécifique du DCB, notamment lié au défaut de rédaction dune notice spécifique aux postes de travail R. 231-54-5.
III. Constatations faites par le TGI sur chacune des infractions
1. Défaut de mise à disposition par lentreprise utilisatrice dEPI adapté aux risques encourus à lattention
des salariés de lentreprise extérieure susceptibles dêtre exposés à laction de substances ou de préparations chimiques dangereuses.
Le TGI constate :
- lobligation de mise à disposition incombait à la société ENICHEM en application dune convention avec la société ACTIS. Les EPI prévus par la fiche de données de sécurité datée de 1998 comprenaient : un masque, des gants, lunettes, une combinaison étanche, un appareil respiratoire autonome ;
- il appartenait au responsable de la société ENICHEM de sassurer de lefficacité du matériau équipant les combinaisons et notamment son étanchéité aux dérivés chlorés du butadiène. Tel navait pas été le cas en lespèce pour les combinaisons ni pour les masques, dans la mesure où la mise à disposition dun appareil respiratoire autonome isolant à adduction dair était nécessaire pour une intervention prolongée.
2. Appréciation du plan de prévention annuel signé par ACTIS au regard de lobjectif dévaluation des risques de prévention fixé par le décret du 20 février 1992
Le TGI constate :
- une insuffisance du plan de prévention annuel quant à son contenu qui a conduit lentreprise ENICHEM et ses dirigeants à sabstenir dune réelle définition du mode opératoire et des mesures de prévention spécifiques à mettre en uvre : notamment lopération douverture du trou dhomme na pas été prise en compte, alors même quun accident similaire sest produit en 1995 et que des « rougeurs aux yeux » étaient régulièrement traitées par le service médical après lopération de nettoyage ;
- la visite dinspection préalable à périodicité annuelle, de même que la procédure de « bon de commande de tâche », ne répondent pas aux obligations réglementaires comme la constaté linspecteur du travail. « Lattitude de lentreprise ENICHEM consistant à se maintenir dans le refus détablir des plans spécifiques par opération est difficilement compréhensible » ;
- il na été procédé à aucune vérification des conditions de sécurité avant le commencement des travaux, mais également pendant lexécution des travaux, contrairement aux stipulations des consignes de sécurité censées compléter la procédure de plan de prévention annuel.
3. Défaut dorganisation dune formation à la sécurité pratique dappropriée au risque
Le TGI constate que :
- le DCB est considéré comme « agent cancérogène » et est par conséquent porteur de risque cancérogène.
Cependant, la FDS datée de juillet 1998 ne donne aucune indication à la rubrique 15 (informations réglementaires), celle doctobre 1999 (postérieure à laccident du travail) mentionne lindication « R45 » pour létiquetage signifiant « peut causer le cancer ». La nouvelle FDS du 27 octobre 2000 renforce encore lidentification des dangers. Le risque devait donc être connu par ENICHEM au moment de laccident, mais pouvait ne pas lêtre par lemployeur des six salariés exposés appartenant à ACTIS ;
- si lon ne peut reprocher à ACTIS de ne pas avoir assuré la formation au risque cancérogène, le responsable de cette entreprise reconnaît cependant quaprès un accident similaire survenu en 1995 à un autre de ses salariés, il sétait contenté dun rappel verbal sur les dangers des produits chimiques, ce qui est notoirement insuffisamment eu égard à la dangerosité du DCB ;
- de plus, les dépositions des salariés ACTIS convergent pour attester du contenu très général des stages de formation à la sécurité organisés par ACTIS ;
- les réunions mensuelles de sécurité organisées au sein dACTIS tout au long des années 1997, 1998, 1999, ne sauraient tenir lieu de stages de formation. En outre, après laccident survenu le 17 mai 1999, celui-ci na été évoqué à aucun moment lors des ces réunions ;
- ces stages de sensibilisation comprenaient en outre un effectif important ; des documents écrits en français étaient remis alors que 50 % des participants sont étrangers et ne lisent pas le français. La trop grande densité du programme ne permettait quun survol des thèmes abordés.
En tout état de cause, le stage niveau 1 napporte aucunement lacquis spécifique que devraient posséder les opérateurs de lentreprise intervenante en charge de réaliser la prestation de nettoyage des boucles de chloration (points établis par un expert judiciaire qui a participé à une formation « de base » au risque chimique confirmant ex-post les constats-déductions de lIT sur linsuffisance des formations à la sécurité).
Les conditions de linspecteur du travail se trouvent confirmées.
IV. Dispositif du jugement
1. Le responsable de lentreprise ENICHEM est condamné pour :
- Défaut de mise à disposition aux 10 salariés dEPI adaptés au risque chimique ; Six amendes de 600 euros chacune ;
- Défaut danalyse des risques suivi dun plan de prévention spécifique à lopération de nettoyage du chloreur et absence de rôle de coordination ; Une amende de 2000 euros.
Publié dans le Dauphiné Libéré.
Affichage pendant 1 mois aux portes de lentreprise.
2. La personne morale de lentreprise ENICHEM est condamnée pour son attitude qui nest pas de nature à prévenir tout nouvel accident au motif quelle ne semble pas vouloir investir dans la recherche dun matériel de détection DCB et quen dépit des observations particulièrement motivées de linspecteur du travail, elle se refuse à respecter les procédures dadoption dun plan spécifique pour les opérations exposant les salariés dentreprises extérieures à un risque chimique en refusant dabandonner la procédure des plans de prévention annuels :
- une amende de 10 000 euros ; outre la publication dans le Dauphiné Libéré et Info Chimie Magazine ; et laffichage pendant un mois, aux portes de lentreprise ;
3. Le responsable de lentreprise ACTIS est condamné pour :
- défaut de formation à la sécurité pratique et appropriée au risque chimique,
- défaut détablissement dune notice spécifique pour chaque poste de travail exposé au risque chimique dangereux.
- deux amendes de 800 euros chacune,
- publication dans le Dauphiné Libéré,
- affichage aux portes de lentreprise pendant un mois,
- deux mois demprisonnement avec sursis pour blessures involontaires.
V. Quelques enseignements à retirer de ce jugement
1. Mise à disposition dEPI adaptés
La mise à disposition doit être prévue par le plan de prévention pour les salariés de lentreprise extérieure.
Il appartient à lentreprise utilisatrice :
- de définir les EPI adaptés,
- de participer à la formation pratique des salariés de lentreprise extérieure permettant à ces derniers :
- didentifier les situations de travail conduisant à utiliser les EPI,
- dapprendre à sen équiper et à les utiliser à bon escient,
- den assurer ou faire assurer la maintenance.
2. Plan de prévention en lien avec les risques réels liés à lopération à réaliser
Le TGI condamne à nouveau le principe des plans de prévention annuels parce quils ne peuvent pas répondre à lobjectif fixé par le décret du 20 février 1992 qui est de conduire une évaluation des risques et définir un mode opératoire au regard de lopération à réaliser.
Les bons de commande à la tâche ne peuvent tenir lieu de complément dun plan de prévention annuel car ils ne sont pas précédés dune visite préalable et devraient dans tous les cas envisager toutes les étapes de la mise en place du plan de prévention, notamment la vérification des conditions de sécurité avant le commencement des travaux puis pendant leur exécution, ce quils ne font pas.
3. Organisation de la formation à la sécurité pratique et appropriée
Cette formation nécessite au préalable une identification des risques, notamment des risques CMR puisque son objet sera de former les salariés à la connaissance des risques, aux conséquences en cas dexposition et les moyens de la prévenir.
Le contenu même de la formation qui doit être « pratique » et « appropriée » doit tenir compte des caractéristiques de ses destinataires :
- maîtrise de la langue française, niveau de compréhension des données communiquées ;
- garanties sur la réelle compréhension des informations déterminantes ;
- prise en compte du retour dexpériences, notamment des accidents, incidents survenus, soins données en lien avec le risque traité.
Des stages de sensibilisation à caractère trop général ou des réunions mensuelles de sécurité, ne sauraient tenir lieu de stage de formation pratique et appropriée.
4. Pour lagent qui procède au constat
Ils doivent être conduits de façon très pointue à partir des témoignages recueillis sur le travail réalisé, lécart avec les travaux commandés, et les raisons données à cet écart.
En outre, dans le cas despèce, la personne morale de lentreprise utilisatrice a été condamnée pour avoir refusé de modifier le principe de lélaboration dun plan annuel de prévention.
Linspecteur du travail sest astreint à suivre au-delà des constats entourant lenquête sur laccident du travail, les initiatives prises pour améliorer la prévention des risques tout au long de linstruction du dossier.
Ce sont les réponses au parquet transmises dans les mois suivant laccident qui, en actualisant les données de contexte, ont permis cette condamnation de la personne morale de façon cumulative avec la condamnation du directeur de lentreprise ENICHEM cumul permis par les dispositions de larticle 121-2 du code pénal.
Annexe IV : Proposition dordre du jour de la première réunion du comité interentreprises de santé et de sécurité au travail
Il convient dinsister sur limportance de la première réunion de cette nouvelle instance, doù la nécessité dune participation la plus large possible des membres et invités éventuels.
Ordre du jour
- Composition du CISST, tour de table :
- présentation des différentes entreprises et CHSCT représentés ;
- présentation des autres membres et invités (président, représentants de ladministration, personnalités qualifiées...).
- Présentation du CISST par son président :
- la philosophie générale (reprendre le décret puis la circulaire, en son point II 4, page 14 et suivantes) ;
- linstance CISST, distincte des CHSCT ;
- les objectifs recherchés (missions) ;
- les moyens mis à disposition (fonctionnement, possibilité détablir un règlement intérieur conforme aux textes et à la circulaire interprétative).
- Présentation du PPRT par la DRIRE :
- le périmètre fixé par larrêté préfectoral de prescription ;
- information sur lélaboration de larrêté dapprobation du PPRT ;
- les servitudes pour les industriels ;
- les entreprises à risques concernées ;
- les risques deffet domino en cas daccident (retour dexpérience...).
- Remarques, questions diverses, réflexions sur lélaboration dun règlement intérieur, sur la détermination de lordre du jour des réunions et sur les méthodes de travail à adopter.