(JO n° 159 du 11 juillet 2019)
NOR : TREL1908563D
Texte modifié par :
Décret n°2023-490 du 20 juin 2023 (JO n° 143 du 22 juin 2023)
Décret n° 2021-299 du 19 mars 2021 (JO n° 69 du 21 mars 2021)
Publics concernés : éleveurs dont les troupeaux et apiculteurs dont les ruchers sont situés dans les territoires d'implantation du loup, de l'ours ou du lynx.
Objet : indemnisation des dommages dus aux loups, ours et lynx.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Il s'appliquera aux demandes d'indemnisation des dommages survenus postérieurement à la publication du décret.
Notice : le décret fixe les modalités d'indemnisation des éleveurs en cas de dommage dus aux loups, aux ours et aux lynx.
Références : le décret peut être consulté sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).
Vus
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation,
Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE ;
Vu les lignes directrices de l'Union européenne concernant les aides d'Etat dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales 2014-2020 ;
Vu le régime cadre d'aide d'Etat notifié SA.51768 (2018) relatif aux aides destinées à remédier aux dommages causés par des animaux protégés en France, approuvé par la Commission européenne le 17 septembre 2018 et en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020 ;
Vu le régime notifié SA.53439 (2019) relatif aux aides destinées à remédier aux dommages causés par des animaux protégés en France, approuvé par la Commission européenne le 26 février 2019 ;
Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 411-1 et L. 427-6 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, notamment ses articles L. 311-1, D. 114-11 et R. 514-37 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le décret n° 2009-406 du 15 avril 2009 pris pour l'adaptation de la délimitation et de la réglementation du parc national des Pyrénées occidentales aux dispositions du code de l'environnement issues de la loi n° 2006-436 du 14 avril 2006, notamment son article 24 ;
Vu le décret n° 2018-786 du 12 septembre 2018 relatif à certaines attributions du préfet coordonnateur du plan national d'actions sur le loup,
Décrète :
Article 1er du décret du 9 juillet 2019
Un dispositif d'indemnisation est mis en place en application du régime cadre d'aide d'Etat notifié n° SA.51768 (2018) relatif aux aides destinées à remédier aux dommages causés par des animaux protégés en France. Il est adopté sur la base des lignes directrices de l'Union européenne concernant les aides d'Etat dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales 2014-2020.
Article 2 du décret du 9 juillet 2019
(Décret n° 2021-299 du 19 mars 2021, article 1er 1° à 3°)
I. En cas de dommages causés aux animaux d'élevage ou aux ruchers qui pourraient être dus à une attaque de loup, d'ours ou de lynx, les personnes physiques ou morales exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime peuvent déposer auprès du préfet de département du lieu de survenance du dommage une demande d'indemnisation. « Pour les dommages causés aux animaux d'élevage, cette demande doit être formulée dans un délai de 72 heures à compter de la date de survenance de l'attaque supposée. Pour les dommages aux ruchers, ce délai est porté à 15 jours. »
II. Un agent formé à cette fin par l'« Office français de la biodiversité » et désigné par le préfet de département est chargé de réaliser un constat sur le lieu du dommage. Le constat est dressé sur un formulaire-type permettant de relever l'ensemble des éléments factuels nécessaires à l'appréciation de la responsabilité du prédateur dans le dommage et à l'indemnisation.
Par exception, par arrêté pris après accord du préfet coordonnateur du plan national d'action relatif à l'espèce prédatrice concernée, le préfet mentionné au I peut, pour les constats portant sur moins de cinq victimes ovines ou caprines, autoriser, pour tout ou partie du département, les éleveurs ou leurs mandataires à réaliser eux-mêmes les constats et à les lui transmettre. Cette exception peut également être mise en œuvre, quel que soit le nombre d'animaux victimes et quelle que soit l'espèce à laquelle ils appartiennent, lorsque les troupeaux victimes d'attaque sont situés dans un secteur où des cas d'épizooties sont attestés.
« Toute déclaration comportant des faits matériellement inexacts est passible de sanctions conformément à l'article 441-7 du code pénal. »
III. Le constat mentionné au II comprend les numéros d'identification de l'élevage et des animaux victimes des dommages, sauf lorsque les boucles ne sont pas retrouvées ou pour les jeunes animaux qui ne sont pas encore identifiés.
Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture fixe la liste des pièces à fournir pour l'instruction du dossier.
Article 3 du décret du 9 juillet 2019
Le préfet mentionné au I de l'article 2 décide de l'indemnisation d'une attaque, en fonction des éléments techniques figurant dans le constat et des conclusions du service instructeur, dans les conditions prévues aux articles 4 à 6.
Lorsque les éléments techniques du constat ne permettent pas de conclure avec certitude sur la responsabilité du loup, de l'ours ou du lynx sur la cause de la mortalité, le contexte local peut être pris en considération, conformément aux principes suivants :
- les mortalités non liées à une prédation ne donnent pas lieu à indemnisation ;
- les mortalités dont la cause est indéterminée ne donnent pas lieu à indemnisation sauf appréciation contraire liée au contexte local de prédation ;
- les mortalités liées à une prédation ne donnent lieu à indemnisation que si la responsabilité du loup, de l'ours ou du lynx n'est pas écartée.
Pour l'application du présent décret, sont assimilés à une prédation l'étouffement et le dérochement.
Article 4 du décret du 9 juillet 2019
(Décret n°2023-490 du 20 juin 2023, article 1er 1°)
« I. Le demandeur n'est indemnisé que pour les animaux dont il est le propriétaire ou le détenteur au moment de l'attaque.
« Pour une attaque subie par un troupeau détenu par un groupement pastoral, le gérant du groupement est l'unique bénéficiaire de l'indemnisation ; il la répartit ensuite entre les différents propriétaires des animaux constituant le groupement.
« Toutefois, à titre d'exception, dans les départements soumis à la prédation de l'ours, à la demande du gérant du groupement pastoral et après accord du préfet du département concerné, l'indemnisation de la valeur des animaux dont l'attaque a causé la mort ou qui ont nécessité une euthanasie, et celle des frais vétérinaires, mentionnées respectivement au III. 1° a et au III. 2° b du présent article, peut être versée, pour une attaque subie par un troupeau détenu par un groupement pastoral, aux différents propriétaires des animaux constituant le groupement. »
II. Les troupeaux et ruchers sont indemnisés sous réserve d'avoir au préalable fait l'objet de mesures de protection raisonnables ou être reconnus comme non protégeables, dans les conditions prévues aux articles 5 et 6.
III. L'indemnisation des dommages liés à une attaque est proportionnée aux dommages, sans effet sur la concurrence et conforme au principe de transparence.
Aucune autre aide ne peut être versée au titre de l'indemnisation des dommages dus au loup, lynx ou ours, à l'exception des aides transitoires prévues par l'arrêté mentionné au IV.
L'indemnisation, à hauteur de 100 % des coûts admissibles, couvre :
1° Les coûts directs des attaques comprenant :
a) La valeur des animaux dont l'attaque a causé la mort ou qui ont nécessité une euthanasie ;
b) La valeur des animaux disparus lorsque les animaux ne sont pas tenus en parc clos. L'arrêté mentionné au IV fixe les conditions dans lesquelles les animaux disparus tenus en parc clos peuvent être indemnisés ;
2° Les coûts indirects des attaques comprenant :
a) Les pertes consécutives à la perturbation du troupeau du fait, notamment, du stress, de la moindre prise de poids, des avortements ou de la baisse de lactation ;
b) Les frais vétérinaires liés à une prédation ;
3° La réparation ou le remplacement des équipements et bâtiments agricoles endommagés, notamment les clôtures, parcs et ruchers.
IV. Les montants forfaitaires d'indemnisation et les modalités de calcul de l'indemnisation sont fixés par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture, pris après concertation avec les organisations professionnelles agricoles.
Ces montants peuvent être majorés pour les animaux dont la production est valorisée, notamment par l'inscription à un organisme d'amélioration génétique, le bénéfice d'une mention valorisante mentionnés à l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ou la vente en circuit court.
Ces montants sont révisés tous les trois ans.
V. Les aides sont attribuées sous la forme d'une indemnisation versée en une fois, sauf exception prévue par l'arrêté mentionné au IV.
Article 5 du décret du 9 juillet 2019
(Décret n° 2021-299 du 19 mars 2021, article 1er 4° au 7° et Décret n°2023-490 du 20 juin 2023, article 1er 2°)
I. Dans les “ cercles 0 ” et " cercles 1 ", définis par arrêté du ministre chargé de l'agriculture pris en application de l'article D. 114-11 du code rural et de la pêche maritime, l'indemnisation des dommages dus aux loups concernant les ovins et caprins est subordonnée à la mise en place de mesures préventives raisonnables de protection des troupeaux, prévues par cet arrêté, ou à la mise en œuvre effective, attestée par la direction départementale chargée des territoires, de mesures reconnues équivalentes. « L'obtention d'une décision attributive d'aide dans le cadre du dispositif prévu par l'arrêté du 30 décembre 2022 relatif à l'aide à la protection des exploitations et des troupeaux contre la prédation du loup et de l'ours vaut respect de la condition de mise en place des mesures de protection, sauf si l'administration dispose d'informations mettant en évidence une carence importante dans leur mise en œuvre. »
Par exception, aucune mesure de protection préalable n'est exigée pour l'indemnisation des dommages d'un ou plusieurs troupeaux ou partie de troupeau :
1° Si le préfet de département l'a reconnu comme ne pouvant être protégé, sur la base d'une déclaration argumentée de l'éleveur, confirmée par une analyse technico-économique soumise pour avis au préfet coordonnateur du plan relatif à l'espèce protégée concernée, en raison des caractéristiques topographiques et écologiques des milieux exploités par les troupeaux, des caractéristiques de la conduite d'élevage et de la répartition parcellaire des lots et des enclos ;
2° Si le troupeau a subi moins de trois attaques au cours des douze derniers mois.
De même, aucune mesure de protection préalable n'est exigée pour l'indemnisation des dommages de rucher, lorsque le rucher a subi moins de deux attaques au cours des douze derniers mois.
II. Les dispositions du I s'appliquent aux dommages attribués à l'ours deux ans après l'entrée en vigueur du présent décret.
En sus des exceptions déjà prévues au I du présent article, jusqu'au terme de l'année 2022, toute demande d'indemnisation pour des dommages attribués à l'ours sur un ou plusieurs troupeaux ou partie de troupeau est recevable si le dommage est intervenu sur une estive dont le gestionnaire s'est engagé à réaliser une étude visant à adapter la conduite pastorale dans un contexte de prédation par l'ours, notamment à travers la mise en place de mesures de protection adaptées, et dont les préconisations ne sont pas encore connues. Les gestionnaires d'estives souhaitant bénéficier de cette disposition devront en faire la demande auprès du préfet de département avant le 31 mai 2021, donner leur engagement pour la réalisation de l'étude et préciser le calendrier envisagé pour celle-ci.
Article 6 du décret du 9 juillet 2019
A compter de la cinquième attaque de lynx sur une période de deux ans, le versement de l'indemnisation est subordonné à la mise en place de l'une des mesures de protection utilisées pour lutter contre la prédation du loup ou de l'ours pour percevoir une indemnisation.
Article 7 du décret du 9 juillet 2019
(Décret n° 2021-299 du 19 mars 2021, article 1er 2° et 8°)
I. Il est mis en œuvre par le ministère chargé de l'environnement un traitement automatisé d'informations nominatives « par une application internet nationale dédiée », ayant pour finalité d'aider à l'instruction des demandes d'indemnisation des dommages dus respectivement au loup, à l'ours ou au lynx.
Le traitement permet également un suivi statistique ainsi qu'une représentation cartographique des dommages causés par les grands prédateurs, notamment en vue d'études scientifiques.
II. Les informations nominatives traitées sont les suivantes :
- civilité, nom et prénom du demandeur ;
- si le demandeur est une personne morale, le nom, le prénom et la fonction de la personne habilitée à la représenter ;
- le numéro SIRET, à défaut numéro SIREN ;
- adresse ;
- numéro de téléphone (facultatif) ;
- adresse électronique (facultatif) ;
- identifiant de demandeur d'aide (" numéro Pacage ").
Les informations figurant dans les pièces à fournir pour l'instruction du dossier sont également enregistrées dans le traitement.
III. La durée de conservation des données mentionnées au II est de cinq ans à compter de la survenance du dommage. Elles sont ensuite archivées sur un support numérique approprié.
IV. Sont destinataires de la totalité ou d'une partie des données mentionnées au II, à raison de leurs attributions et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées :
- les agents des services de l'Etat chargés de l'instruction des dossiers de demande d'indemnisation ;
- les agents des services de l'Etat chargés de la mise en œuvre de la réglementation et des plans nationaux d'actions relatifs au loup, à l'ours ou au lynx ;
- les agents de l'Agence de services et de paiement ;
- les agents de l'« Office français de la biodiversité ».
V. Toute consultation du traitement fait l'objet d'un enregistrement comprenant l'identification de l'utilisateur, la date, l'heure et la nature de l'intervention dans ledit traitement. Les informations relatives aux consultations sont conservées pendant une durée de six ans.
VI. Les droits d'accès de rectification et d'effacement prévus aux articles 15 à 17 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 susvisé s'exercent auprès du ministère de la transition écologique et solidaire.
Le droit d'opposition prévu par l'article 21 du même règlement ne s'applique pas au présent traitement.
Article 8 du décret du 9 juillet 2019
(Décret n° 2021-299 du 19 mars 2021, article 1er 9°)
« I. Dans les communes du Parc national des Pyrénées tel que délimité par le décret du 15 avril 2009 susvisé, pour les dommages attribués à l'ours, conformément à l'article 24 du décret du 15 avril 2009 susvisé, et au loup, les pouvoirs et missions confiés au préfet de département par le I de l'article 2 et par le 1er alinéa de l'article 3 du présent décret sont exercés par le bureau du conseil d'administration du parc national des Pyrénées.
« II. Les agents du parc national des Pyrénées mettent en œuvre le traitement de l'application internet nationale dédiée à l'indemnisation des dommages causés par le loup, l'ours et le lynx dans les conditions fixées à l'article 7.
« III. L'exécution des paiements est assurée par l'Agence de services et de paiement dans les conditions prévues à l'article 9. »
Article 9 du décret du 9 juillet 2019
L'exécution des paiements est assurée par l'Agence de services et de paiement à compter :
- de l'entrée en vigueur de l'arrêté mentionné au IV de l'article 4 pour les dommages attribués au loup ou au lynx ;
- du 1er janvier 2020 pour les dommages attribués à l'ours.
Article 10 du décret du 9 juillet 2019
Le présent décret s'applique aux demandes d'indemnisation présentées pour des dommages survenus postérieurement à sa publication au Journal officiel de la République française.
Article 11 du décret du 9 juillet 2019
Le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 9 juillet 2019.
Edouard Philippe
Par le Premier ministre :
Le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire,
François de Rugy
Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation,
Didier Guillaume