(JO n° 142 du 21 juin 2022)
Texte abrogé par l'article 7 de l'Arrêté du 4 mai 2023 (JO n° 105 du 5 mai 2023)
NOR : TREL2216634A
Vus
La ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire,
Vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
Vu le règlement (UE) 2020/2220 du Parlement européen et du Conseil du 23 décembre 2020 établissant des dispositions transitoires relatives au soutien du Fonds européen agricole pour le développement rural et du Fonds européen agricole de garantie en 2021 et 2022 ;
Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 411-1, L. 411-2 et R.411-6 à R. 411-14 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, notamment son article D. 114-11 ;
Vu le décret n° 2009-406 du 15 avril 2009 pris pour l'adaptation de la délimitation et de la réglementation du parc national des Pyrénées occidentales aux dispositions du code de l'environnement issues de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 ;
Vu l'arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département ;
Vu l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
Vu l'arrêté du 28 novembre 2019 relatif à l'opération de protection de l'environnement dans les espaces ruraux portant sur la protection des troupeaux contre la prédation ;
Vu l'avis du Conseil national de la protection de la nature en date du 15 mars 2022 ;
Vu les observations formulées lors de la consultation du public réalisée du 27 avril au 19 mai 2022, en application de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement,
Arrêtent :
Article 1er de l'arrêté du 20 juin 2022
Le présent arrêté fixe les conditions et limites dans lesquelles des dérogations à l'interdiction de perturbation intentionnelle des ours bruns (Ursus arctos) peuvent être accordées par les préfets dans le cadre de mesures d'effarouchement visant à la protection des troupeaux domestiques pour prévenir les dommages par prédation.
Le présent arrêté ne s'applique pas aux mesures de conditionnement aversif qui peuvent être ordonnées par les préfets pour prévenir les dommages causés par un spécimen d'ours manifestant l'un des comportements suivants :
- absence persistante de fuite lors de rencontres avec l'homme ;
- attaques répétées d'un troupeau le jour malgré la présence du berger ;
- alimentation régulière à partir de nourriture d'origine humaine.
Article 2 de l'arrêté du 20 juin 2022
Les préfets peuvent accorder des dérogations permettant le recours à des moyens d'effarouchement des ours sur une estive donnée selon les deux modalités suivantes :
- l'effarouchement simple, à l'aide de moyens sonores, olfactifs et lumineux ;
- l'effarouchement renforcé, à l'aide de tirs non létaux.
La délivrance de ces dérogations est conditionnée à la mise en œuvre effective et proportionnée des moyens de protection du troupeau tels que définis dans les plans de développement ruraux (mesures préventives raisonnables de protection des troupeaux prévues par l'arrêté du ministre chargé de l'agriculture pris en application de l'article D. 114-11 du code rural et de la pêche maritime), ou à la mise en œuvre effective attestée par la direction départementale des territoires (et de la mer) de mesures reconnues équivalentes, sauf si le troupeau est reconnu comme ne pouvant être protégé par le préfet de département.
Ces opérations ne peuvent être réalisées qu'en présence du troupeau et à sa proximité immédiate.
Ces modalités, ainsi que les conditions de délivrance des dérogations, sont décrites dans les articles suivants.
Pour l'application de cet arrêté, on entend par « attaque » toute attaque pour laquelle la responsabilité de l'ours n'a pas pu être exclue et donnant lieu à au moins une victime indemnisable au titre de la prédation de l'ours.
Article 3 de l'arrêté du 20 juin 2022
I. Pour la mise en œuvre de l'effarouchement simple, tout éleveur, groupement pastoral ou gestionnaire d'estive peut déposer auprès du préfet de département une demande de dérogation en vue de l'utilisation de moyens d'effarouchement olfactifs et des moyens d'effarouchement sonores et lumineux suivants :
Moyens lumineux :
- torches, phares ;
- signaux lumineux de toute nature ;
- guirlandes lumineuses.
Moyens sonores :
- effaroucheurs sonores de toute nature, à l'exception des dispositifs utilisant des systèmes pyrotechniques tels que les lance-fusées et les canons à gaz ;
- cloches ;
- sifflets ;
- pétards ;
- corne de brume ;
- sirènes ;
- avertisseurs ;
- porte-voix.
Cette demande précisera l'identité des personnes chargées de la mise en œuvre de l'effarouchement. Elle doit être justifiée par la survenance d'au moins une attaque sur l'estive dans les 12 derniers mois, ou d'au moins quatre attaques cumulées sur l'estive au cours des deux années précédant la demande, ou de plus de dix attaques par an en moyenne lors des trois saisons d'estive précédentes.
II. La dérogation est délivrée par le préfet de département pour une durée maximale de 8 mois ne pouvant s'étendre au-delà de la saison d'estive en cours. Elle ne peut être mise en œuvre par le bénéficiaire qu'à proximité du troupeau et tant que le troupeau est dans des conditions où il est exposé à la prédation de l'ours brun. Le déclenchement des opérations d'effarouchement ne peut intervenir que lorsque des indices témoignant de la présence récente de l'ours brun à proximité du troupeau ont été relevés.
III. La mise en œuvre de l'effarouchement par des moyens sonores, olfactif et lumineux est conditionnée à une information préalable par les agents de l'Office français de la biodiversité en direction de la (ou des) personne(s) en charge de la mise en œuvre. Cette information précise notamment les conditions de mise en œuvre des dispositifs d'effarouchement listés dans le présent article.
Un compte-rendu de réalisation détaillant pour chaque opération d'effarouchement réalisée les moyens mis en œuvre, le lieu, la date et les résultats obtenus, est envoyé au préfet par le bénéficiaire avant le 30 novembre de chaque année ou lors de la demande de dérogation pour la mise en œuvre de l'effarouchement renforcé.
Article 4 de l'arrêté du 20 juin 2022
I. Pour la mise en œuvre de l'effarouchement renforcé, tout éleveur, groupement pastoral ou gestionnaire d'estive peut déposer auprès du préfet de département une demande de dérogation, assortie du compte-rendu prévu au III de l'article 3, permettant le recours à l'effarouchement par tirs non létaux à l'aide d'un fusil de calibre 12 chargé de cartouches à double détonation, ou, pour la protection des personnes réalisant l'opération face au comportement menaçant d'un ours, de cartouches à munitions en caoutchouc.
Aucune opération d'effarouchement renforcé ne peut être réalisée en zone cœur du parc national des Pyrénées.
Cette demande peut être présentée :
- dès la deuxième attaque intervenue dans un délai inférieur à un mois malgré la mise en œuvre effective d'opérations d'effarouchement simple au cours de cette période ;
- ou, pour les estives ayant subi au moins quatre attaques cumulées sur les deux années précédentes, dès la première attaque survenue malgré la mise en œuvre effective d'opérations d'effarouchement simple lors de l'estive en cours ;
- ou, pour les estives ayant subi en moyenne plus de dix attaques par an au cours des trois saisons d'estive précédentes, ayant mis en œuvre de manière effective l'effarouchement simple durant les douze derniers mois, et ayant déjà subi une attaque après cette mise en œuvre effective. Pour ces estives, la demande d'effarouchement renforcée vaut également demande d'effarouchement simple.
II. La dérogation est délivrée par le préfet de département au bénéficiaire pour une durée maximale de 8 mois ne pouvant s'étendre au-delà de la saison d'estive en cours. Le préfet peut suspendre la dérogation si le compte-rendu prévu au III du présent article ne lui est pas adressé par les bénéficiaires dans les deux mois suivant l'opération ou si les conditions de dérogation prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne sont plus réunies.
III. Les opérations d'effarouchement renforcé respectent les conditions suivantes :
- les opérations sont mises en œuvre autour d'un troupeau regroupé pour la nuit, lorsqu'il est exposé à la prédation de l'ours brun et qu'un ours est repéré à sa proximité immédiate. Elles sont réalisées de nuit, avec une extension possible aux périodes crépusculaires ou matinales ;
- elles sont réalisées en binôme, une personne éclairant l'ours et validant la possibilité de tir et une autre manipulant l'arme ;
- elles sont mises en œuvre depuis un poste fixe ; si un seul binôme est présent, plusieurs postes pourront être identifiés autour du troupeau, et le binôme pourra changer de poste fixe durant la nuit ; en cas de présence de plusieurs binômes autour d'un troupeau, tout changement de poste fixe pendant l'opération est strictement interdit pour des raisons de sécurité ;
- aucune munition létale du calibre des armes utilisées ne se trouve en possession des personnes réalisant l'opération au cours de celle-ci ;
- les tirs de munitions à double détonation sont effectués en veillant à ce que celles-ci restent entre le troupeau ou le poste fixe et la zone estimée de présence de l'ours ; ils ne sont pas effectués en dessous d'un angle de 45° par rapport au sol ;
- les tirs de munitions à double détonation sont réalisés tant que le prédateur persiste dans un comportement intentionnel de prédation ;
- les tirs de munition à double détonation prennent en compte le risque incendie sur la végétation ou les constructions.
Les opérations d'effarouchement par tirs non létaux sont mises en œuvre par l'éleveur ou le berger, ou par des lieutenants de louveterie ou par des chasseurs ou par des agents de l'Office français de la biodiversité. Les personnes effectuant ces tirs doivent être titulaires du permis de chasser valable pour l'année en cours.
La mise en œuvre de l'effarouchement par tirs non létaux par l'éleveur, le berger, des lieutenants de louveterie ou des chasseurs est conditionnée à une formation préalable de ces personnes par les agents de l'Office français de la biodiversité. La formation est composée de deux modules obligatoires : un module théorique portant à la fois sur des aspects techniques et réglementaires, et un module pratique consistant en la participation à au moins une opération d'effarouchement renforcé en présence d'agents de l'Office français de la biodiversité.
Chaque déclenchement d'opération d'effarouchement renforcé fera l'objet d'un compte-rendu détaillant le lieu, la date, le nombre d'ours observé, les moyens mis en œuvre (munitions, effectifs), le comportement du troupeau et des ours. Celui-ci sera établi par la ou les personnes ayant mis en œuvre l'opération et transmis au bénéficiaire, si celui-ci ne l'a pas mis en œuvre lui-même, en vue de son envoi au préfet. Dans le cas d'opérations mises en œuvre par des agents de l'Office français de la biodiversité, l'envoi du compte rendu au préfet est effectué directement par ces derniers.
Article 5 de l'arrêté du 20 juin 2022
Dans le cœur du parc national des Pyrénées, aucune mesure d'effarouchement renforcé ne peut être autorisée. Toute mesure d'effarouchement simple nécessite une autorisation du directeur du parc, délivrée en application des dispositions du IV de l'article 3 du décret du 15 avril 2009 susvisé. Dans cette hypothèse, une copie du compte rendu d'exécution de l'effarouchement sera transmise au directeur du parc.
Article 6 de l'arrêté du 20 juin 2022
Le préfet coordonnateur, responsable de la mise en œuvre de la politique ours brun dans les Pyrénées, en lien avec l'Office français de la biodiversité, les préfets de départements et le Parc national des Pyrénées, est chargé de réaliser un bilan annuel de l'application de ces mesures, incluant un bilan global pluriannuel portant au moins sur les trois dernières années. Ce bilan est transmis aux ministres en charge de l'environnement et de l'agriculture avant le 15 février de chaque année.
Article 7 de l'arrêté du 20 juin 2022
Le présent arrêté sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 20 juin 2022.
La ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
Amélie de Montchalin
Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire,
Marc Fesneau