(JOUE n° C 486 du 3 décembre 2021)
1. Introduction
Le présent document d’orientation vise à fournir aux autorités compétentes et aux parties prenantes des éclaircissements relatifs à l’application de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (1), telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (2) [la directive concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement (ci-après la « directive EIE »)], à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le document porte en particulier sur les modifications et extensions des projets relevant des annexes I et II de la directive EIE, et consacre un chapitre spécifique au secteur nucléaire.
Le point 24 de l’annexe I et le point 13 a) de l’annexe II concernent les modifications et extensions de projets et ont une application large, puisqu’ils couvrent les modifications de toutes les catégories de projets relevant du champ d’application de la directive EIE. L’application correcte de la directive EIE aux modifications et extensions de projets est essentielle pour la mise en œuvre globale de cette directive.
Une partie de la jurisprudence la plus récente en la matière, et notamment l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-411/17 (3) sur la prolongation de la durée de vie de la centrale nucléaire située à Doel, en Belgique (ci-après l’« arrêt Doel »), a apporté de nouveaux éléments à prendre en considération lors de l’examen des modifications des projets relevant de l’annexe I et a confirmé les grands principes de l’application de la directive EIE. En raison également de leur caractère procédural général, les deux catégories de projets liées à la modification ou à l’extension de projets ont fait l’objet de nombreuses demandes d’informations concernant leur application de la part des autorités nationales compétentes et d’autres parties prenantes.
Sur la base des considérations susmentionnées, la Commission a par conséquent décidé de publier le présent document d’orientation afin de disposer d’une description des concepts et principes relevant de la directive EIE, y compris les définitions et les dispositions de ladite directive. En fournissant des illustrations contextualisées pour les obligations relevant de la directive EIE, en promouvant une approche cohérente et en énonçant les dispositions applicables aux modifications et extensions de projets, le présent document d’orientation vise à améliorer la mise en œuvre de la directive EIE.
Étant donné qu’il existe de nombreuses situations pratiques, souvent complexes, et que la directive EIE s’applique à une grande variété de secteurs et de types de projets, il n’est pas possible de fournir une liste exhaustive d’exemples. Les autorités nationales compétentes peuvent être amenées à appliquer les exigences de la directive EIE au cas par cas et à évaluer chaque cas, en tenant compte des circonstances spécifiques. Pour parvenir à une mise en œuvre cohérente de la directive EIE, la Commission encourage les États membres à lancer, sur une base volontaire, un exercice d’évaluation comparative en ce qui concerne les modifications et extensions de projets. Un tel exercice serait l’occasion de mettre en commun les compétences et de comparer les exemples de chaque État membre, ce qui pourrait progressivement conduire à l’élaboration de méthodes communes à l’échelle de l’Union et faciliter la mise en pratique dans des cas spécifiques.
(1) JO L 26 du 28.1.2012, p. 1.
(2) JO L 124 du 25.4.2014, p. 1.
(3) Arrêt de la Cour du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen/Conseil des ministres, C-411/17, ECLI:EU:C:2019:622.
1.1 Sources d’information disponibles
La Cour de justice de l’Union européenne est seule compétente pour donner une interprétation du droit de l’Union faisant autorité. La directive EIE a souvent donné lieu à des affaires portées devant la Cour, dont un certain nombre concernaient la question de la définition, de la description ou de la délimitation des différentes catégories de projets énumérées aux annexes I et II.
Les arrêts de la Cour contiennent des principes généraux essentiels qui peuvent être utiles pour interpréter les catégories de projets énumérées dans la directive EIE, ainsi que d’autres concepts, dont la notion même de « projet ».
Outre ce document d’orientation, les services de la Commission ont également rédigé une brochure intitulée « Environmental Impact Assessment of Projects – Rulings of the Court of Justice », qu’ils mettent régulièrement à jour (4).
La directive EIE fait explicitement référence à d’autres accords internationaux tels que la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière (la « convention d’Espoo ») (5) et la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (la « convention d’Aarhus ») (6). Par conséquent, la directive EIE devrait être interprétée conformément à ces conventions (7). De plus, au vu du large éventail de secteurs couverts par la directive EIE, de nombreux autres instruments législatifs au niveau de l’Union portent sur les activités couvertes par les annexes I et II ou contiennent des définitions de termes ou expressions figurant dans celles-ci (8).
Lors de la rédaction du présent document d’orientation, la Commission a tenu compte des lignes directrices sur l’applicabilité de la convention d’Espoo s’agissant de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, élaboré dans le cadre de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU) (9).
(4) https://ec.europa.eu/environment/eia/pdf/EIA_rulings_web.pdfhttps://ec… (ce document ne reflète pas l’opinion officielle de la Commission, n’est pas contraignant pour la Commission et n’est pas avalisé par la présente communication).
(5) JO C 104 du 24.4.1992, p. 7.
(6) JO L 124 du 17.5.2005, p. 4.
(7) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Mme Kokott dans l’affaire C-411/17, point 105 (« La directive EIE étant censée mettre largement en œuvre [la convention d’Espoo], il reste cependant souhaitable de l’interpréter conformément à [cette dernière]. Par ailleurs, l’Union doit exercer ses compétences dans le respect du droit international; dès lors, le droit dérivé de l’Union doit par principe être interprété en harmonie avec les obligations internationales de l’Union. »).
(8) Différents actes législatifs peuvent avoir des objectifs distincts qui peuvent, à leur tour, influer sur la délimitation et la logique des classifications de projets et sur les définitions qu’elles contiennent. Ainsi, une certaine classification d’un projet en vertu d’une directive ne prescrit pas nécessairement la manière dont le même type de projet doit être interprété dans le contexte d’une autre directive. Comme l’indique la Cour (voir, par exemple, affaire C-227/01, Commission/Espagne), le droit de l’Union doit être interprété en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.
(9) https://unece.org/sites/default/files/2021-02/Guidance_on_Conventions%2…
2. Définitions et principes essentiels
2.1 Évaluation des incidences sur l’environnement – champ d’application
La directive EIE définit les obligations procédurales applicables aux projets publics et privés relevant de son champ d’application et susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Ces projets doivent faire l’objet d’une autorisation et d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement avant que cette autorisation ne soit octroyée.
Les projets entrant dans le champ d’application de la directive EIE sont divisés en catégories et énumérés aux annexes I et II. Les projets énumérés à l’annexe I sont ceux qui sont considérés comme ayant des incidences notables sur l’environnement et qui, en règle générale, sont soumis à une évaluation obligatoire (article 4, paragraphe 1, de la directive EIE). En application de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de la directive EIE, et hormis les cas exceptionnels visés à l’article 2, paragraphe 4, les projets qui relèvent de l’annexe I de la directive doivent, en tant que tels, être soumis, avant l’octroi de l’autorisation, à une évaluation systématique de leurs incidences sur l’environnement (10). Il en résulte que les États membres ne disposent d’aucune marge d’appréciation à cet égard. En outre, la plupart des catégories de projets mentionnées à l’annexe I contiennent des seuils, qui sont directement liés au champ d’application. Si, dans la législation nationale, des seuils étaient attribués à des catégories de projets relevant de l’annexe I pour lesquelles de tels seuils ne seraient pas fixés à l’annexe I, le champ d’application de la directive EIE s’en verrait par conséquent limité (11).
Les projets énumérés à l’annexe II n’ont pas nécessairement dans tous les cas des incidences notables sur l’environnement. Ils doivent faire l’objet d’une procédure de détermination, communément connue sous l’expression «procédure de vérification préliminaire», afin d’établir s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive EIE, la détermination des incidences notables qu’un projet est susceptible d’avoir sur l’environnement peut se fonder sur un examen au cas par cas, sur l’établissement de seuils ou de critères, ou sur une combinaison de ces deux procédures, en tenant compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III de la directive (caractéristiques des projets, localisation des projets, type et caractéristiques des incidences potentielles).
L’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE, en tant que principe directeur et objectif essentiel, limite le pouvoir discrétionnaire des États membres, en particulier pour les projets relevant de l’annexe II, en exigeant que les projets soient soumis à une évaluation des incidences s’ils sont susceptibles, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, d’avoir des incidences notables sur l’environnement (12).
(10) Voir, en ce sens, affaire C-486/04, Commission/Italie, point 45, et affaire C-255/05, Commission/Italie, point 52.
(11) Voir affaire C-435/09, Commission/Belgique, points 86 et 88.
(12) Affaire C-72/95, Kraaijeveld e.a., point 50; affaire C-2/07, Abraham e.a., point 37; affaire C-75/08, Mellor, point 50; affaire C-427/07, Commission/Irlande, point 41.
2.2 Principales définitions et dispositions pertinentes de la directive EIE
La présente section énonce les principales définitions et dispositions pertinentes relatives aux projets et à leurs modifications ou extensions.
2.2.1 Projet
Aux termes de l’article 1er, point 2 a), de la directive EIE, on entend par « projet » :
‘-
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la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages,
|
-
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d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol.’
|
|
Présence de travaux physiques
À plusieurs reprises (13), la Cour a confirmé de manière constante que le terme « projet » visait des travaux ou des interventions physiques. Le renouvellement d’une autorisation existante (par exemple pour l’exploitation d’un aéroport, comme dans l’affaire C-275/09, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a., point 24, ou d’une décharge, comme dans l’affaire C-121/11, Pro-Braine e.a., point 31) ne peut, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique du site, être qualifié de « projet », au sens de l’article 1er, point 2 a). Par conséquent, l’existence de travaux ou d’interventions physiques est une condition préalable pour qu’une activité puisse être qualifiée de « projet » au sens de la directive EIE.
Dans l’arrêt Doel, la Cour a rappelé que : « Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le terme “projet” correspond, au regard, en particulier, du libellé de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de la directive EIE, à des travaux ou à des interventions modifiant la réalité physique du site » (point 62).
Le même principe, lorsqu’il est appliqué à l’annexe I, point 24, et à l’annexe II, point 13 a), signifie que pour relever du champ d’application de la directive EIE et de la définition du terme « projet » visée à l’article 1er, point 2 a), les modifications ou extensions de projets existants supposent des travaux ou interventions modifiant la réalité physique des projets originaux (14).
(13) Affaire C-2/07, Abraham e.a., point 23; affaire C-275/09, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a., point 24; affaire C-121/11, Pro-Braine e.a., point 31.
(14) Par analogie, affaire C-275/09, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a., point 24; affaire C-121/11, Pro-Braine e.a., point 32.
2.2.2 Autorisation
Aux termes de l’article 1er, point 2 c), de la directive EIE, on entend par « autorisation » :
« la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet ; ».
Nécessité d’une autorisation
La Cour a souligné à plusieurs reprises que « les États membres doivent donner à la directive EIE une exécution qui corresponde pleinement aux exigences qu’elle pose compte tenu de son objectif essentiel qui est, ainsi que cela résulte de son article 2, paragraphe 1, que, avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences » (15).
Par conséquent, les modifications ou extensions de projets au sens de l’annexe I, point 24, ou de l’annexe II, point 13 a), de la directive EIE, qui sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, sont soumises à une procédure de demande d’autorisation.
Forme d’autorisation
La directive EIE définit l’autorisation comme la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet (16).
Par conséquent, le terme « autorisation » couvre une grande variété d’actes (c’est-à-dire des décisions, des autorisations et d’autres instruments d’autorisation), en fonction des procédures nationales applicables dans les États membres. Ce terme n’est pas défini par son titre ou la procédure de son adoption conformément au droit national respectif d’un État membre donné, mais par son effet juridique. Comme l’a souligné la Cour, la qualification d’une décision comme « autorisation » au sens de l’article 1er, point 2 c), de la directive EIE doit être effectuée en application du droit national en conformité avec le droit de l’Union (17).
La directive EIE n’exige pas une procédure unique d’autorisation (18) et, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la directive EIE, l’EIE « peut être intégrée dans les procédures existantes d’autorisation des projets dans les États membres ou, à défaut, dans d’autres procédures ou dans celles à établir pour répondre aux objectifs de [cette] directive ». Par conséquent, on observe des différences entre les États membres en ce qui concerne la terminologie relative à l’autorisation. Outre les différents titres (par exemple, permis, décision, autorisation de construire), la procédure menant à l’adoption d’une autorisation peut également différer. Il est par exemple possible d’octroyer une autorisation au moyen d’une procédure administrative au niveau local, régional ou national, ou d’une procédure législative (19), pour autant que les dispositions pertinentes de la directive EIE soient respectées. L’autorisation proprement dite doit être une décision définitive donnant le droit au maître d’ouvrage de poursuivre le projet (le même principe s’applique en cas de procédures en plusieurs étapes, voir section suivante).
Lorsque des modifications ou des extensions de projets au sens du point 24 de l’annexe I ou du point 13 a) de l’annexe II de la directive EIE susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement sont adoptées par voie législative, elles doivent également faire l’objet d’une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement conformément à l’article 2, paragraphe 1 (20).
Dans ce contexte, il est également important de souligner la différence entre l’autorisation (« development consent » en anglais) au sens de la directive EIE et une autorisation (« permit » ou « license » en anglais) liée à l’exploitation (d’une installation/d’un site). Ces « autorisations », telles qu’elles sont définies ou utilisées dans d’autres instruments législatifs, par exemple dans la directive sur les émissions industrielles (21) ou la directive concernant la mise en décharge des déchets (22), s’appliquent à certains régimes d’exploitation. En outre, le terme « autorisation », tel qu’il est compris dans le contexte de la directive EIE, autorise, selon la définition, le maître d’ouvrage à poursuivre le projet (par exemple, à réaliser des travaux de construction, des installations, des ouvrages ou d’autres interventions dans le milieu naturel et le paysage (23)). L’autorisation d’exploitation est, selon la législation applicable (24), principalement liée à une autorisation d’exploitation d’un projet et repose souvent sur une décision préalable, qu’elle met en œuvre, dans le cadre d’une procédure en plusieurs étapes. Comme mentionné dans les sections précédentes, le renouvellement d’une autorisation d’exploitation, en l’absence de travaux ou d’interventions modifiant la réalité physique d’un site, doit être distingué de la notion d’« autorisation » (25).
Modifications et extensions de projets dans le cadre de procédures en plusieurs étapes
L’autorisation des projets s’inscrit parfois dans le cadre de procédures administratives complexes intégrant plusieurs étapes et processus. Dans les cas où une modification ou une extension d’un projet est identifiée (26), il est essentiel de déterminer « quand » l’EIE devrait s’appliquer et « ce qui » devrait être évalué à chaque étape. Dans une procédure d’autorisation en plusieurs étapes, cette évaluation doit, en principe, être réalisée dès qu’il est possible de déterminer et d’évaluer toutes les incidences que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement (27).
Dans l’arrêt Doel, la Cour a rappelé la jurisprudence existante (28). En application de l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE, l’évaluation des incidences sur l’environnement doit être effectuée « avant l’octroi de l’autorisation » pour les projets couverts par cette directive (point 82). Elle a également indiqué que « dans le cas où le droit national prévoit que la procédure d’autorisation se déroule en plusieurs étapes, l’évaluation des incidences sur l’environnement d’un projet doit, en principe, être effectuée aussitôt qu’il est possible d’identifier et d’évaluer tous les effets que ce projet est susceptible d’avoir sur l’environnement » (point 85).
La Cour a également souligné les situations où la procédure d’autorisation se déroule en plusieurs étapes et où l’une d’entre elles est une décision principale, fixant les paramètres des autres décisions d’exécution. Dans ces cas, l’évaluation des incidences sur l’environnement doit être liée à la décision principale, sauf si certaines de ces incidences ne sont connues qu’à un stade ultérieur et sont liées aux décisions d’exécution. L’évaluation des incidences supplémentaires connues à un stade ultérieur peut alors être effectuée à ce stade ultérieur (29). Selon la Cour, une « décision principale » est celle qui définit les « caractéristiques essentielles » d’un projet qui ne seraient pas discutées ou modifiées à un stade ultérieur (30). Dans ce cas, les États membres doivent veiller à ce que l’évaluation des incidences sur l’environnement soit liée à la décision principale.
En outre, la Cour a également abordé la nécessité d’évaluer les incidences de ces projets dans leur ensemble. Lorsqu’une procédure d’autorisation comprend plusieurs étapes, dont l’une implique une décision principale et une autre une décision d’exécution, qui ne peut aller au-delà des paramètres déterminés par la décision principale, l’autorité compétente est, dans certains cas, obligée de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement pour un projet même après l’octroi des autorisations en matière d’aménagement urbain, lorsque les points réservés sont ensuite approuvés (31). Cette évaluation doit être de nature exhaustive, de manière à couvrir tous les aspects du projet qui n’ont pas encore été évalués ou qui nécessitent une nouvelle évaluation. Comme l’a rappelé la Cour, la directive EIE s’attache à une appréciation globale des incidences sur l’environnement des projets ou de leur modification, qui ne doit pas se limiter aux seuls effets directs des travaux envisagés eux-mêmes, sans tenir compte des incidences sur l’environnement susceptibles d’être provoquées par l’utilisation et l’exploitation des ouvrages issus de ces travaux (32). Une telle appréciation est également effectuée indépendamment du fait qu’il s’agisse éventuellement d’un projet transfrontalier (33).
(15) Affaire C-287/98, Linster, point 52; affaire C-486/04, Commission/Italie, point 36; affaire C-215/06, Commission/Irlande, point 49; affaire C-329/17, Prenninger e.a, point 35.
(16) La directive ne définit qu’un seul type d’autorisation (affaire C-332/04, Commission/Espagne, point 53).
(17) Affaire C-290/03, Barker – Crystal Palace, points 40 et 41.
(18) Affaire C-50/09, Commission/Irlande, points 73, 74 et 75. « [L’article 2, paragraphe 2,] implique que la liberté laissée aux États membres s’étend à la détermination des règles de procédure et des conditions d’octroi de l’autorisation en cause. Toutefois, cette liberté ne peut être exercée que dans les limites posées par ladite directive et pour autant que les choix faits par les États membres garantissent le plein respect des objectifs fixés par celle-ci. »
(19) De plus amples informations figurent à la section 4 du document d’orientation de la Commission concernant l’application des exemptions prévues par la directive EIE (EUR-Lex - 52019XC1114(02) - FR - EUR-Lex (europa.eu)).
(20) Voir affaire Doel, points 103 à 114.
(21) En vertu de l’article 3, paragraphe 7, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (JO L 334 du 17.12.2010, p. 17), on entend par « autorisation »: une autorisation écrite d’exploiter tout ou partie d’une installation ou d’une installation de combustion, d’une installation d’incinération des déchets ou d’une installation de coïncinération des déchets.
(22) Directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets (JO L 182 du 16.7.1999, p. 1).
(23) La qualification d’« autorisation » au sens de l’article 1er, point 2 c), de la directive ne dépend pas de la dénomination [dans les pratiques nationales, des exemples d’expressions utilisées sont « permis de construire », « permis de zonage », « permis d’utilisation du sol », « permis environnemental (intégré) », « autorisation de planification », « permis d’implantation »], mais plutôt du fait que les conditions énoncées dans la directive sont remplies.
(24) Outre la directive sur les émissions industrielles, les régimes d’autorisation relèvent par exemple de la législation sur les déchets (la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets ou la directive 1999/31/CE du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets). Un exemple de régime d’autorisation figure par exemple dans la directive 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer et modifiant la directive 2004/35/CE.
(25) Affaire C-275/09, Bruxelles Hoofdstedelijk Gewest e.a.
(26) Le principe de cette section est également applicable aux nouveaux projets.
(27) Affaire C-201/02, Wells, points 52 et 53, dispositif 1.
(28) Affaire C-201/02, Wells; affaire C-508/03, Commission/Royaume-Uni; affaire C-290/03, Barker.
(29) Affaire C-201/02, Wells, et affaire C-2/07, Abraham e.a.
(30) Voir point 88 de l’arrêt Doel: « 88. Il en résulte que, même si la mise en œuvre de ces mesures nécessite l’adoption d’actes ultérieurs dans le cadre d’un processus complexe et encadré, visant notamment à assurer le respect des normes de sûreté et de sécurité applicables à cette activité de production industrielle d’électricité d’origine nucléaire, et si lesdites mesures sont en particulier soumises, ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs de la loi du 28 juin 2015, à une approbation préalable de l’AFCN, il n’en demeure pas moins que ces mesures, une fois adoptées par le législateur national, définissent les caractéristiques essentielles du projet et n’ont plus, a priori, vocation à être discutées ou remises en cause. »
(31) Dans l’affaire C-50/09, la Cour a conclu qu’« [afin] de satisfaire à l’obligation qui lui est imposée par [l’article] 3, l’autorité environnementale compétente ne peut pas se limiter à identifier et à décrire les effets directs et indirects d’un projet sur certains facteurs, mais doit encore les évaluer de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier » (point 37). Voir également affaire C-508/03, Commission/Royaume-Uni, points 103 à 106.
(32) Affaire C-2/07, Abraham e.a. – Aéroport de Liège, points 42 et 43; affaire C-142/07, Ecologistas en Acción-CODA, point 39.
(33) Affaire C-205/08, Umweltanwalt von Kärnten, point 51.
2.2.3 Fractionnement des projets
L’objectif de la directive EIE ne saurait être détourné par un fractionnement des projets et l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif de plusieurs projets ne doit pas avoir pour résultat pratique de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE (34). Cela peut être pertinent notamment pour les projets complexes élaborés en plusieurs étapes pour lesquels des demandes d’autorisation ultérieures peuvent être nécessaires.
Lorsque plusieurs projets, pris ensemble, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE, leurs incidences sur l’environnement devraient être évaluées ensemble et de manière cumulative. Dans sa jurisprudence, la Cour préconise une interprétation large de la directive EIE et souligne que la directive s’attache à « une appréciation globale des incidences sur l’environnement des projets ou de leur modification » (35).
Par exemple, en ce qui concerne la longueur, la Cour a estimé qu’un projet portant sur une longue distance ne pouvait être fractionné en tronçons successifs de faible importance pour faire échapper aux prescriptions de la directive tant le projet considéré dans sa globalité que les tronçons issus de ce fractionnement. Si cela était possible, l’effet utile de la directive serait susceptible d’être sérieusement compromis, puisqu’il suffirait aux autorités concernées de fractionner un projet portant sur une longue distance en tronçons successifs de faible importance pour faire échapper ce projet aux prescriptions de cette directive (36).
La Cour a également souligné que, en vue de décider si une évaluation environnementale doit être effectuée, une prise en considération cumulative peut s’avérer nécessaire afin d’éviter un détournement de la réglementation de l’Union par un fractionnement de projets qui, pris ensemble, sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Il appartient aux autorités nationales d’examiner, à la lumière de cette jurisprudence, si, et dans quelle mesure, il convient d’apprécier globalement les effets sur l’environnement des projets dont il est question et des projets réalisés antérieurement (37).
(34) Affaire C-392/96, Commission/Irlande, points 76 et 82; affaire C-142/07, Ecologistas en Acción-CODA, point 44; affaire C-205/08, Umweltanwalt von Kärnten, point 53; affaire C-2/07, Abraham e.a. – Aéroport de Liège, point 27; affaire C-275/09, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a., point 36; affaire C-244/12, Salzburger Flughafen, point 37.
(35) Affaire C-2/07, Abraham e.a. – Aéroport de Liège, point 42.
(36) Affaire C-227/01, Commission/Espagne, point 53.
(37) Affaire C-244/12, Salzburger Flughafen, point 37. Dans ce cas, les projets en cause portaient sur la construction de bâtiments annexes à un aéroport (c’est-à-dire des entrepôts, l’agrandissement des aires de stationnement pour véhicules et pour avions) qui devaient être considérés avec d’autres projets approuvés précédemment (c’est-à-dire la construction d’un terminal supplémentaire).
2.2.4 Évaluation des incidences globales d’un projet
L’arrêt Doel a confirmé un autre principe important de la directive EIE, à savoir l’obligation d’évaluer les incidences globales d’un projet et de réaliser une EIE complète. Aux points 64 à 72, la Cour a considéré que les mesures prévues pour la prolongation d’un projet existant (les mesures de redémarrage d’une centrale nucléaire pour dix ans ou de report de son arrêt de dix ans, telles qu’énoncées au point 59) ne peuvent être dissociées des travaux de modernisation auxquels elles sont inextricablement liées, faisant ainsi, ensemble, partie d’un même. En effet, les mesures contenues dans la loi de 2015 (prolongation de la durée de vie) ne peuvent être artificiellement détachées des travaux nécessaires d’un point de vue technique et financier. Ces travaux étaient connus du législateur et étaient liés à la loi (voir points 67, 68 et 69). Bien que l’application du principe ait été laissée au contrôle du juge national, la Cour a considéré que les mesures et les travaux faisaient partie du même projet (point 71).
En outre, la nécessité d’évaluer les incidences globales d’un projet dans son ensemble doit être dûment prise en considération lorsque de nombreuses modifications techniques ou opérationnelles sont apportées pendant l’exploitation d’une installation. S’il est courant qu’une installation fasse l’objet d’une maintenance continue et d’une multitude d’améliorations en matière de sécurité qui ne présenteraient pas de risque significatif pour l’environnement si elles étaient considérées individuellement, dans le cas où ces exploitations seraient liées de manière tangible pour constituer un projet au sens de la directive EIE, leurs incidences cumulées sur l’environnement devraient alors être évaluées dans leur ensemble.
Par conséquent, lorsqu’il existe un lien inextricable entre les multiples modifications mineures démontrant que celles-ci font partie d’une activité complexe (entreprise par exemple avec l’intention manifeste de prolonger la durée de vie de la centrale nucléaire ou l’exploitation d’une installation), ces modifications peuvent représenter un projet au sens de la directive EIE. Les documents techniques, les plans de gestion, les plans d’investissement, les actes administratifs ou les lois, ainsi que les mémorandums explicatifs relatifs aux actes administratifs ou aux lois, peuvent être utiles pour établir si une série de modifications est inextricablement liée et fait partie d’une activité complexe (entreprise dans l’intention manifeste de prolonger la durée de vie de la centrale nucléaire).
La nécessité de considérer le projet dans son ensemble (tant au niveau de ses composantes que de ses incidences) a été renforcée par la directive EIE révisée (38).
(38) Voir annexe II, partie A, point 1 a), l’annexe III, point 1 a), et annexe IV, point 1 b), ainsi que le considérant 22 de la directive 2014/52/UE (« Afin de garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé humaine, les procédures de vérification préliminaire et d’ évaluation des incidences sur l’environnement devraient tenir compte des incidences du projet concerné dans son ensemble , y compris, le cas échéant, son sous-sol, pendant les phases de construction, de fonctionnement et, le cas échéant, de démolition »).
2.2.5 Mesure correctrice an cas d’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement
Les États membres doivent mettre en œuvre la directive EIE d’une manière qui correspond pleinement à ses exigences, compte tenu de son objectif essentiel. Il résulte de l’article 2, paragraphe 1, que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, devraient être soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences sur l’environnement (39). Ce principe de base de la directive implique que, pour les projets énumérés aux annexes I et II de la directive, une EIE ou une vérification préliminaire doit être réalisée avant que le projet ne reçoive une autorisation.
Dans le cas contraire, le maître d’ouvrage « ne peut commencer les travaux relatifs au projet en cause, sauf à méconnaître les exigences de la directive » (40).
La directive EIE ne prévoit pas de procédure d’EIE ou de vérification préliminaire ex post et ne la prescrit pas comme mesure correctrice possible en cas de non-respect de la directive EIE. L’omission d’une vérification préliminaire des projets énumérés à l’annexe II ou d’une évaluation des incidences sur l’environnement des projets énumérés à l’annexe I constitue une violation du droit de l’Union (41).
Pour autant, en vertu du principe de coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, du TUE, les États membres sont tenus de remédier aux conséquences d’une violation du droit de l’Union. L’obligation de remédier à l’omission d’une EIE découle du principe de coopération énoncé dans le droit primaire de l’Union et dans la jurisprudence constante (42). Les autorités compétentes sont ainsi obligées de prendre, dans le cadre de leurs compétences, les mesures nécessaires afin de remédier à l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement, par exemple en retirant ou en suspendant une autorisation déjà accordée afin d’effectuer une telle évaluation, ce dans les limites de l’autonomie procédurale des États membres (43).
La Cour a jugé que le droit de l’Union ne saurait s’opposer à ce que les règles nationales applicables permettent, dans certains cas, de régulariser des opérations ou des actes irréguliers au regard de celui-ci. En outre, elle a clairement indiqué qu’une telle possibilité devrait être subordonnée à la condition qu’elle n’offre pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer et qu’elle demeurait exceptionnelle (44).
L’EIE ex post représente une mesure corrective possible pour les manquements de facto à la directive EIE (par exemple dans des situations où l’autorisation a déjà été octroyée sans qu’une EIE ait été effectuée et où les travaux ont été réalisés ou sont sur le point de l’être).
La Cour a jugé qu’une évaluation effectuée après la réalisation et la mise en service d’un projet ne peut se limiter aux incidences futures de celui-ci sur l’environnement, mais doit également prendre en compte les incidences environnementales intervenues depuis sa réalisation. Par conséquent, en cas d’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement exigée par la directive EIE, le droit de l’Union, d’une part, exige que les États membres effacent les conséquences illicites de cette omission et, d’autre part, ne s’oppose pas à ce qu’une évaluation de ces incidences soit effectuée à titre de régularisation, après la réalisation et la mise en service du projet concerné, à condition:
- que les règles nationales permettant cette régularisation n’offrent pas aux intéressés l’occasion de contourner les règles du droit de l’Union ou de se dispenser de les appliquer, et
- que l’évaluation effectuée à titre de régularisation ne porte pas uniquement sur les incidences futures de ce projet sur l’environnement, mais prenne également en compte les incidences environnementales intervenues depuis sa réalisation (45).
La procédure d’EIE ex post ne devrait être utilisée qu’à titre exceptionnel et comme mesure correctrice pour garantir que les objectifs de la directive EIE sont atteints, même si la procédure n’a pas été formellement mise en œuvre, et elle ne devrait pas être appliquée par les États membres pour contourner les exigences de la directive EIE (46).
L’obligation pour les États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences illicites de l’omission d’une EIE est également applicable en cas d’omission d’une EIE de modifications ou extensions de projets.
(39) Affaire C-287/98, Linster, point 52; affaire C-486/04 Commission/Italie, point 36; affaire C-215/06, Commission/Irlande, point 49.
(40) Affaire C-215/06 Commission/Irlande, point 51. «[...] l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive doit nécessairement être entendu comme signifiant que, faute pour le demandeur d’avoir sollicité puis obtenu l’autorisation requise et d’avoir procédé préalablement à l’étude des incidences sur l’environnement lorsqu’elle est exigée, il ne peut commencer les travaux relatifs au projet en cause, sauf à méconnaître les exigences de la directive.»
(41) En outre, dans le cas d’une omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement ou d’une vérification préliminaire, il appartient juge national de vérifier si les exigences du droit de l’Union applicables au droit à réparation, notamment l’existence d’un lien de causalité direct entre la violation alléguée et les dommages subis, sont satisfaites (affaire C-420/11, Leth, point 48).
(42) Affaire C-201/02, Wells, points 66 à 70.
(43) Affaire C-215/06, Commission/Irlande, point 59, « [...] Les autorités compétentes sont ainsi obligées de prendre les mesures nécessaires afin de remédier à l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement, par exemple en retirant ou en suspendant une autorisation déjà accordée afin d’effectuer une telle évaluation, ce dans les limites de l’autonomie procédurale des États membres. »
(44) Affaire C-215/06, Commission/Irlande, point 57; affaire C-416/10, Križan e.a., point 87; affaire C-348/15, Stadt WienerNeustadt, point 36; affaire C-411/17, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, point 174.
(45) Affaires jointes C-196/16 et C-197/16, Comune di Corridonia, points 35 à 41 et point 43; affaire C-117/17, Castelbellino, point 30, affaire C-411/17, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, point 175.
(46) affaire C-215/06, Commission/Irlande, point 57; affaire C-416/10, Križan e.a., point 87; affaire C-348/15, Stadt WienerNeustadt, point 36;
3. Gestion des modifications et extensions de projets
3.1 Contexte
Initialement, la Directive 85/337/CEE du Conseil (47) ne couvrait pas explicitement les modifications ou extensions de projets existants, à l’exception de la référence faite à l’annexe II, point 12, à la «modification des projets figurant à l’annexe I ainsi que projets de l’annexe I qui servent exclusivement ou essentiellement au développement et à l’essai de nouvelles méthodes ou produits et qui ne sont pas utilisés pendant plus d’un an» (annexe II, point 12).
Douze ans après la directive originale, le point 13 a) de l’annexe II a été inséré comme première catégorie de projets sur les modifications de projets, avec le même libellé qu’aujourd’hui. À savoir, la Directive 97/11/CE du Conseil (48) a modifié la directive 85/337/CEE afin d’inclure à l’annexe II, point 13: « Toute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à l’annexe II, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement » (49).
Le point 24 de l’annexe I a été inséré six ans après l’insertion de la première catégorie de projets sur les modifications de projets. Les modifications introduites par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil (50) en vue d’aligner la législation communautaire sur les dispositions de la convention d’Aarhus ont permis de préciser qu’une évaluation des incidences sur l’environnement est obligatoire pour « [t]oute modification ou extension des projets énumérés dans [cette] annexe qui répond en elle-même aux seuils éventuels, qui y sont énoncés ».
Depuis l’insertion du point 24 de l’annexe I dans le texte de la directive, la Cour n’a rendu qu’un seul arrêt interprétant cette catégorie de projets, celui dans l’affaire C-411/17.
(47) Directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175 du 5.7.1985, p. 40).
(48) Directive 97/11 /CE du Conseil, du 3 mars 1997, modifiant la directive 85/337/CEE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 73 du 14.3.1997, p. 5).
(49) En prélude à l’insertion dans le texte de la directive de la catégorie de projets visée au point 13 a) de l’annexe II, la Cour a jugé dans l’affaire C-72/95, Kraaijeveld e.a., que la directive s’appliquait également aux modifications de projets. La Cour a estimé que l’expression « ouvrages de canalisation et de régularisation de cours d’eau », qui figure à l’annexe II, point 10 e), de la directive 85/337/CEE (avant les modifications apportées par la directive 97/11/CE), doit être interprétée en ce sens qu’elle englobe non seulement la construction d’une nouvelle digue, mais également la modification d’une digue existante par son déplacement, son renforcement ou son élargissement, le remplacement d’une digue par la construction d’une nouvelle digue au même endroit, que celle-ci soit plus solide ou plus large que l’ancienne, ou encore une combinaison de plusieurs de ces hypothèses (point 42).
(50) Directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement, et modifiant, en ce qui concerne la participation du public et l’accès à la justice, les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Consei (JO L 156 du 25.6.2003, p. 17).
3.2 Concept de modification/d’extension d’un projet
La directive EIE ne définit pas l’expression «modification ou extension» et ne fournit pas d’exemples. Ce qui constitue exactement une modification ou une extension dépendrait du type de projet. Des exemples de ces modifications ou extensions sont présentés dans les sections 3.3.1 et 3.3.2 ci-dessous sur la base de la jurisprudence de la CJUE.
Le point 24 de l’annexe I et le point 13 a) de l’annexe II sont des catégories de projets spécifiques, qui couvrent les modifications et extensions de toutes les catégories de projets relevant de la directive EIE, avec toutes leurs spécificités.
3.3 Annexe I de la directive EIE – Catégorie de projets « Annexe I, point 24 »
Annexe I, point 24 – Toute modification ou extension des projets énumérés dans la présente annexe qui répond en elle-même aux seuils éventuels, qui y sont énoncés.
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Le point 24 de l’annexe I fait explicitement référence à toute modification ou extension des projets énumérés à l’annexe I qui répond aux seuils éventuels, qui y sont énoncés (51).
Dans l’arrêt Doel, la Cour a précisé un principe majeur qui déclenche l’obligation de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement des modifications ou extensions des projets énumérés à l’annexe I, sur la base du risque environnemental de ces modifications/extensions.
La Cour a rappelé que des évaluations des incidences sur l’environnement doivent être réalisées pour les projets figurant à l’annexe de la directive si ceux-ci sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, et a également indiqué:
« 78. S’agissant du point 24 de l’annexe I de la directive EIE, il résulte de ses termes et de son économie qu’il vise les modifications ou les extensions d’un projet qui, notamment par leur nature ou leur ampleur, présentent des risques similaires, en termes d’incidences sur l’environnement, au projet lui-même.
79. Or, les mesures en cause au principal, qui ont pour effet de prolonger, pour une période significative de dix ans, la durée, antérieurement limitée à quarante ans par la loi du 31 janvier 2003, de l’autorisation de production par les deux centrales concernées d’électricité à des fins industrielles, doivent, combinées aux importants travaux de rénovation rendus nécessaires par la vétusté de ces centrales et l’obligation de les mettre en conformité avec les normes de sécurité, être considérées comme étant d’une ampleur comparable, en termes de risques d’incidences environnementales, à celle de la mise en service initiale desdites centrales. »
Au point 78 de l’arrêt Doel, la Cour a établi le principe majeur qui déclenche l’obligation de réaliser une EIE en cas de modification ou d’extension des projets relevant de l’annexe I. La mesure d’évaluation des critères applicables est le risque d’incidences sur l’environnement. Si le risque induit par la modification ou l’extension du projet est comparable au risque présenté par la catégorie de projets initiale proprement dite, le projet relève de l’annexe I, point 24, de la directive EIE (52).
Dans le cas d’espèce, la Cour s’est référée à la fois aux mesures qui ont pour effet de prolonger la durée des autorisations de production d’électricité et à l’ampleur des travaux. Au point 79, elle a fait référence à la prolongation de l’exploitation des centrales nucléaires pour une période significative (dix ans) et au fait que d’importants travaux de rénovation (53) sont nécessaires. La Cour a conclu que les risques environnementaux du projet étaient d’une ampleur comparable à ceux de la mise en service initiale des centrales nucléaires.
L’arrêt fait référence à la nature ou à l’ampleur de la modification ou de l’extension d’un projet comme exemples non exhaustifs de critères permettant d’évaluer si les risques environnementaux sont analogues à ceux du projet initial. En outre, l’arrêt n’indique pas que les deux critères doivent être remplis de manière cumulative. L’élément décisif semble être que l’analyse globale d’un projet donné montre qu’il existe des risques similaires par rapport au projet initial (dans le cas présent, les centrales nucléaires et les réacteurs nucléaires). Il s’ensuit que la nature et l’ampleur de la modification/de l’extension d’un projet ne semblent pas être les seuls critères possibles. De même, il ne semble pas nécessaire que les risques résultent à la fois de la nature et de l’ampleur du projet, dès lors qu’ils sont, en définitive, analogues à ceux du projet initial. Il ne semble pas exclu que le risque puisse également résulter de la seule nature d’un projet ou de son ampleur (« notamment par leur nature ou leur ampleur » (54)).
(51) Pour les modifications/extensions des projets figurant à l’annexe I qui se trouvent en dessous des seuils fixés, mais qui ont des incidences négatives importantes sur l’environnement, voir annexe II, point 13 a).
(52) Affaire C-411/17, point 79 et 80.
(53) L’ampleur des travaux de rénovation a été démontrée par l’enveloppe financière, d’un montant de 700 millions d’euros, consacrée à ces centrales (affaire C-411/17, point 64).
(54) Ibid., point 78.
3.3.1 Annexe I – Projets avec seuils
Pour plus de la moitié des catégories de projets relevant de l’annexe I, des seuils sont fixés. Par conséquent, pour les modifications ou extensions de ces projets, qui atteignent ou dépassent ces seuils, une EIE doit être réalisée, car ces modifications ou extensions présentent des risques analogues à ceux de la catégorie de projets initiale (55).
Il est toutefois important de noter que, selon la jurisprudence établie, pour les travaux visant à modifier des éléments de projets existants pour lesquels des seuils sont fixés à l’annexe I, il convient d’évaluer minutieusement dans quelles circonstances ces seuils sont atteints. Dans l’affaire C-2/07, Abraham e.a., la Cour estime que « [...] les travaux de modification d’un aéroport dont la piste de décollage et d’atterrissage a une longueur de 2 100 mètres ou plus sont donc non seulement les travaux qui auraient pour objet d’allonger la piste, mais tous les travaux (56) portant sur les bâtiments, les installations ou les équipements de cet aéroport dès lors qu’ils peuvent être regardés, notamment par leur nature, leur importance et leurs caractéristiques, comme une modification de l’aéroport lui-même. Il en va notamment ainsi des travaux destinés à augmenter de manière significative l’activité de l’aéroport et le trafic aérien » (point 36) (57).
(55) De même, il ressort de l’annexe I, point 24, qu’une EIE est nécessaire pour « [t]oute modification ou extension des projets énumérés dans [cette] annexe qui répond en elle-même aux seuils éventuels, qui y sont énoncés ».
(56) Le projet proposé prévoyait la modification des infrastructures de l’aéroport, la construction d’une tour de contrôle, des nouvelles bretelles de sortie de pistes et des zones de stationnement, ainsi que des travaux d’aménagement et d’élargissement des pistes sans en modifier la longueur.
(57) Cette approche a également été confirmée dans l’affaire C-275/09, Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a., et dans l’affaire C-244/12, Salzburger Flughafen.
3.3.2 Annexe I – Projets sans seuils
Comme pour les projets avec seuils relevant de l’annexe I, toute modification ou extension des projets sans seuils énumérés à l’annexe I qui, notamment en raison de sa nature ou de son ampleur, présente des risques similaires, en termes d’incidences sur l’environnement, au projet lui-même, devrait être considérée comme relevant l’annexe I, point 24. Ces projets comportent un risque inhérent d’incidences notables sur l’environnement, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive EIE, et devraient par conséquent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement en application de l’article 4, paragraphe 1 (58).
La directive EIE n’indique pas de procédure pour établir le niveau du risque d’incidences sur l’environnement du projet et il appartient par conséquent aux maîtres d’ouvrage et aux autorités compétentes d’analyser le projet en question. Un élément important du point de vue des maîtres d’ouvrage et des autorités compétentes responsables de l’évaluation des incidences sur l’environnement est de déterminer à quel moment une modification ou une extension d’un projet nécessite une évaluation des incidences sur l’environnement. Des orientations destinées aux spécialistes de l’EIE sur les différentes approches qui peuvent être utilisées pour établir le risque d’incidences notables sur l’environnement figurent dans les documents d’orientation suivants: « Guidance on scoping» (59) et «Guidance on the preparation of the Environmental Impact Assessment Report » (60).
Dans tous les cas toutefois, comme indiqué à la section 2.2.2, les États membres doivent veiller à mettre en œuvre la directive EIE d’une manière qui corresponde pleinement à ses exigences, compte tenu de l’objectif essentiel de la directive qui, ainsi qu’il résulte de son article 2, paragraphe 1, est que, avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences (61).
L’annexe I contient 16 types de projets sans seuils assignés qui peuvent être répartis en trois groupes: les projets liés au nucléaire [annexe I, point 2 b), et annexe I, point 3], les installations industrielles [annexe I, point 4, annexe I, point 6, annexe I, point 9, annexe I, point 18 a), et annexe I, point 22] et les projets linéaires tels que la construction de voies pour le trafic ferroviaire à grande distance, d’autoroutes et de voies rapides [annexe I, point 7 a) (trafic ferroviaire à grande distance (62)) et annexe I, point 7 b)].
Dans l’affaire C-411/17, la Cour a conclu dans le dispositif 1 que le redémarrage, pour une période de près de dix années, de la production industrielle d’électricité d’une centrale nucléaire à l’arrêt, avec pour effet de reporter de dix ans la date initialement fixée par le législateur national pour sa désactivation et la fin de son activité, et le report, de dix ans également, du terme initialement prévu par ce même législateur pour la désactivation et l’arrêt de la production industrielle d’électricité d’une centrale en activité, mesures qui impliquent d’importants travaux de modernisation (63) des centrales concernées de nature à affecter la réalité physique des sites, constituent un «projet», au sens de cette directive, qui doit, en principe, être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, préalablement à l’adoption de ces mesures.
Par analogie, les modifications ou extensions des projets sans seuils énumérés à l’annexe I qui, notamment par leur nature ou leur ampleur, présentent des risques similaires, en termes d’incidences sur l’environnement, au projet initial lui-même, sont soumises à une évaluation.
(58) Par analogie, affaire C-411/17, Doel, point 78.
(59) https://ec.europa.eu/environment/eia/pdf/EIA_guidance_Scoping_final.pdf (ce document ne reflète pas l’opinion officielle de la Commission, n’est pas contraignant pour la Commission et n’est pas avalisé par la présente communication).
(60) https://ec.europa.eu/environment/eia/pdf/EIA_guidance_EIA_report_final… (ce document ne reflète pas l’opinion officielle de la Commission, n’est pas contraignant pour la Commission et n’est pas avalisé par la présente communication).
(61) Affaire C-287/98, Linster, point 52; affaire C-486/04 Commission/Italie, point 36; affaire C-215/06, Commission/Irlande, point 49.
(62) Cette catégorie comprend des types de projets avec seuils et sans seuils.
(63) Affaire C-411/17, Doel, point 79.
3.4 Annexe II de la directive EIE – Catégorie de projets « Annexe II, point 13 a) »
Annexe II, point 13 a) – Toute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à la présente annexe, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement (modification ou extension ne figurant pas à l’annexe I).
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La disposition fait référence à toute modification ou extension, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement.
La vérification préliminaire des projets relevant de cette catégorie doit être effectuée conformément aux exigences et critères détaillés figurant à l’article 4, à l’annexe II, partie A, et à l’annexe III de la directive EIE. L’article 4, paragraphe 3, exige que les autorités compétentes prennent en considération les critères applicables lorsqu’elles décident si une EIE est nécessaire, c’est-à-dire les caractéristiques du projet (y compris les dimensions et la conception de l’ensemble du projet), la localisation du projet et le type et les caractéristiques des incidences potentielles. Ces critères sont énumérés à l’annexe III de la directive EIE. L’autorité compétente doit décider si un projet proposé au titre de l’annexe II doit être soumis ou non à la procédure d’EIE, sur la base des informations fournies par le maître d’ouvrage conformément aux exigences détaillées de l’annexe II, partie A (y compris la description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet). L’autorité compétente est également tenue de prendre en considération toute autre évaluation pertinente, réalisée sur les incidences sur l’environnement en vertu d’un acte législatif de l’Union autre que la directive EIE. La décision de vérification préliminaire doit être justifiée, mise à la disposition du public (article 4, paragraphe 5) et faire l’objet d’un recours, comme le prévoit la jurisprudence (64). Enfin, l’autorité compétente doit décider de la nécessité ou non d’une EIE dans le délai spécifié à l’article 4, paragraphe 6.
La directive EIE ne fournit pas de définition des incidences « négatives importantes ». Le sens général du terme « importantes » décrit à quel point les incidences peuvent être notables ou conséquentes. Pour sa part, le terme « négatives » décrit que ces incidences sont défavorables ou nuisibles. À cet égard, les critères énumérés à l’annexe III de la directive EIE fournissent une orientation générale qui peut servir de cadre approprié pour déterminer l’importance des incidences négatives.
Comme il a déjà été souligné à la section 2.1, lorsqu’elles déterminent si les modifications ou extensions de certains projets relevant de l’annexe I et de l’annexe II devraient être soumises à une évaluation, les autorités compétentes devraient tenir compte de l’objectif essentiel de la directive EIE, à savoir que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, devraient être soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences, et elles devraient également tenir compte de son champ d’application étendu et de son objectif très large.
(64) Affaire C-570/13, points 44 et 50.
4. Application de la directive EIE aux modifications et extensions des centrales nucléaires
Introduction
Les centrales nucléaires (65) et les autres réacteurs nucléaires, y compris le démantèlement ou le déclassement de ces centrales ou réacteurs, figurent à l’annexe I, point 2 b), de la directive EIE. Les catégories de projets supplémentaires figurant à l’annexe I, points 3 a) et b), comprennent les installations destinées à la production ou à l’enrichissement de combustibles nucléaires irradiés ou au traitement, au stockage ou à l’élimination de combustibles nucléaires irradiés ou de déchets radioactifs. À la lumière de la jurisprudence la plus récente de la Cour relative au secteur nucléaire, l’objectif de la présente section est d’examiner quand et comment la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement s’applique aux modifications ou extensions de projets existants relevant de la catégorie « centrales nucléaires ».
Le présent document d’orientation tient également compte des derniers développements dans ce domaine dans le cadre de la convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière et les présente à la lumière des dispositions de la directive EIE et de la dernière jurisprudence de la CJUE. En particulier, en décembre 2020, les parties à la convention d’Espoo ont adopté des lignes directrices sur l’applicabilité de la convention s’agissant de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires (66). De telles prolongations peuvent également constituer des modifications ou des extensions de projets en vertu des dispositions de la directive EIE et sont par conséquent pertinentes pour le présent document d’orientation.
Terminologie
Bien que certains termes et expressions utilisés dans la directive EIE et la convention d’Espoo ne soient pas identiques, les concepts sont liés et la directive doit être interprétée à la lumière de la convention d’Espoo. Par exemple, alors que la directive EIE fournit une définition du terme « projet », la convention d’Espoo de 1991 emploie l’expression « activité proposée ». En ce qui concerne les concepts de « modification » et d’«extension» de la directive EIE, la convention d’Espoo couvre les activités nouvelles ou planifiées ainsi que «tout projet visant à modifier sensiblement une activité». Comme indiqué à la section 3.2, la directive EIE ne définit pas l’expression « modification ou extension » de projets existants. De même, la convention d’Espoo ne donne pas une définition de l’expression « tout projet visant à modifier sensiblement une activité ». Malgré ces différences terminologiques, il existe des similitudes sur le fond.
De même, d’un point de vue terminologique, la poursuite de l’exploitation de la centrale au-delà de la durée de vie initialement prévue peut être désignée par une multitude d’expressions, en fonction par exemple du régime d’autorisation et du cadre réglementaire. Elle peut ainsi être désignée par les expressions « prolongation de la durée de vie de l’exploitation », « exploitation continue ou à long terme » (67), etc.
Les lignes directrices sur l’applicabilité de la convention d’Espoo emploient l’expression « prolongation de la durée de vie » des centrales nucléaires de manière pragmatique, en se fondant sur une compréhension commune de l’expression par les parties, et fournissent une description des situations les plus courantes à cet égard. Le présent document d’orientation fait également mention de l’expression « exploitation à long terme », qui est une expression utilisée de manière générale par la Commission et la CJUE [ainsi que par d’autres instances internationales, par exemple l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)].
Directive EIE et législation Euratom
La directive EIE repose sur le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE). Comme l’a indiqué la CJUE dans sa jurisprudence récente, « le traité Euratom et le traité FUE ont la même valeur juridique, ainsi que l’illustre l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom, aux termes duquel les dispositions du traité UE et du traité FUE ne dérogent pas aux dispositions du traité Euratom. [...] le traité Euratom étant un traité sectoriel visant le développement de l’énergie nucléaire, tandis que le traité FUE a des finalités beaucoup plus amples et confère à l’Union des compétences étendues dans de nombreux domaines et secteurs, les règles du traité FUE s’appliquent dans le secteur de l’énergie nucléaire lorsque le traité Euratom ne contient pas de règles spécifiques » (68). Par conséquent, le traité Euratom ne s’oppose pas à l’application dans ce secteur des règles du droit de l’Union en matière d’environnement et la directive EIE s’applique aux centrales nucléaires et aux autres réacteurs nucléaires (69).
En tout état de cause, le traité Euratom et la directive EIE sont applicables en parallèle. L’article 37 du traité Euratom comprend des dispositions spécifiques sur la sûreté et la protection contre les radiations ionisantes, y compris la contamination radioactive des eaux, du sol ou de l’espace aérien. La directive EIE exige que, pour un projet susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, les incidences notables directes et indirectes sur la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage, ainsi que l’interaction entre ces facteurs, soient identifiées, décrites et évaluées de manière appropriée.
Lorsqu’elles appliquent les dispositions de la directive EIE, les autorités compétentes doivent tenir compte de l’effet utile des procédures prévues par le traité Euratom, ainsi que de l’ensemble spécifique de droits et d’obligations conférés et imposés à la fois à la Commission et aux États membres en vertu du traité Euratom (70).
(65) Aux fins du présent document d’orientation, l’expression «centrales nucléaires» («nuclear power stations» en anglais) est équivalente à l’expression «installations nucléaires» («nuclear power plants» en anglais).
(66) https://unece.org/sites/default/files/2021-02/Guidance_on_Conventions%2…
(67) L’exploitation à long terme d’une centrale nucléaire est l’exploitation au-delà d’une période définie par la durée de l’autorisation, la conception initiale de la centrale, les normes applicables ou les réglementations nationales (Ageing Management and development of a Programme for Long Term Operation of Nuclear Power Plants, IAEA Specific Safety Guide SSG-48, AIEA 2018).
(68) Voir point 32 de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C-594/18 P (ECLI:EU:C:2020:742).
(69) Voir points 41 et 43 de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C-594/18 P (ECLI:EU:C:2020:742).
(70) Voir, entre autres, chapitre 3 «Santé et sécurité» du traité Euratom, ainsi que points 40, 41 et 43 de l’arrêt de la Cour du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C-594/18 P (ECLI:EU:C:2020:742).
4.1 Exemples de travaux ou d’interventions physiques liés à des modifications ou des extensions de la catégorie de projets « Centrale nucléaires »
La directive EIE ne définit pas davantage l’expression « modifications ou extensions de projets existants » et ne fournit pas non plus d’exemples à cet égard. Comme indiqué dans les sections précédentes, selon la jurisprudence de la Cour, la présence de travaux ou d’autres interventions physiques est une condition préalable à l’identification d’un projet au sens de la directive. En l’absence d’une définition plus détaillée, le présent document d’orientation recense et regroupe des exemples illustratifs de différents travaux ou interventions physiques possibles dans une centrale nucléaire, impliquant des modernisations, des modifications ou des remplacements d’équipements et de systèmes qui peuvent avoir lieu dans une centrale.
Le nombre et la complexité des systèmes techniques installés dans une centrale nucléaire sont très élevés et il serait peu pratique d’essayer d’énumérer toutes les différentes interventions possibles. Toutefois, les exemples de travaux ou d’interventions physiques mis en œuvre dans les centrales nucléaires et entraînant des modifications ou des remplacements de leurs structures, systèmes et composants peuvent être résumés dans les trois catégories suivantes :
- Amélioration des performances/de l’économie de la centrale
Étant donné que la raison de la construction et de l’exploitation des centrales nucléaires est de produire de l’électricité et de réaliser un bénéfice sur sa vente, les titulaires d’une autorisation sont incités à améliorer les performances de la centrale sur le plan de la capacité de production d’électricité ou en réduisant ses coûts d’exploitation. Les améliorations susceptibles de réduire les exigences de maintenance ou les opérations manuelles, entre autres, contribueront à réduire les coûts d’exploitation de la centrale. L’augmentation de la quantité d’électricité produite est principalement obtenue en renforçant la capacité de production du réacteur ou en réduisant son temps d’arrêt. Les projets connexes de modernisation d’une centrale peuvent comprendre la remise à neuf ou le remplacement de turbines, de générateurs, de transformateurs et de condenseurs ; des modifications de la conception du combustible (un enrichissement plus élevé, par exemple) afin d’augmenter la puissance thermique du cœur ou d’accroître le temps de séjour du combustible dans le cœur (ce qui permet de réduire le nombre ou la durée des arrêts pour rechargement) ; des modifications du régime chimique de l’eau (pour diminuer la génération de produits de corrosion, par exemple) ; la remise à neuf de certains équipements auxiliaires afin d’améliorer l’efficacité du cycle calorique ; la modernisation des systèmes de contrôle et des interfaces homme-machine (la salle de commande principale, par exemple) afin d’améliorer la fiabilité et la disponibilité de la centrale ; etc. Ces modifications peuvent être mises en œuvre à tout moment pendant la durée de vie de la centrale.
- Maintien de l’état de la centrale conformément à sa spécification technique/base d’autorisation
Les travaux ou les interventions physiques effectués dans une centrale nucléaire dans le but de maintenir son état conformément à sa spécification technique ou à sa base d’autorisation peuvent aller de la maintenance de routine (l’installation de pièces de rechange, par exemple) au remplacement de composants, en passant par des remises en état majeures de systèmes, de structures ou de composants, y compris des composants majeurs tels que les générateurs de vapeur, les fonds de cuve du réacteur, les mécanismes d’entraînement des barres de contrôle ou les internes du réacteur. Le remplacement de composants peut être nécessaire en raison du vieillissement, de l’usure ou de l’endommagement, ou de l’obsolescence (le remplacement de systèmes de contrôle-commande analogiques vieillissants par des systèmes numériques modernes, par exemple). Dans de nombreux cas, il s’agit de remplacements par des composants équivalents, bien que certains puissent améliorer la sécurité ou la fiabilité grâce à une conception améliorée ou à l’utilisation de technologies plus modernes.
Ces types de travaux peuvent être nécessaires à tout moment de la durée de vie d’un réacteur nucléaire (71).
- Améliorations de la sûreté
Les améliorations de la sûreté portent généralement sur des problèmes constatés dans le cadre du processus d’amélioration continue de la sûreté nucléaire (un examen périodique de la sûreté ou un retour d’information des expériences tirées de l’exploitation). Ces améliorations peuvent être nécessaires à tout moment pendant la durée de vie de la centrale.
Parmi les exemples les plus courants d’améliorations de la sûreté figurent la construction de nouvelles installations nécessaires à la poursuite de l’exploitation de la centrale nucléaire ; l’installation de sources d’alimentation électrique/générateurs d’énergie électrique ; l’installation d’un système de ventilation à filtres dans l’enceinte de confinement; l’installation de systèmes de gestion de l’hydrogène généré lors d’accidents graves (des recombineurs autocatalytiques passifs et/ou des brûleurs d’hydrogène, par exemple) ; le renforcement/la qualification des systèmes, structures et composants afin d’améliorer la résistance aux séismes ; l’installation d’un circuit supplémentaire de refroidissement du noyau ou d’un autre système de sûreté ; l’installation d’une autre source froide d’ultime secours (une tour de refroidissement, par exemple) ou l’introduction de moyens supplémentaires d’acquisition d’eau de refroidissement (des puits, par exemple) ; l’installation de systèmes de protection contre la surpression du circuit primaire ; le renforcement de la protection contre les inondations (construction de nouvelles digues, modification du système de drainage ou travaux similaires pour composer avec des niveaux d’inondation plus élevés, par exemple) ; des modifications au contrôle de la chimie de l’eau ; la mise en place de mesures supplémentaires de détection et de protection contre l’incendie ; etc.
Les exemples de travaux ou d’interventions physiques énoncés dans les trois catégories ci-dessus peuvent avoir lieu séparément ou en combinaison et devraient être envisagés au cas par cas, conformément aux dispositions de la directive EIE et à la jurisprudence de la CJUE. En fonction de leur nature ou de leur ampleur dans chaque cas, si ces interventions sont considérées comme des modifications ou des extensions d’un « projet » au sens de la directive EIE, elles peuvent donner lieu à une EIE [annexe I, point 24) ou à une vérification préliminaire (annexe II, point 13 a)] ; Dans certains cas, elles peuvent sortir du champ d’application de la directive EIE. Il appartient aux autorités compétentes d’évaluer si les travaux constituent un projet au sens de la directive EIE et comment ils devraient être envisagés sur la base des principes de la directive EIE.
(71) Ces interventions ne sont pas nécessairement liées à un processus d’exploitation à long terme, même si une prolongation de la durée de vie opérationnelle n’aurait pas été possible si les composants n’avaient pas été remplacés (la décision de prolonger la durée de vie opérationnelle d’une centrale nucléaire après l’expiration de sa durée de vie nominale de 40 ans n’aurait peut-être pas été possible si les générateurs de vapeur n’avaient pas été remplacés après 30 ans d’exploitation, par exemple).
4.2 Autorisation de modifications ou d’extensions de projets de centrales nucléaires
Toutes les centrales nucléaires sont soumises à un régime d’autorisation, leur construction et leur exploitation n’étant possibles que sur la base d’une décision émise par une autorité compétente. L’approche de l’autorisation de l’exploitation des centrales nucléaires diffère entre les États membres, notamment car les autorisations pour une telle exploitation sont données soit pour une durée spécifique limitée (dix ans, par exemple), soit pour une durée indéterminée.
Une fois en exploitation, les centrales nucléaires font l’objet d’évaluations de la sûreté, d’une surveillance (y compris d’une surveillance de l’environnement) et d’inspections continues tout au long de leur cycle de vie, sous la supervision de l’autorité ou des autorités compétentes. Les autorités compétentes sont également chargées de vérifier que l’exploitation des centrales nucléaires est conforme aux conditions de l’autorisation correspondante et que les exploitants prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir cette conformité et la sûreté nucléaire (72). En fonction de la procédure nationale spécifique, l’exploitant, sous le contrôle d’une autorité compétente, doit effectuer des évaluations supplémentaires et évaluer l’exploitation d’une centrale nucléaire à différents moments, notamment dans le cadre d’un examen périodique de la sûreté, d’examens thématiques (risques externes, retour d’information des expériences tirées de l’exploitation) ou d’une prolongation de la durée de vie (73). Ces considérations incluront très probablement la question de savoir si la centrale sera autorisée à poursuivre son exploitation sans modification (ou sans modification majeure); si une intervention, telle que la mise en place de mesures liées à l’amélioration de la sécurité nucléaire, est nécessaire pour que l’exploitation puisse se poursuivre; si la centrale doit être mise à l’arrêt définitif (si les améliorations nécessaires en matière de sûreté ne peuvent pas être mises en œuvre à terme ou si l’exploitant estime que la mise en œuvre de ces mesures n’est pas justifiée sur la base de sa stratégie d’exploitation future, par exemple).
Grâce au cadre complet d’inspections et d’évaluations de la sûreté ainsi qu’au principe d’amélioration continue prévu par la directive sur la sûreté nucléaire, des améliorations de la sûreté sont régulièrement recensées, dont la mise en œuvre est planifiée en temps utile. En général, les améliorations de la sûreté sont conformes aux conditions de l’autorisation existante d’exploiter une centrale nucléaire (généralement regroupées dans l’autorisation de la centrale nucléaire).
Si les modifications requises constituent un projet au sens de la directive EIE et ont déjà fait l’objet d’une EIE, cette évaluation ne devra pas être répétée, sauf si les circonstances ont changé entre-temps (voir section 4.4 ci-dessous).
Il incombe aux autorités des États membres d’évaluer quels actes de leur législation nationale constituent une autorisation de modification ou d’extension de la durée de vie des centrales nucléaires, c’est-à-dire la décision donnant à l’exploitant le droit d’exécuter le projet, afin de s’assurer que les dispositions de la directive EIE sont respectées (voir, à cet effet, section 2.2.2).
Ce qui compte pour déterminer ce qu’est une telle autorisation n’est pas la dénomination («autorisation» ou «permis»), mais plutôt la fonction d’autorisation en ce qui concerne les droits ou les devoirs de l’exploitant. Par exemple, les procédures ou considérations internes d’une autorité compétente qui ne sont pas suivies d’une autorisation de mener à bien les travaux ne seraient, par conséquent, pas considérées comme une autorisation au sens de la directive EIE.
(72) Directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires (JO L 172 du 2.7.2009, p. 18), modifiée par la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 (JO L 219 du 25.7.2014, p. 42). Le principe général de l’exigence d’amélioration continue est que l’exploitant, sous la supervision des autorités nationales de sécurité, met en œuvre, de manière continue, toutes les améliorations raisonnables de la sûreté recensées. Cette approche est complétée par des inspections, des analyses de sûreté spécifiques régulières (tests de résistance, intervention humaine, etc.) ou des examens périodiques de la sûreté qui permettent de revoir en profondeur les cas de sûreté.
(73) À l’origine, les centrales nucléaires étaient généralement conçues pour une durée de vie spécifique (30 à 40 ans, par exemple, pour les centrales nucléaires dites de la génération II qui sont exploitées aujourd’hui, et dont beaucoup approchent ou ont déjà dépassé leur durée de vie initiale). Cette durée de vie initiale peut être influencée par de nombreux facteurs (la maintenance et le remplacement continus des composants) et il est courant que la centrale soit exploitée au-delà de cette durée de vie initiale, sur la base d’une démonstration systématique et complète de la sûreté de cette exploitation.
4.2.1 Les cas spécifiques de la prolongation de la durée de vie et de l’exploitation à long terme
Le présent document d’orientation aborde tous les types de modifications et d’extensions. La « prolongation de la durée de vie » et l’« exploitation à long terme » constituent des cas spécifiques. Théoriquement, les deux pourraient se produire sans travaux, mais, en pratique, dans les États membres de l’Union, on peut s’attendre à ce qu’ils soient accompagnés de travaux.
Les lignes directrices sur l’applicabilité de la convention d’Espoo s’agissant de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires fournissent des exemples utiles et des facteurs à prendre en compte.
L’exemple de l’examen périodique de la sûreté
Les exploitants peuvent utiliser les processus en cours pour déterminer l’existence d’un projet et la nécessité d’une autorisation au sens de la directive EIE. Les centrales nucléaires de l’Union sont soumises à un régime spécifique d’examen de la sûreté nucléaire, conformément à la législation Euratom applicable, appelé également « examen périodique de la sûreté ». L’article 8 quater de la Directive 2009/71/Euratom du Conseil (74) impose à l’exploitant de « [réévaluer] systématiquement et régulièrement, au moins tous les dix ans, la sûreté de l’installation nucléaire ». L’examen périodique de la sûreté «vise à assurer la conformité avec le dimensionnement existant et recense les nouvelles améliorations à apporter en matière de sûreté par la prise en compte des problèmes dus au vieillissement, de l’expérience acquise dans le cadre de l’exploitation, des résultats les plus récents de la recherche et de l’évolution des normes internationales». Par conséquent, il s’agit d’un examen approfondi, qui doit permettre de déterminer et d’évaluer l’incidence sur la sûreté des écarts par rapport aux normes de sûreté en vigueur et aux bonnes pratiques reconnues au niveau international, compte tenu de l’expérience d’exploitation, des résultats de recherche pertinents et de l’état actuel de la technologie. Ce processus contribue à l’évaluation de la capacité de la centrale nucléaire à poursuivre son exploitation en toute sûreté et à améliorer le niveau de sûreté. Sur la base d’une analyse des résultats de l’examen effectué par l’exploitant, l’autorité compétente peut, par exemple, autoriser la poursuite de l’exploitation de la centrale jusqu’à la fin du prochain cycle d’examen périodique de la sûreté (généralement dix ans).
Il est important de noter qu’en raison de sa nature et de sa finalité, l’examen périodique de la sûreté n’est généralement pas en soi une décision sur la prolongation ou la modification du régime d’exploitation (exploitation à long terme, par exemple). Toutefois, dans certains cas, les conclusions de l’examen peuvent conduire à l’adoption d’une décision par une autorité compétente, afin de mettre en œuvre les conclusions de cet examen la nécessité d’améliorer la sûreté de la centrale avant de poursuivre son exploitation ou parallèlement à celle-ci, par exemple). De même, dans certains cas, un examen périodique de la sûreté est utilisé à l’appui du processus décisionnel pour la prolongation ou le renouvellement d’une autorisation ou peut faire partie d’une procédure décisionnelle en plusieurs étapes (voir également section 2.2.2). Un examen périodique de la sûreté ne nécessite toutefois pas en soi une EIE.
Si les conclusions de l’examen donnent lieu à des travaux, ceux-ci peuvent nécessiter une EIE et une autorisation lorsqu’ils constituent une modification ou une extension au sens de l’annexe I, point 24, de la directive EIE, ou lorsqu’ils constituent une modification ou une extension au sens de l’annexe II, point 13 a), de la directive EIE et que les États membres ont déterminé, conformément à l’article 2, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphe 2, de la directive EIE qu’une EIE est nécessaire.
(74) Directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires (JO L 172 du 2.7.2009, p. 18), modifiée par la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 (JO L 219 du 25.7.2014, p. 42).
4.3 Principes directeurs pour l’évaluation des modifications ou extensions des projets de centrales nucléaires à la lumière de l’arrêt Doel
Ainsi qu’il a été indiqué à la section 3.3, la Cour a conclu que la directive EIE doit être interprétée en ce sens que le redémarrage ou le report de l’arrêt d’une centrale nucléaire (75), chacun pour une période de dix ans (ci-après les « mesures »), mesures qui impliquent des travaux de modernisation, d’un montant d’environ 700 millions d’euros (76), des centrales concernées de nature à affecter la réalité physique des sites, constituent un « projet », au sens de cette directive, qui doit, en principe, être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, préalablement à l’adoption de ces mesures (77). Pour parvenir à cette conclusion, la Cour avait estimé que les travaux (78) sont de nature à affecter la réalité physique des sites concernés, au sens de la jurisprudence de la Cour, et que, par conséquent, les mesures ne sauraient être artificiellement détachées des travaux qui leur sont indissociablement liés, aux fins d’apprécier l’existence d’un projet au sens de la directive. En conséquence, elle a jugé que les mesures et les travaux faisaient, ensemble, partie d’un même projet, au sens de cette disposition (79).
Le point 78 de l’arrêt Doel établit le principe majeur déclenchant l’obligation d’une EIE en cas de modification ou d’extension des projets relevant de l’annexe I. La mesure d’évaluation des critères applicables est le risque d’incidences sur l’environnement. Si le risque induit par la modification ou l’extension du projet est comparable au risque présenté par la catégorie de projets initiale proprement dite, le projet relève de l’annexe I, point 24, de la directive EIE. La formulation de l’arrêt laisse penser que la nature ou l’ampleur de la modification ou de l’extension d’un projet sont des exemples non exhaustifs de critères permettant d’évaluer si les risques environnementaux sont analogues à ceux du projet initial et ne doivent pas nécessairement être satisfaits de manière cumulative.
Par conséquent, il ressort de l’arrêt que les mesures qui ont pour effet de prolonger, pour une période significative, la durée des autorisations de production d’électricité des centrales nucléaires et qui impliquent d’importants travaux de rénovation indissociablement liés aux mesures de modernisation/modification des centrales concernées de nature à affecter la réalité physique des sites, relèvent du champ d’application de l’annexe I, point 24, de la directive EIE, car elles présentent des risques d’incidences sur l’environnement analogues à ceux qui existaient lors de la première mise en service des centrales. C’est notamment le cas lorsque la prolongation à long terme de la durée de vie et les travaux de rénovation sont d’une importance analogue à ceux de l’affaire C-411/17.
Outre le principe directeur susmentionné, l’arrêt Doel a confirmé d’autres principes importants de la directive EIE, qui sont également pertinents lors de l’application de la directive aux modifications et extensions des centrales nucléaires (voir sections susmentionnées sur l’évaluation des incidences globales d’un projet et la prise de décision en plusieurs étapes).
(75) Selon la loi belge, les centrales nucléaires devaient être désactivées 40 ans après la date de leur mise en service à des fins industrielles.
(76) En ce qui concerne les montants en jeu, il convient de rappeler que des investissements à hauteur d’environ 700 millions d’euros étaient en jeu dans l’affaire Doel. La Cour a également souligné que l’ampleur ou la nature des travaux étaient déterminantes.
(77) Affaire C-411/17, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, EU:C:2019:622, point 94.
(78) Ibid., point 66 – « [...] la modernisation des dômes des centrales Doel 1 et Doel 2, le renouvellement des piscines de stockage du combustible usagé, l’installation d’une nouvelle station de pompage et l’adaptation des soubassements afin de mieux protéger ces centrales contre les inondations. Ces travaux impliqueraient non seulement des améliorations des structures existantes, mais aussi la réalisation de trois bâtiments, dont deux seraient destinés à héberger les systèmes de ventilation et le troisième une structure anti-incendie. »
(79) Ibid., point 71.
4.4 Détermination du risque et de la nécessité d’une EIE
Bien que la directive EIE ne prévoie pas de critères pour évaluer le risque que des travaux puissent être qualifiés de modifications ou d’extensions de projets et qu’elle ne donne pas d’exemples de tels travaux pour les projets énumérés à l’annexe II, elle fixe des critères pour déterminer s’ils doivent être soumis à une EIE (critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3, de la directive EIE et exigences de l’annexe II, partie A, et de l’annexe III de la directive, tels que présentés à la section 3.4). Par conséquent, ces critères de sélection peuvent être utilisés pour déterminer le risque éventuel et, partant, la nécessité d’une EIE. Lorsque les travaux ou les interventions physiques sont d’une ampleur telle qu’ils ne présentent pas un risque pour l’environnement analogue à celui de l’activité proprement dite, mais qu’ils constituent des modifications ou des extensions d’une centrale nucléaire déjà autorisée, réalisée ou en cours de réalisation, qui peuvent avoir des incidences négatives importantes, ils relèvent du champ d’application de l’annexe II, point 13 a), de la directive EIE et sont soumis à une vérification préliminaire.
À cet égard, les lignes directrices sur l’applicabilité de la convention d’Espoo s’agissant de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires devraient également être prises en considération. En vertu de la convention d’Espoo, l’un des paramètres à prendre en considération pour soumettre une modification d’une activité à une évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière est sa classification en tant que modification majeure d’une activité. Par conséquent, ces lignes directrices présentent une liste non exhaustive de facteurs indicatifs (80) pertinents qui peuvent être pris en considération par les autorités compétentes pour déterminer si une prolongation de la durée de vie constitue une modification majeure. Ces facteurs sont les suivants:
- utilisation accrue des ressources naturelles par rapport aux seuils prévus dans la licence initiale ;
- production accrue de déchets ou de combustible usagé par rapport aux seuils prévus dans la licence initiale ;
- hausse des émissions, notamment de radionucléides et de rejets d’eau de refroidissement, par rapport aux seuils prévus dans la licence initiale ;
- ampleur des travaux de mise à niveau et/ou des mises à niveau ou améliorations de la sûreté, en particulier ceux nécessitant une modification importante des caractéristiques physiques du site ou des améliorations substantielles résultant du vieillissement des composants et/ou de l’obsolescence ;
- changements dans le milieu environnant tels que ceux liés au changement climatique ;
- adaptation aux changements climatiques et mesures d’atténuation.
Un autre facteur important à prendre en considération est de savoir si la prolongation de la durée de vie en question, compte tenu de ses caractéristiques spécifiques, risque d’engendrer un impact négatif important sur l’environnement dans un contexte transfrontière (81).
Les incidences possibles des travaux ou des interventions physiques sur les facteurs environnementaux constituent un autre critère de sélection pour déterminer le risque éventuel et la nécessité d’une EIE. Selon l’article 3 de la directive EIE, divers facteurs environnementaux (82) doivent être pris en considération lorsqu’un projet est soumis à une vérification préliminaire ou à une EIE. Différents facteurs environnementaux peuvent être affectés à une échelle et une durée différentes en fonction des modifications ou extensions possibles d’une centrale nucléaire pour permettre son exploitation (à cet effet, voir les catégories de travaux décrites à la section 4.1).
Dans la majorité des cas, les améliorations de la sûreté des centrales nucléaires et les travaux visant à maintenir l’état de la centrale conformément à sa spécification technique/base d’autorisation sont censés avoir des incidences positives globales sur l’environnement, car la raison de leur mise en œuvre est de réduire le risque d’accident, les émissions normales associées à l’exploitation ou la production de déchets radioactifs. La plupart de ces améliorations visent à réduire les émissions radiologiques ou autres dans l’environnement en exploitation normale ou en cas d’accident, ou les deux, ou à réduire la dose absorbée par les travailleurs à long terme (83).
Toutefois, les améliorations peuvent également avoir des incidences négatives sur l’environnement pendant l’exploitation normale de la centrale, comme une utilisation accrue de ressources telles que l’eau ou l’énergie, ou une augmentation des émissions classiques, par exemple lors des essais ou du fonctionnement occasionnel de générateurs diesel de secours supplémentaires. D’autres améliorations de la sûreté pourraient également avoir des incidences sur l’environnement dans des conditions spécifiques, par exemple une amélioration visant à renforcer la protection contre les inondations (construction de nouvelles digues, modification du système de drainage ou travaux similaires, par exemple) pourrait modifier l’écoulement naturel des cours d’eau en cas d’inondation, ce qui pourrait avoir une incidence sur l’étendue des inondations en aval où le cours d’eau pourrait traverser ou se trouver à proximité de zones habitées, ou avoir une incidence sur des sites d’importance particulière. En outre, il ne peut être exclu que certaines améliorations de la sûreté aient des incidences négatives sur l’environnement pendant la phase de construction ou d’installation (bruits, nuisances, production temporairement accrue de déchets radiologiques et/ou conventionnels, émissions industrielles/radiologiques, utilisation de ressources telles que les matériaux de construction, l’eau, l’énergie, etc.).
Les modifications apportées au contrôle de la chimie de l’eau (84) dans les réacteurs nucléaires sont importantes d’au moins six points de vue différents : intégrité des matériaux, niveaux de radiation de la centrale, accumulation de dépôts, performance du combustible, incidences sur l’environnement et sûreté. Ces modifications peuvent apporter des améliorations, par exemple sur le plan de la sûreté, de la dégradation due au vieillissement des composants, ou peuvent permettre de mieux contrôler ou de réduire les taux de corrosion (ce qui peut également améliorer l’absorption de la dose radiologique par les travailleurs et simplifier la maintenance). La modification d’un paramètre chimique en vue d’améliorer la sûreté peut toutefois se faire au détriment d’un autre danger ou risque, et un équilibre prudent est nécessaire. Par conséquent, si les améliorations de la sûreté sont apportées dans le but d’avoir une incidence positive globale sur l’environnement, certaines incidences négatives sur l’environnement sont également possibles.
Les travaux ou toutes les interventions physiques visant à améliorer les performances des unités de production ont un potentiel plus important que les améliorations de la sûreté au niveau des incidences importantes de la centrale sur l’environnement, qu’il s’agisse d’incidences radiologiques (en raison d’un inventaire radiologique du cœur différent, par exemple) ou autres (augmentation du débit ou de la température des rejets d’eau de refroidissement, par exemple).
(80) Lignes directrices sur l’applicabilité de la convention d’Espoo s’agissant de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, annexe II.
(81) Lignes directrices sur l’applicabilité de la convention d’Espoo s’agissant de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, partie C (La prolongation de la durée de vie en tant que «modification majeure» d’une activité).
(82) La population et la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, le paysage ainsi que l’interaction entre ces éléments.
(83) Il convient de noter que toute modification ou extension d’une centrale nucléaire susceptible d’entraîner une augmentation des émissions radiologiques donnerait lieu à une notification à la Commission européenne en vertu de l’article 37 du traité Euratom, qui prévoit que chaque État membre est tenu de fournir à la Commission les données générales de tout projet de rejet d’effluents radioactifs sous n’importe quelle forme, permettant de déterminer si la mise en œuvre de ce projet est susceptible d’entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre.
(84) Le contrôle de la chimie de l’eau est essentiel pour garantir l’exploitation sûre d’une centrale nucléaire et peut être utilisé pour limiter les effets nocifs des produits chimiques, des impuretés chimiques et de la corrosion sur les structures et les composants de la centrale afin d’en prolonger la durée de vie.
4.5 Évaluation comparative de la mise en œuvre de la directive EIE dans le domaine nucléaire
Des exercices d’évaluation comparative ont été lancés régulièrement dans le domaine de la sûreté nucléaire il y a plus de 20 ans et ont permis d’harmoniser la mise en œuvre pratique des principes de sûreté. Leur rôle essentiel dans la garantie d’un niveau élevé de sûreté, harmonisé au niveau de l’Union, a été reconnu par la directive sur la sûreté nucléaire (85), notamment par la disposition relative aux examens thématiques par des pairs.
La mise en œuvre du présent document d’orientation et de la directive EIE pourrait être favorisée par le lancement d’un tel exercice d’évaluation comparative par les États membres, sur une base volontaire, en ce qui concerne les modifications et les extensions de centrales nucléaires. Cet exercice pourrait déboucher sur des méthodes communes à l’échelon de l’Union et faciliter la mise en œuvre pratique dans des cas spécifiques. Par exemple, lors de l’examen de modifications ou d’extensions de centrales nucléaires, et à la lumière de la section 4.2, l’exercice d’évaluation comparative pourrait être utile pour évaluer si les rejets radiologiques en exploitation normale ou en cas d’accident ont changé, et dans quelle mesure cela implique la nécessité de réexaminer toute EIE existante (si une telle EIE a été réalisée). Un tel exercice d’évaluation comparative peut également aider à apprécier dans quelle mesure les modifications et les extensions de projets créeraient des risques supplémentaires d’incidence sur les États membres voisins et à déterminer les États membres concernés.
(85) Directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires (JO L 172 du 2.7.2009, p. 18), modifiée par la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 (JO L 219 du 25.7.2014, p. 42).
5. Résumé des points principaux
- Lorsque des travaux de construction ou des interventions, qui impliquent des modifications de la réalité physique des projets initiaux énumérés à l’annexe I ou II de la directive EIE, répondent aux exigences de l’annexe I, point 24, ou de l’annexe II, point 13 a), ils constituent des « projets » au sens de la directive et doivent être soumis à une vérification préliminaire, ou à une EIE.
- Les projets qui sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent être soumis à l’obligation d’autorisation.
- Toute modification ou extension de projets au sens de l’annexe I, point 24, de la directive EIE présuppose qu’il existe des risques d’incidences sur l’environnement analogues à ceux du projet initial. À cet égard, la prolongation de la durée des autorisations octroyées aux projets initiaux par des périodes de temps significatives ainsi que l’importance des travaux indissociablement liés à l’ampleur des modifications ou des extensions des projets constituent des critères majeurs qui devraient être utilisés par les autorités compétentes.