(JO n° 49 du 27 février 2009)


NOR : DEVX0900966P

Monsieur le Président,

La loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement a habilité le Gouvernement à prendre toutes mesures afin d'adapter :
- les dispositions législatives relatives aux produits chimiques et aux biocides du titre II du livre V du code de l'environnement ;
- les dispositions législatives relatives aux risques chimiques du titre Ier du livre IV de la quatrième partie du code du travail ;
- les dispositions pénales du titre IV du livre VII de la quatrième partie du même code ;
- ainsi que les dispositions de l'article L. 5141-2 du code de la santé publique,
aux textes communautaires suivants :
- le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 9/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission ;
- le règlement (CE) n° 842/2006 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 relatif à certains gaz à effet de serre fluorés ;
- le règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE ;
- le règlement (CE) n° 304/2003 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux ;
- le règlement (CE) n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone ;
- la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides, au règlement (CE) n° 1451/2007 de la Commission du 4 décembre 2007 concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l'article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits biocides.

Nombre de dispositions du titre II du livre V du code de l'environnement sont en effet désormais soit obsolètes, soit en contradiction avec le règlement (CE) n° 1907/2006 REACH (acronyme de " Registration, Evaluation and Authorisation of CHemicals ") qui a profondément remanié le droit applicable aux substances chimiques. Il remplace plus de quarante directives et refond totalement les trois directives et le règlement communautaires qui définissaient le contrôle harmonisé des produits chimiques en Europe (directive 67/548/CEE du Conseil " classification, emballage, étiquetage des substances dangereuses " ; directive 1999/45/CE du Parlement européen et du Conseil " classification, emballage, étiquetage des préparations dangereuses " ; directive 76/769/CEE du Conseil " limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses " ; règlement (CEE) 793/93 du Conseil " évaluation et contrôle des risques substances existantes ").

Par ailleurs, il s'avère nécessaire de pouvoir sanctionner de façon harmonisée les manquements aux règlements mentionnés ci-dessus régissant des substances et produits chimiques spécifiques.

I. - Le règlement (CE) n° 1907/2006 REACH s'articule autour de quatre procédures :

- l'enregistrement des substances chimiques produites et importées sur le sol de l'Union européenne à plus d'une tonne par an ;
- l'évaluation des dossiers d'enregistrement, des propositions d'essais et des substances ;
- l'autorisation des substances extrêmement préoccupantes ;
- la restriction d'usages pour certaines substances.

Les substances chimiques couvertes par REACH sont aussi bien les substances issues de la synthèse chimique que celles issues du milieu naturel, en tant que telles ou au sein d'une préparation ou d'un article. Certaines substances sont néanmoins exclues du champ d'application de REACH.

1° Compte tenu du nombre important de substances actuellement sur le marché, les substances " existantes " doivent être enregistrées selon un calendrier s'étalant sur onze ans, basé sur des critères de danger et des tonnages de mise sur le marché. Ces substances ont dû, entre juin 2008 et novembre 2008, faire l'objet d'un préenregistrement. Les enregistrements volontaires, avant les échéances fixées par le règlement, sont bien entendu possibles. Enfin, le règlement REACH prévoit des dérogations à l'obligation d'enregistrement pour certaines substances ou utilisations particulières.

Il appartiendra à chaque producteur/importateur de substances chimiques de déposer un dossier d'enregistrement auprès de l'Agence européenne des produits chimiques, créée par le règlement REACH. Ce dossier détaillera notamment les dangers que présente la substance, ainsi que ses usages et les mesures de gestion du risque à mettre en œuvre dès lors que la substance sera produite ou importée au-delà d'un certain tonnage. Il fournira les données nécessaires à l'évaluation des risques liés aux usages de ces substances. Suite à ces évaluations, dans le cas où des risques seraient identifiés, les usages et la mise sur le marché des substances concernées pourraient être restreints ou interdits.

2° Dans le cadre de REACH, il appartient aux fabricants et importateurs de substances de prouver que les risques liés aux substances qu'ils produisent ou importent sont valablement maîtrisés, alors que cette charge incombait jusqu'alors aux autorités publiques.

Par ailleurs, le règlement REACH introduit un système d'information à l'intérieur de la chaîne d'approvisionnement du producteur vers l'utilisateur et inversement. La fiche de données de sécurité (FDS) constitue l'outil central de communication sur les risques et les mesures de gestion des risques à adopter tout au long de la chaîne d'approvisionnement.

3° La procédure d'autorisation consiste à interdire l'usage des substances les plus préoccupantes, sauf autorisation octroyée au cas par cas, suite à une demande formulée pour un usage particulier par une entreprise.

A cette fin, cette dernière doit produire un dossier dans lequel elle détaille l'usage qu'elle souhaite faire de la substance, les raisons qui fondent le caractère impérieux du recours à la substance pour l'utilisation considérée et les efforts de recherche entrepris pour lui trouver un substitut. En ce sens, chaque entreprise, seule ou avec d'autres, devra utiliser, le cas échéant, des produits de substitution. Cette procédure s'applique quelle que soit la quantité de substance produite ou importée et peut donc concerner des substances non enregistrées produites dans des quantités inférieures à 1 tonne/an. On estime qu'environ 1 500 substances extrêmement préoccupantes pourraient faire l'objet, à terme, d'une procédure d'autorisation.

4° Enfin, la procédure de restriction, déjà en vigueur dans le cadre de la législation antérieure issue de la directive 76/769/CEE du Conseil " limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses ", permet toujours d'interdire les usages présentant des risques non maîtrisés et ce, quelle que soit la quantité produite ou importée. Les dispositions relatives à la procédure de restriction issues de la directive 76/769/CEE sont incluses à l'annexe XVII du règlement. Cette annexe sera applicable à partir du 1er juin 2009, et la directive 76/769/CEE sera abrogée avec effet à la même date.

Les décisions d'octroi ou de refus des autorisations et les décisions de restriction relèvent des autorités européennes.

II. - Depuis le 1er juin 2008, les dispositions propres à la notification des substances nouvelles, figurant actuellement à la section 1 " Déclaration des substances nouvelles " du chapitre Ier du titre II du livre V du code de l'environnement, transposant notamment les directives 67/548/CEE et 76/769/CEE, font place au nouveau dispositif mis en place par le règlement REACH. En conséquence, les sections 1 et 2 sont modifiées de façon à prendre en compte le fait que l'ensemble des substances est désormais soumis aux obligations du règlement REACH.

Les sections 3 " Contrôle et constatation des infractions ", 4 " Sanctions administratives " et 5 " Sanctions pénales " sont modifiées de façon à permettre le contrôle de l'application du règlement REACH et la répression des manquements et infractions à l'encontre de ce règlement. Le souci d'harmoniser la police des produits chimiques conduit à remanier les sanctions déjà prévues par le code de l'environnement réprimant les manquements à d'autres règlements européens relatifs à des produits chimiques.

L'article 126 du règlement REACH impose aux Etats membres de définir un régime de sanctions applicables aux violations des dispositions de ce règlement. Nombre de manquements ne justifient pas une sanction pénale et les sanctions administratives sont efficaces pour prévenir ou réprimer la commission de certains faits. C'est pourquoi la présente ordonnance prévoit un certain nombre de mesures administratives destinées à réprimer des manquements à la législation des produits chimiques ou à remédier à leurs conséquences. Elle ne prévoit de sanctionner pénalement que les infractions à l'encontre des piliers fondamentaux de REACH, à savoir le défaut d'enregistrement ou d'autorisation, le non-respect de mesures de restrictions ou l'utilisation d'une substance, sauf justification notifiée à l'agence, en dehors du cadre de son enregistrement. Ces infractions sont qualifiées de délits et punies de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 €. La présente ordonnance prévoit par ailleurs que le non-respect des obligations du règlement en matière de transmission et de gestion des fiches de données de sécurité est un délit puni de trois mois d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 €.

Afin de permettre la répression des infractions au règlement (CE) n° 850/2004 relatif aux polluants organiques persistants (POP) et au règlement (CE) n° 842/2006 relatif à certains gaz à effet de serre fluorés, la mention de ces règlements a été ajoutée à l'article L. 521-21 définissant les sanctions pénales. Toute infraction à l'encontre de ces règlements constitue un délit puni de deux ans d'emprisonnement et d'une peine d'amende de 75 000 €.

La mise en œuvre de REACH implique aussi une modification du code du travail, notamment en ce qui concerne les dispositions visant la mise sur le marché de substances et de préparations et la déclaration des préparations dangereuses à des fins de toxicovigilance auprès de l'Institut national de recherche et de sécurité.

III. - La présente ordonnance comprend quatre articles, outre l'article d'exécution. Le premier mentionne les modifications apportées au livre V du code de l'environnement. Le deuxième modifie le code du travail, le troisième le code de la santé publique. Le quatrième prévoit une disposition transitoire valide jusqu'au 1er juin 2009 et qui n'a ainsi pas vocation à être codifiée.

Le I de l'article 1er de la présente ordonnance constitue une clarification du champ d'application du chapitre Ier du titre II du livre V du code de l'environnement (Produits chimiques et biocides), et précise notamment que le règlement REACH s'applique à la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation des substances telles quelles ou contenues dans des préparations ou des articles, REACH définissant par ailleurs ce qu'est une substance, une préparation et un article (article 3 du règlement REACH). La possibilité pour l'autorité administrative d'octroyer des exemptions pour les intérêts de la défense est rappelée.

Les II et III de l'article 1er proposent une nouvelle rédaction des articles L. 521-5 et L. 521-6 pour prendre en compte les procédures d'enregistrement ou de notification de substances prévues par le règlement REACH, qui visent désormais l'ensemble des substances chimiques. La nouvelle rédaction de l'article L. 521-5 maintient cependant l'obligation faite aux fabricants et importateurs de communiquer des données à l'autorité administrative aux fins de facilitation des contrôles. L'information sur les faits nouveaux n'est pas obligatoire si l'importateur ou le fabricant l'ont déjà transmise à l'Agence européenne des produits chimiques. L'obligation de tenir à disposition de l'administration des échantillons des substances ou des préparations est abrogée compte tenu de la lourde sujétion qu'elle représentait pour les opérateurs économiques sans apporter un réel bénéfice pour les contrôles.

La nouvelle rédaction de l'article L. 521-6 permet à l'administration de prescrire des mesures d'interdiction ou de restriction valables sur le territoire national lorsqu'une action d'urgence est indispensable pour protéger la santé humaine ou l'environnement conformément aux articles 49 et 129 du règlement REACH. Cet article permettra également de prescrire de telles mesures pour le transport de substances par voie ferrée, routière, fluviale, maritime ou aérienne - non couvert par le règlement REACH - ainsi que pour la fabrication, la mise sur le marché ou l'utilisation de substances dès lors que les exigences ne sont pas harmonisées au niveau communautaire.

Le IV de l'article 1er abroge les I et II de l'article L. 521-7 qui ne sont plus applicables depuis l'entrée en vigueur du règlement REACH le 1er juin 2007. L'ajout de la mention, dans le dernier alinéa de cet article, de l'Agence européenne des produits chimiques est nécessaire puisque cette agence est désormais chargée de collecter et d'évaluer les données d'enregistrement des substances.

Le V de l'article 1er prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 521-8 et propose de supprimer les dispositions visant à évaluer les substances au titre du règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil du 23 mars 1993 concernant l'évaluation des substances existantes, qui est abrogé par le règlement REACH depuis le 1er juin 2008 (article 139 du règlement). Par ailleurs, il est opéré un lien avec les différentes procédures d'évaluation, de restriction et d'autorisation prévues par le règlement REACH auxquelles l'article L. 521-8 se rapporte. Cette disposition est nécessaire en cas d'évaluation plus approfondie des substances ou de propositions de mesures de restrictions ou d'interdiction des substances.

Le VI supprime, à l'article L. 521-9, les dispositions relatives aux fiches de sécurité, désormais harmonisées dans le cadre du règlement REACH.

Les VII et VIII de l'article 1er visent à mettre les articles L. 521-10 et L. 521-11 du code de l'environnement en cohérence avec le règlement REACH.

Les IX, X, XI et XII de l'article 1er détaillent les conditions de déroulement des contrôles, des prélèvements et analyses des échantillons des produits chimiques et de leur éventuelle saisie. Il est instauré une autorisation pour les agents effectuant le contrôle des produits chimiques de se communiquer entre eux les informations et documents recueillis lors d'un contrôle dans le but de permettre une coordination et une meilleure efficacité des contrôles.

Les XIII et XIV de l'article 1er reconnaissent les prérogatives particulières des inspecteurs du travail par la convention n° 81 de l'OIT sur l'inspection du travail dans les articles L. 521-16  et L. 521-17.

Le XIV de l'article 1er étend le champ des contrôles à l'ensemble des réglementations de produits chimiques communautaires visées dans ce présent titre et prévoit la procédure préalable aux sanctions administratives définies au XV. Le délai de trois mois mentionné pour la remise d'éventuelles observations à un manquement signalé dans un rapport de l'autorité administrative est désormais le délai maximal que peut proposer l'autorité administrative.

Le XV de l'article 1er remplace l'article L. 521-18 par un article dressant la liste des sanctions administratives qui peuvent être appliquées aux manquements à la législation des produits chimiques. Leur aspect dissuasif en cas de non-respect des prescriptions d'une mise en demeure est renforcé. Des mesures particulières sont prévues en cas de non-respect d'une prescription d'une mise en demeure de non-respect des principales obligations imposées par les procédures du règlement REACH.

Le XVI de l'article 1er modifie l'article L. 521-19 pour préciser les conditions dans lesquelles les sanctions administratives prévues au XV peuvent s'appliquer.

Le XVII de l'article 1er modifie l'article L. 521-21 pour dresser la liste des sanctions pénales applicables notamment aux manquements aux principaux piliers de REACH. Les XVI à XXVI sont des articles de modification rédactionnelle et d'abrogation.

Le I de l'article 2 précise que le dispositif communautaire REACH remplace le dispositif national de déclaration des substances chimiques mises sur le marché pour la première fois après le 18 septembre 1981.

Le II de l'article 2 vise à remplacer les termes du code du travail par ceux employés dans le règlement REACH.

Le III de l'article 2 vise à revoir la portée des cas d'exemption à l'obligation de déclarer auprès d'un organisme agréé certains de leurs produits à des fins médicales, curatives et préventives en raison des nouvelles modalités d'enregistrement des substances nouvelles introduites par le règlement REACH.

Le IV de l'article 2 vise à supprimer la référence à l'article L. 4411-3, introduisant le règlement REACH, au sein de l'article L. 4741-9, qui définit le quantum des sanctions pour les infractions commises par une personne autre que l'employeur ou son représentant.

L'article 3 de l'ordonnance entend mieux préciser la frontière entre le domaine du médicament vétérinaire et les produits biocides pour ce qui concerne les produits qui revendiquent une action antiparasitaire externe avec une action létale sur le parasite.

L'article 4 prévoit une disposition transitoire, qui ne sera pas codifiée, permettant d'adopter au niveau national des mesures de restriction jusqu'à l'entrée en vigueur du titre VIII du règlement REACH, fixée au 1er juin 2009. Lesdites restrictions nationales resteront toutefois en vigueur jusqu'au 1er juin 2013.

Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

 

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